• il y a 10 ans
Aymeric Chauprade à propos de la dissuasion nucléaire française. "Il y a soixante ans, intervenait la première d’alerte des Mirage IV. C’est l’occasion de réitérer notre attachement à la dissuasion nucléaire et aux femmes et aux hommes, militaires comme ingénieurs qui la rendent crédible, opérationnelle et permanente. Mais cet anniversaire ne doit pas cacher les dangers qui menacent cet instrument ultime de notre indépendance nationale.

Il y d’abord les anciens responsables politiques qui aujourd’hui remettent en cause la dissuasion : l’ancien premier Ministre Michel Rocard, les anciens ministres de la défense, Paul Quilès, Hervé Morin et Alain Juppé. Ce dernier, candidat à la plus haute fonction du pays, devra expliquer aux Français pourquoi il rejette l’instrument de leur sécurité ultime dans un monde dangereux où la possession de l’arme nucléaire est toujours recherchée ; Quant à Sarkozy, il voulait supprimer la composante aéroportée en 2007 alors qu'elle est un instrument de redondance, d'excellence et de flexibilité majeurs.

François Hollande n’a pas eu le courage de faire lui-même le discours sur la dissuasion, laissant à son ministre, bientôt partant pour les élections régionales, le soin de la défendre, à sa place, le 20 novembre dernier. La dissuasion est pourtant d’abord l’affaire du Président.

Le discours rassurant de Le Drian ne correspond malheureusement pas à la réalité inquiétante pour l’avenir de notre force de dissuasion.

Premièrement, sur le plan technologique, le Commissariat à l’Energie atomique vit la rupture de ses capacités humaines et budgétaires, tout comme la Délégation Générale de l’Armement, justement au moment où la simulation exige d’importants moyens.

Deuxièmement, sur le plan industriel, l’échec d’un tir de M51 a mis en lumière des défaillances importantes, démontrant la fragilité du maintien des compétences humaines et leur transmission délicate dans la durée.

Troisièmement, sur le plan opérationnel, les ravitailleurs ont 50 ans, les infrastructures de l’île Longue, plus de 60 ans et un seul sous-marin nucléaire est en mer.

Il est crucial donc de réaffirmer notre attachement à la dissuasion fondée sur le concept de stricte suffisance et deux composantes (sous-marine et aéroportée) et d’aller vers la sanctuarisation totale des crédits de la dissuasion.

C’est cette sanctuarisation qui nous permettra :

1/ De réussir le pari de la simulation pour renouveler nos têtes nucléaires sans essais ;

2/ D’accélérer l’entrée en service des futurs ravitailleurs A330 Phénix (la dernière livraison n'est prévue qu'en 2024 !) ;

3/ D’accélérer les études sur le remplacement des vecteurs : SNLE de 3ème génération, successeur du Rafale dans cette fonction ;

4/ D’accélérer les études sur les futurs missiles (M51.3 et ASN4G) afin que toutes les options soient pleinement explorées, et la meilleure retenue ;

5/ D’investir dans l’infrastructure (notamment à l’île Longue), troisième composante souvent oubliée de notre dissuasion;

6/ D’augmenter la permanence en mer de nos SNLE en faisant passer le dispositif actuel ("Un au moins à la mer") à deux SNLE-NG en mer en permanence.

7/ D’améliorer enfin la condition des hommes de la dissuasion, ingénieurs et militaires, trop souvent négligée sur les plans financiers, professionnels et matériels.

Il faut le rappeler : la dissuasion n'est pas conçue pour combattre le terrorisme mais pour dissuader des puissances étatiques et menacer leurs centres de pouvoir; le terrorisme, lui, se combat par le renseignement et les forces spéciales. Et si le terrorisme est bien une menace présente réelle, notre horizon reste rempli de menaces étatiques.

Il ne faut pas croire non plus que la dissuasion devrait être remplacée par une défense anti-missile européenne sous verrou politique et technologique américain; la défense anti-missile ne peut être qu'un complément et non la remplaçante de notre dissuasion. Autant de raisons donc pour rester vigilants et mobilisés dans la défense de notre outil français de dissuasion nucléaire."

Category

🗞
News

Recommandations