• il y a 16 ans
On ne devrait pratiquer le christianisme qu'à la façon des Noirs emportés dans les folies du sacré, en nage, embrasés par une grande foi qui y croit encore. La transe est la vrai grandeur de l'homme. Les hurlements de bonheur, les prières égosillées, la frénésie qui s'empare du corps en état de croyance totale sont la seule musique que comprend Dieu ; du fond de son absence, il est sensible à ces témoignages de fougue et d'amour. Dans ces moments-là, le chrétien afro-américain, dans son innocente sauvagerie, fait passer l'église de la névrose à l'hystérie collective. Quoi de plus beau qu'un Noir priant un saint avec une certaine idolâtrie ?

Transposer dans la religion catholique les pratiques païennes est une subversion dont je ne me lasse pas. Comme Ayler portait plus loin les sonneries de chasse à courre ou les chants de Noël, ses ancêtres, ensorcelés par l'Esprit-Saint, transcendaient le christianisme blanc en l'enrichissant de leurs pratiques africaines. Albert Ayler a réveillé ces anachronismes divins. Il semble jouer pour des funérailles interminables. Ses thèmes sont écrits pour célébrer, en grande pompe, la mort de milliers de noirs qui croyaient en la renaissance spirituelle. Sa musique est une musique de cérémonie.

Marc-Edouard NABE - La Marseillaise

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