Norman Finkelstein: The Truth about the 1967 six-days war

  • 6 years ago
Six-Day War, 50-Year Occupation: What Really Happened in June 1967? - The Real News, June 4, 2017

In the first of an extended three-part interview on the 50th anniversary of the June 1967 Arab-Israeli war, author and scholar Norman Finkelstein debunks the enduring myths surrounding that historic confrontation -- myths that have sustained​ the ensuing Israeli ​occupation of Palestinian lands​.

Transcript: http://therealnews.com/t2/index.php?option=com_content&task=view&id=31&Itemid=74&jumival=19230
Transcript
00:05Voici l’émission The Real News, je suis Aaron Mate.
00:07Le 5 juin marque le 50e anniversaire de la guerre de 1967 entre Israël et les États arabes voisins.
00:13En six jours de conflit, Israël a capturé le Sinaï égyptien, les hauteurs du Golan syrien, la Cisjordanie et la bande de Gaza.
00:21A l’exception du Sinaï, Israël contrôle toujours tous ces territoires.
00:25De fait, l’occupation militaire israélienne de la Cisjordanie et de Gaza est la plus longue des temps modernes.
00:31Dans cette première partie, nous allons étudier ce qui s’est passé en 1967.
00:35Mais ce n’est pas seulement une leçon d’histoire.
00:37Le récit dominant de 1967 est qu’Israël a fait face à une menace existentielle, qu’il a mené une guerre défensive et qu’il ne voulait pas occuper des terres arabes.
00:47Ce récit a été utilisé à maintes reprises pour justifier la violence et la répression d’Israël dans les territoires occupés,
00:53et il est donc important que nous comprenions bien l’histoire réelle et rectifions ceux qui la déforment.
00:58Mon hôte est quelqu’un qui a accompli cette tâche pendant des décennies.
01:01Norman Finkelstein est un universitaire, auteur de nombreux ouvrages sur le conflit israélo-palestinien, et je suis très heureux qu’il soit parmi nous. Bienvenue, Norman.
01:09Eh bien, merci de me recevoir, Aaron.
01:11Merci d’être avec nous. Nous allons entendre beaucoup de commémorations de la guerre de 67,
01:15et le récit qui nous sera proposé ressemble beaucoup à celui-ci. Il est issu du New York Times.
01:20Le NY Times écrit : « Cette année marque un demi-siècle depuis la guerre israélo-arabe de 1967
01:26dans laquelle Israël a fait victorieusement face à une menace d’anéantissement par ses voisins arabes
01:30et en est également venue à dicter sa loi aux Arabes palestiniens dans les zones capturées, y compris dans la vieille ville [de Jérusalem]. »
01:37Norman, c’est le NY Times qui dit qu’Israël « a fait victorieusement face à une menace d’anéantissement » en 67.
01:42Quel est le problème avec cette image [qui nous est présentée] ?
01:43Eh bien, ce qui ne va pas avec elle, c’est que cela ne s’est jamais produit, et c’est généralement un gros problème.
01:49C’est ce qu’on appelle « falsifier l’histoire ».
01:51Les faits sont très clairs pour 1967, au moins sur le point que nous allons maintenant aborder.
02:01Les États-Unis avaient de nombreuses agences de renseignement qui surveillaient la situation entre Israël et ses voisins arabes,
02:11probablement près d’une demi-douzaine d’organismes de renseignement,
02:16et l’administration américaine sous Lyndon Johnson était rigoureusement tenue au courant de tout ce qui se passait là-bas.
02:26Maintenant, la grande question pour Israël en 1967 n’était pas de savoir s’ils allaient prévaloir sur les Arabes.
02:35Ils savaient que c’était dans la poche parce qu’ils avaient déjà [les enseignements de] leur répétition de bal en 1956 quand ils ont conquis [tout] le Sinaï en 100 heures environ,
02:45et [en 1967], nous ne sommes qu’une décennie plus tard, et ils savent qu’ils vont vaincre facilement.
02:50Leur principale préoccupation était : comment les États-Unis réagiraient-ils ?
02:56Et en 1957, une décennie plus tôt, les États-Unis avaient agi assez sévèrement.
03:03Dwight D. Eisenhower avait donné à Israël un ultimatum : sortez ou alors... En d'autres termes, sortez du Sinaï ou vous allez faire face à une forte réaction du gouvernement des États-Unis.
03:16Les Israéliens craignaient qu’il y ait une répétition de 1957 en 1967.
03:24Donc les Israéliens envoyaient beaucoup de gens pour tâter l’administration américaine,
03:33en posant des questions à des personnes qui avaient des accès et qui étaient liées à Johnson.
03:40Parmi les personnes envoyées, il y avait le Général-Major de division Meir Amit, qui était le chef du Mossad israélien, l’agence de renseignement.
03:52Maintenant, les États-Unis avaient abouti à deux conclusions fermes à propos de 1967.
03:58Conclusion numéro un, le Président égyptien Gamal Abdel Nasser n’allait pas attaquer.
04:07Il n’y avait aucun élément de preuve indiquant qu’il allait attaquer.
04:10Conclusion numéro deux, si, contre toutes les données, il attaquait, alors comme Johnson le disait à l’époque :
04:20« Vous allez leur mettre une raclée s'il attaque. C’est ce que disent tous nos services de renseignement. »
04:28Maintenant, vous pourriez poser la question, eh bien, c’est ce que le renseignement américain disait, mais que disait le renseignement israélien ?
04:35Eh bien, nous le savons, parce que le 1er juin, le Major-Général Meir Amit est venu à Washington et il a parlé à des hauts fonctionnaires américains.
04:45Il a dit, et maintenant je le cite, qu’il n’y avait « aucune différence dans l’évaluation de la situation actuelle au Moyen-Orient par nos services de renseignement [respectifs]. Aucune différence. »
05:02Ce qui signifie que les Israéliens savaient aussi que Nasser n’allait pas attaquer et qu’ils savaient aussi que s’il attaquait, alors, comme Johnson l’a déclaré : « Vous allez leur mettre une raclée. »
05:17De fait, c’est ce qui s’est passé…
05:20Le secrétaire à la Défense à l’époque était Robert McNamara et, dans les discussions internes, il a prédit que la guerre durerait de sept à dix jours.
05:33Plus tard, il se vanterait de la justesse de son estimation.
05:38En fait, la guerre était terminée non pas en six jours, mais la guerre était terminée, vraiment littéralement, elle était finie en six minutes environ.
05:46Au moment où Israël a lancé sa frappe Blitzkrieg et anéanti l’armée de l’air égyptienne, qui était encore au sol, alors les troupes au sol n’avaient aucun soutien aérien. C’était fini.
06:02La seule raison pour laquelle ça a duré six jours, c’est parce qu’ils voulaient s’emparer de territoires. C’était une capture de terres [par la force].
06:10D’accord, mais le récit que nous avons entendu pendant 50 ans, j’ai appris cela à l’école hébraïque, à l’école du dimanche,
06:16et dans mon camp d’été juif, est qu’Israël était confronté à une menace existentielle et qu’il a mené une guerre défensive.
06:21Examinons donc certains des points clés utilisés pour avancer cet argument. Puisque vous avez mentionné Nasser, commençons par lui.
06:28Il a bien ordonné le retrait des troupes de l’ONU qui étaient stationnées de son côté de la frontière israélo-égyptienne.
06:35C’est souvent cité comme preuve qu’il se préparait à attaquer Israël.
06:39Juste. Eh bien, ce qui s’est passé est qu’en avril 1967, il y a eu un combat aérien entre la force aérienne syrienne et la force aérienne israélienne.
06:52Au cours de ce combat, Israël a abattu six avions syriens, dont un au-dessus de Damas. Vous demanderez peut-être pourquoi cela s’est-il passé ?
07:04Eh bien, les preuves sont parfaitement claires pour ce qui s’est passé et nous les tenons d’une source irréfutable, à savoir Moshe Dayan, et Moshe Dayan, en 19-
07:15Qui était un général israélien.
07:16Il était le personnage principal en 1967, puis il est devenu sous [Menahem] Begin le ministre des Affaires étrangères, lorsque Begin est arrivé au pouvoir en 1977.
07:26Mais en 1976, Moshe Dayan, il a donné une interview et il a dit : « Je vais vous dire pourquoi nous avions tous ces conflits avec la Syrie.
07:36Il y avait une zone démilitarisée formée après la guerre de 1948, entre la Syrie et Israël. Alors, qu’est-ce qui se passe dans cette zone démilitarisée ? ».
07:48Dayan a déclaré : « Au moins 80% du temps, et probablement plus, mais limitons-nous à 80% du temps, nous envoyions des bulldozers dans cette zone démilitarisée,
08:04parce qu’Israël été engagé dans une saisie de terre [par la force]. Israël essayait de s'emparer de terres dans la zone démilitarisée.
08:11Il envoyait des bulldozers, les Syriens réagissaient, et cela escaladait. En avril 67, cela a escaladé en un combat aérien entre les Syriens et les Israéliens.
08:29Après cela, Israël a commencé à menacer, verbalement, qu’il allait lancer une attaque contre la Syrie.
08:39Beaucoup de responsables israéliens... La déclaration la plus célèbre est venue à ce moment-là d’Yitzhak Rabin, mais de nombreux responsables israéliens menaçaient la Syrie.
08:51Il est arrivé que l’Union soviétique a eu écho des réunions du Cabinet en Israël. À la mi-mai, le Cabinet a pris une décision : nous allons attaquer la Syrie.
09:13L’Union soviétique a communiqué cette information aux États arabes voisins. Dans l’histoire officielle, on appelle ça la fausse alarme, à savoir que l’Union soviétique aurait inventé cette attaque israélienne imminente.
09:35Lorsque vous dites « l’histoire officielle », c’est l’histoire qu’on nous enseigne et qu’on entend souvent dans les médias, oui.
09:39C’est une histoire que, littéralement, en dehors d’une poignée d’érudits, y compris d’universitaires israéliens – [personne ne connaît].
09:47Permettez-moi de citer un. L’historien israélien Ami Gluska, dans son livre L’armée israélienne et les origines de la guerre de 1967, écrit :
09:56« L’évaluation soviétique de la mi-mai 1967, qu’Israël était sur le point de frapper en Syrie, était correcte et bien fondée. »
10:03Vous savez, j’utilise souvent cette citation parce que c’était la première fois que je l’avais vue imprimée.
10:10Il y avait des rumeurs selon lesquelles Israël allait attaquer, et il y avait des indices occasionnels sur la réunion du Cabinet où ils avaient pris cette décision,
10:25mais ça n’a jamais été publié jusqu’à ce que je lise le livre de Gluska. Il dit que oui, les Israéliens avaient pris la décision d’attaquer.
10:37L’Egypte avait un pacte de défense avec la Syrie. Sachant qu’une attaque israélienne est imminente, elle avait l’obligation de se lancer au secours de la Syrie.
10:53Elle déplace donc des troupes égyptiennes dans le Sinaï. Séparant l’Egypte d’Israël, il y avait une force de maintien de la paix appelée United National Emergency Force, l’UNEF.
11:09Nasser a demandé à U Thant de la retirer…
11:13Le secrétaire général.
11:14Excusez-moi, oui. Le Secrétaire général de l’ONU. Il a demandé au Secrétaire général de l’ONU, U Thant, de retirer l’UNEF, la Force d’urgence des Nations Unies.
11:27En vertu de la loi, U Thant avait l’obligation de retirer ces forces. Maintenant, U Thant a été très vicieusement attaqué pour cette décision.
11:44En fait, elle a détruit son mandat aux Nations Unies, car tout le monde l’a blâmé pour la guerre de 1967. Tout cela est oublié maintenant, mais c’est ce qui s’est passé.
11:58Mais il y avait une réponse simple. Il y avait une réaction simple [à cette demande de Nasser].
12:04Mettez-les du côté israélien.
12:05Oui, parce qu’en 1957, lorsque l’UNEF a été installé, l’accord était censé la voir placée sur le côté égyptien de la frontière et sur le côté israélien de la frontière.
12:21Ainsi, en 67, une fois que Nasser a dit : « Retirez l’UNEF de notre côté », tout ce qu’Israël avait à dire, c’est « Bien, nous allons le repositionner de notre côté de la frontière », à savoir le côté israélien.
12:41Ils n’ont pas fait cela. Si l’UNEF aurait vraiment pu éviter une attaque égyptienne, et c’est ce qu’Israël suggère en disant que U Thant a commis cette erreur monumentale en l’enlevant,
13:00pourquoi ne l’avez-vous pas tout simplement positionnée de l’autre côté de la frontière ?
13:03Permettez-moi de poursuivre avec les autres raisons invoquées en faveur d’Israël pour justifier leur attaque. Il y avait des attaques de guérilla contre le côté israélien lancées depuis la Jordanie et la Syrie.
13:16Mm-hmm (affirmatif).
13:16Elles sont décrites dans l’histoire officielle comme une menace majeure pour la sécurité d’Israël.
13:22Eh bien, tout d’abord, nous devons comprendre ce qu’il y avait derrière ces attaques. Il s’agissait de raids de commandos palestiniens, principalement soutenus par le régime syrien.
13:36Mais comme les officiers supérieurs israéliens l’ont reconnu, la raison pour laquelle la Syrie soutenait ces raids de commandos était la capture de terres par Israël dans les zones démilitarisées.
13:53Deuxièmement, avec tout le respect qui leur est dû, je ne vais pas ridiculiser les Palestiniens ou l’OLP, je reconnais qu’il s’agissait d’actes de courage de la part de personnes qui ont été dépossédées de leur patrie –
14:09En 1948.
14:10En 48. C’était des réfugiés. Rappelez-vous, il s’est passé peu de temps entre 48 et 67. C’est moins d’une génération. Mais la réalité historique montre que ces raids de commandos étaient extrêmement inefficaces.
14:31L’un des chefs du renseignement israélien, Yehoshafat Harkabi, les a décrits après 67 comme « très peu impressionnants selon n’importe quelle norme. »
14:46D’accord. L’autre incident historique principal cité est que Nasser a fermé le détroit de Tiran.
14:52Oui, donc au milieu du mois de mai, je pense que c’était le 17 ou le 18 mai, Nasser a fermé...
14:59Il y avait aussi des forces de l’UNEF stationnées près du détroit de Tiran, et elles ont été enlevées lorsque Nasser a demandé à U Thant de retirer l’UNEF.
15:12U Thant, encore une fois, a été très lourdement critiqué pour cela. On a prétendu qu’il aurait pu seulement retirer l’UNEF de la frontière égypto-israélienne et non du détroit de Tiran, mais il les a tous retirés.
15:27J’ai lu sa défense. J’ai trouvé sa défense très crédible. C’était un homme extrêmement honorable, U Thant. Probablement le plus honorable secrétaire général de l’ONU de toute son histoire.
15:41Quoi qu’il en soit, l’UNEF a été retiré du détroit de Tiran et Nasser a déclaré le détroit de Tiran fermé. Maintenant, le détroit de Tiran –
15:54Donc, l’UNEF a été retirée de Sharm el-Sheikh.
15:56Oui. C’est essentiellement la même zone.
16:00C’était la voie navigable vers Eilat, la ville portuaire israélienne d’Eilat. Eh bien, que dire de cette décision ?
16:13Premièrement, Abba Eban, qui a toujours été porté à la dramatisation –
16:20Un célèbre diplomate israélien.
16:21Il était alors le représentant israélien à l’ONU. Plus tard, il est devenu ministre des Affaires étrangères. Il a dit, très dramatiquement, « Israël respire maintenant avec un seul poumon. »
16:35C’était sa phrase célèbre. Quoi qu’il en soit, Eilat était à peine utilisé. La seule marchandise importante qui venait via Eilat était le pétrole, mais Israël avait plusieurs mois d’approvisionnement de pétrole accumulés,
16:56de sorte que l’approvisionnement en pétrole n’était pas menacé, au moins pendant plusieurs mois.
17:04Mais le plus important est qu’il n’y a pas eu de blocus. Il se trouve que Nasser était un fanfaron : il a annoncé un blocus, l’a appliqué pendant ce qu’on estime habituellement à environ deux à trois jours,
17:22puis il a commencé à laisser les navires [israéliens] passer tranquillement. Il n’y avait pas de blocus. Le problème n’était pas un blocage physique, le problème était politique.
17:37A savoir que Nasser avait publiquement défié Israël. Il avait scellé une « voie navigable internationale », comme l’a déclaré Israël.
17:52S’il s’agissait d’une voie navigable internationale, ou si elle appartenait à l’Egypte, est une question juridique complexe.
18:00Nasser a déclaré, à la fin du mois de mai, il a déclaré à plusieurs reprises : « Israël prétend qu’il a le droit de passage dans le détroit de Tiran. Nous disons qu’ils ne l’ont pas. Allons à la Cour internationale de Justice pour en juger. »
18:18Quelques jours seulement avant que la guerre éclate.
18:20Quelques jours, oui. Environ une semaine auparavant.
18:25Israël dit : « Non, nous n’allons pas à la Cour internationale », parce qu’Israël veut le droit de faire ce qu’il lui plaît, quand ça lui plaît.
18:37Vous n’allez pas sur un pied d’égalité avec un Arabe devant la Cour internationale de Justice. « Ce n’est pas la façon dont les choses fonctionnent ici. Nous sommes les chefs ici. »
18:50Ce n’était donc pas une voie navigable importante. Le seul produit important qui y entrait était le pétrole. Ils avaient des approvisionnements importants en pétrole. La voie navigable n’a pas été fermée.
19:06Nasser a proposé de porter l’affaire à la Cour internationale de Justice pour statuer. Ce n’est pas, pour utiliser le langage technique, ce n’est pas un casus belli, une justification pour la guerre.
19:19Ensuite, il y a des questions juridiques distinctes, à savoir qu'en vertu de l’article 51 de la Charte des Nations Unies, vous êtes autorisé à lancer une attaque préventive seulement en cas d’attaque armée contre vous.
19:37La fermeture d’une voie navigable n’est pas une attaque armée. Cela aurait dû être porté au Conseil de sécurité.
19:43Donc il y a 1000 raisons, vous savez, c’est une question qui a différents niveaux et aspects, mais dans tous les chefs d’accusation, Israël n’avait aucune justification. À chaque égard, Israël n’avait aucune raison valable.
19:55Vous avez abordé un peu ce sujet, mais peut-être pouvez-vous entrer dans les détails : pourquoi Israël a pris des mesures si extraordinaires pour lancer cette guerre et s’emparer de tant de territoire ? Quelle était leur motivation ?
20:06Eh bien, ce sont plusieurs motivations qui convergent. L’image d’ensemble est qu’Israël, depuis sa fondation en 1948, en particulier son Premier ministre et sa figure dominante, David Ben Gourion,
20:24il s’est toujours inquiété de ce qu’il appelait un « Atatürk arabe » arrivant au pouvoir dans le monde arabe. A savoir, quelqu’un comme la figure turque Kemal Ataturk qui a modernisé la Turquie,
20:41a amené la Turquie dans le monde moderne, et il y avait toujours la peur de Ben Gurion selon lequel une figure comme Ataturk pourrait émerger dans le monde arabe,
20:57et le monde arabe se retirerait alors de l’état d'arriération et de dépendance vis-à-vis de l’Occident, et deviendrait une puissance avec laquelle il faudrait compter dans le monde et dans la région.
21:09En 1952, quand il y a eu la révolution égyptienne, et que finalement Nasser a émergé comme la figure dominante, Nasser était une sorte de figure emblématique de cette époque.
21:25C’est évidemment complètement oublié par tout le monde, sauf les historiens, mais c’était une époque très enivrante, c’était l’ère d’après-guerre du non-alignement, le Tiers-mondisme…
21:39La solidarité au sein du Tiers-Monde, oui.
21:40... l’anti-impérialisme, la décolonisation et les figures emblématiques étaient Nehru en Inde, Tito en Yougoslavie et Nasser. Les trois d’entre eux n’étaient pas officiellement le bloc soviétique. Ils étaient une troisième force.
22:00Non-alignée.
22:00Non-alignée, exactement. Les Non-alignés ont tendance à pencher vers le bloc soviétique parce que le bloc soviétique était officiellement anti-impérialiste, mais ils n’étaient pas alignés.
22:11Nasser était l’un des personnages dominants de cette période, donc il était anti-impérialiste, il était un modernisateur.
22:22Israël était vu, non sans raison, comme un implant occidental dans le monde arabe, et était également considéré comme essayant de maintenir le monde arabe [dans l’arriération].
22:40Il y avait donc une sorte de conflit et de collision entre Nasser et Israël.
22:48Et cela a commencé, encore une fois [ce que je dis est] très scrupuleusement documenté, pas par Finkelstein, mais par un historien mainstream très réputé, à savoir Benny Morris.
22:59Si vous regardez son livre, « Les guerres des frontières d’Israël », qui parle de la période de 1949 à 1956, il montre qu’autour de 1952-53, Ben Gourion et Moshe Dayan, étaient vraiment déterminés, et je le cite littéralement de lui, à provoquer Nasser.
23:25A continuer à le frapper et à le frapper jusqu’à ce qu’ils aient un prétexte pour détruire Nasser. Ils voulaient se débarrasser de lui, et de continuer à le provoquer.
23:37Et dans une certaine mesure, Nasser ne pouvait pas s’empêcher [de riposter] après un certain point, il a été pris dans le piège, essentiellement.
23:45Cela n’a pas fonctionné exactement comme l’espéraient les Israéliens et donc en 56, ils ont comploté, en collusion avec les Britanniques et les Français, pour renverser Nasser.
23:55Cela a fonctionné, jusqu’à un certain point. Ils ont envahi le Sinaï, les Britanniques et les Français ont joué leur rôle dans cette collusion…
24:04Mais les Américains leur ont dit d’arrêter.
24:05Pour plusieurs raisons qui ne valent pas la peine d’être évoquées maintenant, les Américains ont dit à Israël de sortir.
24:12Ils voulaient retarder tout ça, en gros.
24:14Oui. Dwight Eisenhower ne pensait pas que le moment était venu. Mais bien sûr, [les Américains] voulaient eux aussi se débarrasser de Nasser. Ils le voyaient tous comme une aiguille plantée dans leurs flancs.
24:25Donc 67 n’est fondamentalement qu’une répétition de 56, avec un changement critique.
24:35Le soutien américain.
24:36Les États-Unis ne s’y sont pas opposés. Ils ont été très prudents et précautionneux dans leur formulation.
24:43Certaines personnes l’appellent un feu orange, certaines personnes l’appellent un feu vert, mais ils ne l’ont pas ouvertement soutenu, car c’était illégal.
24:52Vous savez ce qu’a fait Israël. À ce moment-là, les États-Unis menaient une guerre au Vietnam qui était très impopulaire, et ils ne voulaient pas en plus s’engager dans le soutien à Israël,
25:07ce qui aurait également été vu comme le colonialisme occidental qui tente de s’affirmer sur le Tiers-Monde, le monde non-aligné, quel que le nom qu’on lui donne.
25:18Le premier objectif était d’éliminer Nasser. C’était un objectif à long terme, de maintenir le monde arabe dans l’arriération. De le maintenir dans un état subordonné, primitif.
25:32Deuxièmement, c’est ce qui s’est passé avec la fermeture du détroit de Tiran. À savoir, Nasser agissait de manière très arrogante. Il défiait les Israéliens.
25:45Dans une certaine mesure, il les houspillait, je pense que c’est vrai. Ce n’était que du vent, et les Israéliens savaient que c’était du vent,
25:57mais ils pensaient... Une phrase très révélatrice de l’une des réunions du Cabinet a été prononcée par quelqu’un qui, à ce moment-là, était commandant, Ariel Sharon.
26:09Il y avait certains membres du Cabinet israélien qui hésitaient encore à lancer une attaque. Il a déclaré : « Nous devons attaquer maintenant, parce que nous perdons notre capacité de dissuasion. »
26:25C’est l’une des phrases favorites des militaires israéliens.
26:28Ça continue aujourd’hui avec Gaza…
26:29Oui.
26:30Et le Liban.
26:31La « capacité de dissuasion » signifie la peur qu’a de nous le monde arabe, que Nasser attisait le moral des Arabes et qu’ils n’avaient plus peur.
26:43Pour les Israéliens, la peur, la capacité de dissuasion, est une carte très forte de leur côté, pour garder les Arabes à leur place.
26:53Donc, la deuxième raison était qu’ils devaient restaurer, comme ils l’appellent, leur capacité de dissuasion.
27:02La troisième (raison), que je ne caractériserais pas comme principale, je ne dirais pas que c'était LA raison, tous les généraux avaient leurs propres désirs de vouloir récupérer des terres.
27:17Tout le monde a convenu qu’ils voulaient obtenir Jérusalem, parce qu’ils en avaient perdu une partie en 48.
27:24Un grand nombre d’entre eux voulait la Cisjordanie, d’autres voulaient les hauteurs du Golan, d’autres voulaient le Sinaï, et il y avait donc un élément de capture de territoires dans la guerre.
27:41D’accord sur ce point, et une question rapide alors que nous arrivons à la fin de la première partie de cette discussion.
27:45En ce qui concerne la capture de terre en Cisjordanie, la présence aujourd’hui en Cisjordanie de centaines de milliers de colons juifs, dont beaucoup sont des fanatiques religieux qui croient qu’ils sont là parce que Dieu leur a promis cette terre,
27:56est-ce que ce type de fanatisme religieux était une composante forte dans la pensée interne israélienne à ce moment-là ? Comme le fait de vouloir...
28:03Ce n’était pas religieux… Mais vous devez vous rappeler que le mouvement sioniste était très majoritairement séculier, très majoritairement athée.
28:13En fait, un grand nombre d’entre eux se considéraient comme des socialistes et des communistes et n’avaient aucune attache avec la religion.
28:19Mais ils considéraient tout de même qu’ils avaient un titre légal sur la terre, parce que dans leur pensée, la Bible n’était pas seulement un document religieux, la Bible était un document historique,
28:35et historiquement, les Juifs ont été en Palestine, et elle leur appartenait. C’était la même mentalité en 67. C’était séculier, mais c’était aussi profondément enraciné et fanatique.
28:54Le fait qu’ils avaient une revendication sur la terre n’en faisait pas nécessairement dans leur esprit une revendication religieuse. C’était une revendication séculière, mais quand même une revendication fanatique,
29:07que c’était leur terre parce que c’est ce qui était dit dans la Bible, et la Bible est un document historique, vous savez, pour eux, la Bible est un acte [de propriété] historique.
29:17Cela va conclure cette partie de la discussion. Dans la prochaine partie, nous allons voir ce qui a changé pour Israël après 67 en termes de soutien juif américain et aussi de soutien du gouvernement américain,
29:31et comment ces deux éléments se sont entrelacés. Mon invité est Norman Finkelstein. Rejoignez-nous dans la prochaine partie de cette discussion.

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