• l’année dernière
Frédéric a 83 ans, dont 63 de coiffure. Les murs de son salon sont recouverts de miroirs et de photos de celles et ceux qu'il a coiffés : Romy Schneider, Juliette Gréco, Jean Cocteau, Dalida, Joséphine Baker, Grace Kelly… Il y accueille tous les jours ses clientes. Et ne compte pas s'arrêter.


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😹
Amusant
Transcription
00:00 Alors ce qui est important, vous voyez, pour les chignons,
00:04 c'est qu'il y ait une assise où vous pouvez mettre
00:07 tout ce que vous voulez dessus
00:09 pour que ça tienne.
00:11 Il ne faut pas que tout ça se casse la gueule.
00:14 Ça c'est important.
00:16 Les chignons, quand on en faisait, nous,
00:19 ça durait une semaine.
00:21 Il y avait beaucoup de réceptions à mon époque.
00:24 Il y avait des soirées, des fois des jeunes filles, il y avait
00:27 8 soirées de trucs, de fêtes qui se donnaient, de trucs.
00:34 C'était fou.
00:36 J'ai commencé à 20 ans.
00:37 J'ai 83 ans aujourd'hui.
00:40 63 ans de coiffure.
00:42 Ça fait un bail.
00:43 Alors là-haut, vous avez Arletti.
00:51 Et puis, ça c'était les clientes que je faisais.
00:55 Je vous fais voir la maria.
00:59 Je ne suis plus le jeune homme que j'ai été.
01:03 Ça c'est Romy.
01:06 Une autre photo de Romy.
01:08 Elle était très familière à Romy.
01:11 On n'était ni le même âge.
01:13 Elle c'était 38, moi aussi c'était 38.
01:16 Elle a dit "Ah, on a bien rigolé, hein ?
01:19 Voilà, à bientôt."
01:21 C'était une connerie.
01:22 Elle était comme ça.
01:23 Elle était une très petite fille.
01:26 Alors ça, c'est Jeanne Berkins avec...
01:29 Comment il s'appelle ?
01:30 Baudos.
01:32 Ça, c'est Marie-Hélène de Rothschild avec Madame Van Der Kempf.
01:36 Ça, c'était Dalida.
01:38 Ça, c'était Elzaminelli au trocadéro.
01:40 Grâce Kelly.
01:41 Là, c'était une princesse d'Autriche.
01:43 C'est la Begum et Bettina.
01:45 Tino Rossi et sa femme, Joséphine Backer.
01:48 Ça, c'était Juliette Gréco.
01:51 Que j'ai là-haut, là.
01:52 J'aimais beaucoup Gréco, moi.
01:54 Parce qu'elle était nature, elle était formidable.
01:56 En fait, toutes les semaines, j'allais les coiffer.
01:59 Gréco, j'allais la coiffer à Rue de Verneuil.
02:01 J'allais...
02:03 C'était...
02:04 Il y avait une relation.
02:06 C'est ça, ce qui m'a apporté dans mon métier,
02:07 qui était assez extraordinaire.
02:11 Il y avait une...
02:13 J'allais dans les plus grands palaces,
02:14 j'allais dans les plus grands restaurants,
02:16 elles m'invitaient.
02:16 J'allais à New York.
02:18 Non, mais c'était extraordinaire.
02:21 Mes parents étaient bouchés place aux herbes à Saint-Tropez,
02:24 juste derrière chez Sénéquier.
02:25 Et ça, j'aimais pas beaucoup.
02:27 Ça, j'aimais pas beaucoup.
02:28 Le sang, la mort, les trucs...
02:32 Bon, enfin, c'était comme ça.
02:33 Ma mère était assez dure.
02:35 C'était une italienne.
02:39 Et il fallait que les gosses rapportent.
02:41 Donc, à la mort de mon père,
02:44 elle a attendu que j'aie 14 ans.
02:45 Et là, elle m'a fait travailler.
02:47 Il fallait que j'aille travailler.
02:49 Il fallait travailler.
02:50 Elle me disait, "Je te loge, je te nourris,
02:52 ça doit te suffire."
02:54 Et là, j'ai rencontré quelqu'un à 17 ans.
02:57 Et ma mère s'est aperçue que j'étais homosexuel.
03:00 À toutes les clientes qui arrivaient à la boucherie,
03:02 elle disait aux clientes, "Mon fils, c'est pédé."
03:05 Alors, à ce moment-là, j'ai dit...
03:08 J'ai dit, "Écoute, maman, le scandale est tel,
03:11 que qu'est-ce qu'on fait ?"
03:12 Elle m'a dit, "La porte est grande, ouverte,
03:14 tu peux partir."
03:14 J'ai dit, "Je peux partir ? Je pars."
03:17 Et je suis parti comme j'étais, avec rien.
03:19 J'ai tout laissé, tous mes souvenirs derrière moi.
03:21 Et je suis venu à Paris.
03:23 Et là, à Paris, ça a été une autre ambiance.
03:28 Parce que j'étais dans un milieu qui ne condamnait pas.
03:32 Mon patron était de la même catégorie.
03:35 Puisque je suis rentré chez Alexandre en 60.
03:39 Mon nom officiel, c'était Roger Pierre Frédéric.
03:42 Mais il y avait déjà un Roger.
03:43 Dans, il fallait être débaptisé.
03:45 Et j'ai pris le nom de Frédéric Somigli.
03:47 Alors, pour Frédéric, toute mon affection, ça...
03:50 Après, il n'y avait plus, je crois.
03:52 On faisait 400 clientes par jour, entre Alexandre.
03:58 C'était le coiffeur.
03:59 Il fallait en être.
04:01 C'était comme un club.
04:02 On se bousculait pour être là.
04:04 Si vous voulez, ça a été le tuteur de ma vie, la coiffure.
04:08 C'est-à-dire, j'avais un métier, je pouvais me défendre.
04:10 La cliente vient avec sa personnalité.
04:18 Et avec ça, il faut que vous arriviez à vous battre pour la rendre belle.
04:27 Par exemple, mademoiselle, là, je trouve qu'elle a besoin de douceur.
04:31 Ici, il faut qu'elle ait un truc qui la bille.
04:40 Dans le visage, par exemple, vous regardez son visage.
04:44 Bon, elle a un visage où il manque des volumes ici.
04:49 Parce que la base, c'est le triangle.
04:53 Alors, il faut que je compense ce qui manque là par du cheveu.
04:58 Parce que j'ai une architecture qui doit compenser les défauts.
05:07 Pour rendre le visage doux, agréable et tout.
05:13 Vous avez une pierre.
05:17 Vous allez la sculpter, la pierre.
05:20 Je dois l'adoucir.
05:21 Le marron et l'hydrochile me disaient "ça fait cocoteux ton salon".
05:38 J'ai dit "c'est ce que je veux".
05:41 C'est ça.
05:42 Je voulais faire quelque chose qui soit différent de tous les coiffeurs.
05:47 Et je trouve que c'est pas mal qu'une femme se voit dans le miroir.
05:52 Un miroir, c'est quand même embellissant du visage.
05:58 Alors, vous voyez, c'est une construction.
06:01 J'ai une patte.
06:02 Je ne sais pas où je vais quelquefois.
06:04 C'est le cheveu qui me guide.
06:05 Petite.
06:06 Vous venez me voir ?
06:14 Non, non, non.
06:18 Ça va, je vous fais donner un coup de fer.
06:21 Vous faites une clientèle à votre image.
06:25 Ça, c'est sûr.
06:27 On est bavard, les coiffeurs.
06:29 On veut connaître le sujet qu'on a dans les mains.
06:32 Une histoire qui m'amuse toujours.
06:34 Un jour, un monsieur rentre dans un salon de coiffeur.
06:38 Et le coiffeur lui dit "comment voulez-vous être coiffé ?"
06:40 Et l'autre lui répond "en silence".
06:43 Je trouve ça très bon.
06:46 En silence.
06:47 C'est vrai qu'on parle plus que de coutume.
06:51 J'ai un grand professeur pour le cœur.
06:59 Il a 92 ans.
07:01 Mais tout le temps, il me dit "Frédéric, n'arrêtez pas.
07:04 N'arrêtez pas.
07:05 Tous les malades que j'ai, quand ils arrêtent, ils meurent.
07:10 Un an après, un an et demi après.
07:12 Des fois, je me compare à un arbre.
07:14 Vous savez, un arbre fait des fruits.
07:15 Il fait toujours les mêmes fruits.
07:18 Et moi, on pourrait dire "vous donnez le même truc, le même travail".
07:23 Mais vous donnez des fruits jusqu'au bout.
07:24 Même s'il se raréfie.
07:26 Et puis, boum, la plante s'arrête.
07:28 Mais je sais que ce sera ma vie.
07:33 Vous voyez, le visage a complètement changé, comme je vous ai habillé.
07:42 Non, là, vous êtes très bien.
07:49 Je vais vous donner un miroir.
07:50 Vous allez vous voir.
07:51 Et encore, je n'ai pas fait trop à prêter.
07:54 Et ça fait naturel.
07:56 Parce que maintenant, il faut s'adapter au truc naturel.
08:00 C'est plus ce que vous étiez.
08:02 Voilà, mademoiselle.
08:05 Ce soir, vous allez aller au bal.
08:09 Et toi, mon profil.
08:17 C'était bien bien.
08:23 Merci.
08:24 Au revoir.
08:24 [Musique]

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