Chroniqueur : Thomas Sotto
Thomas Sotto reçoit David Lisnard, maire (LR) de Cannes et président de l'association des maires de France, dans les 4 vérités.
Thomas Sotto reçoit David Lisnard, maire (LR) de Cannes et président de l'association des maires de France, dans les 4 vérités.
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00:00 [Musique]
00:02 Bonjour et bienvenue dans les 4V, David Lissnard.
00:04 Le livre auquel vous avez participé s'appelle "Le réveil de la droite" et si c'était lui,
00:09 certains vous diront qu'elle est bien réveillée la droite, qu'elle est même au pouvoir,
00:13 incarnée par un monsieur qui s'appelle Emmanuel Macron. Est-ce que ce n'est pas ça finalement le principal problème des républicains aujourd'hui ?
00:19 Bonjour, le livre dont je suis l'objet, ce nom aussi, et avec effectivement une partie entretien que j'assume.
00:28 Je crois qu'aujourd'hui,
00:30 notre pays est face à une impasse. Vous venez d'évoquer une incongruité
00:33 administrative et bureaucratique. C'est ce que l'on rencontre partout avec ce nœud gordien,
00:38 pour reprendre l'expression de Pompidou, qui est celui du record du monde des prélèvements obligatoires, impôts et charges,
00:43 du record du monde de la dépense publique et parallèlement des services publics de proximité qui se délitent,
00:49 d'un déclassement français que l'on retrouve dans beaucoup de domaines, qui fait que beaucoup de nos compatriotes,
00:56 des classes populaires, des classes moyennes,
00:58 ressentent ce déclassement dans l'éducation pour les enfants, dans la sécurité, dans des fonctions de base.
01:03 Et face à cela, il faut, me semble-t-il,
01:06 retrouver une matrice qui place la liberté comme moteur de la prospérité,
01:10 une matrice qui remette l'autorité de l'État au cœur du pacte national,
01:14 et puis par la culture, par l'instruction publique, qu'on retrouve le sens du mérite
01:20 d'une certaine dynamique républicaine.
01:23 Et ce n'est plus, selon vous, Emmanuel Macron qui peut incarner ça ?
01:25 Ça n'a jamais été selon moi.
01:27 Vous avez des rapports avec lui qui ont été un peu particuliers.
01:29 Au début, vous étiez en confiance, il vous racontait dans le livre,
01:31 il vous envoyait même ses discours quand il était ministre de l'économie,
01:33 pour que vous les annotiez, etc.
01:35 Vous les aimiez à l'époque ?
01:37 Oui, j'étais assez séduit par le côté, je ne l'ai jamais caché d'ailleurs,
01:41 il était ministre de l'économie dans un gouvernement socialiste,
01:43 il nous parlait de libéraliser l'économie, d'attaquer...
01:45 Il était de droite quoi ?
01:47 Oui, mais je me suis rendu compte en discussion qu'en fait,
01:49 il était en même temps de gauche avec d'autres,
01:51 et qu'importe d'ailleurs,
01:53 aujourd'hui on est passé à autre chose,
01:55 notre pays est en véritable déclassement,
01:57 il ne faut pas le nier,
01:59 mais on a aussi tous les moyens de rebondir,
02:01 à condition qu'on retrouve sur dix ans l'absence de l'effort collectif,
02:05 le retour à ce qui a fait la force et la puissance de la France,
02:09 qu'on porte une ambition scientifique,
02:11 qu'on s'attaque aux problèmes écologiques par la science,
02:13 par le progrès,
02:15 tous ces discours qui sont trop souvent absents du théâtre d'ombre
02:17 qu'est devenu la politique,
02:19 et il me semble que c'est une période charnière.
02:21 Un peu de théâtre d'ombre et un peu de cynisme à la politique,
02:23 vous dites "je me suis rendu compte, en parlant d'Emmanuel Macron,
02:25 qu'il me disait ce que j'avais envie d'entendre",
02:27 est-ce que, même si c'est cynique encore une fois,
02:29 ce n'est pas ça finalement la politique aujourd'hui,
02:31 en tout cas la perception que beaucoup de Français ont de la politique ?
02:33 La politique c'est noble,
02:35 on ne peut pas s'en passer la politique,
02:37 au-delà de la gestion de la cité,
02:39 c'est la façon dont on se projette collectivement,
02:41 on est une société fragmentée, une société éclatée,
02:43 la politique c'est ce qui doit créer du ciment social
02:45 par la prospérité, par la culture,
02:47 par l'ordre, par la justice,
02:49 et le cynisme précisément a fait beaucoup de mal,
02:51 je pense qu'il y a eu un renversement avec François Mitterrand,
02:55 la modalité qui est la prise de pouvoir est devenue une finalité,
02:59 être au pouvoir et y rester,
03:01 mais je vois, moi tous les jours,
03:03 dans mes fonctions de maire et avec l'association des maires de France,
03:05 ce que je vois c'est la vraie politique,
03:07 c'est des femmes et des hommes très dévoués,
03:09 honnêtes, bosseurs,
03:11 qui ont des convictions, moi je n'hésite pas à affirmer les miennes,
03:13 mais qui ne sont pas dogmatiques,
03:15 qui ne sont pas sectaires,
03:17 on doit porter un espoir aussi,
03:19 et on a besoin de politique,
03:21 on a besoin de réhabiliter la démocratie,
03:23 de montrer que la démocratie, comme disait Churchill,
03:25 c'est le pire des systèmes, après tous les autres.
03:27 - Après tous les autres. Vous parlez de convictions,
03:29 vous êtes clairement à droite,
03:31 vous l'assumez clairement,
03:33 quelle est la différence entre David Lissnard et Eric Ciotti,
03:35 ou David Lissnard et Marine Le Pen ?
03:37 On a parfois du mal à vous situer.
03:39 - C'est pas à moi de le dire,
03:41 moi j'affirme mes convictions,
03:43 et mes actions,
03:45 dans ma commune,
03:47 les personnes qui étaient à gauche,
03:49 beaucoup me soutiennent,
03:51 les personnes qui sont plus à droite que moi me soutiennent aussi,
03:53 parce qu'on baisse la dette chaque année,
03:55 parce qu'il y a des erreurs,
03:57 mais on exécute ce que l'on a dit, on rend des comptes.
03:59 - Vous faites vous aussi du en même temps ?
04:01 - Non, non, c'est pas du tout ça.
04:03 Le en même temps, lorsque ça permet de comprendre
04:05 une complexité, c'est intéressant.
04:07 En revanche, la décision, elle ne peut pas être en même temps.
04:09 On ne peut pas en même temps fermer les centrales nucléaires,
04:11 et en même temps électrifier le pays.
04:13 C'est ce qu'on vient de vivre, qui est la grande faute de ces dernières années.
04:15 C'est un autre sujet.
04:17 Par rapport à cela, j'ai une matrice,
04:19 par mon parcours,
04:21 par l'expérience,
04:23 j'insiste beaucoup sur le progrès scientifique,
04:25 sur la nécessité de s'attaquer au wokeisme,
04:27 et donc de remettre sur le devant de la scène
04:29 l'universalisme républicain,
04:31 de montrer que
04:33 il y a les problèmes de pouvoir d'achat qui sont essentiels,
04:35 on le voit très bien avec l'inflation actuelle,
04:37 qui est le fruit du social-étatisme,
04:39 et j'assume cette part libérale,
04:41 l'injection budgétaire crée de la dépendance
04:43 individuelle
04:45 à la dépense publique,
04:47 et déresponsabilise.
04:49 Mais parallèlement, de porter une espérance,
04:51 je le disais, sur une ambition,
04:53 notamment scientifique,
04:55 et je crois que c'est très important de souligner ces points-là.
04:57 - Sur le dossier du moment, la réforme des retraites,
04:59 est-ce que, selon vous, les députés LR, au fait parti des républicains,
05:01 doivent voter cette réforme ou pas ?
05:03 - Je ne suis pas député,
05:05 mais je trouve que la position d'Eric Ciotti
05:07 est la bonne, c'est-à-dire que c'est une position de cohérence,
05:09 en disant et en essayant d'obtenir
05:11 le caractère charnière
05:13 de LR au Parlement, et en particulier
05:15 à l'Assemblée Nationale, pour obtenir
05:17 des avantages,
05:19 notamment pour les carrières
05:21 dites hachées ou interrompues,
05:23 pour les mères de famille...
05:25 - Quand vous entendez Franck Riester, le ministre des Relations avec le Parlement,
05:27 qui dit avant-hier... - Oui, c'est un aveu !
05:29 - Les femmes vont être un peu pénalisées, oui, c'est vrai.
05:31 - Il faut profiter du débat parlementaire pour que les femmes
05:33 ne soient pas pénalisées, c'est absolument délirant.
05:35 LR, en l'occurrence, on peut lui faire
05:37 tous les reproches, mais fait preuve de cohérence
05:39 sur un sujet difficile. Ce qui est incohérent,
05:41 c'est la politique
05:43 de l'exécutif, qui... Comment
05:45 justifier, si vous voulez, des efforts sociaux
05:47 sur des raisons comptables
05:49 lorsque les mêmes
05:51 laissent partir les comptes dans tous les sens ?
05:53 Même l'explication comptable qui est avancée,
05:55 qui est technocratique, qui est froide, elle n'a pas de sens.
05:57 Juste un chiffre.
05:59 Depuis cinq ans, l'augmentation du PIB,
06:01 il y a eu la crise avec le Covid,
06:03 puis la reprise, ça représente
06:05 une augmentation de richesse produite en France
06:07 de 162 milliards d'euros.
06:09 Parallèlement, la dépense de l'État, la dépense
06:11 sociale, la dépense publique a augmenté
06:13 de 585 milliards d'euros.
06:15 Ce chiffre est étourdissant, il devrait être au cœur du débat.
06:17 Ce qui veut dire quoi ? Que lorsqu'on dépense
06:19 que pour avoir un euro
06:21 de croissance économique en France aujourd'hui,
06:23 on dépense 3,61 euros
06:25 d'argent public.
06:27 Ce système ne peut exploser, nous sommes en train de planter
06:29 les générations futures. - Cette réforme des retraites,
06:31 elle n'est pas comprise, elle n'est pas populaire,
06:33 le Conseil ne la trouve pas juste. Est-ce que vous comprenez
06:35 l'incompréhension ? Parce qu'on peut dire ce qu'on voudra,
06:37 on peut tordre les chiffres dans tous les sens,
06:39 notre système de retraite, aujourd'hui,
06:41 il n'est pas au bord du gouffre. Est-ce que vous comprenez
06:43 l'incompréhension ? - Je comprends
06:45 d'autant plus l'incompréhension que cette réforme
06:47 est justifiée pour des raisons comptables
06:49 que je comprends aussi, c'est-à-dire, il y avait six actifs
06:51 à la libération pour un retraité,
06:53 puis il y avait quatre actifs, 1,1 pour un retraité
06:55 en 1960, aujourd'hui on est à 1,7 actif,
06:57 augmentation de l'expérience de vie
06:59 et surtout, entrer plus tard sur le marché du travail
07:01 - Est-ce que ce système de répartition est encore le moins ?
07:03 Est-ce que du coup, il ne faudrait pas faire payer d'autres personnes ?
07:05 - Donc ce système de répartition, quoi qu'on en dise,
07:07 ne pourra pas durer,
07:09 notamment par la perte de recettes, c'est plus que
07:11 les dépenses, c'est les recettes qui posent problème.
07:13 Mais la justification comptable n'a pas de sens
07:15 puisqu'on parle de 12 milliards par an, lorsque
07:17 l'État fait 145 milliards de déficit public.
07:19 Et en plus, cette réforme ne porte aucune
07:21 espérance. Et j'avais parlé
07:23 de sado-réformisme, une espèce de posture
07:25 où certains se disent "nous, nous sommes la responsabilité
07:27 comptable" et ils se drapent
07:29 dans ce ton martial
07:31 et les autres disent "nous sommes les héros du peuple
07:33 opprimés". Entre les deux,
07:35 je propose moi une autre approche
07:37 qui est une approche hybride, qui fonctionne dans la fonction
07:39 publique. - Et la retraite par capitalisation.
07:41 - C'est-à-dire, sauver la retraite par répartition
07:43 pour assurer un filet de sécurité
07:45 pour tous les retraités, notamment les retraités
07:47 modestes, mais permettre aussi aux retraités
07:49 modestes et aux travailleurs d'avoir
07:51 accès aux gains de la capitalisation.
07:53 Ce serait un triple avantage. 1)
07:55 sauver le modèle de retraite et améliorer le pouvoir
07:57 d'achat des retraités. C'est démontré dans
07:59 tous les pays qui l'appliquent et c'est démontré dans la fonction publique.
08:01 - Mais c'est plus la sécurité. - Mais c'est faux dans la
08:03 durée. Il y a une rentabilité qui est au moins le double,
08:05 voire cinq fois. - Si le fonds de pension se casse à 10 euros, il n'y a plus rien.
08:07 - 2) Cela permettrait
08:09 d'apurer
08:11 progressivement les comptes publics
08:13 et donc de retrouver des marges de manœuvre pour le service public.
08:15 3) Cela permettrait de
08:17 recapitaliser l'économie. Si on veut relever
08:19 les défis de l'époque, le défi écologique,
08:21 on a besoin d'investir massivement
08:23 et pour créer la valeur. - Donc en fait, vous nous dites, parce qu'on va avancer,
08:25 vous nous dites qu'en fait, il faudrait, là, on fait une réforme paramétrique,
08:27 on change des chiffres, et il faudrait une réforme systémique.
08:29 - Ça ne suffira pas. - Il faudrait changer le système.
08:31 - Parce qu'on sera obligé de revenir tous les 10 ans
08:33 sur une telle réforme et avec le même théâtre
08:35 de défilés, de révoltes, de légitimes
08:37 indignations et de légitimes rappels comptables.
08:39 - Vous êtes aussi le président de l'AMF.
08:41 Comment vont les communes de France aujourd'hui ? Qu'est-ce qui vous remonte
08:43 du terrain, vous ? - Hier, j'avais un bureau
08:45 de l'AMF et puis je parcours...
08:47 Vous savez, les maires, c'est des pragmatiques,
08:49 ce sont des praticiens du quotidien, j'aime bien cette formule.
08:51 - Ils sont dévoués, très dévoués. - Oui, mais il faut le dire,
08:53 il faut le rappeler, et que ce soit
08:55 des communes rurales ou des grandes villes, etc.
08:57 Aujourd'hui, la difficulté, l'immédiat,
08:59 c'est vraiment le budget.
09:01 C'est-à-dire qu'on a, malgré tous les dispositifs
09:03 qui ont été mis en place,
09:05 dont on a encore du mal à percevoir
09:07 la réalité parce qu'il y a des complexités administratives,
09:09 ce qui fait partie de notre pays, on l'a vu tout à l'heure,
09:11 on a donc...
09:13 La difficulté, j'ai alerté là-dessus, c'est que
09:15 les maires commencent à restreindre des activités
09:17 et surtout, pour préserver une capacité d'épargne,
09:19 parce que l'avenir est incertain,
09:21 vont réduire l'investissement.
09:23 Et aujourd'hui, les communes de France
09:25 et toutes les collectivités
09:27 ne représentent que 19% de la dépense publique.
09:29 En Europe, c'est 30% des collectivités,
09:31 donc on dépense moins qu'ailleurs en Europe,
09:33 contrairement à un lieu commun.
09:35 Mais en investissement, on représente 70% de l'investissement,
09:37 aujourd'hui.
09:39 Donc, si on réduit notre investissement,
09:41 ce qui va être le cas,
09:43 c'est que nous aurons des contra-cycliques de récession
09:45 et de spirale négative.
09:47 C'est pourquoi il faut laisser les communes bosser,
09:49 il faut redonner de la marge de manœuvre aux communes,
09:51 c'est d'intérêt général et aussi d'intérêt local.
09:53 J'ai une toute dernière question qui concerne l'actualité internationale.
09:55 Le président Zelensky, le président ukrainien,
09:57 a demandé hier à Emmanuel Macron
09:59 de ne pas accepter des athlètes russes
10:01 lors des JO de Paris l'année prochaine.
10:03 Moi, je ne partage pas cette approche.
10:05 Je le dis clairement.
10:07 Je crois que le sport,
10:09 qui a toujours une dimension politique,
10:11 est un sport qui a un impact sur tous les pays.
10:13 Si on commence à sélectionner les athlètes
10:15 au vu des guerres et des agressions
10:17 et du non-respect des droits de l'homme,
10:19 on va se mettre le monde à dos
10:21 et ça n'a aucun sens.
10:23 Autant, je suis très clair sur la situation
10:25 et la Russie agresse l'Ukraine
10:27 et il faut soutenir l'Ukraine
10:29 et je l'ai dit, rappeler et démontrer.
10:31 Donc, il n'y a aucune ambiguïté de ma part là-dessus.
10:33 En revanche, ce type d'approche qui vise
10:35 à pédaliser les sportifs,
10:37 je pense que ça n'a aucun effet,
10:39 je pense que ça n'a aucun effet.
10:41 Merci beaucoup.
10:43 Merci à vous.
10:45 Merci à vous deux.
10:47 et qui vous a superbes enjeux et vous avez participé à ce livre. Merci beaucoup.
10:50 – Merci à vous. – Merci à vous deux.