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Le 30 octobre 2022, Luiz Inácio « Lula » da Silva était élu Président du Brésil pour la troisième fois, puis investi le 1er janvier 2023 au Palais du « Plañalto », à Brasilia. Une revanche incroyable et totalement inattendue pour un homme qui a survécu à un cancer, a perdu tous ses proches et a subi un procès politique qui lui a valu 580 jours de prison, avant d'être totalement blanchi par la Justice. Un destin hors du commun pour un homme dont la vie entière épouse l'Histoire de son pays.
Né dans la plus grande misère, puis cireur de chaussures dans son enfance, il devient syndicaliste dans les années 1970, puis député et opposant à la Dictature dans les années 1980, chef du Parti des travailleurs dans les années 1990, avant d'être élu Président une première fois en 2002, puis réélu en 2008.
Phénix renaissant sans cesse de ses cendres, la vie de Lula est un véritable roman qui permet de raconter en filigrane soixante-quinze ans de l'Histoire du Brésil. Ce pays grand comme un continent qui balance depuis des décennies entre dictature et démocratie, entre gauche plus ou moins réformatrice et droite plus ou moins dure, entre modernisme exacerbé et grande pauvreté

Un film écrit et réalisé par José BOURGAREL (2022) / Une coproduction Illégitime Défense et LCP-Assemblée nationale.

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Transcription
00:00 ...
00:05 -Lula est une barrière contre la dictature.
00:08 -Il se pose comme quelqu'un qui garantit
00:11 la stabilité démocratique et républicaine
00:14 dans un moment de menace d'extrême droite.
00:17 ...
00:24 -Lula n'est pas un idéologue.
00:26 Lula est un homme du peuple
00:28 qui a décidé de sortir le peuple de la famine.
00:31 -Son projet politique est basé sur sa vie.
00:35 ...
00:41 -Le meilleur leader du peuple brésilien.
00:44 -Destiné à devenir un leader mondial.
00:48 ...
00:56 -C'est le pelet de la politique.
00:59 -Un symbole de progrès,
01:02 de dialogue, de paix.
01:04 ...
01:10 -Un phénix, c'est un phénix.
01:13 C'est la seconde chance pour le Brésil
01:16 de se réconcilier avec lui-même.
01:20 ...
01:30 -Peuple de São Paulo,
01:34 peuple du Brésil,
01:36 je veux remercier
01:38 les 215 millions d'habitants
01:42 qui nous ont consacré à cette victoire extraordinaire.
01:48 Il va être très important
01:50 pour aider à gouverner ce pays.
01:53 ...
01:57 -Le 30 octobre 2022,
01:58 Luis Ignacio Lula da Silva
02:00 est élu pour la troisième fois président du Brésil.
02:04 Une victoire historique
02:05 pour un candidat déjà élu président il y a 20 ans.
02:09 Une revanche éclatante pour un homme qui a survécu à un cancer,
02:12 a perdu la plupart de ses proches
02:15 à un procès politique qui lui a valu 580 jours de prison
02:18 avant d'être totalement blanchi par la justice.
02:21 ...
02:25 Un destin incroyable pour quelqu'un
02:27 dont la vie épouse l'histoire de son pays
02:30 depuis sa naissance en 1945 dans le plus grand dénuement.
02:34 ...
02:40 -La maison où vivait Lula
02:42 était une maison typique du Nord-Est.
02:45 Une maison avec juste un toit et un sol en terre battue,
02:49 où les gens mangent et dorment au même endroit.
02:52 Une maison où il n'y a pas de sanitaire,
02:55 où on ne peut rien planter,
02:57 parce qu'il n'y a pas d'eau pour cultiver quoi que ce soit.
03:01 ...
03:04 Il vient d'une sous-classe, la classe de la famine.
03:07 Il appartient à la classe qui meurt de faim,
03:10 qui ne peut pas, même s'ils le veulent,
03:12 devenir agriculteur.
03:14 C'est encore en dessous.
03:15 -Une enfance...
03:18 tragiquement brésilienne,
03:20 dans le sens où...
03:23 il n'a pas de figure du père.
03:25 C'est une mère qui élève plusieurs frères et sœurs.
03:29 Certains de ces frères et sœurs n'ont pas survécu,
03:32 parce que les maladies prédominaient.
03:35 Pour les bébés, c'était très dur de s'alimenter.
03:37 Les conditions d'hygiène étaient limitées.
03:40 On était dans un monde
03:41 où on n'était pas certain de vivre jusqu'à ses 12 ans.
03:45 ...
03:50 -Lula perd en effet deux de ses frères et sœurs.
03:53 Mourant de faim, la famille migre en 1952
03:55 vers la grande ville de São Paulo.
03:57 Cet exode rural touche alors des millions de Brésiliens.
04:01 ...
04:05 -Il vient avec sa mère.
04:07 Ils sont huit enfants.
04:09 Lula est le septième.
04:11 Il arrive très jeune, il a sept ans,
04:15 et il doit déjà travailler.
04:17 Il a été sireur de chaussures,
04:19 puis petite main dans un pressing.
04:21 Il raconte toujours qu'il était tellement petit
04:26 que quand il livrait les vestes, il devait lever le bras,
04:29 car il était plus petit qu'une veste d'adulte.
04:32 ...
04:35 -Il raconte qu'il ne mangeait jamais de fruits,
04:39 qu'il a mangé sa première pomme à l'âge de sept ans,
04:43 qu'il mâchait des chewing-gums déjà mâchés par un autre enfant.
04:48 Il a ses souvenirs d'une enfance pauvre
04:50 dont il parle sans ressentiment.
04:52 Il en parle comme d'une expérience de vie très forte,
04:55 et c'est un moyen pour lui de se connecter
04:58 avec les personnes qui vivent encore ça au Brésil.
05:00 ...
05:04 -A 14 ans, Lula entre à l'usine Volkswagen,
05:06 où il devient tourneur fraiseur.
05:08 Il va être touché dans sa chair
05:10 par la dureté des conditions de travail.
05:12 Il perd un doigt, emporté par une machine.
05:15 ...
05:19 -Chez Volkswagen a été organisé par l'entreprise
05:25 un système de répression
05:27 contre l'engagement politique des travailleurs.
05:31 Le dirigeant, le responsable de cette répression,
05:36 était un commandant d'un camp de concentration en Allemagne.
05:43 Il a été recruté pour venir au Brésil
05:45 faire ce travail de répression.
05:49 ...
05:55 -En 1964, la répression se durcit un peu plus.
05:59 L'armée fait un coup d'Etat.
06:02 Les chars sont dans la rue
06:04 et la dictature militaire s'installe pour 21 ans.
06:07 ...
06:09 ...
06:16 Lula est déjà syndiqué,
06:18 mais sa priorité n'est pas de combattre la dictature.
06:21 Il veut avant tout fonder une famille.
06:23 Mais sa jeune épouse, Maria,
06:26 meurt en couche, ainsi que son bébé, par manque de soins.
06:30 ...
06:32 Pour surmonter son chagrin,
06:33 Lula s'investit dans le puissant syndicat de la métallurgie,
06:37 dont il devient l'un des principaux négociateurs.
06:40 ...
06:45 -L'histoire de Lula,
06:48 c'est l'histoire des Brésiliens
06:50 qui se réorganisent en fonction de l'industrialisation du pays
06:54 dans les années 60-70.
06:56 C'est cette industrialisation
06:58 qui crée aussi une nouvelle forme de faire de la politique
07:01 au niveau des syndicats, des mouvements sociaux
07:04 qui se sont forgés pendant la dictature militaire,
07:07 qui crée les conditions pour que Lula devienne un acteur compétitif.
07:11 -La popularité de Lula commence à se dessiner
07:15 quand il devient président du syndicat, en 1975.
07:19 ...
07:22 Il redéfinit la stratégie
07:24 qui est d'être présent aux portes des usines.
07:28 La force de Lula a beaucoup à voir avec le contact du quotidien.
07:33 ...
07:36 Ce contact n'est pas seulement une présence physique.
07:39 C'est un contact humain très puissant.
07:44 ...
07:47 -C'est une personnalité très attentive aux autres,
07:51 très affable.
07:53 Il arrive à intéresser les gens
07:57 car il ne donne pas des cours.
07:59 Il dialogue, il discute.
08:02 C'est un homme qui a une vocation pour la vie publique
08:07 et qui a cette capacité de communiquer, d'écouter.
08:12 D'ailleurs, c'est le propre du leader syndical,
08:15 l'entente et la négociation.
08:19 ...
08:22 -Mais malgré ses qualités de médiateur,
08:25 Lula, leader syndical, n'obtient pas toujours gain de cause.
08:28 A cette époque, la confrontation avec le régime est très dure.
08:32 ...
08:35 Lula conduit plusieurs grèves
08:37 pour une amélioration des conditions de travail,
08:39 pour une augmentation des salaires ou pour le droit de faire grève.
08:43 La réponse est souvent très violente.
08:45 ...
08:50 -Lula a été arrêté plusieurs fois.
08:54 Lui et ses compagnons ont été inculpés
08:58 par la loi de sécurité nationale,
09:02 qui est la loi la plus répressive instaurée par la dictature.
09:06 ...
09:12 Lula a subi un procès du tribunal militaire.
09:16 ...
09:19 Ce procès a duré des années et, à la fin, il a été innocenté.
09:23 Ce qui montre bien que c'était une tentative de miner,
09:27 de torpiller son leadership.
09:29 ...
09:32 Cela démontre aussi qu'il était déjà un leader important.
09:36 ...
09:43 -Un leader important, en effet,
09:45 qui est capable de déplacer des dizaines de milliers de personnes
09:49 lors de ses meetings.
09:50 ...
09:52 ...
10:12 ...
10:18 ...
10:35 ...
10:46 -Protégé par sa popularité,
10:48 Lula n'a jamais été torturé ni assassiné,
10:51 ce qui n'est pas le cas de nombreux autres responsables politiques,
10:55 culturels ou syndicaux pendant ces années de plomb.
10:58 ...
11:09 ...
11:12 -La prise de risque de Lula commence dès le début de sa carrière,
11:16 parce que, sociologiquement parlant, c'est une prise de risque.
11:19 Un homme du Nord-Est qui prend un syndicat,
11:24 qui commence à faire de la politique avec ce syndicat,
11:27 jusqu'à aujourd'hui, c'est vu comme inacceptable
11:30 par les élites brésiliennes.
11:32 -Non seulement Lula tient tête à l'élite brésilienne
11:35 et à la dictature, mais il réalise aussi,
11:38 ces années-là, son vœu le plus cher,
11:40 fonder une famille avec sa nouvelle épouse, Marisa.
11:43 ...
11:46 Ils auront quatre enfants et c'est aussi un couple politique.
11:50 Marisa est une militante et sera de tous les combats.
11:53 C'est à ce moment-là que Lula acquiert une stature internationale.
11:58 ...
12:00 -Lula était syndicaliste dans les années 80,
12:03 qui voyage le monde,
12:05 qui rencontre les grands leaders de la social-démocratie européenne,
12:09 qui va rencontrer les leaders syndicaux au Japon,
12:12 qui va rencontrer les leaders syndicaux au Michigan,
12:15 dans l'industrie automobile des Etats-Unis.
12:17 La trajectoire de Lula se confond aussi
12:19 avec l'insertion internationale du Brésil,
12:22 du point de vue industriel.
12:24 ...
12:26 -En 1980, Lula fonde le PT, le Parti des travailleurs.
12:30 Une manière de donner un débouché politique
12:33 à des revendications qui dépassent depuis longtemps
12:36 le cadre syndical.
12:37 Il faut dire que le pays est toujours aussi fermé,
12:40 la répression toujours aussi dure,
12:42 les droits politiques et syndicaux toujours aussi restreints.
12:45 ...
12:48 -En 1984, il y a eu les plus grandes manifestations politiques
12:51 de l'histoire du Brésil.
12:53 A partir de là, la dictature militaire a commencé sa chute.
12:56 Il y a eu un avant et un après.
12:59 Lula a été un des leaders de ce mouvement
13:01 pour des élections directes,
13:03 et il est devenu un leader national.
13:05 C'était une lutte syndicale, au début,
13:07 puis elle s'est transformée en lutte politique.
13:10 ...
13:12 -En tant que femme de la favela,
13:14 en tant que femme noire et pauvre,
13:18 je voyais un travailleur qui était en train
13:22 de créer quelque chose qui me donnait,
13:25 pas seulement à moi,
13:26 mais à toutes les personnes comme moi,
13:29 l'opportunité d'avoir une place
13:32 et d'avoir une voix.
13:34 ...
13:37 ...
13:40 -Lula est tout d'abord candidat pour être gouverneur
13:43 de l'Etat de São Paulo en 1982,
13:45 mais il perd largement.
13:47 ...
13:48 -Il croyait qu'il allait gagner,
13:53 et il a été déçu, car il a eu seulement 12 % des votes.
13:57 La légende raconte
14:02 qu'il a été avec Fidel Castro,
14:05 et que Fidel Castro lui a dit que c'est la première fois
14:08 qu'un candidat de gauche à autant de voix continue à lutter.
14:13 -C'est quand même drôle que Fidel Castro donne
14:16 des leçons de démocratie à Lula.
14:18 -Ce n'est pas exactement une leçon de démocratie,
14:23 c'est une leçon de persévérance.
14:27 ...
14:31 -Persévérant, Lula l'est, en effet.
14:33 Il est élu député fédéral en 1987.
14:36 Puis il se présente, en 1989,
14:39 à la première élection présidentielle
14:42 organisée après le retour de la démocratie dans le pays.
14:45 -L'homme est né de Nassau, Lula Tassilva !
14:47 -Lula !
14:49 -Il parcourt alors le Brésil de long en large
14:51 avec ce qu'il appelle ses caravanes.
14:53 -Lula ! Lula ! Lula !
14:57 Lula ! Lula ! Lula !
14:59 -Tous les politiciens font des meetings, des discours,
15:03 durant les caravanes, Lula, lui, allait écouter les gens.
15:06 Il demandait "Comment va votre vie ici ?
15:09 "Quels sont vos problèmes ?
15:10 "Y a-t-il de bon et de mauvais ? De quoi et comment vivez-vous ?"
15:14 D'ailleurs, il a une expression drôle à propos de ça.
15:17 Il dit "Que possède l'homme ?
15:20 "Une bouche et deux oreilles.
15:22 "Pour égoutter plus que pour parler."
15:25 ...
15:26 -Cette première candidature à l'élection présidentielle
15:30 sera un échec honorable.
15:32 -Lula ne se décourage pas
15:34 et se représente encore en 1993
15:37 et encore en 1997.
15:39 -L'heure où Luiz Inácio Lula,
15:41 le candidat du PT,
15:44 va voter pour la présidence de la République.
15:46 -Mais il perd à nouveau,
15:49 car son programme est encore perçu comme trop radical.
15:52 ...
15:55 -Ils sont capables d'atteindre
15:57 les intérêts des agiottes internationales
16:00 et de faire augmenter les impôts.
16:02 Ils veulent plus de déploiement,
16:04 de détruire l'industrie, la culture,
16:07 en rachetant les riches et en empêchant les pauvres.
16:10 -Si j'étais lui, j'aurais abandonné,
16:13 mais il n'a jamais abandonné.
16:15 Je me souviens que quand nous perdions une élection
16:18 ou quand la situation était mauvaise,
16:20 parfois, nous, son équipe, on se décourageait.
16:23 Et il était le premier à nous remotiver,
16:26 même quand il perdait l'élection.
16:29 C'était lui qui aurait dû être triste,
16:31 mais il nous donnait du courage.
16:33 En voyant sa détermination, on réagissait aussi.
16:36 ...
16:43 -Le but recherché depuis tant d'années
16:46 est enfin atteint en 2002.
16:47 Lula est élu dans la liesse populaire
16:50 à la présidence du plus grand pays d'Amérique latine.
16:53 ...
17:05 -J'étais comme une folle.
17:07 C'était quelque chose d'inimaginable,
17:12 une chose extraordinaire.
17:16 Je me suis agenouillée, j'ai posé mon visage contre le sol
17:21 et j'ai remercié Dieu, car c'était une chose incroyable.
17:25 ...
17:27 ...
17:34 -On craint un nouveau coup d'Etat,
17:36 mais le prédécesseur de Lula,
17:38 le président Fernando Enrique Cardozo,
17:41 va peser de tout son poids pour assurer
17:43 une transition démocratique et lui passe l'écharpe de président.
17:46 ...
17:49 -Pour une partie de l'élite, le passage
17:51 entre un gentleman
17:56 très bien inséré mondialement,
17:58 comme Fernando Enrique Cardozo,
18:00 et un monsieur comme Lula,
18:01 qui venait des profondeurs du Nord-Est,
18:05 a été vu comme un choc et comme une rupture
18:08 dans les traditions hiérarchiques et aristocratiques du Brésil.
18:12 Et donc, là, Lula, je pense qu'il incarne dans la perfection
18:17 les transformations sociales du Brésil.
18:19 ...
18:21 -Le Brésil est un pays riche et développé,
18:24 mais très inégalitaire.
18:25 Quand Lula arrive au pouvoir,
18:27 30 millions de Brésiliens ne mangent pas à leur faim,
18:30 comme dans un pays du Tiers-Monde.
18:32 ...
18:39 Les premières mesures du nouveau président
18:41 seront donc les programmes d'alimentation Fomé Zéro,
18:44 et Bolsa Familia, Bourse familiale,
18:47 pour que la faim cesse d'être le problème numéro un du pays.
18:51 ...
18:53 -Son idée centrale, c'est de garantir
18:57 trois assiettes de nourriture par jour à chaque Brésilien.
19:00 Il disait déjà ça à l'époque du syndicat,
19:03 et il l'a encore dit hier, dans une interview
19:05 qu'il a donnée à la télévision.
19:07 L'idée centrale, c'est que le travailleur
19:10 a besoin de vivre mieux.
19:13 Juste ça.
19:14 Il ne s'agit pas d'une idéologie de gauche, de droite ou du centre.
19:18 C'est la trajectoire d'une vie.
19:20 -Un homme comme Lula,
19:24 tout ce qu'il a fait pour nous,
19:26 les pauvres, pour les femmes, pour les Noirs,
19:29 pour les gens des favelas,
19:33 il a changé nos vies,
19:35 la vie de millions de personnes,
19:37 qui, à l'époque du gouvernement de Lula,
19:40 en ont fini avec le problème de la faim.
19:42 Et Lula a aussi fait le plus grand programme de logement,
19:47 de logement populaire.
19:48 ...
19:53 -Ce qui manquait au Brésil, surtout,
19:55 c'était la justice sociale.
19:57 Et le gouvernement de Lula a commencé vraiment
20:00 à prendre des mesures pour réduire la pauvreté,
20:03 réduire l'inégalité.
20:04 Dans le passé, l'économie pouvait croître
20:08 ou diminuer, n'importe.
20:10 L'inégalité augmentait toujours.
20:12 Et la première fois que l'inégalité a diminué au Brésil,
20:15 c'était dans le gouvernement de PT,
20:17 spécialement dans le gouvernement de Lula.
20:20 -Il sait pour l'avoir vécu ce dont les gens ont besoin.
20:23 Je crois qu'il l'a traduit dans son gouvernement.
20:26 L'accès au crédit, pouvoir acheter des choses,
20:29 pouvoir manger mieux, avoir une voiture,
20:31 laver sa voiture le week-end dans sa maison.
20:34 C'est une chose que les Brésiliens aiment beaucoup.
20:37 Faire un petit barbecue, pouvoir acheter sa petite maison,
20:40 avoir une qualité de vie plus humaine, plus décente.
20:43 Musique douce
20:45 -Sous la présidence de Lula,
20:47 40 millions de Brésiliens vont accéder à la petite classe moyenne,
20:51 ce que l'on appellera les "émergens".
20:53 Les émergents.
20:55 ...
21:00 -Un jour, pendant un voyage,
21:02 nous étions en train de déjeuner tous les deux,
21:05 et il m'a demandé...
21:07 "T'as déjà pensé à devenir président de la République ?"
21:12 J'ai été surpris, j'ai répondu "Non, pas du tout".
21:15 "Et pourquoi ?"
21:16 "Parce qu'il faut être fou pour vouloir être président
21:19 "de la République du Brésil, il y a que des problèmes à récolter."
21:23 Il m'a dit "Pas du tout, c'est formidable !"
21:26 "Et qu'est-ce qu'il y a de bien là-dedans ?"
21:29 "Eh bien, tu peux résoudre tous les problèmes."
21:31 ...
21:37 -Un autre problème déjà brûlant il y a 20 ans,
21:40 que Lula va aussi tenter de résoudre,
21:42 c'est la déforestation de l'Amazonie.
21:44 ...
21:47 -Nous avons réussi, dans le gouvernement de Lula,
21:50 dans lequel j'ai été ministre,
21:52 à faire un plan de prévention et de contrôle
21:55 de la déforestation de l'Amazonie.
21:57 Ce plan a réduit la déforestation de 83 %
22:00 pendant presque une décennie.
22:02 Il a évité de rejeter dans l'atmosphère
22:05 5 milliards de tonnes de CO2.
22:07 Il a aussi été à l'origine, entre 2003 et 2008,
22:11 la période où j'ai été dans le gouvernement,
22:14 de la création de 80 % des terres protégées dans le monde.
22:17 ...
22:21 -Marina Silva démissionnera tout de même du gouvernement,
22:25 car elle estimait que Lula n'allait pas assez loin
22:27 en matière d'environnement,
22:29 notamment en autorisant la construction
22:31 du barrage géant de Belo Monte, au nord du pays,
22:34 pour l'irrigation et l'électrification de la région.
22:37 ...
22:39 -Il y a toujours une tension, au Brésil,
22:42 entre ce qu'on appelle l'agro-business,
22:46 l'agriculture commerciale,
22:48 et, disons, les soucis environnementaux.
22:51 Mais le gouvernement de Lula a montré
22:54 que c'est possible de réconcilier
22:56 une partie du Brésil qui était comme l'Inde
22:58 et une partie qui était comme l'Australie,
23:01 en termes d'agriculture.
23:02 ...
23:05 -En termes de culture aussi,
23:07 Lula a tenté de concilier les deux faces du Brésil
23:10 en nommant ministre un chanteur célèbre dans le monde entier.
23:13 ...
23:19 -Quand Lula m'a proposé le ministère de la Culture...
23:24 -Le ministère de la Culture.
23:27 -Il m'a dit : "Gilles, je veux que vous alliez
23:30 "au ministère de la Culture
23:32 "et nous serons un gouvernement du peuple brésilien.
23:36 "Nous représenterons une nouveauté
23:38 "dans la vie politique brésilienne.
23:41 "Allez-y, faites dans ce ministère
23:43 "ce que vous feriez sur scène."
23:46 ...
23:49 ...
23:53 -Comme une métaphore de la politique de Lula,
23:56 le Brésil blanc va donc découvrir la musique métissée,
23:59 tandis que les favelas vont découvrir la musique classique.
24:02 ...
24:31 ...
24:34 -Les mesures sociales du nouveau président
24:36 ne l'empêchent pas de soutenir fortement l'économie,
24:39 à l'image du succès emblématique de l'avionneur national M. Raher,
24:42 qui devient alors le 4e constructeur aéronautique mondial.
24:46 ...
24:49 -Dans la période de Lula,
24:53 le Brésil a eu une croissance de 4,1 % en moyenne.
24:58 Et la dernière année, une croissance de 7,5 %.
25:03 Plus de 20 millions d'emplois formels ont été créés.
25:09 La dette sur le PIB a été réduite de 60 à 39 %.
25:16 Le Brésil, qui était endetté auprès du FMI,
25:20 est devenu créditeur,
25:21 et il a aujourd'hui une réserve technique
25:24 de 300 milliards de dollars.
25:27 ...
25:32 -Lula n'est pas d'extrême-gauche.
25:35 Il ne l'a jamais été.
25:37 C'est un négociateur,
25:39 depuis l'époque du syndicat.
25:42 Et il a apporté ça en politique.
25:45 -La force de Lula vient du charisme qu'il a avec les travailleurs,
25:51 mais aussi avec les groupes dominants au Brésil.
25:55 Cette capacité à se mouvoir
25:58 entre deux univers extrêmement rivaux,
26:01 antagonistes, et à construire des ponts
26:04 qui puissent les réunir,
26:06 du point de vue de l'expérience électorale
26:09 et de gouvernement,
26:10 c'est une habileté très spéciale.
26:13 ...
26:19 -Cette capacité à lancer des passerelles,
26:21 on la constate aussi dans un autre secteur
26:24 extrêmement sensible au Brésil, l'éducation.
26:27 Lula multiplie par deux le nombre de places d'université.
26:30 Il veille à ce qu'elle profite aussi à une population
26:33 qui en était jusque-là totalement exclue.
26:36 ...
26:38 -Dans l'arrière de l'éducation,
26:40 le gouvernement Lula a instauré une politique
26:43 de quotas raciaux.
26:44 -Il a implémenté des quotas raciaux.
26:47 -Socio-raciaux.
26:48 -Socio-raciaux.
26:51 -Où les fils des travailleurs et des travailleuses noires
26:55 ont enfin eu accès à l'université.
26:58 -Nous avons eu accès à l'université.
27:02 -N'oublions pas que nous sommes un pays d'origine esclavagiste.
27:08 N'oublions pas que les anciens esclaves
27:12 n'ont pas eu de place dans l'économie,
27:15 ni de place sur les bancs des universités,
27:18 ni d'accès à des services publics de qualité.
27:22 ...
27:27 -Le Brésil est un pays de majorité d'afro-descendants.
27:32 C'est le deuxième pays
27:33 avec la plus grande population noire après le Nigeria.
27:37 Ce serait le deuxième pays africain au monde.
27:40 Cette politique des universités a ouvert un débat
27:43 qui existe au Brésil depuis 20 ans,
27:45 et qui sera extraordinaire sur la place des afro-brésiliens,
27:50 des Brésiliens noirs, dans l'histoire et le futur du Brésil.
27:54 -Secretary General, please.
27:57 Applaudissements
27:59 ...
28:02 -La place des personnes d'origine africaine dans le monde,
28:05 Lula va aussi la poser à l'Assemblée générale de l'ONU
28:08 par son ministre de la Culture, le chanteur Gilberto Gil.
28:12 Applaudissements
28:14 ...
28:18 -L'origine africaine du secrétaire général Kofi Annan
28:22 est la raison pour laquelle je l'ai invité à jouer sur scène,
28:26 d'une façon très spontanée et informelle,
28:28 d'un instrument qui est typique de notre héritage africain.
28:32 Un des tambours africains
28:34 qui sont présents dans la culture populaire et musicale du Brésil,
28:39 des Amériques et de tant d'autres parties du monde.
28:44 ...
28:45 -Anda !
28:47 Luanda !
28:48 Secretary General Kofi Annan !
28:52 Hong Kongers !
28:53 ...
28:58 Applaudissements
29:00 ...
29:05 -C'était la première année du gouvernement Lula.
29:09 Et cet acte à l'ONU a été très significatif
29:13 pour son gouvernement,
29:15 mais aussi très profondément pour lui,
29:18 personnellement.
29:21 ...
29:25 -Lula ne se limite pas à l'ONU,
29:27 il renforce le groupe des pays émergents des BRICS,
29:30 qui regroupent le Brésil, l'Inde, la Russie, la Chine
29:33 et l'Afrique du Sud pour concurrencer les pays
29:36 les plus riches du G7.
29:37 ...
29:39 -Caros amis,
29:40 Sing et Zumba,
29:42 nos réalisations prouvent que nous avons des motifs
29:46 pour regarder le futur avec de l'optimisme.
29:48 ...
29:56 -Ce n'est pas que la politique extérieure du Brésil,
29:59 d'une façon générale, je parle, était mauvaise,
30:02 mais il y avait toujours une certaine timidité.
30:05 Il y avait... On ne peut pas oser faire ça.
30:08 On ne peut pas oser être trop actif.
30:11 La grande différence que je voyais avec Lula,
30:15 c'est qu'à cause de ce qu'il représentait,
30:19 on pourrait avoir une politique extérieure
30:22 très active et très affirmative.
30:24 ...
30:25 -Lula ! Good morning !
30:28 Good morning ! Lula !
30:30 ...
30:31 Señor presidente !
30:33 ...
30:34 -Cela se ressent jusque dans l'attitude personnelle de Lula,
30:37 qui ne semble pas plus impressionné que ça
30:40 de côtoyer les grands de ce monde, y compris à la Maison-Blanche.
30:44 -Je vous donne un exemple.
30:46 J'étais assis avec lui quand on allait
30:48 dans notre première visite officielle,
30:51 comme président, lui, à la Maison-Blanche.
30:55 Et j'étais à la voiture, dans la voiture, avec lui,
31:00 et pour lui, c'était une chose tout à fait normale.
31:03 Il n'était ni nerveux ni impressionné,
31:06 parce qu'il allait... Non, c'était normal.
31:08 C'était normal, c'était comme s'il était avant, ici,
31:11 quand il devait avoir une négociation
31:15 avec le président de Volkswagen ou de Mercedes-Benz du Brésil.
31:20 C'était normal.
31:21 -J'espère que logo, logo, nous aurons un rencontre au Brésil.
31:25 ...
31:30 -George Bush est un républicain,
31:33 un homme conservateur.
31:34 Lula, en peu de temps, est devenu ami avec George Bush.
31:38 Beaucoup de gens ne comprenaient pas ça.
31:40 Il y a eu une réunion au Mexique, à l'intérieur du Mexique,
31:43 à Guadalajara.
31:45 Quand la réunion des chefs d'Etat des Amériques est finie,
31:49 je vois qu'il reste juste Lula et George Bush
31:51 qui discutent au fond du salon.
31:53 ...
31:56 Plus tard, j'ai demandé à Lula
31:58 en quelle langue vous étiez en train de parler.
32:01 "En portuñol", il m'a répondu.
32:03 Portuñol, c'est le mélange informel de portugais et d'espagnol.
32:07 Il m'a dit "mais t'es un ignorant !
32:09 "Bush vient du Texas, et au Texas, on parle espagnol.
32:13 "Donc, nous parlions en portuñol."
32:15 "Et pourquoi vous riez tant ?"
32:17 J'ai demandé. "Ah, ça, je ne peux pas te le dire.
32:20 "Ce sont des secrets des chefs d'Etat."
32:22 ...
32:28 Lula est un chef d'Etat apprécié de ses pairs.
32:31 Après avoir conquis George Bush,
32:33 il va séduire son successeur
32:34 lors d'un sommet du G20 resté dans toutes les mémoires.
32:38 ...
32:43 -Lula a toujours été très attentif
32:46 à avoir un rôle international majeur,
32:49 à s'approcher des grandes puissances,
32:51 à montrer qu'il représentait le Brésil dans les grands cercles.
32:54 Là, pour le coup,
32:55 ça changeait la perspective de l'élite brésilienne.
32:59 Parce que le jour où Obama, il dit...
33:01 "This is the man, the most popular politician on Earth",
33:06 c'est un choc pour cette élite
33:07 qui ne voulait pas reconnaître cet homme au pouvoir.
33:11 Et donc, Lula, il a toujours su jouer dans la perfection
33:15 avec ses différentes dimensions,
33:17 la dimension globale et la dimension très locale,
33:20 l'intérieur du Brésil et les grands cercles diplomatiques.
33:24 ...
33:28 -Et c'est comme ça que Lula finit son deuxième mandat
33:31 avec une popularité record de 87 %,
33:33 une popularité à faire rêver n'importe quel chef d'Etat.
33:37 ...
33:43 Mais après deux mandats,
33:45 la Constitution brésilienne ne lui permet pas de se représenter.
33:49 ...
33:53 -N.I.L.Lula da Silva
33:56 transmit à faïcha présidentielle
33:58 la seigneure présidente de la République, Dilma Rousseff.
34:02 -Il passe donc le flambeau à sa protégée,
34:04 Dilma Rousseff, élue présidente en 2010.
34:07 Une revanche pour cette ancienne guérillera
34:10 durement torturée sous la dictature
34:12 et un succès pour Lula,
34:14 qui enracine ainsi un peu plus la démocratie dans son pays.
34:17 ...
34:20 Mais comme usé par trop d'années de combat,
34:24 Lula tombe malade.
34:26 Il a un cancer et tout le monde pense qu'il va mourir.
34:29 ...
34:32 Il s'en sort pourtant
34:33 et s'adresse bientôt aux Brésiliens,
34:36 en pensant déjà à un retour dans le jeu électoral.
34:38 -Mes amis et mes amies,
34:41 aujourd'hui, j'ai reçu la nouvelle la plus importante
34:45 que l'être humain pourrait recevoir
34:47 après 5 mois de traitement d'un cancer.
34:50 J'ai reçu la nouvelle
34:52 que nous avons réussi à vaincre le cancer.
34:55 Je vais voter pour la politique
34:57 car je pense que le Brésil doit continuer à croître,
35:00 à se développer,
35:02 à créer des emplois,
35:04 créer des revenus
35:06 et améliorer la vie des millions de Brésiliens
35:10 qui ont réussi à atteindre la classe mèdia.
35:13 ...
35:18 -En 2015, la successeur de Lula est réélue pour un 2e mandat.
35:22 Elle favorise alors le lancement d'une vaste opération
35:25 anticorruption qui touche tous les partis,
35:28 la Vage Ato, la Vage Express.
35:31 Le congrès, dont de nombreux membres sont mis en cause,
35:34 ne lui pardonnera pas.
35:36 Elle est victime d'un coup d'État institutionnel
35:39 et écartée du pouvoir.
35:40 ...
35:42 Lula se porte alors à nouveau candidat
35:45 à l'élection présidentielle
35:47 et se retrouve très vite en tête des sondages.
35:50 -Ce peuple ne va que arrêter
35:53 quand nous éléguerons un gouvernement démocratiquement élu
35:57 par le vote du peuple fédéral,
36:00 ou par la victoire de ses compagnons.
36:02 ...
36:06 -La droite, écartée du pouvoir depuis maintenant 14 ans,
36:09 va alors tenter de retourner l'opération Lavage Ato,
36:12 Lavage Express, contre Lula,
36:13 en engageant des poursuites judiciaires contre lui
36:16 pour corruption.
36:17 ...
36:21 Le destin s'acharne sur l'ancien président,
36:23 quand sa femme Marisa, partenaire de tous les combats
36:26 depuis plus de 40 ans, meurt subitement d'un AVC en 2017.
36:30 ...
36:33 Lula est dévasté,
36:34 mais les obsèques de Marisa se transforment en meeting politique.
36:38 ...
36:40 -Queridos, queridos compañeras,
36:42 queridas compañeras y queridos compañeros,
36:45 ...
36:48 compañeros y compañeras que vieron prestar
36:53 su última solidaridad y homenaje a compaña Marisa,
36:58 no es...
37:00 Y yo te ha dicho que no falaria porque...
37:05 la preocupación de no falar y llorar es muy grande.
37:08 ...
37:15 -Foit estabelecida pelo juiz Sergio Moro,
37:18 responsável pela operação Lava Jato na primeira instância.
37:21 ...
37:23 -La descente aux enfers n'est pas finie.
37:25 Après de multiples rebondissements,
37:28 Lula est condamné en 2018 à 12 ans de prison
37:31 pour avoir prétendument accepté un appartement en cadeau
37:34 quand il était président.
37:36 ...
37:38 Les accusations tournent en boucle à la télévision,
37:41 les Brésiliens doutent,
37:43 et Lula accuse le coup.
37:45 ...
37:47 -Tout ça a été organisé comme un spectacle.
37:52 ...
37:56 Il était absolument essentiel
37:58 que Lula soit en permanence présenté comme un criminel.
38:02 ...
38:05 Et donc les médias n'ont pas cessé de le faire passer
38:08 pour un personnage odieux et criminel.
38:11 ...
38:16 -Il y a eu un coup monté
38:19 pour éviter qu'il brigue un nouveau mandat,
38:22 où il avait beaucoup de chance,
38:24 car il avait fini ses deux gouvernements
38:26 sur une approbation très forte,
38:28 et donc avec un très grand potentiel en tant que candidat.
38:32 ...
38:36 ...
38:42 -Le sort de Lula devient un enjeu national.
38:44 Le juge Moreau, qui l'a condamné,
38:46 est nommé ministre de la Justice en remerciement des services rendus.
38:50 Le pays est coupé en deux.
38:52 Les détracteurs de Lula se réjouissent de sa condamnation,
38:55 tandis que chez ses partisans,
38:57 beaucoup lui conseillent d'aller se réfugier à l'étranger
39:00 pour échapper à la prison.
39:02 De nombreux pays lui proposent alors l'asile politique.
39:04 -Lula, guerrière du peuple brésilien !
39:08 Lula, guerrière du peuple brésilien !
39:11 -Jamais il n'a été tenté par cette hypothèse,
39:15 à cause de son respect pour le jeu démocratique,
39:19 parce que Lula sait que le rêve secret de l'élite brésilienne
39:23 est qu'il sorte du jeu démocratique.
39:25 Le jour où il sort du jeu démocratique,
39:28 même quand ce jeu est totalement biaisé,
39:31 même quand ce jeu a perdu toute légitimité,
39:34 même quand ce jeu est devenu illégal,
39:36 ce que l'élite politique veut, c'est que Lula commette la faute.
39:41 C'est l'initiative de la faute morale,
39:43 puisque ce jour-là, Lula, il est out.
39:46 ...
39:52 -Lula est donc transféré par hélicoptère, de nuit,
39:55 au siège de la police fédérale,
39:57 dans une véritable scène de film qui réjouit ses opposants.
40:00 ...
40:05 Sous les feux d'artifice et les pétards,
40:07 il entre en prison pour 12 années,
40:09 et tout le monde est persuadé qu'il y finira sa vie.
40:12 ...
40:16 -On savait qu'il y avait un symbole politique
40:19 dans cette condamnation,
40:21 qu'elle transcendait l'histoire individuelle de Lula
40:25 et atteignait notre propre démocratie.
40:27 ...
40:29 -Qui l'ayant en prison a été stratégique
40:32 pour l'élection de Bolsonaro en 2018.
40:35 ...
40:36 ...
40:47 -Lula en prison, la voie est libre
40:49 pour le candidat d'extrême-droite Jair Bolsonaro,
40:52 un ancien militaire élu président en 2018.
40:55 ...
41:00 Bolsonaro va mener tambour battant
41:02 une politique à l'exact opposée de celle de Lula.
41:05 La misère et la faim refont leur apparition au Brésil,
41:08 la déforestation de l'Amazonie connaît une accélération
41:11 sans précédent, le ministère de la Culture
41:14 est purement et simplement supprimé,
41:16 et l'on ouvre pour les enfants pauvres
41:18 des écoles civico-militaires.
41:20 ...
41:24 -La généralisation de l'éducation publique et gratuite
41:28 jusqu'à l'enseignement supérieur au Brésil
41:31 avait été une mesure très importante,
41:33 et ce n'est pas un hasard que ce soit cela qui soit détruit.
41:38 Et quand je dis "détruit", c'est vraiment détruit.
41:42 C'est des immeubles qui prennent feu,
41:45 des musées publics qui prennent feu,
41:47 des structures universitaires qui sont fermées ou abandonnées,
41:51 et la perspective d'un approfondissement
41:53 de cette destruction avec des coupes très importantes
41:56 dans les services publics brésiliens.
41:58 ...
42:00 ...
42:06 -Le président Bolsonaro va aussi autoriser les milices privées
42:09 et libéraliser les ventes d'armes.
42:11 Les échauffourées sur la voie publique se multiplient.
42:15 ...
42:19 Pendant ce temps-là, Lula, lui, croupit toujours dans sa cellule.
42:23 ...
42:31 -Nous pensions qu'il allait perdre le Nord,
42:33 qu'il allait tout perdre.
42:35 Il a été très triste,
42:36 il a passé des moments très angoissants en prison.
42:39 Beaucoup de gens pensaient que ce serait la fin de sa vie politique,
42:43 qu'il allait sortir pour mettre un pyjama et vieillir quelque part.
42:47 ...
42:51 -Mais même en prison, Lula reste populaire,
42:53 et ses partisans ne le lâchent pas.
42:56 Certains campent même devant la prison
42:58 depuis le premier jour de son incarcération
43:00 pour lui soutenir le moral.
43:02 -Tout le jour, de manière, ils gritaient "bonjour, présidente Lula",
43:06 "bonjour, présidente Lula",
43:08 "bon après-midi, présidente Lula",
43:11 "bonsoir, présidente Lula".
43:13 Et cela, symboliquement, a été très important
43:15 pour garantir que Lula puisse continuer,
43:18 qu'il puisse sortir de cette situation.
43:21 -Et qu'il puisse continuer à représenter le Brésil
43:24 en ce moment historique que nous vivons.
43:27 -C'est étrange, mais voir un homme
43:31 d'une dimension mondiale, globale,
43:35 être dans cet espace,
43:37 mais son esprit était toujours libre,
43:41 toujours libre.
43:42 Et je pense qu'il a même...
43:44 Il a même, disons,
43:49 grandi dans cette époque à la prison.
43:51 Il a beaucoup lu, il a beaucoup pensé.
43:54 Musique douce
43:56 -Deux événements vont servir de détonateur pour Lula.
43:59 La mort qui frappe à nouveau,
44:01 cette fois-ci, son frère adoré Vava,
44:04 aux obsèques duquel il lui est interdit de se rendre,
44:07 quelque chose d'impensable dans un pays catholique comme le Brésil.
44:11 Musique douce
44:12 ...
44:16 Et un mois plus tard,
44:17 la mort de son petit-fils de 7 ans.
44:19 Cette fois-ci, il est autorisé à sortir de sa cellule
44:22 pour aller à ses obsèques.
44:24 Et comme toujours avec Lula,
44:26 cet événement privé se transforme en événement politique
44:30 où il va prendre une décision.
44:32 ...
44:34 -Au moment de la crémation de son petit-fils,
44:38 il lui promet qu'il va prouver son innocence.
44:41 Et que la seule façon de prouver son innocence,
44:45 c'est de rester en prison.
44:48 Le premier message qu'il m'a envoyé de retour en prison,
44:53 c'est "je vais sortir d'ici,
44:56 "je vais être candidat et le Brésil va être heureux à nouveau".
45:00 ...
45:02 -Lula repart en prison, mais dans sa tête, il repart en campagne.
45:06 Car il est persuadé qu'il va sortir rapidement de sa cellule.
45:09 ...
45:13 Et effectivement, en 2019, après un an et demi
45:15 passé derrière les barreaux,
45:17 la plus haute juridiction du Brésil, le tribunal suprême fédéral,
45:21 annule toutes les poursuites contre lui
45:23 en pointant la partialité du juge Moreau qu'il a condamné.
45:27 Lula est lavé de tous les soupçons de fraude
45:29 qui pesaient sur lui et libéré.
45:31 ...
45:44 -Il a réussi à ce que la justice comprenne
45:48 le coup monté dont il avait été victime.
45:52 Il a récupéré ses droits,
45:56 il a récupéré sa capacité de dialogue
46:00 avec la société brésilienne à nouveau,
46:03 il a récupéré son prestige et sa force politique.
46:08 -C'est une prise de risque énorme
46:11 du point de vue de son intégrité physique.
46:14 Et il a réussi son pari.
46:15 -Lula s'est transformé en mythe naturellement.
46:21 ...
46:23 Supporté un an et demi de prison sans avoir commis aucun crime,
46:27 simplement parce qu'il croyait possible de prouver son innocence,
46:31 Lula, à partir de cette résistance, qui est une résistance politique,
46:36 commence également à représenter une sorte de résistance spirituelle.
46:40 ...
46:44 Le combat de Lula devient un combat spirituel
46:46 pour soutenir la vérité,
46:48 car il sait que la vérité est le fondement de la démocratie.
46:52 ...
47:01 -Vérité et démocratie,
47:02 deux mots bien malmenés cette année-là au Brésil.
47:05 Quand le Covid s'abat sur le monde en 2020,
47:08 il faut enterrer les gens nuit et jour sans discontinuer.
47:11 Car le président Bolsonaro ne prend aucune mesure
47:14 pour protéger sa population.
47:16 Il y aura 700 000 morts.
47:18 Des images qui vont choquer tous les Brésiliens
47:21 et le monde entier.
47:22 ...
47:26 Et quand un vaccin est enfin mis au point,
47:28 Bolsonaro appelle les Brésiliens à continuer à se réfugier
47:31 dans la prière.
47:33 ...
47:36 Lula, lui, se fait piquer devant les caméras
47:39 et appelle tout le monde à faire de même.
47:41 ...
47:43 -Lula a été réélu, là, en octobre, par un fonds républicain.
47:48 Et ce fonds républicain, il naît dans la mobilisation
47:51 pour les vaccins.
47:53 Parce que, oui, il y avait tout le Brésil démocratique.
47:56 Si on pouvait le mobiliser par une question,
47:59 c'était "Êtes-vous en faveur ou contre les vaccins ?"
48:02 Parce que là, la ligne était très claire.
48:05 Il n'y avait pas de personne qui était contre les vaccins,
48:08 qui avait une vision d'un Etat démocratique,
48:11 qui avait une vision de santé publique,
48:13 qui avait une vision de stabilité, de responsabilité sociale.
48:17 -Lulala, brille la notre estrella,
48:20 Lulala, renasce la esperanza,
48:24 Lulala...
48:25 -En 2022, Lula est donc candidat à l'élection présidentielle
48:29 pour la septième fois de sa vie.
48:31 Le Covid reste un sujet important de la campagne,
48:35 et une fois de plus, son histoire personnelle
48:38 se confond avec celle de son pays.
48:40 Ce jour-là, c'est sa troisième épouse,
48:42 Jean-Jean, qui prend d'abord la parole sur scène.
48:45 -Lulala, brille la notre estrella...
48:48 -Mais je suis très émue
48:50 parce qu'il y a une personne qui n'est pas là avec moi aujourd'hui.
48:54 Et malheureusement,
48:58 je l'ai perdu pour le Covid.
49:00 Ma mère, qui est morte,
49:01 est une des près de 700 000 victimes du Covid,
49:05 et irresponsablement,
49:10 le président du Brésil ne s'en est pas rendu compte.
49:13 -Lulala, brille la notre estrella...
49:15 -Et la fin, l'éducation,
49:17 les sujets qui avaient conduit à la première élection de Lula
49:20 il y a 20 ans sont donc de nouveau d'actualité.
49:22 Et si le tribun a perdu de sa voix,
49:25 il n'a rien perdu de son talent pour haranguer les foules.
49:29 -Vammos reconstruire
49:32 esse nosso país.
49:34 Ele é nosso, ele é nosso.
49:37 Ele é de cada um de nós.
49:39 No é possível, no século XXI,
49:42 a gente ter criança que vá dormir
49:44 sem comer um pãozinho,
49:46 sem ter um copo de leite,
49:48 sem ter um chocolate,
49:49 sem ter alguma coisa para comer.
49:52 Este país, a gente pode construir.
49:55 Ele está nas nossas mãos.
49:57 Nous avons déjà applaudi une fois.
49:59 Mais je veux y revenir.
50:01 D'abord, parce que je vous confie.
50:03 Deuxièmement, parce que je vous confie au Brésil.
50:06 Et troisièmement, parce que je vous confie au cul de vos couilles,
50:09 qui vont m'aider à gouverner ce pays
50:12 et faire que ce pays soit meilleur.
50:15 C'est ça, les gens. Un abrass.
50:17 (acclamations)
50:23 (musique)
50:27 -Lula a donc été élu président du Brésil
50:30 pour la troisième fois le 30 octobre 2022.
50:32 (acclamations)
50:37 Mais de justesse.
50:39 A peine 51 % des voix.
50:40 (musique)
50:43 La ligne démocratique a triomphé, mais il a gagné d'un cheveu.
50:46 (acclamations)
50:48 Alors que va-t-il faire, maintenant ?
50:50 Mais surtout, que peut-il faire ?
50:53 La situation n'est pas du tout la même qu'il y a 20 ans.
50:56 (musique)
50:59 -J'ai de la peine pour lui.
51:00 Il a 75 ans, il n'est plus tout jeune,
51:03 et il va hériter d'une terre dévastée.
51:06 Il va devoir tout recommencer, depuis le début.
51:09 Il va devoir reconstruire le Brésil.
51:12 -Lula va conquérir plus de droits pour les pauvres.
51:16 Et il va réussir à sortir le Brésil de la faim.
51:20 Il l'a déjà fait, par le passé.
51:22 Et je crois qu'il parviendra aussi à contrôler la progression
51:26 de la déforestation de la forêt amazonienne.
51:28 -Le Brésil est l'une des plus grandes économies du monde.
51:34 Il a déjà été à la 6e place pendant la présidence de Lula.
51:38 Aujourd'hui, il va se réinsérer dans l'économie mondiale.
51:43 Le Brésil peut être un exemple pour le monde
51:47 dans le combat contre le changement climatique,
51:49 pour la préservation de l'environnement
51:52 et pour les énergies renouvelables et propres.
51:57 ...
52:01 -Au-delà de ces mesures concrètes,
52:03 l'enjeu est aujourd'hui plus large pour Lula.
52:05 Le pays est fracturé, l'ex-président Bolsonaro
52:08 n'a reconnu sa défaite que du bout des lèvres.
52:11 Ses idées d'extrême droite ont essémé dans tout le pays
52:14 et ses partisans réclament un nouveau coup d'Etat.
52:17 ...
52:19 -Je dirais que le grand défi qu'il a devant lui,
52:23 plus que de battre Bolsonaro,
52:25 c'est de battre le bolsonarisme.
52:28 -C'est pas seulement la gauche contre la droite,
52:31 c'est vraiment une vision de la démocratie,
52:35 de la civilisation, que Lula incarne maintenant,
52:39 contre une vision...
52:43 anti-civilisation, anti-progrès de l'humanité,
52:48 contraire à toutes les valeurs de l'humilité.
52:52 -Il va faire combien de mandats, là, maintenant, Lula ?
52:55 -Un seul.
52:56 -Ah. Pourquoi ?
53:00 -Parce que le retour de Lula,
53:04 et ça, c'est le plus grand risque qu'on vit maintenant,
53:07 ne peut pas être seulement une parenthèse républicaine
53:10 dans un grand avènement du populisme
53:13 et de l'antipolitique qui a commencé en 2016.
53:16 Il doit être la fermeture de cette parenthèse extrémiste
53:21 qu'on a connue sous Bolsonaro et un peu sous Temer avant,
53:25 et l'ouverture vers quelque chose de nouveau.
53:28 Et je pense que Lula,
53:30 il sait très bien qu'il doit faire cette transition,
53:33 et c'est pas seulement une transition,
53:35 c'est de donner un destin au Brésil,
53:37 un destin politique, un chemin pour les prochaines générations.
53:41 -Lula ! Lula ! Lula !
53:45 -Le destin du Brésil se retrouve donc encore une fois
53:48 entre les mains de Lula.
53:50 Quoi qu'il fasse, une chose est sûre, en tout cas.
53:52 Lui, Luis Ignacio Lula da Silva,
53:55 l'ancien tourneur fraiseur né dans la plus grande misère
53:58 et devenu trois fois président de l'un des plus grands pays du monde,
54:02 aura eu un destin extraordinaire.
54:04 Un destin dont il fut le premier artisan,
54:07 le destin d'un homme qui restera dans l'histoire.
54:10 ...
54:39 ...
54:49 ...
54:59 [SILENCE]

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