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- Grand témoin : Emmanuel Pierrat, avocat et auteur de « Quand les avocats font l'histoire : De l'Antiquité à nos jours » (Albin Michel)

LE GRAND DÉBAT / Armes pour l'Ukraine : après les chars, jusqu'où aller ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Berlin a cédé. Après plusieurs mois de négociations et de pression entre pays membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), Olaf Scholz a donné son feu vert mercredi 25 janvier 2023. L'Allemagne livrera au printemps 14 chars Leopard 2 A6 tandis que les Etats-Unis exporteront 31 chars Abrams en Ukraine. Paris hésite encore de son côté à livrer des chars Leclerc. Le Kremlin a dénoncé « un engagement direct dans le conflit » des Occidentaux. Réponse légitime à l'invasion de l'Ukraine ou engagement de trop pour l'OTAN ?

Invités :
- Richard Werly, correspondant France-Europe pour « Blick »
- Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française à l'ONU
- Isabelle Lasserre, journaliste au Figaro
- Denis Strelkov, journaliste à RFI
- En Skype : Jean-Louis Thiériot, député LR de Seine-et-Marne

LE GRAND ENTRETIEN / Emmanuel Pierrat : les ténors du barreau dans l'histoire
De l'Egypte antique à la République française de nos jours, en passant par la Grèce ancienne, Emmanuel Pierrat raconte l'histoire des avocats. Dans un ouvrage chronologique « Quand les avocats font l'histoire : De l'Antiquité à nos jours » (Albin Michel), il revient sur tous les pans du métier. Il évoque le secret professionnel et les grandes affaires qui ont marqué l'histoire et notamment, l'entrée tardive des femmes dans le métier.

- Grand témoin : Emmanuel Pierrat, avocat et auteur de « Quand les avocats font l'histoire : de l'Antiquité à nos jours » (Albin Michel)

BOURBON EXPRESS : Stéphanie Dépierre, journaliste à LCP

LES AFFRANCHIS :
- Pierre-Henri Tavoillot, philosophe
- Jean-Rémi Baudot, journaliste politique à Franceinfo

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00 [Musique]
00:06 Bonsoir et bienvenue, ça vous regarde en direct.
00:08 Notre grand témoin ce soir, c'est l'avocat, écrivain et éditeur, Emmanuel Piera.
00:14 Bonsoir.
00:15 Vous publiez "Quand les avocats font l'histoire" chez Albin Michel.
00:19 Chronique sensible, chronique personnelle aussi sur les grands noms de cette profession de l'antiquité à nos jours.
00:25 On en parlera tout à l'heure.
00:26 On est ensemble pendant une heure pour décrypter l'actualité de ce jeudi 26 janvier.
00:31 Au sommaire ce soir, des chars de combat pour l'Ukraine.
00:35 Après des mois d'hésitation, Washington et Berlin ont enfin donné leur feu vert.
00:41 C'est une étape symbolique majeure et un changement de pied qui mérite quelques explications.
00:46 Est-ce que l'Occident est de fait entré dans la guerre ?
00:49 Question de notre grand débat dans un instant avec nos invités.
00:52 Avant de retrouver à 20h15, vous le savez, les Affranchis pour leur parti pris et le Bourbon Express,
00:57 bien sûr l'histoire du jour à l'Assemblée Nationale.
01:00 Vous êtes prêts Emmanuel Piera ?
01:01 Je vous suis.
01:01 Et bien c'est parti, ça vous regarde.
01:03 "Donnez-nous des armes pour que nous récupérions nos terres",
01:17 c'était le cri du cœur de Volodymyr Zelensky aux Occidentaux.
01:21 Ce qui a finalement été entendu.
01:23 Des chars lourds, allemands et américains notamment, vont être livrés à Kiev.
01:27 C'est un tournant qu'on va essayer de comprendre avec nos invités ce soir.
01:31 Général Trincant, bonsoir.
01:32 Bonsoir.
01:33 Merci d'être avec nous, ancien chef de la mission militaire française des Nations Unies.
01:36 Bonsoir Isabelle Lasserre.
01:38 Bonsoir Myriam.
01:39 Ravie de vous retrouver, rédactrice en chef adjointe au service étranger du Figaro
01:43 et ancienne correspondante à Moscou.
01:46 Bonsoir Denis Strelkov.
01:47 Bonsoir.
01:48 Bienvenue dans cette émission, vous êtes journaliste à RFI et spécialiste de la Russie.
01:51 Enfin, bonsoir Richard.
01:52 Bonsoir Myriam.
01:53 Faut-il vous présenter, Richard Verly, dans cette émission correspondant France-Europe du quotidien suisse Blic
01:58 et spécialiste des questions européennes.
02:00 Enfin, bonsoir Jean-Louis Thieriot.
02:02 Je crois que vous êtes à distance avec nous.
02:04 Merci d'être là.
02:05 Vous êtes député des Républicains de Seine-et-Marne
02:08 et vice-président de la commission de la défense à l'Assemblée.
02:11 A tout à l'heure, j'imagine Emmanuel Pierrat, que la guerre en Ukraine vous intéresse.
02:16 Elle nous intéresse tous.
02:17 Je vous donne la parole dans un tout petit instant,
02:19 mais on a besoin de planter le décor avec mon complice, Stéphane Blakowski,
02:23 qu'on va accueillir tout de suite.
02:24 Pourquoi l'Occident a changé d'avis ?
02:26 Il a 200 secondes pour nous le dire.
02:28 Le chrono de Blakow pour démarrer.
02:30 On tourne pour vous accueillir Stéphane, du haut de votre estrade.
02:35 Oh, comme c'est gentil.
02:36 Bonsoir à toutes, bonsoir à tous.
02:38 Alors, ces chars de combat.
02:40 L'info du soir, c'est donc que les Allemands vont livrer des chars de combat aux Ukrainiens.
02:45 Donc, on a invité plein de gens très compétents pour en parler.
02:47 Donc, vous me donnez 200 secondes pour lancer le débat.
02:50 Donc, on va commencer par prendre notre temps.
02:52 On fait une pause.
02:53 Voilà.
02:54 On va commencer par un petit flashback.
02:55 On ferme les yeux.
02:56 On essaie de se souvenir de ce qui se passait il y a un an, jour pour jour.
02:59 C'était le 26 janvier 2002.
03:01 Souvenez-vous, à l'époque, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen disaient
03:04 "Jamais les Russes n'attaqueront les Ukrainiens".
03:07 Et pourtant, déjà à l'époque, il y a un an, les Allemands avaient livré des armes à l'Ukraine.
03:11 Est-ce que quelqu'un se souvient de quelles armes avaient été livrées à l'époque ?
03:14 Bon, allez, trêve de suspense, je vous donne la solution.
03:17 Figurez-vous qu'à l'époque, les Allemagnes avaient livré 5000 casques aux Ukrainiens.
03:21 Et le maire de Kiev avait remercié en disant "C'est sympa les gars,
03:23 la prochaine fois, vous pourriez peut-être nous livrer des oreillers".
03:25 Vous voyez, il avait un peu mal pris cette livraison.
03:28 Mais vous avez compris que ce que je voulais souligner,
03:30 c'est que depuis un an, il y a quand même eu une sérieuse escalade dans ce conflit.
03:33 Et c'est justement ça qui fait peur aux Allemands, c'est ce risque d'escalade.
03:38 Parce que c'est bien beau de livrer des chars aux Ukrainiens pour qu'ils se défendent,
03:42 mais si c'est pour se fâcher avec les Russes, qui veut se fâcher avec les Russes ?
03:45 Donc, avant de livrer ces fameux chars Léopard aux Ukrainiens,
03:50 les Allemands se sont dit que ça serait bien d'être d'accord avec les Américains.
03:54 Parce que les Américains, ils ont des défauts.
03:56 Je veux bien dire, ils ont même beaucoup de défauts.
03:58 En attendant, c'est eux les plus forts.
04:00 Je vous montre le classement des dépenses militaires dans le monde.
04:02 On peut faire un petit cocorico, on est dans le top 10.
04:05 Ce qu'on retient de cette image, c'est quoi ?
04:07 C'est la puissance militaire américaine qui domine le reste.
04:10 En millions de dollars.
04:11 En millions de dollars.
04:12 Mais vous imaginez bien que c'est avec ça qu'on achète des armes.
04:16 Donc, pour livrer des armes, des chars aux Ukrainiens,
04:21 les Allemands voulaient que les Américains soient dans la même barque.
04:24 Et écoutez ce qu'a dit Joe Biden hier soir.
04:27 Aujourd'hui, j'annonce que les États-Unis vont envoyer 31 chars Abrams en Ukraine,
04:33 soit l'équivalent d'un bataillon ukrainien.
04:36 Le secrétaire Austin a recommandé cette mesure parce que cela renforcera
04:39 la capacité de l'Ukraine à défendre son territoire et à atteindre ses objectifs stratégiques.
04:44 Et ben voilà, puisque les Américains sont d'accord pour envoyer 31 chars,
04:50 à l'automne sans doute, les Allemands eux, ben voilà,
04:52 veulent bien aussi avancer avec 14 chars Léopard 2.
04:56 Donc, on va enfin regarder ce char.
04:58 Ah ben il a disparu.
05:00 On l'a vu !
05:01 Un char très rapide qui se déplace à 45 km/h.
05:04 Donc le canon, le général Trinquant nous expliquera un peu.
05:07 Moi ce que j'ai retenu en tant que motobiliste, c'est que c'est un moteur de 1500 chevaux
05:10 qui consomme 400 litres au 100.
05:12 Donc il va y avoir des dépenses de carburant à alimenter pour faire fonctionner toute cette cavalerie.
05:17 Je vois bien que les 200 secondes tirent à leur fin, tout le monde s'impatiente.
05:20 On expliquera, vous aurez le temps, pourquoi les Français ne livrent pas de chars Leclerc
05:24 alors que les Allemands, eux, livrent leur char Léopard.
05:28 Je voudrais juste conclure sur la réaction du président ukrainien
05:32 quand il a appris qu'on lui livrait enfin des chars. On l'écoute.
05:35 Nous devons ouvrir la fourniture de missiles à longue portée à l'Ukraine.
05:40 Il est important que nous développions notre coopération en matière d'artillerie.
05:46 Et nous devons commencer à fournir des avions à l'Ukraine.
05:51 Bon ben voilà, là on connaît la prochaine étape.
05:53 Les missiles, les avions.
05:55 Je vous laisse débattre, je vous laisse juste avec une image derrière pour orienter le débat,
05:59 voir un petit peu ce que je voulais dire à travers ce papier.
06:02 - Elle arrive ? - Attention.
06:03 - Ouais. - J'en dis pas plus.
06:05 Mais à mon avis c'est une piste pour votre débat.
06:07 - Un engrenage. Merci Stéphane.
06:09 Je voudrais d'abord vous entendre chacun sur la portée géopolitique de la décision.
06:13 On va venir aux chars, ce qu'ils permettent exactement, comment former les Ukrainiens, etc.
06:18 Isabelle Lasserre, des armes lourdes,
06:20 ça veut dire que les Occidentaux ont changé de position par rapport à leur soutien militaire vis-à-vis de l'Ukraine ?
06:28 - Oui.
06:29 Clairement, les armes lourdes, ça va permettre de...
06:33 Les chars lourds auront un poids particulier dans la guerre en Ukraine,
06:38 donc ça signe peut-être un tournant, ou pas d'ailleurs,
06:41 mais c'est vrai que ce sera plus pareil qu'avant.
06:43 Il y a eu un glissement dans l'aide des Occidentaux à l'Ukraine depuis le 24 février dernier,
06:49 et là, c'est la première fois, d'abord, qu'il y a une telle unité,
06:52 en fait, malgré les désaccords de coulisses et de façades,
06:55 il y a une vraie unité entre les grands pays occidentaux,
06:59 avec une prise de conscience que la guerre va être longue,
07:03 et pour une fois aussi, tout le monde est d'accord sur le fait que la négociation n'est absolument pas possible,
07:09 donc il va falloir aider les Ukrainiens dans le long terme et le faire assez rapidement.
07:13 C'est un changement.
07:14 - La négociation avec Poutine n'est pas possible, c'est ce que veut dire Isabelle Lasserre,
07:18 ça, c'est un changement, parce qu'on a eu l'impression, côté allemand, côté français,
07:22 ça a été même critiqué, qu'il y avait toujours cette idée de préparer l'après,
07:26 de tenter les négociations, les coups de fil d'Emmanuel Macron ont été très critiqués.
07:30 Ca y est, les Occidentaux considèrent qu'on ne peut rien attendre de Poutine.
07:34 - Ils ont compris que le président Poutine ne voulait pas négocier,
07:37 qu'il organise la Russie comme un Etat en guerre,
07:40 même s'il n'emploie pas ce mot-là,
07:42 il s'est adressé, il y a, je crois, quatre semaines, à l'ensemble des officiers,
07:47 en disant maintenant, la Russie s'organise, l'économie s'organise,
07:51 et pour faire la guerre.
07:54 Donc c'est l'option russe du long terme, de gagner sur le long terme,
07:59 et je pense que cette option a en contrepartie l'espoir que les Occidentaux vont briser leur unité.
08:07 Et je pense que la décision de fournir des chars prouve l'inverse,
08:11 c'est-à-dire que les Occidentaux restent unis, soutiennent l'Ukraine,
08:15 parce que c'est ça, le choc majeur pour le président Poutine.
08:18 Il sait que lui prépare la guerre sur le long terme,
08:21 mais que les Occidentaux font la même chose,
08:23 et que donc il va y avoir une vraie difficulté pour lui.
08:25 - Ca veut dire que maintenant, pour l'Occident, la seule option, c'est la victoire de l'Ukraine ?
08:29 On peut dire ça comme ça ?
08:31 - Ecoutez, moi j'ai des doutes, je les ai exprimés pas plus tard qu'hier sur ce plateau,
08:34 c'est-à-dire qu'on parle beaucoup d'offensive ukrainienne,
08:37 et les chars lourds seraient là pour y contribuer,
08:39 je crois que le chiffre qui avait été avancé pour pouvoir constituer une offensive,
08:42 c'était 300 chars, on en est encore loin si on fait le compte,
08:45 il me semble plutôt qu'au fond, on est via les chars dans un message très politique.
08:49 Effectivement, le message adressé à Vladimir Poutine,
08:52 c'est-à-dire nous serons prêts, nous aussi, à tenir aux côtés des Ukrainiens,
08:56 est-ce que par contre, ces livraisons vont faire la différence sur le terrain rapidement ?
09:00 Point d'interrogation.
09:02 Et deuxième chose à propos de la rhétorique,
09:04 eh bien la rhétorique est toujours la même,
09:06 nous ne sommes pas co-belligérants, disent les alliés,
09:09 puisque nous n'intervenons pas sur le terrain,
09:11 mais il faut reconnaître qu'avec la présence de chars lourds,
09:14 ce discours devient quand même un peu plus compliqué à tenir.
09:17 Jean-Louis Thieriot, la présence de chars de combat,
09:21 Léopard 2, Allemands, Abrams, Américains, Challengers, Royaume-Uni,
09:26 ça veut dire que les Occidentaux franchissent un pas,
09:29 sont de fait plus impliqués dans cette guerre, ou entrés dans cette guerre ?
09:35 Non, je crois que les Occidentaux dans cette affaire-là sont cohérents.
09:39 Il y a un agressé, il y a un agresseur, il y a un ordre international
09:44 qui ne peut pas être bouleversé par le comportement d'un pays,
09:48 en l'occurrence la Russie.
09:49 Et on voit aujourd'hui que l'armée ukrainienne rencontre quelques difficultés,
09:55 elle a besoin de reconstituer un corps de manœuvre blindé, mécanisé.
10:00 Cette décision, à terme, quand l'ensemble de la communauté Léopard se sera mobilisée,
10:07 peut lui apporter les moyens de se défendre.
10:09 Donc oui, ça peut avoir une efficacité militaire, c'est un message politique.
10:14 Moi ce que je note et que je regrette, c'est que d'un côté,
10:18 il y a cette belle unité de l'Occident, et c'est tant mieux,
10:21 ce que je regrette c'est que c'est quand même le couple franco-allemand
10:24 qui montre sa faiblesse.
10:26 On avait la grande messe des 60 ans du traité de l'Elysée,
10:29 où on aurait pu avoir une annonce du chancelier Scholz,
10:33 hélas c'est venu après le discours de Joe Biden.
10:36 Donc on connaît le tropisme américain des Allemands,
10:40 on sait les divisions qu'il y a dans leur gouvernement,
10:43 mais je crois que là, on a eu une très belle occasion ratée
10:46 de montrer l'Europe puissante.
10:48 Jean-Louis Thériault, on revient vers vous.
10:50 Je vous donne la parole dans un instant, mais les réactions russes,
10:53 on va tout de suite les voir dans le sujet de Marco Pommier.
10:56 La première de ses réactions, c'est ce matin, nouvelle frappe russe
10:59 contre Kiev qui a fait 11 morts, nouvelle salle de missiles,
11:02 alors que sur la ligne de front, la Russie affirme progresser de nouveau
11:05 à la fois près de Bahroumout, à l'est, et aussi dans la région de Zaporizhia,
11:09 dans le sud du pays. Marco Pommier.
11:11 Véhicules pulvérisés, bâtiments soufflés, ces dernières heures,
11:21 la Russie aurait tiré une trentaine de missiles
11:24 et lancé des dizaines de drones contre son voisin.
11:27 Dans son viseur, des infrastructures énergétiques à Odessa,
11:31 mais aussi la capitale du pays, Kiev,
11:33 où les attaques ont fait 11 morts et 11 blessés.
11:36 Des bombardements qui interviennent au lendemain
11:39 de la décision des Occidentaux de livrer des chars à l'armée ukrainienne.
11:43 Moscou promet de les détruire.
11:46 Nous considérons cela comme un engagement direct dans le conflit
11:49 et nous voyons que cet engagement grandit.
11:52 En jeu, plus de 100 chars occidentaux, des Léopards,
11:56 des Challengers, des Abrams.
11:58 Ils pourraient apporter une aide cruciale aux Ukrainiens
12:02 confrontés à de multiples offensives russes
12:05 sur une ligne de front quasiment immobile depuis plusieurs mois.
12:09 Des offensives meurtrières.
12:11 Dans cet hôpital ukrainien, les pertes sont lourdes.
12:14 Pour ce chirurgien, des livraisons de chars modernes pourraient tout changer.
12:18 J'ai un terrible exemple.
12:20 On a pris en charge un jeune tankiste avec tout le visage brûlé.
12:24 Son char a été touché par une frappe et le réservoir d'huile a explosé.
12:28 L'huile a aspergé toute sa tête.
12:31 Je sais que s'il avait été dans un char moderne,
12:34 au blindage plus résistant, il ne serait pas dans cet état.
12:38 Problème, les blindés occidentaux ne seront pas opérationnels
12:41 avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
12:44 Les soldats ukrainiens devront d'abord être formés sur ces machines
12:48 bien plus sophistiquées que leurs tanks actuels,
12:51 des T-12 de fabrication soviétique.
12:54 Le Pentagone va très bientôt commencer à former les tankistes ukrainiens
12:59 qui manient les chars, afin qu'ils soient prêts à intervenir
13:02 lorsque ces chars seront sur le champ de bataille.
13:05 Pour l'heure, difficile de savoir où et quand l'état-major ukrainien
13:09 pourrait engager son corps de blindé.
13:11 Ces chars d'assaut vont-ils servir à contenir les assauts russes ?
13:15 De leur côté, les Etats-Unis tablent sur une contre-offensive ukrainienne au printemps.
13:20 Denis Strelkov, Moscou a réagi par l'intermédiaire du porte-parole.
13:25 "Provocation", on a le président de la Douma qui avait même employé
13:29 le mot de "catastrophe mondiale", ça, c'était avant la décision.
13:32 On a même la télé russe, la propagande russe, qui dit,
13:36 c'est simple, si ça arrive près de notre frontière,
13:38 on envoie les chars à Berlin.
13:40 C'est à prendre au sérieux, tout ça ?
13:42 Je pense qu'il y a quand même un problème, que ce mot "catastrophe",
13:45 "provocation", ils ont été prononcés par des responsables russes
13:50 assez souvent depuis le début de la guerre, et ça, c'est un grand changement.
13:53 C'est important, les chars, bien évidemment,
13:55 mais ce qu'on observe aujourd'hui, c'est même plus important,
13:57 c'est qu'il y a une autre chose qui est brisée, c'est la propagande russe.
14:00 Car avant, on parlait toujours de ces lignes rouges.
14:03 On imagine toujours qu'il y a les lignes rouges,
14:05 qui est le pont de Kerch, à côté de la Crimée.
14:08 On peut imaginer que les frappes sur les territoires russes,
14:11 c'est encore les lignes rouges.
14:13 Maintenant, on ne parle plus de ce concept-là.
14:15 Elles ont bougé en permanence, les lignes rouges de Poutine.
14:18 Surtout qu'elles n'existent presque pas.
14:19 On peut maintenant dire que, quoi qu'il ait fait par l'Occident,
14:22 quoi qu'il ait fait par l'Occident, quoi qu'il ait fait par l'Occident,
14:24 la Russie n'a pas de moyens de réagir de manière efficace.
14:26 Et c'est pour ça que, même si on voit tout ça,
14:29 des discours assez offensifs à la télévision russe...
14:32 - Donc vous pensez qu'au fond, le risque d'escalade
14:35 a trop paralysé les Européens ?
14:37 - Au fond, ce qui est important, c'est que ce discours de l'escalade,
14:40 ce discours que si jamais vous livrez plus d'armes,
14:43 il y aura une escalade encore plus profonde,
14:45 il était utilisé par la propagande de Moscou.
14:48 Et c'est ça, donc quand on parle de l'escalade,
14:50 on sert à quelque chose aux mots qui sont prononcés
14:53 en faveur du Kremlin.
14:55 Donc certes, il faut bien réfléchir à ce concept-là,
14:57 mais dans tous les cas, la Russie, quoi qu'il soit,
15:00 des armes qui vont arriver sur le sol ukrainien,
15:02 elles vont faire tout pour...
15:05 pour gagner cette guerre.
15:07 Il n'y aura pas une désescalade
15:09 si jamais on arrête la légion des armes.
15:12 - Le général Trinquant.
15:13 - Oui, je crois que l'escalade qui consiste à apporter,
15:17 depuis les premiers casques fournis jusqu'au Léopard,
15:21 il y a eu une escalade depuis 11 mois,
15:23 mais tout ceci s'entend dans un vaste clos,
15:26 le champ de bataille que représente l'Ukraine.
15:29 Il y a une ligne rouge, la frontière russe,
15:32 il ne faut pas franchir la frontière russe.
15:34 Il y a une autre ligne rouge,
15:36 il ne faut pas franchir la limite de l'OTAN,
15:39 ça, c'est pour les Russes.
15:40 Entre les deux, il y a un champ clos,
15:42 c'est comme au Moyen Âge, on combat à l'intérieur,
15:44 et on verra quel est le résultat à l'intérieur.
15:47 - Parlez-nous de ces chats.
15:48 - Il n'y a pas d'escalade à l'extérieur.
15:49 - Expliquez-nous en quoi ça change tout.
15:51 On se dit que c'est très compliqué,
15:53 il y a une maintenance importante,
15:55 une formation nécessaire,
15:56 c'est des équipements électroniques, technologiques de pointe,
15:59 est-ce que ça va être efficace sur le terrain ?
16:01 - Comme vous parlez à un tankiste, je vais être clair,
16:03 c'est l'arme de la décision, c'est comme ça qu'on l'appelle.
16:06 Ceci étant, ça ne change pas tout, tout seul.
16:09 Une offensive telle que les Ukrainiens veulent la monter,
16:12 ça nécessite des chars,
16:14 mais ça nécessite aussi des véhicules blindés d'accompagnement,
16:18 Marder, Bradley, qui ont été annoncés il y a déjà 15 jours,
16:21 ça nécessite une protection antiaérienne,
16:24 armement antiaérien que la France se propose de fournir,
16:28 ça nécessite de l'artillerie pour tirer sur les dépôts de munitions
16:32 et de carburant, ça nécessite des moyens d'eugénie
16:35 pour permettre aux chars de franchir...
16:37 - Ça, les Ukrainiens.
16:38 - Oh, pardon.
16:39 - Ils les ont, tous ces moyens ?
16:41 - Oui, tous ces moyens pour permettre aux Ukrainiens
16:43 de franchir les champs de mines.
16:45 C'est l'ensemble de ces moyens interarmes,
16:47 voire interarmés si on met des avions et des hélicoptères,
16:50 qui permettront de réussir une offensive.
16:53 Et pour finir, c'est la capacité de l'Etat-major ukrainien
16:56 à monter cette manoeuvre.
16:58 Pour prendre un exemple historique qu'on connaît bien,
17:01 lancer une attaque de char contre la ligne Malgino, ça ne marche pas.
17:04 Par les Ardennes, ça fonctionne.
17:06 Donc il faut arriver à monter tout ce système-là.
17:09 C'est pour ça que je dis que c'est l'arme de la décision,
17:12 c'est important, mais ça ne marchera pas tout seul.
17:15 Il faut monter une opération et avoir l'ensemble des moyens
17:19 qui permettent d'enfoncer les lignes russes.
17:22 - Est-ce qu'ils sont là, les moyens ?
17:24 Même si on a compris que les chars n'arriveraient pas tout de suite,
17:27 que ça prendrait du temps, on parle du printemps,
17:29 en vue d'une offensive potentielle côté russe, côté ukrainien,
17:32 sur ces grandes plaines.
17:34 Quel est le calendrier ?
17:36 Comment soutenir, au-delà des chars, ces opérations possibles ?
17:40 - En fait, il y a quand même un plan de partage
17:44 qui s'est effectué depuis plusieurs jours
17:48 entre les alliés occidentaux.
17:50 Par exemple, ces chars lourds vont être accompagnés
17:54 par les chars légers AMX français,
17:57 qui font partie du dispositif.
17:59 Les Français vont aussi sans doute livrer
18:02 du matériel supérieur en artillerie et en défense aérienne.
18:07 Tout ça va se mettre en place rapidement.
18:10 Sur le timing, c'est compliqué à dire,
18:12 ça dépend en partie de la météo.
18:14 Tout le monde parle du printemps,
18:16 mais il y a cette fameuse rasputitsa au printemps,
18:19 cette boue qui est un obstacle très important pour les chars,
18:24 parce qu'elle les enraye.
18:26 On ne peut plus avancer.
18:28 Quand le dégel donne son bout...
18:30 - C'est à peu près à cette période qu'il devrait arriver.
18:33 - Ça dépend du moment.
18:35 Ça peut être aussi en mai-juin.
18:37 C'est difficile à dire.
18:39 Et puis, ça va aussi dépendre de quand est-ce que les Russes
18:43 ont aussi prévu leur offensive.
18:46 La mobilisation a un petit peu repris,
18:50 mais la mobilisation générale qu'on annonce
18:53 n'a pas encore été déclarée,
18:56 ni même mise en pratique de manière systématique.
18:59 Donc il ne va sans doute rien se passer avant le printemps.
19:03 - Emmanuel Pierrat, comment vous regardez ce tournant ?
19:06 On comprend tous que c'est un tournant.
19:08 Ce n'est pas simplement les chars, les chars.
19:10 Il y a quelque chose qui se passe militairement
19:12 dans le soutien des Occidentaux.
19:14 Il était temps ou vous êtes inquiet ?
19:16 - Il était temps, mais je me souvenais
19:18 quand Stéphane Blachowski a commencé
19:20 pour dire qu'il y a un an, on était en apparence de paix.
19:23 J'étais invité, je devais me rendre à Kiev,
19:25 à l'Arsenal Boukfer, la foire du livre de Kiev,
19:27 où je suis souvent allé, avec Paul Oster,
19:29 avec Philippe Sanz, qui est un avocat écrivain anglais,
19:32 et puis on y allait pour rencontrer Andrei Kourkov,
19:35 le grand écrivain ukrainien.
19:37 Et je me souviens qu'Andrei, que j'ai eu au téléphone,
19:40 m'a dit "Je pense qu'on va devoir annuler
19:42 "parce que les choses se tendent.
19:44 "Beaucoup de gens croient que c'est la guerre."
19:46 Je lui disais "Où est la guerre ?"
19:48 Et puis ça a été annulé.
19:50 Andrei Kourkov est resté sous les bombes à Kiev.
19:52 On lui a prévu une voie de sortie, etc.
19:54 Il m'a dit "Non, je ne peux pas les quitter maintenant."
19:56 Il y a tous ces écrivains qui étaient venus nous parler,
19:58 venant du Donbass, venant de Crimée,
20:00 nous alertant alors que nous étions, on va dire,
20:02 "insouciants", ou inquiets, mais pas aussi...
20:05 Tout ça me rend très ému et profondément concerné.
20:08 Je suis en permanence en contact avec des gens là-bas,
20:11 avec des gens aussi à Moscou, avec des gens en Moldavie,
20:14 avec... Ça ne s'est pas sorti des frontières,
20:16 mais ça bouge tout autour.
20:18 Et tout le monde est inquiet.
20:20 Je ne suis pas un tankiste, je ne suis pas spécialiste
20:22 de géopolitique, je suis juste un citoyen très ému.
20:24 -C'est notre guerre, vous diriez aussi.
20:26 C'est la nôtre. -C'est leur guerre, c'est la nôtre.
20:28 Nous sommes un seul et même peuple sur Terre.
20:30 -On va des valeurs. -Il n'y a pas de frontières.
20:32 -Jean-Louis Thiriot,
20:34 et nos chars Leclerc ?
20:36 Alors, expliquez-nous.
20:38 Le ministre ukrainien de la Défense,
20:40 aujourd'hui, il dit très clairement
20:42 dans les colonnes de l'excellent Figaro d'Isabelle Lasserre,
20:44 "Meilleur accueil possible, bienvenue."
20:46 Oui, oui, on veut bien les accueillir,
20:48 ces chars français.
20:50 Pourquoi on ne les livre pas ?
20:52 Est-ce qu'ils ne sont pas assez efficaces
20:54 ou nombreux ?
20:56 -Non, je crois que le principal problème,
20:58 quand on prend une décision militaire,
21:00 c'est de savoir est-ce que c'est utile
21:02 ou pas.
21:04 Aujourd'hui,
21:06 le corps des Leclerc en France,
21:08 je crois qu'on a 222 Leclerc.
21:10 C'est un char lourd,
21:12 compliqué, qu'on ne pourra
21:14 jamais remplacer. Donc ça veut dire
21:16 que ce que l'on peut apporter
21:18 à l'Ukraine, ça serait
21:20 probablement ce sur quoi on a travaillé
21:22 un escadron de Leclerc,
21:24 14 Leclerc, et ces 14 Leclerc
21:26 à soutenir, à entretenir,
21:28 avec tout le maintien en condition opérationnelle,
21:30 qui est extrêmement
21:32 compliqué. Donc je crois que la France
21:34 a intérêt à se
21:36 focaliser sur
21:38 les matériels où elle peut vraiment
21:40 apporter le plus de choses.
21:42 Je pense notamment au César, mais pas que.
21:44 Mais aujourd'hui, ça aurait pu avoir un sens
21:46 comme effet d'entraînement, maintenant
21:48 que la décision est prise. À mon avis,
21:50 ils vont déjà avoir des Challenger, des Léopard,
21:52 des Abrams. C'est pas la peine
21:54 de rajouter une quatrième variété de charlots.
21:56 - Donc c'est pas un moyen pour la France
21:58 de se dérober, sur ce coup-là,
22:00 sur les charles-leclercs. C'est juste qu'ils ne sont pas
22:02 suffisamment, techniquement...
22:04 trop compliqués,
22:06 c'est ça qu'on comprend. - C'est pas trop compliqué.
22:08 Simplement, je pense que la
22:10 proposition d'étude de l'envoi
22:12 d'un escadron était une proposition
22:14 à valeur politique.
22:16 C'était "Messieurs les Allemands, vous n'êtes pas seuls,
22:18 on est avec vous". Maintenant que les Américains
22:20 se sont déclarés, sur le plan
22:22 purement technique, il vaut
22:24 mieux avoir une homogénéité
22:26 d'un parc de chats. - D'accord.
22:28 - Donc là, il y a des Léopard, il y a des M1,
22:30 c'est homogène, à soutenir,
22:32 c'est plus simple. Même nos amis britanniques,
22:34 les Challenger, je suis désolé, c'est très
22:36 gentil de les avoir fournis, mais ça va complexifier
22:38 le problème. Et si on rajoutait
22:40 en plus des Leclercs, ça serait encore
22:42 plus compliqué. Donc, je pense
22:44 que c'est... Il faut jouer utile.
22:46 Il y a eu une utilité politique
22:48 de dire "les Leclercs, on pourrait
22:50 les envoyer avec les Allemands". Cette utilité
22:52 politique a disparu puisque
22:54 les Américains s'y sont joints. Et maintenant,
22:56 sur le plan purement
22:58 opérationnel, ça n'est pas
23:00 vraiment un sujet, mais sur le plan du soutien,
23:02 c'est un vrai sujet. - Et
23:04 maintenant, jusqu'où aider ? Vous avez
23:06 entendu Richard Ferly l'appel
23:08 immédiat, après les remerciements
23:10 évidents de Volodymyr Zelensky,
23:12 qui demande maintenant des missiles
23:14 de longue portée, 5000 km,
23:16 qui demande des avions
23:18 de chasse, de combat.
23:20 C'est légitime ?
23:22 - De sa part, il est absolument dans son rôle.
23:24 Il est le chef d'Etat
23:26 d'un pays agressé,
23:28 face à un agresseur extrêmement puissant,
23:30 et donc la seule manière de se défendre, c'est d'avoir
23:32 des armes à la hauteur, au moins,
23:34 de celles de l'agresseur, c'est-à-dire de la Russie.
23:36 Est-ce qu'on va
23:38 livrer ce type de matériel ?
23:40 Personnellement, je ne le sais pas, mais
23:42 n'oublions jamais que dans toute guerre,
23:44 même une guerre dans un périmètre donné,
23:46 comme le disait le général, il y a un risque d'engrenage.
23:48 Il faut quand même l'admettre. Il y a un risque
23:50 d'engrenage. Il y a un moment où,
23:52 peut-être, vous l'avez dit, la Russie pourrait
23:54 tenter une offensive, où cette offensive
23:56 percerait les défenses ukrainiennes, et où il faudrait
23:58 leur venir en aide de manière encore
24:00 plus massive. Donc je crois que ce risque d'engrenage,
24:02 il ne faut pas le minimiser, d'autant que,
24:04 dans l'autre sens, le général Trincaux faisait
24:06 référence aux frontières de la Russie, alors là,
24:08 il y a quand même un hiatus. Considère-t-on les frontières
24:10 de la Russie avant la guerre,
24:12 ou maintenant, puisqu'il y a eu les fameux référendums,
24:14 et vous savez que les territoires conquis sont
24:16 désormais considérés par Moscou comme
24:18 des territoires russes. - Denis Shrelkov,
24:20 sur les frontières, pour Moscou, c'est
24:22 le don de base autoproclamé
24:24 russe après les
24:26 faux référendums ? - Pour Moscou, il n'y a pas
24:28 de frontières, en quelque sorte. Pour Moscou,
24:30 il faut occuper encore plus. Je vous rappelle que
24:32 la Russie, de manière officielle, attachait
24:34 son territoire à la région de Zéparigier,
24:36 la région dont la Russie occupe
24:38 2 ou 3 % à ce moment-là.
24:40 Donc, vous voyez, quand on parle des frontières,
24:42 bien évidemment, Moscou va essayer de...
24:44 - On va vous montrer la carte en même temps.
24:46 - Moscou va essayer d'attaquer le plus.
24:48 Il y a quand même la question qui est assez spéciale de la Crimée,
24:50 car évidemment, de manière politique, Poutine
24:52 peut se permettre de perdre
24:54 quelques territoires en plus de ceux qu'il a déjà
24:56 perdus. On a vu qu'on a tous dit
24:58 que Kherson, ce sera une faute
25:00 absolue pour Poutine, et que même le régime
25:02 l'a survécu. Par contre, la Crimée, c'est une chose
25:04 qui est assez spéciale pour les Russes. Il faut bien le comprendre
25:06 que depuis 2014, on dit aux Russes
25:08 que c'est un territoire qui est historiquement
25:10 attaché à la Russie. Il ne faut pas le perdre.
25:12 C'est ça, une ligne rouge, si on revient
25:14 à cette polémique-là. - Il en reste une,
25:16 c'est celle-là. - La Crimée sera défendue
25:18 avec beaucoup
25:20 d'audace par la Russie
25:22 si l'Ukraine va essayer de la reprendre.
25:24 Surtout que c'est là où Poutine
25:26 va essayer de jouer encore plus sur
25:28 les sentiments patriotiques. C'est là où on peut
25:30 prévoir peut-être une mobilisation
25:32 ou des choses pareilles. - Isabelle Lasserre,
25:34 vous qui avez des sources
25:36 à la fois politiques, militaires,
25:38 importantes, qu'est-ce qu'on pense
25:40 aujourd'hui dans le camp occidental ? Vous nous disiez
25:42 tout à l'heure que c'est parti pour un an de guerre de plus.
25:44 - On pense... Jusque-là,
25:46 on a pensé de manière assez
25:48 différente. L'Occident est déjà
25:50 un concept compliqué
25:52 et depuis le début de la guerre,
25:54 il était divisé en deux parties, c'est-à-dire d'une partie
25:56 l'Europe centrale
25:58 et orientale, qui a toujours eu une position,
26:00 une analyse
26:02 réaliste et juste
26:04 de la menace russe,
26:06 contre le camp qu'aujourd'hui,
26:08 qu'on a appelé... Donc c'était le camp...
26:10 Et qui considère aujourd'hui cette Europe orientale
26:12 qu'on appelle
26:14 le camp de la victoire, que seule une victoire
26:16 claire, nette
26:18 et précise des Ukrainiens,
26:20 y compris jusqu'en Crimée,
26:22 puisque la Crimée est ukrainienne,
26:24 que c'est la seule manière de se débarrasser une fois pour toutes
26:26 de la menace du régime
26:28 poutinien. Et en face,
26:30 il y avait une Europe qu'on appelait l'Europe de la paix,
26:32 qui était essentiellement représentée
26:34 par Paris et par
26:36 Berlin, et qui considérait
26:38 qu'il était possible d'ouvrir des négociations,
26:40 qu'il était possible de convaincre
26:42 Poutine de s'arrêter,
26:44 et qui a, pendant très très longtemps,
26:46 essayé de donner une
26:48 ouverture à Moscou. Ca n'a pas marché
26:50 aujourd'hui. - Il n'y a plus qu'un seul camp, on peut le dire comme ça ?
26:52 - On pense de manière... Aujourd'hui, non,
26:54 il y a des divergences encore, bien entendu.
26:56 Mais aujourd'hui, il y a quand même
26:58 une unité à peu près
27:00 reconstituée entre les Etats-Unis
27:02 et l'Europe, avec des certitudes.
27:04 Petit 1, les négociations ne sont pas possibles.
27:06 Petit 2, la guerre va durer
27:08 longtemps. Et petit 3, je pense que ce que les Occidentaux
27:10 ont compris, ce qui n'était pas
27:12 clair jusque-là à Berlin et à Paris,
27:14 c'est qu'en fait, il ne s'agit pas
27:16 seulement d'une guerre entre
27:18 la Russie et l'Ukraine, mais cette guerre a des
27:20 implications régionales
27:22 et mondiales. Et en fait,
27:24 les Occidentaux, y compris les Français et les Allemands,
27:26 ont compris, parfois, tardivement,
27:28 qu'en fait, une défaite
27:30 de l'Ukraine aurait des conséquences
27:32 plus dramatiques
27:34 que la prise du risque
27:36 de l'escalade, en ce sens que
27:38 elle aurait des conséquences
27:40 très graves pour la sécurité
27:42 du continent européen,
27:44 pour l'avenir des démocraties
27:46 et puis aussi pour l'avenir du droit
27:48 international, que finalement,
27:50 l'Ukraine, effectivement, défendait
27:52 les valeurs européennes, les valeurs
27:54 de la démocratie, et donc, notre camp
27:56 et qu'il fallait s'opposer aux autocraties.
27:58 -Il en va
28:00 des valeurs même
28:02 de l'humanité et des démocraties.
28:04 -Je voulais juste ajouter deux dates.
28:06 Mais malheureusement, pour les Ukrainiens
28:08 et pour la situation sur le champ de bataille,
28:10 ces deux dates sont en 2024. C'est l'élection
28:12 présidentielle en Ukraine et c'est l'élection présidentielle
28:14 aux Etats-Unis. Donc, si vous regardez
28:16 le calendrier politique, vous vous dites
28:18 que 2023, probablement, c'est l'année
28:20 où on se fait face et 2024,
28:22 peut-être... -Il faut rajouter
28:24 l'élection en Russie.
28:26 -Absolument. Tout à fait.
28:28 On voit bien que l'année politique sera 2024.
28:30 De là à en déduire que 2023 sera l'année militaire.
28:32 -Général Trinquant,
28:34 au fond, c'est une forme
28:36 de nouvelle guerre froide,
28:38 alors certains disent "guerre chaude",
28:40 mais cette espèce de revirement,
28:42 de changement d'époque, on peut le dire
28:44 comme ça, dans le camp occidental.
28:46 Vous partagez l'analyse d'Isabelle Asselineau ?
28:48 -Il y a un changement d'époque complet.
28:50 Moi, je reviens toujours au début de la guerre.
28:52 Et c'est pas pour dédouaner
28:54 Poutine, il voulait pas faire la guerre.
28:56 Il voulait faire un coup d'Etat à Kiev.
28:58 Il voulait renverser le gouvernement de Kiev
29:00 sous la pression militaire,
29:02 mais le renverser, il voulait pas faire la guerre.
29:04 Et puis, il s'est planté complètement, pour prendre
29:06 un terme bien connu,
29:08 et là, il s'est pu sortir de son tunnel.
29:10 Du coup, il demande à l'armée de faire la guerre,
29:12 elle était pas prête pour ça,
29:14 de façon globale, mais encore moins
29:16 ponctuellement, et il n'arrive plus
29:18 à sortir de ce tunnel.
29:20 Et aujourd'hui, qu'est-ce qu'il fait ?
29:22 Il dit maintenant, "La Russie est..."
29:24 Alors, il emploie pas le mot "guerre", il l'a employé une fois,
29:26 je crois, mais "La Russie est en guerre
29:28 et nous organisons tout
29:30 autour de la guerre." Ce qui, au passage,
29:32 pour un autocrate, est plus simple.
29:34 Parce qu'on organise la société
29:36 autour de lui-même.
29:38 Donc, c'est très compliqué,
29:40 et nous, Occidentaux, comment pouvons-nous
29:42 accepter qu'un autocrate
29:44 décide de briser
29:46 les traités,
29:48 de briser les règles internationales
29:50 en utilisant la guerre ?
29:52 Et c'est sa faute
29:54 à lui, et lui ne sait pas comment s'en tirer.
29:56 - On verra si cette
29:58 unité occidentale continue
30:00 de durer. Jean-Louis Thériault,
30:02 pour terminer ce débat, j'aimerais
30:04 vous soumettre quelques chiffres. On sait que cette décision
30:06 de Berlin, notamment, a été prise sous la pression
30:08 des pays de l'Est, de la Pologne
30:10 et aussi des
30:12 trois Etats baltes. Quand on regarde
30:14 les contributions à pourcentage de budget
30:16 de la défense des pays européens,
30:18 c'est très clairement les pays de l'Est
30:20 qui donnent le maximum
30:22 de leur budget de défense.
30:24 41 % pour l'Ethonie,
30:26 37 % pour
30:28 l'Estonie, et on voit
30:30 0,5 % du budget de la défense seulement
30:32 va à l'Ukraine. Alors,
30:34 évidemment, quand on ramène ces chiffres au milliard,
30:36 évidemment, c'est les Américains
30:38 qui sont largement en tête. On va voir
30:40 ce panneau, l'aide militaire par pays,
30:42 en milliard, c'est les Américains.
30:44 Et puis, évidemment, la France
30:46 est mieux classée,
30:48 et on comprend pourquoi, puisqu'on a
30:50 forcément une défense plus importante.
30:52 Qu'est-ce que ça vous inspire,
30:54 au fond, que... Notre aide
30:56 reste quand même assez faible
30:58 en France. Est-ce qu'il faut répondre
31:00 à Zelensky en le soutenant davantage, d'un point de vue
31:02 militaire ? - Oui, vous savez,
31:04 je crois d'abord qu'il faut quand même regarder les chiffres
31:06 en valeur absolue.
31:08 On n'est pas ridicule loin de là.
31:10 D'autre part, on aide aussi
31:12 en fonction de l'état de ses
31:14 finances publiques, et vous
31:16 connaissez l'état des finances publiques français,
31:18 c'est pas particulièrement glorieux.
31:20 J'ajouterais un troisième point, mais je ne citerais
31:22 pas de pays dans ce que j'évoque.
31:24 D'après les informations que
31:26 j'ai, tout ce que nous envoyons
31:28 ou à peu près tout, fonctionne et fonctionne
31:30 bien. Parfois,
31:32 c'est un peu plus compliqué que cela.
31:34 Donc, je crois qu'on n'a pas à rougir
31:36 de ce que l'on fait. La France
31:38 fait ce qu'elle peut, elle peut sans doute
31:40 faire mieux, et puis on a aussi un autre
31:42 élément qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'on a
31:44 un outil industriel
31:46 qui, même s'il est mis à contribution,
31:48 peine à produire davantage.
31:50 Et si on veut envoyer plus
31:52 d'obus de 155, aujourd'hui on a déjà
31:54 une tension maximum.
31:56 Donc, l'aide, probablement,
31:58 fera l'objet d'une montée en puissance progressive.
32:00 - Merci beaucoup. On va s'arrêter là.
32:02 Sur quoi ? Je me tourne vers vos deux.
32:04 À quoi il faudra être très attentif
32:06 dans les semaines à venir, sur le conflit ?
32:08 Qu'est-ce qui va bouger ?
32:10 Qu'est-ce qu'il faut regarder ?
32:12 - Il faut regarder le type d'armes,
32:14 après les chars lourds, qui vont être ou non
32:16 envoyées à l'Ukraine.
32:18 - Si l'appel de Zelensky
32:20 est entendu, qu'est-ce que vous
32:22 regarderez, vous, attentivement ?
32:24 - La progression des promesses.
32:26 Derrière, j'envoie des chars. Quand est-ce qu'ils arrivent ?
32:28 Quand est-ce qu'ils peuvent être engagés ?
32:30 Parce que si c'est pour engager dans un an,
32:32 c'est pour ça que la promesse américaine me surprend beaucoup.
32:34 Je rappelle qu'il y a des chars américains
32:36 à Ramstein. Il n'y a pas besoin de les sortir
32:38 des usines, il suffit de les sortir des stocks américains.
32:40 Donc voilà, ça me laisse un peu
32:42 pantois. - On va regarder ça. Merci beaucoup.
32:44 Merci d'être venu sur le plateau de LCP
32:46 pour ce débat. Vous restez avec moi,
32:48 Emmanuel Piera. Dans une dizaine de minutes,
32:50 les partis prient de nos affranchis.
32:52 Ce soir, splendeur et misère des partis politiques.
32:54 Ce sera la carte blanche de Pierre-Henri Tavoyau.
32:56 Jean-Rémi Baudot, la natalité,
32:58 un impensé d'Emmanuel Macron,
33:00 et puis retraite, rien n'est joué
33:02 avec les LR. Ce sera le Bourbon Express
33:04 de Stéphanie Despierre. Mais d'abord,
33:06 quand les avocats font
33:08 l'histoire, on va se plonger dans votre livre,
33:10 Emmanuel Piera, chronique sensible, je le disais,
33:12 et très personnel sur ce métier
33:14 dont on retrouve les premières traces
33:16 chez les Grecs. Et oui, on voit tout cela dans l'invitation
33:18 de Marco Pommier. Et on en parle avec vous juste après.
33:20 Si on vous invite, Emmanuel Piera,
33:22 c'est pour votre dernier ouvrage
33:24 "Quand les avocats font l'histoire".
33:26 Une chronique sensible
33:28 sur plusieurs siècles
33:30 qui resitue la place des grands avocats
33:32 du paro-français.
33:34 Tous ont un leitmotiv.
33:36 - L'avocat, c'est surtout prendre la parole pour quelqu'un d'autre,
33:38 défendre pas uniquement la veuve et l'orphelin,
33:40 la veuve, leur volun, parfois l'assassin,
33:42 mais défendre.
33:44 - Vous êtes avocat, écrivain, certes,
33:46 connu pour votre expertise
33:48 dans le droit littéraire.
33:50 De nombreux livres aux compteurs,
33:52 l'un des plus marquants,
33:54 sans doute celui sur la censure.
33:56 Mais votre dernier ouvrage
33:58 replace les grands noms, devenus des acteurs cachés
34:00 de notre histoire.
34:02 - L'avocat naît dans l'Egypte antique,
34:04 il est en Grèce, on l'appelle le logographe,
34:06 il est caché, il souffle les peines de Harry,
34:08 au justiciable. On trouve ça tellement absurde
34:10 qu'au moment, on dit, il faut sortir de là
34:12 et parler des grandes affaires.
34:14 - Ce livre débute dans une Grèce antique
34:16 où l'avocat restait muet.
34:18 Au fil des siècles, son rôle s'élargit
34:20 jusqu'à protéger les droits des citoyens,
34:22 quelles que soient leurs positions sociales.
34:24 L'affaire Callas,
34:26 le collier de la reine,
34:28 sans oublier le procès historique
34:30 d'Alfred Dreyfus.
34:32 Avec le temps, les avocats ont dû composer
34:34 avec la médiatisation,
34:36 comme le laissait déjà entendre
34:38 à l'époque Gisèle Halimi.
34:40 - Nous tenons la publicité des débats
34:42 parce que, dans le cas de Gisèle Halimi,
34:44 nous pensons que la femme victime
34:46 ne doit pas se sentir coupable
34:48 et qu'elle n'a rien à cacher.
34:50 - Vous êtes attachée au prédoiré
34:52 qui, parfois, transforme les faits divers
34:54 en affaires d'Etat.
34:56 Dans votre ligne de mire,
34:58 les loquences ou encore les subtilités
35:00 du droit, inaccessibles.
35:02 Vous parlez d'une société judiciarisée
35:04 et ajoutez...
35:06 Les ténors des grands procès
35:08 sont les héritiers d'une longue histoire.
35:10 Alors, question, Emmanuel Piera,
35:12 quelle importance
35:14 devons-nous leur accorder ?
35:16 - Alors, l'importance
35:18 des avocats dans la société ?
35:20 - Elle est capitale, puisqu'il remonte
35:22 à l'Antiquité et que cette vocation
35:24 a accompagné l'histoire de France,
35:26 ses soubresauts politiques,
35:28 chaque grande étape, chaque grand tournant
35:30 de notre République ou même de l'ancien régime.
35:32 - Alors, ces logographes, moi, ça m'a passionnée
35:34 parce que j'ai regardé l'Antiquité grecque.
35:36 Au départ, l'avocat,
35:38 il est caché et il est muet.
35:40 - Il est caché, il est comme un souffleur.
35:42 Il est dans une trappe,
35:44 il est en dessous du tribunal
35:46 et il parle aux justiciables pour lui donner
35:48 et les arguments et les phrases.
35:50 Et les juges athéniens se mettent à trouver
35:52 que les justiciables sont très mauvais.
35:54 C'est leur propre cause qu'ils plaident,
35:56 donc ils sont inquiets et pas très éloquents
35:58 et en plus, ils ne connaissent rien aux arguments juridiques.
36:00 Au bout d'un moment, on dit, finalement,
36:02 montrez-nous ceux qui souffrent, les logographes,
36:04 parce qu'ils seront sans doute meilleurs
36:06 que ces acteurs de Pagoti qui sont les justiciables
36:08 qui ont été accusés et on voit naître l'avocat.
36:10 - Et ils prennent place et après,
36:12 sous la Rome antique, ça sera les grands plaideurs
36:14 et la ruratoire va commencer.
36:16 Le droit, dans son histoire,
36:18 est toujours lié aux religieux.
36:20 On le voit au Moyen Âge, notamment.
36:22 Parlons de l'habit, la robe.
36:24 Elle date de la soutane, en fait.
36:26 - Bien sûr, la robe d'avocat
36:28 que je ne porte pas ce soir,
36:30 parce que je ne suis pas au palais de justice
36:32 et vous ne me jugerez pas,
36:34 mais c'est une robe qui est une soutane de curé.
36:36 - Oui, et qui a 33 boutons,
36:38 rappelle, on va dire, un âge christique.
36:40 Elle est évidemment celle d'un curé.
36:42 Quand on rentre encore au palais de justice
36:44 Ile-de-la-Cité, qui est devenue la cour d'appel,
36:46 on voit très bien l'osmose
36:48 entre la Sainte-Chapelle et les salles d'audience
36:50 et puis les uns ont regardé les vitraux des salles d'audience
36:52 en pensant qu'ils sont dans la Sainte-Chapelle et vice-versa.
36:54 La République est laïque, la justice l'est aussi,
36:56 mais elle est empreinte, évidemment, d'une grande histoire religieuse.
36:58 - Oui, et la robe dans laquelle on se glisse
37:00 permet aussi d'endosser le rôle
37:02 et peut-être, en la quittant,
37:04 de prendre la distance critique nécessaire.
37:06 - Il y a aussi des grandes éloquences et de chair,
37:08 et d'église, et de barreaux, et de la chambre.
37:10 - Les avocats portaient une toque, si j'ai appris ça,
37:12 qui restait dans des casiers où on se passe des messages ?
37:14 - On portait cette toque, ce petit chapeau
37:16 rond noir, jusqu'au début du XXe siècle,
37:18 et puis on la posait
37:20 pour ne pas la rapporter chez soi
37:22 parce qu'on risquait de l'abimer,
37:24 donc on la posait dans un petit casier.
37:26 Et j'ai toujours un numéro de toque,
37:28 c'est-à-dire un endroit où on glisse, en théorie,
37:30 sous un chapeau qui n'existe plus,
37:32 et on ne peut pas le voir dans un tribunal.
37:34 Donc on peut me joindre à L166, mon numéro de casier,
37:36 pour déposer ma toque, que je n'ai plus,
37:38 mais je reçois encore du courrier judiciaire.
37:40 - Antiquité, Moyen Âge, on va très vite,
37:42 la Révolution, là, c'est passionnant,
37:44 Robespierre, Danton, on peut citer,
37:46 Camille Desmoulins, et beaucoup d'autres.
37:48 C'est eux qui inventent la Révolution, les avocats ?
37:50 - Oui, ce sont des plaideurs. Robespierre est avocat à Arras.
37:52 Il descend, ou monte à Paris, comme on voudra,
37:54 fort de ses procès et fort de son art oratoire.
37:56 C'est d'abord ce qu'il emporte.
37:58 C'est véritablement sa capacité éloquente à convaincre,
38:02 sa capacité à tenir des discours pendant des heures et des heures,
38:05 comme on le plaidait à l'époque.
38:07 C'est une révolution d'avocat.
38:09 Danton, comme est d'ailleurs l'erreur,
38:11 de se défendre lui-même, puisqu'il pense qu'il est si bon avocat
38:13 qu'il arrivera à sauver sa tête.
38:15 Évidemment, le procès est un peu, on va dire, biaisé.
38:18 - La tête sera coupée.
38:20 Marie-Antoinette avait deux avocats commis d'office,
38:23 ça aussi, on le découvre.
38:25 - C'est extraordinaire. - Claude-François Chauveau-Lagarde
38:27 et Guillaume-Alexandre Tronçon, du coup,
38:29 de récommis d'office pour défendre celle qu'on appelait plus la reine,
38:33 - Non, la citoyenne capée.
38:35 - et qui était accusée de tous les maux.
38:37 - Lorsque Chauveau-Lagarde est commis d'office,
38:39 il est à peu près 18 ou 19h,
38:41 et il doit plaider le lendemain.
38:43 C'est le procès de Marie-Antoinette.
38:45 Il y a 50 chefs d'accusation qui vont de la prévarication
38:47 avec l'ennemi, l'inceste sur son fils,
38:49 des choses incroyables.
38:51 Il a peu de temps pour la voir à la prison du Temple,
38:53 et puis on lui dit,
38:55 "Vous devez terminer, vous devez la quitter,
38:57 "préparer votre plaidoirie."
38:59 On a les notes de plaidoirie de Chauveau-Lagarde
39:01 qui sont restées. Au fur et à mesure que la chandelle s'amenuise,
39:03 il n'écrit plus que des interjections,
39:05 quelques mots, et ça sera le grand témoin.
39:07 Il écrira tout ce qui s'est dit,
39:09 notamment quand la reine dit, quand on l'accuse d'inceste,
39:11 et qu'elle répond en disant, je n'ai qu'un seul argument,
39:13 qu'on en appelle à toutes les maires de France.
39:15 Et il note. C'est donc le grand historien,
39:17 en quelque sorte, et l'acteur de ce procès historique.
39:19 - Incroyable.
39:21 - On va vite, et on enjambe l'histoire.
39:23 La troisième République, c'est la République des avocats.
39:25 Gambetta, Blum, Gued, Poincaré,
39:29 ils débarquent ici,
39:31 à la Chambre des députés.
39:33 Vous parlez beaucoup des liens entre avocats et politiques.
39:37 Qu'est-ce qu'ils apportent à la représentation nationale ?
39:39 Qu'est-ce qui change dans les débats parlementaires
39:41 avec l'arrivée des avocats ?
39:43 - Ils apportent cette éloquence de la tribune,
39:45 cette éloquence, cet osmose,
39:47 les retours permanents entre le palais de justice
39:49 et l'Assemblée nationale ou le Sénat.
39:51 Ils apportent véritablement cette espèce de passerelle.
39:53 Ils se replient.
39:55 Quand ils perdent les élections, ils redeviennent avocats.
39:57 Et puis, ils repartent du barreau de Toulouse ou d'Albi
39:59 pour, d'un seul coup, revenir siéger à la Chambre.
40:01 Et donc, c'est fascinant.
40:03 De Vincent Auriol à Poincaré,
40:05 ce sont des hommes d'Etat extraordinaires.
40:07 Moi, j'ai grandi par admiration pour ces noms
40:09 que portaient les rues de ma banlieue de naissance.
40:11 Il y avait en permanence écrit "Gambetta",
40:13 homme politique et écrivain,
40:15 Jules Gued, président du Conseil...
40:17 -Aujourd'hui encore, les allers-retours sont fréquents.
40:19 -Évidemment. De Nicolas Sarkozy à Ben François-Tropez,
40:21 Dominique de Villepin, bien sûr.
40:23 -Ca vous choque, ça, qu'on puisse faire les deux à la fois ?
40:25 -Non, pas du tout.
40:27 -Alternativement ?
40:29 -C'est arrivé dans l'histoire.
40:31 -C'est arrivé dans l'histoire.
40:33 -C'est plus possible.
40:35 -Ca ne me choque pas.
40:37 La profession d'avocat est très proche de celle de parlementaire.
40:39 Il faut maîtriser un peu le droit,
40:41 mais la capacité de s'exprimer au nom des autres.
40:43 Avocatum, c'est comme un parlementaire,
40:45 mais au nom des autres.
40:47 -Certains seront députés, d'autres ministres,
40:49 parfois présidents.
40:51 Mitterrand était avocat,
40:53 Mendes France était avocat.
40:55 C'est drôle, parce qu'on se dit qu'il y a énormément
40:57 d'avocats en politique et très peu de juges.
40:59 Comment vous l'expliquez ?
41:01 -Les juges ont ce devoir de réserve
41:03 qui les empêche de s'exprimer sur leur propre dossier.
41:05 -Une fois qu'ils quittent la magistrature,
41:07 c'est pour toujours.
41:09 -Evidemment. Mais quand on voit Robert Beninter
41:11 qui plaide contre la peine de mort
41:13 à l'Assemblée nationale, c'est l'avocat qui prend la parole,
41:15 alors qu'il est élu ou ministre de la Justice.
41:17 On voit un avocat, en réalité,
41:19 qui continue le combat qui a été celui de toute sa vie.
41:21 -L'avocat plaide devant les juges,
41:23 mais il plaide aussi devant l'opinion,
41:25 devant les médias
41:27 et, aujourd'hui, devant les réseaux sociaux.
41:29 Votre ami,
41:31 parce que vous avez ce chapitre pour lui rendre hommage,
41:33 Jacques Vergès,
41:35 est l'inventeur du procès médiatique.
41:37 On va parler de ça, mais d'abord,
41:39 expliquez-nous pourquoi vous l'appelez
41:41 "salaud lumineux".
41:43 -C'est le nom qu'ont lui donné ses biographes.
41:45 -Adepte de Staline, quand même,
41:47 et de Pol Pot, avocat de Klaus Barbie.
41:49 Il invente
41:51 cette histoire de tribunal médiatique,
41:53 mais qu'est-ce que ça veut dire, cette expression-là ?
41:55 -C'est surtout...
41:57 Quand vous alliez chez Jacques Vergès,
41:59 dans son bureau, dans son cabinet,
42:01 il y avait trois portraits de lui,
42:03 posant à côté l'un de Mao, l'autre de Pol Pot,
42:05 l'autre de Marlon Brando.
42:07 Ça montrait les pires heures de l'histoire du XXe siècle,
42:09 sans doute. De l'autre côté,
42:11 la fascination pour le cinéma, il avait défendu
42:13 Cheyenne Brodeau devant le tribunal de Papayeté,
42:15 où elle était accusée, en Polynésie,
42:17 d'avoir assassiné ou tué son compagnon.
42:19 Et donc,
42:21 Jacques Vergès était un avocat entier
42:23 qui a inventé aussi le procès de rupture,
42:25 l'idée selon laquelle on se réjette
42:27 contre le système judiciaire qui vous jugeait.
42:29 C'était pendant la guerre d'Algérie,
42:31 quand ils défendaient le FLN.
42:33 -Il fallait sortir le procès du prétoire.
42:35 -Comme Gisèle Halimi,
42:37 qui était de l'autre camp, formidable avocate,
42:39 qui, comme je le disais dans votre sujet,
42:41 disait qu'il faut plaider devant le public,
42:43 qu'il ne faut pas que ça soit à huis clos,
42:45 et qu'il faut continuer à porter sa cause,
42:47 parce que c'est comme ça qu'on fait avancer
42:49 aussi le droit et la société.
42:51 -Emmanuel Théras, on cite souvent
42:53 les clients
42:55 les plus sulfureux
42:57 que vous avez défendus,
42:59 Gabriel Matzneff, par exemple,
43:01 ou Denis Bopin. Vous avez d'ailleurs
43:03 attaqué certains médias en diffamation
43:05 après avoir gagné,
43:07 enfin, fait placer sans suite.
43:09 Est-ce que,
43:11 au fond,
43:13 les dossiers défendus par des avocats,
43:15 on pourrait parler de Vergès aussi,
43:17 disent quelque chose des avocats eux-mêmes ?
43:19 Vous n'avez pas que ces clients-là,
43:21 vous en avez beaucoup d'autres,
43:23 il y a des stars, des grands écrivains,
43:25 mais est-ce qu'il y a un fil conducteur
43:27 dans le choix des dossiers et des clients qu'on représente ?
43:29 -Oui, je crois. -Oui ?
43:31 -Qu'est-ce que ça dit, alors ?
43:33 -Ca révèle le goût de défendre.
43:35 Défendre, ça n'est pas endosser une cause.
43:37 C'est penser qu'on sera meilleur stratège
43:39 ou meilleur argumenteur,
43:41 si je puis me permettre, pour le dossier de quelqu'un.
43:43 Ce qui est dommage, c'est que la société très moderne,
43:45 celle des réseaux sociaux, juge l'avocat
43:47 comme s'il était son client, aujourd'hui.
43:49 Je me vois, d'un seul coup, alpagué
43:51 par des tweets où l'on confond ce débat essentiel
43:53 ou ce rôle essentiel dans une démocratie.
43:55 Sans avocat, sans cette fonction
43:57 de défendre et de représenter en justice
43:59 quelqu'un, alors il n'y a plus d'état de droit,
44:01 il n'y a plus de débat contradictoire
44:03 et on se retrouve de l'autre côté de la barrière,
44:05 dans un monde avec lequel nous sommes en guerre.
44:07 -L'affaire Bopin, c'était avant MeToo,
44:09 Masnef et le livre de Vanessa Springora,
44:11 après.
44:13 Est-ce que vous diriez, parfois,
44:15 tout de même, qu'on a le sentiment
44:17 que la société, sur ces sujets-là,
44:19 sur les questions de violence sexuelle et sexiste,
44:21 avance plus vite que la justice ?
44:23 -Elle avance très vite, elle a fait changer la justice.
44:25 Il ne faut pas se tromper.
44:27 Il y a ce débat important sur les violences faites aux femmes
44:29 et sur le sexisme. Il faut se rendre compte
44:31 que, malgré tout, les tribunaux
44:33 et les commissariats de police sont énormément progressés.
44:35 Grâce à ce débat, en deux ou trois ans,
44:37 trois, quatre ans, l'écoute n'est plus la même.
44:39 Vous rentrez dans un commissariat de police,
44:41 quand vous accompagnez quelqu'un qui a porté plainte
44:43 ou qui est gardé à vue... -0,6 % des viols
44:45 ont fait l'objet d'une condamnation.
44:47 -Il ne faut pas confondre le problème de la preuve.
44:49 Il ne faut pas confondre le problème.
44:51 C'est un débat avec deux points de vue,
44:53 sans preuve, sans témoin,
44:55 la plupart du temps, donc c'est très difficile.
44:57 On reste sous un régime de présomption d'innocence.
44:59 En revanche, l'accueil, l'écoute qui est partée
45:01 aux victimes, aux partis civils,
45:03 est très importante aujourd'hui. Elle est sans doute perfectible.
45:05 Mais il ne faut pas se tromper, on a fait des progrès
45:07 absolument abyssaux en quelques années.
45:09 -Et puis parfois... -Heureusement.
45:11 -Il arrive, heureusement, que la justice
45:13 se trompe.
45:15 On voyait les images
45:17 de l'affaire Dreyfus.
45:19 C'est l'immense erreur judiciaire
45:21 par excellence. Il n'y a pas eu de révision,
45:23 en revanche, dans l'affaire
45:25 d'Omar Haddad.
45:27 Elle se trompe, mais
45:29 elle le reconnaît très, très rarement.
45:31 -C'est le seul endroit où, finalement,
45:33 des hommes et des femmes ne sont jamais
45:35 responsables des décisions qu'ils prennent.
45:37 Moi, je suis toujours fasciné par
45:39 les responsabilités des juges. Elle est saine
45:41 d'un certain côté, parce que remettre en cause
45:43 le pouvoir des juges veut dire lutter contre l'Etat de droit.
45:45 Et en même temps, on peut commettre
45:47 les pires bêtises, pardon,
45:49 et ne jamais,
45:51 en fait, en payer le prix.
45:53 -Il y avait encore, il y a quelques jours,
45:55 ce téléfilm sur l'affaire Outreau,
45:57 c'est la même chose. Le juge Burgot
45:59 pétrit dans ses convictions, qui sera juste
46:01 entendu ici par l'Assemblée nationale,
46:03 et ça sera tout pour être muté dans un autre poste,
46:05 simplement, après avoir dévasté des vies
46:07 complètes avec un mort qui se suicide
46:09 en prison. Il y a quelque chose...
46:11 -Il faudrait davantage encadrer.
46:13 -Bien sûr. Beaucoup de juges, eux-mêmes,
46:15 sont conscients de cette difficulté.
46:17 -Dernière question, la judiciarisation
46:19 de la vie,
46:21 de la société politique, économique,
46:23 familiale, vous la redoutez ?
46:25 -Alors, d'un côté,
46:27 gratifiante pour les avocats, évidemment,
46:29 et de l'autre côté, elle est déplorable.
46:31 Le fait qu'on nous appelle alors qu'on
46:33 pourrait parler à son voisin, qu'on vienne
46:35 nous saisir immédiatement en disant "je veux attaquer
46:37 là où le civisme et le bon sens
46:39 permettraient de résoudre bien des situations",
46:41 me navre, évidemment, comme citoyen.
46:43 Comme avocat, elle me réconforte ou m'enrichit,
46:45 comme citoyen, je suis consterné parfois,
46:47 et je préférerais qu'on soit dans une société
46:49 où l'on plaide moins et l'on plaide
46:51 de façon plus juste et pertinente.
46:53 -C'est l'avocat qui le dit. Quand les avocats
46:55 font l'histoire de l'Antiquité à nos jours,
46:57 vous l'avez compris, il faut picorer,
46:59 il y a énormément de choses à apprendre,
47:01 c'est érudit, et puis c'est un livre
47:03 personnel aussi où vous racontez
47:05 votre parcours d'avocat,
47:07 Emmanuel Piera. On va terminer, comme chaque soir,
47:09 avec nos affranchis, leur parti pris, vous allez le voir,
47:11 Emmanuel Piera, ils vont vous faire réagir,
47:13 on les accueille tout de suite.
47:15 Allez, Pierre-Henri Tavoyau,
47:17 du Collège de philosophie,
47:19 Jean-Rémi Baudot, de France Info,
47:21 bonsoir les amis, Pierre-Henri,
47:23 vous allez ausculter l'état de santé
47:25 des partis politiques dans votre carte blanche
47:27 dans un instant après le spectacle affligeant du PS,
47:29 et puis vous, Jean-Rémi, vous nous parlez
47:31 d'un angle mort, un impensé,
47:33 la baisse de la natalité,
47:35 personne n'en parle au sommet de l'État.
47:37 Mais on commence, comme chaque soir,
47:39 avec "Le Bourbon Express", l'histoire du jour
47:41 à l'Assemblée, c'est vous qui nous l'a racontée, Stéphanie Despierre,
47:43 bonsoir. -Bonsoir. -Une histoire de vote LR
47:45 qui pourrait manquer
47:47 sur la réforme des retraites. -Et oui, c'est l'histoire
47:49 des républicains qui jouent un rôle clé
47:51 dans cette réforme, mais qui ne savent plus trop
47:53 sur quel pied danser. Alors, si vous n'avez pas tout suivi,
47:55 je vous refais le film. Le gouvernement
47:57 n'a pas de majorité absolue
47:59 à l'Assemblée, il n'a que 249
48:01 députés, il lui manque donc 40 voix
48:03 s'il veut faire passer sa réforme.
48:05 Il a donc besoin de la droite.
48:07 Si les républicains votent, comme ils sont 62,
48:09 c'est simple, le projet du gouvernement passe
48:11 sans problème. -Et donc le gouvernement a besoin
48:13 de la droite et négocie avec la droite.
48:15 -Et oui, pendant les fêtes, c'est une valse
48:17 de rendez-vous et de messages entre Éric Ciotti,
48:19 le tout nouveau patron des républicains,
48:21 Olivier Marlax, celui du groupe,
48:23 et de l'autre côté, Matignon et le ministère
48:25 du Travail. La droite est d'accord
48:27 pour reporter l'âge légal, mais elle trouve
48:29 la copie du gouvernement beaucoup trop
48:31 brutale. Et puis, tadam, le 7 janvier,
48:33 à la une du journal du dimanche,
48:35 regardez à gauche,
48:37 Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics,
48:39 à droite, Éric Ciotti,
48:41 président des républicains,
48:43 et au milieu, ce titre presque
48:45 d'accord. Éric Ciotti déclare
48:47 qu'il est prêt à voter une réforme
48:49 juste et, 4 jours plus tard, il est
48:51 de retour à Matignon pour
48:53 voir Elisabeth Borne. Là, cette fois,
48:55 il veut négocier des revalorisations
48:57 pour les petites retraites et,
48:59 à la sortie, il crie victoire.
49:01 -C'est un gain
49:03 social, de justice,
49:05 que nous avons obtenu,
49:07 à laquelle nous étions attachés.
49:09 C'est une injustice pour
49:11 beaucoup de retraités qui ont travaillé
49:13 très dur, je pense notamment aux indépendants,
49:15 aux commerçants, aux artisans,
49:17 aux agriculteurs, et ils verront
49:19 leur situation améliorée.
49:21 Donc, c'est une étape importante
49:23 et ce succès, oui, il est dû
49:25 à l'unité de nos groupes
49:27 parlementaires et il est dû
49:29 aux républicains. -Bref,
49:31 il y a 15 jours, tout semblait réglé. Les républicains
49:33 allaient voter la réforme d'Emmanuel Macron.
49:35 -Oui, alors ça, c'était il y a 15 jours. Depuis, rien
49:37 ne s'est passé comme prévu.
49:39 Côté LR, Eric Ciotti
49:41 a manifestement parlé un peu vite.
49:43 -Certains députés, les républicains,
49:45 ont été furieux de se retrouver
49:47 pieds et poings liés avant même le début
49:49 des débats à l'Assemblée. Ils savent
49:51 que cette réforme est impopulaire, de plus en plus
49:53 impopulaire. La défendre sur le terrain,
49:55 c'est compliqué et ils risquent de le payer
49:57 aux prochaines élections. Le week-end
49:59 dernier, nous sommes allés aussi sur le terrain,
50:01 dans les Vosges, avec le député Stéphane Viry.
50:03 Lui, il est chef de file des républicains
50:05 sur la loi retraite. Il hésite encore,
50:07 c'est plutôt oui, mais à condition que...
50:09 Et on l'a vu lors de cette rencontre
50:11 avec les adhérents, les républicains,
50:13 ils résument parfaitement le piège
50:15 qui attend la droite.
50:17 -Si on est pour,
50:19 le RN va nous taper dessus
50:21 à bras raccourcis.
50:23 On est la majorité, on est macronistes.
50:25 Il n'y a donc plus que le RN
50:27 qui représente l'opposition
50:29 et une alternance.
50:31 Si on est contre,
50:33 on est pas dans la même situation.
50:35 Alors qu'il y a réellement des mesures
50:37 qui vont dans la finalité de ce que pense la droite.
50:39 Ceux qui pensent que la droite doit être responsable,
50:41 doit savoir faire avancer le pays,
50:43 vont nous dire "Vraiment, vous êtes contre tout,
50:45 vous ne servez à rien."
50:47 Donc quoi qu'il arrive,
50:49 le temps politique de ce début d'année
50:51 pour les républicains, il est compliqué.
50:53 -C'est ce qu'il s'appelle une impasse politique
50:55 à droite. Alors à Paris,
50:57 Éric Ciotti et Olivier Marlec,
50:59 c'est Chine pourtant à convaincre
51:01 que leur stratégie est la bonne.
51:03 -Oui Myriam, mais plus le temps passe,
51:05 plus la grogne monte chez les députés LR
51:07 et plus le camp présidentiel s'inquiète.
51:09 Mardi, 16 députés affirment à France Inter
51:11 qu'en l'État, ils ne votent pas.
51:13 Parmi eux, Aurélien Pradié,
51:15 député du Lot, partisan d'une ligne
51:17 plus sociale, et lui, il enchaîne
51:19 les déclarations médiatiques et les tweets
51:21 sans équivoque, comme celui de mardi,
51:23 même où Éric Ciotti faisait ses voeux.
51:25 Plus les semaines passeront,
51:27 plus les Français mesureront
51:29 l'injustice massive de l'actuelle réforme des retraites.
51:31 Sans justice, pas de réforme,
51:33 ça a le mérite d'être très clair.
51:35 Alors pour calmer l'effrondeur
51:37 et montrer que les Républicains n'ont pas
51:39 tout cédé au gouvernement, Olivier Marlec
51:41 a lui, cette semaine, déguédé de nouvelles
51:43 exigences. Le groupe vient juste
51:45 de déposer un amendement pour que les salariés
51:47 qui ont commencé à travailler avant
51:49 21 ans puissent partir après
51:51 43 ans de cotisation, et donc 44
51:53 comme le réclame le gouvernement. Alors in fine,
51:55 combien de Républicains voteront
51:57 la réforme ? Impossible à dire.
51:59 Pour le moment, le gouvernement a besoin
52:01 d'au moins deux tiers du groupe.
52:03 - Merci beaucoup, j'ai tout
52:05 compris, et pour ceux qui n'avaient pas
52:07 suivi, c'était extrêmement clair. On va regarder
52:09 ça de très très près, ici, à l'Assemblée
52:11 nationale, les votes LR sur
52:13 les retraites. Retraite toujours,
52:15 Jean Rémy. Il y a, selon vous, un paramètre qui n'a pas
52:17 été discuté, celui de la natalité. - Oui,
52:19 qui, en 2023, prend la parole pour parler
52:21 de la natalité et replacer
52:23 la démographie dans le
52:25 débat des retraites. En réalité,
52:27 pas grand monde, le sujet est totalement absent,
52:29 alors qu'il mérite d'être posé, car notre
52:31 système de retraite repose en grande
52:33 partie sur cette question. - Oui, le système a besoin
52:35 de nouveaux actifs, et donc
52:37 de futurs travailleurs. - En fait, c'est la base
52:39 du modèle de, par répartition, il
52:41 ne s'équilibre que s'il y a des cotisants
52:43 et des cotisations des actifs. Et dans le débat
52:45 actuel, le renouvellement de notre population
52:47 reste un impensé. Alors qu'il baisse,
52:49 reprenez les derniers chiffres de l'INSEE,
52:51 en 2022, la France a connu
52:53 une nouvelle baisse de sa natalité,
52:55 723 000 naissances, c'est 19 000
52:57 de moins qu'il y a un an.
52:59 En fait, la France retrouve sa natalité
53:01 de 1946, et ça n'est pas très
53:03 enthousiasmant, car la baisse de la natalité,
53:05 par ailleurs, s'accélère depuis 2015.
53:07 - Et cette baisse, elle menace vraiment notre modèle ?
53:09 - Oui, puisque tout notre système est basé sur la répartition,
53:11 je le disais, et pas que les retraites, l'école,
53:13 la santé, le chômage, c'est toute la société
53:15 qui compte sur le renouvellement des générations
53:17 et sur les travailleurs qui cotisent.
53:19 Le problème, c'est que personne, politiquement,
53:21 ne prend réellement le problème.
53:23 - Le problème, avec Alcor. Alors, pourquoi ?
53:25 - Il me semble qu'en fait, le débat a trop longtemps été
53:27 préempté par la droite, la droite, grande
53:29 promotrice de la famille, ou l'extrême-droite,
53:31 qui voit d'ailleurs dans la baisse des naissances
53:33 l'une des sources du déclin de notre civilisation.
53:35 Ça n'est pas pour rien si,
53:37 peut-être le grand modèle
53:39 nataliste en Europe, c'est la Hongrie
53:41 de Orban, évidemment, Zemmour
53:43 applaudit. La réalité, c'est que c'est difficile
53:45 aujourd'hui de faire la promotion de la natalité.
53:47 François Bayrou s'y essaie un petit peu.
53:49 Alors, soit on passe pour un vieux réac,
53:51 soit pour quelqu'un qui n'a rien compris au réchauffement
53:53 climatique, soit pour quelqu'un qui veut exploiter
53:55 le corps des femmes. Bref, le sujet est devenu
53:57 touchy et en réalité, c'est un peu une folie.
53:59 - Alors, vous nous dites "faites des bébés ce soir" ?
54:01 - J'appelle en tout cas à reposer les termes du débat,
54:03 à ne pas laisser le débat uniquement à ceux
54:05 qui préfèrent les femmes au foyer ou à ceux qui pensent
54:07 qu'il est non-citoyen et égoïste
54:09 de faire des enfants. Il y a des leviers
54:11 pour inciter les Français et les
54:13 Françaises à refaire des enfants. Ça peut passer par la
54:15 fiscalité, des allocations
54:17 des premiers enfants, ça c'est une des propositions de Bayrou.
54:19 Ça passe aussi par une organisation sociale
54:21 qui en fait permet du temps en famille, des carrières
54:23 mieux respectées quand les femmes s'arrêtent
54:25 le temps d'une maternité. Du côté du gouvernement,
54:27 j'ai passé quelques coups de fil, il n'y a rien, rien
54:29 dans les cartons. La question de la natalité
54:31 n'est pas une priorité et pour vous dire,
54:33 comme ils sont loin de la balle, l'actuel projet
54:35 de réforme des retraites pourrait faire perdre
54:37 aux femmes l'avantage que leur trimestre
54:39 de maternité leur donnait jusqu'à présent.
54:41 Il faut dire les choses, si on ne fait plus d'enfants,
54:43 notre modèle social risque de s'effondrer
54:45 et sauf à recourir à une immigration massive
54:47 et dans ce cas-là, ça pose d'autres problèmes,
54:49 à long terme, cette baisse de natalité
54:51 sera un gigantesque problème économique,
54:53 social et politique.
54:55 - Faites des bébés, Emmanuel Pira.
54:57 Il est très très politique ce sujet,
54:59 aujourd'hui il est capté par la droite.
55:01 - Oui, en même temps, il y a toujours un régime
55:03 législatif qui interdit de faire la promotion
55:05 des contraceptifs à part la capote
55:07 liée à l'épidémie de Sida.
55:09 Moi, je suis toujours fasciné, c'est des lois
55:11 natalistes qui datent d'après la Première Guerre mondiale
55:13 et qui sont toujours, on va dire,
55:15 au détriment de la possibilité pour les jeunes filles
55:17 d'avoir accès facilement à la contraception
55:19 par la publicité.
55:21 Vous savez qu'il est autorisé seulement en France
55:23 d'avoir de la publicité pour les contraceptifs féminins
55:25 uniquement dans la boîte où on explique
55:27 dans le mode d'emploi à l'intérieur de la boîte
55:29 que vous achetez en pharmacie.
55:31 Donc il y a deux débats, il y a sans doute encourager la natalité
55:33 et puis faire sauter peut-être quelques verrous
55:35 pour que des gamines ne tombent pas enceintes
55:37 et ne soient pas, voilà, avec un avenir handicapé
55:39 par le fait d'être enceinte.
55:41 - C'est dit, on enchaîne,
55:43 parce que le temps nous est compté.
55:45 Pierre-Henri, les difficultés du Parti Socialiste
55:47 vous ont donné envie de revenir
55:49 sur les difficiles positions
55:51 des partis politiques.
55:53 C'est difficile d'être un parti politique,
55:55 c'est la crise.
55:57 - Oui, alors, vous connaissez tous
55:59 la phrase de François Mitterrand qui disait
56:01 "Gagner les élections, c'est très simple,
56:03 il faut un candidat en pleine forme,
56:05 bon, il faut deux, trois idées
56:07 programmatiques et il faut un parti en ordre de marche."
56:09 Les partis ne sont pas en ordre de marche.
56:11 Au-delà de la crise circonstancielle,
56:13 il y a un problème de fond avec les partis,
56:15 c'est que quand vous êtes en démocratie,
56:17 ça repose sur la souveraineté du peuple,
56:19 ça veut dire que le peuple est un,
56:21 "parti", ça veut dire "divisé",
56:23 donc il y a un problème substantiel du parti
56:25 et il y a une petite voix régulière qui dit
56:27 "les partis, c'est le népotisme, le clientélisme,
56:29 les magouilles électorales",
56:31 voilà, ces partis sont en effet structurellement en crise.
56:33 - Pourtant, les partis politiques
56:35 sont consubstantiels quand même de la vie démocratique.
56:37 - Oui, alors c'est le fruit de la convergence de deux modèles.
56:39 Il y a un premier modèle, qui est un modèle
56:41 qu'on appellerait libéral, j'appelle ça le parti club,
56:43 c'est-à-dire qu'il y a des citoyens
56:45 qui s'engagent un peu plus dans la vie de la cité
56:47 que les autres,
56:49 et puis qui vont faire le job,
56:51 qui vont être actifs,
56:53 et ils vont faire vivre le pluralisme
56:55 avec l'idée très profonde que si on veut éviter
56:57 la guerre civile, il faut que les conflits soient
56:59 institutionnalisés et donc canalisés.
57:01 Le deuxième modèle, c'est le modèle que j'appellerais
57:03 le parti total ou totalitaire,
57:05 c'est le parti communiste,
57:07 c'est-à-dire l'idée folle d'un parti
57:09 qui vaut le tout, qui est le tout,
57:11 l'expression "parti unique",
57:13 mais qui a une force extrêmement puissante,
57:15 c'est que ce parti
57:17 représente une société bis,
57:19 on y naît, on s'y forme,
57:21 on s'y marie, on part en vacances,
57:23 on boit des coups, on milite,
57:25 ça accompagne la vie du berceau à la tombe,
57:27 et c'est formidablement rassurant.
57:29 - Et pour vous, ce sont les deux modèles, le club et le parti totalitaire,
57:31 qui sont en crise ?
57:33 - Les deux sont assez proches.
57:35 Le club, on l'accuse de ne pas être assez démocrate,
57:37 c'est un peu élitiste, et puis le parti total,
57:39 on l'accuse d'être trop religieux,
57:41 au fond, parce qu'il est trop pédéalogique.
57:43 Et ça marque les deux crises
57:45 de ces partis, où on a d'une certaine façon
57:47 une crise de croyance et une crise d'engagement.
57:49 Du côté de l'engagement,
57:51 on a aujourd'hui des partis sans militants
57:53 et des militants sans partis, qui sont concurrencés,
57:55 ces adhérents, par des mouvements sociaux
57:57 un peu spontanés, et quand on veut
57:59 démocratiser ces partis club,
58:01 il y a des primaires, et ça aboutit
58:03 à des leaders sans leadership, ça aboutit
58:05 à des majorités très faibles, et ça aboutit
58:07 souvent à des frictions extrêmement violentes,
58:09 le parti socialiste en est la preuve. - Alors, d'un mot,
58:11 comment vous voyez l'avenir de ces partis ? - L'avenir, c'est très compliqué.
58:13 L'avenir, c'est, de toute façon,
58:15 le parti est aujourd'hui
58:17 subventionné très largement
58:19 par l'Etat, et du coup, coupé
58:21 de la société, il est vidé de sa substance,
58:23 parce qu'il est financé par cet Etat qui le fait vivre.
58:25 Les idées,
58:27 c'est ailleurs, dans des think tanks,
58:29 et donc, je pense que, de toute façon,
58:31 mais le chantier est immense, c'est par, effectivement,
58:33 le réinvestissement idéologique que ces partis
58:35 vont peut-être renaître.
58:37 - Merci. Passionnante chronique
58:39 sur les partis politiques. Vous avez
58:41 fait partie d'un parti, je crois ?
58:43 - Oui, exactement. J'ai été au parti socialiste
58:45 et j'ai été à Europe Écologie-Les Verts,
58:47 j'ai été élu à Paris VIe,
58:49 et j'ai grandi dans une ville communiste
58:51 où le parti faisait tout,
58:53 et venez vous chercher à la sortie de l'école avec
58:55 Piv Gadget, vous emmener à la bibliothèque municipale
58:57 de l'Elysat-Triolet, mais je m'en suis très bien porté.
58:59 - Très bien. Et vous les avez quittés aujourd'hui ?
59:01 - J'étais enfant.
59:03 - Merci, en tout cas. Merci,
59:05 Emmanuel Piera, quand les avocats font l'histoire,
59:07 c'est-à-dire chez Albin Michel.
59:09 Merci pour vos chroniques, pour vos regards,
59:11 les affranchis. Stéphanie, on se retrouve
59:13 très vite, fin de cette émission.
59:15 Merci à vous de l'avoir suivie. Tout de suite, votre soirée
59:17 documentaire avec Jean-Pierre Gracien.
59:19 A demain.
59:21 ...
59:33 *Bruit de tirs*

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