DébatDoc - Lula : le phénix brésilien

  • l’année dernière
Le 30 octobre 2022, Luiz Inácio « Lula » da Silva était élu Président du Brésil pour la troisième fois, puis investi le 1er janvier 2023 au Palais du « Plañalto », à Brasilia. Une revanche incroyable et totalement inattendue pour un homme qui a survécu à un cancer, a perdu tous ses proches et a subi un procès politique qui lui a valu 580 jours de prison, avant d'être totalement blanchi par la Justice. Un destin hors du commun pour un homme dont la vie entière épouse l'Histoire de son pays. Quels sont les défis qui attendent désormais Lula pour ce qui pourrait être son dernier acte sur la scène politique brésilienne ?
Pour en débattre, Jean-Pierre Gratien reçoit Maud Chirio, historienne et maîtresse de conférences à l'Université Gustave Eiffel, Erika Campelo, co-fondatrice et co-présidente de l'Association autres Brésil et Christophe Ventura, directeur de Recherche à l'IRIS en charge du programme Amérique Latine et Caraïbes.

LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

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Transcript
00:00:00 Générique
00:00:02 ...
00:00:15 -Bienvenue à tous.
00:00:17 Télun Fénix, renaissant sans cesse de ses cendres,
00:00:19 il vient d'être élu pour la 3e fois à la tête du Brésil.
00:00:23 Des badocs braquent aujourd'hui ses projecteurs.
00:00:26 Sur Louis Sinacio, Lula da Silva dit "Lula".
00:00:29 Grâce au documentaire qui va suivre.
00:00:32 Pour commencer, le roman de Lula, réalisé par José Bourgarel,
00:00:36 "Le portrait d'un homme",
00:00:38 vous allez le voir, au destin extraordinaire
00:00:40 dont le parcours personnel aura aussi épousé
00:00:44 l'histoire politique de son pays pendant trois quarts de siècle.
00:00:47 Je vous laisse le découvrir.
00:00:49 Je vous retrouverai juste après,
00:00:51 en compagnie de l'historienne Maud Chirio,
00:00:54 du chercheur Christophe Ventura
00:00:56 et de la coprésidente de l'association Autre Brésil,
00:00:59 Lula Campelo.
00:01:00 Avec eux, nous nous interrogerons sur les défis
00:01:03 qui attendent désormais Lula
00:01:05 pour ce qui pourrait être son dernier acte
00:01:07 sur la scène politique brésilienne.
00:01:10 Bon doc.
00:01:11 -Lula ! Lula !
00:01:14 Lula ! Lula !
00:01:17 -Lula est une barrière contre la dictature.
00:01:20 -Il se pose comme quelqu'un qui garantit
00:01:22 la stabilité démocratique et la stabilité républicaine
00:01:26 dans un moment de menace d'extrême droite.
00:01:28 Musique de tension
00:01:30 ...
00:01:35 -Lula n'est pas un idéologue.
00:01:38 Lula est un homme du peuple
00:01:39 qui a décidé de sortir le peuple de la famine.
00:01:43 -Son projet politique est basé sur sa vie.
00:01:46 ...
00:01:52 -Le meilleur leader du peuple brésilien.
00:01:56 Destiné à devenir un leader mondial.
00:02:00 ...
00:02:07 -C'est le pelet de la politique.
00:02:11 -Un symbole.
00:02:12 Un symbole de progrès, de dialogue, de paix.
00:02:16 ...
00:02:22 -Un phénix. C'est un phénix.
00:02:25 C'est la seconde chance pour le Brésil
00:02:28 de se réconcilier avec lui-même.
00:02:31 ...
00:02:42 -Peuple de São Paulo,
00:02:44 peuple du Brésil,
00:02:47 je veux remercier
00:02:50 les 215 millions d'habitants
00:02:54 qui nous consacrent
00:02:56 pour cette victoire extraordinaire.
00:02:59 Et ça va être très important
00:03:01 pour aider à gouverner ce pays.
00:03:05 ...
00:03:08 -Le 30 octobre 2022,
00:03:10 Luis Ignacio Lula da Silva
00:03:12 est élu pour la troisième fois président du Brésil.
00:03:15 Une victoire historique
00:03:17 pour un candidat déjà élu président il y a 20 ans.
00:03:20 Une revanche éclatante pour un homme
00:03:23 qui a perdu la plupart de ses proches
00:03:25 et a été victime d'un procès politique
00:03:27 qui lui a valu 580 jours de prison
00:03:29 avant d'être totalement blanchi par la justice.
00:03:32 ...
00:03:37 Un destin incroyable pour quelqu'un
00:03:39 dont la vie épouse l'histoire de son pays
00:03:42 depuis sa naissance en 1945 dans le plus grand dénouement.
00:03:45 ...
00:03:51 -La maison où vivait Lula
00:03:53 était une maison typique du Nord-Est,
00:03:56 une maison avec juste un toit et un sol en terre battue,
00:04:00 où les gens mangent et dorment au même endroit.
00:04:04 Une maison où il n'y a pas de sanitaire,
00:04:06 où on ne peut rien planter,
00:04:08 parce qu'il n'y a pas d'eau pour cultiver quoi que ce soit.
00:04:12 ...
00:04:16 Il vient d'une sous-classe, la classe de la famine.
00:04:19 Il appartient à la classe qui meurt de faim,
00:04:22 ceux qui ne peuvent pas, même s'ils le veulent,
00:04:24 devenir agriculteur. C'est encore en dessous.
00:04:27 -Une enfance...
00:04:29 tragiquement brésilienne,
00:04:32 dans le sens où il n'a pas de figure du père.
00:04:37 C'est une mère qui élève plusieurs frères et sœurs.
00:04:40 Certains de ces frères et sœurs n'ont pas survécu
00:04:43 parce que des maladies prédominaient.
00:04:46 Pour les bébés, c'était très dur de s'alimenter.
00:04:49 Les conditions d'hygiène étaient limitées.
00:04:51 Il est né dans un monde
00:04:53 où on n'était pas certain de vivre jusqu'à ses 12 ans.
00:04:56 ...
00:05:02 -Lula perd en effet deux de ses frères et sœurs.
00:05:05 Mourant de faim, la famille migre en 1952
00:05:07 vers la grande ville de São Paulo.
00:05:09 Cet exode rural touche alors des millions de Brésiliens.
00:05:12 ...
00:05:16 -Il vient avec sa mère.
00:05:19 Ils sont huit enfants. Lula est le septième.
00:05:22 Il arrive très jeune.
00:05:25 Il a 7 ans et doit déjà travailler.
00:05:28 Il a été sireur de chaussures,
00:05:30 puis petite main dans un pressing.
00:05:33 Il raconte toujours qu'il était tellement petit
00:05:38 que quand il livrait les vestes, il devait lever le bras
00:05:41 car il était plus petit qu'une veste d'adulte.
00:05:45 -Il raconte qu'il ne mangeait jamais de fruits,
00:05:47 qu'il a mangé sa première pomme à l'âge de 7 ans,
00:05:50 qu'il mâchait des chewing-gums déjà mâchés par un autre enfant.
00:05:54 Il a ses souvenirs d'une enfance pauvre
00:05:56 dont il parle sans ressentiment.
00:05:58 Il en parle comme d'une expérience de vie très forte
00:06:01 et c'est un moyen pour lui de se connecter
00:06:04 avec les personnes qui vivent encore ça au Brésil.
00:06:07 ...
00:06:13 -A 14 ans, Lula entre à l'usine Volkswagen
00:06:15 où il devient tourneur fraiseur.
00:06:17 Il va être touché dans sa chair
00:06:19 par la dureté des conditions de travail.
00:06:22 Il perd un doigt, emporté par une machine.
00:06:24 ...
00:06:29 -Chez Volkswagen a été organisé par l'entreprise
00:06:33 un système de répression
00:06:35 contre l'engagement politique des travailleurs.
00:06:38 Le dirigeant, le responsable de cette répression,
00:06:43 était un commandant d'un camp de concentration en Allemagne.
00:06:48 Il a été recruté pour venir au Brésil
00:06:52 faire ce travail de répression.
00:06:55 ...
00:07:02 -En 1978,
00:07:04 la répression se durcit un peu plus.
00:07:06 L'armée fait un coup d'Etat.
00:07:08 Les chars sont dans la rue
00:07:10 et la dictature militaire s'installe pour 21 ans.
00:07:13 ...
00:07:15 ...
00:07:22 Lula est déjà syndiqué,
00:07:24 mais sa priorité n'est pas de combattre la dictature.
00:07:27 Il veut avancer,
00:07:29 mais sa jeune épouse, Maria, meurt en couche,
00:07:31 ainsi que son bébé, par manque de soins.
00:07:34 Pour surmonter son chagrin,
00:07:36 Lula s'investit dans le puissant syndicat de la métallurgie,
00:07:40 dont il devient l'un des principaux négociateurs.
00:07:42 ...
00:07:48 -L'histoire de Lula,
00:07:50 c'est une histoire de l'émancipation
00:07:52 de l'armée militaire.
00:07:54 L'armée militaire,
00:07:55 c'est l'histoire de l'armée militaire.
00:07:57 L'histoire de Lula,
00:07:59 c'est l'histoire des Brésiliens
00:08:02 qui se réorganisent en fonction de l'industrialisation du pays
00:08:05 dans les années 60-70.
00:08:07 C'est cette industrialisation
00:08:09 qui crée aussi une nouvelle forme de faire de la politique,
00:08:13 au niveau des syndicats, des mouvements sociaux,
00:08:15 qui se sont forgés pendant la dictature militaire,
00:08:18 qui créent les conditions pour que Lula devienne
00:08:21 un acteur très compétitif.
00:08:24 La popularité de Lula commence à se dessiner
00:08:27 quand il devient président du syndicat, en 1975.
00:08:31 Il redéfinit la stratégie
00:08:35 qui est d'être présent aux portes des usines.
00:08:38 La force de Lula a beaucoup à voir avec le contact du quotidien.
00:08:44 Ce contact n'est pas seulement une présence physique.
00:08:52 C'est un contact humain très puissant.
00:08:55 -C'est une personnalité très attentive aux autres,
00:09:03 très affable.
00:09:05 Il arrive à intéresser les gens
00:09:08 car il ne donne pas des cours.
00:09:10 Il dialogue, il discute.
00:09:12 C'est un homme qui a une vocation pour la vie publique
00:09:19 et qui a cette capacité de communiquer, d'écouter.
00:09:22 D'ailleurs, c'est le propre du leader syndical,
00:09:26 l'entente et la négociation.
00:09:29 ...
00:09:34 -Mais malgré ses qualités de médiateur,
00:09:36 Lula ne obtient pas toujours gain de cause.
00:09:39 Loin de là.
00:09:40 A cette époque, la confrontation avec le régime est très dure.
00:09:43 Lula conduit plusieurs grèves
00:09:48 pour une amélioration des conditions de travail,
00:09:51 pour la compensation des salaires
00:09:52 ou pour le droit de faire grève.
00:09:54 La réponse est souvent très violente.
00:09:56 ...
00:10:01 -Lula a été arrêté plusieurs fois.
00:10:05 Lui et ses compagnons ont été inculpés
00:10:10 par la loi de sécurité nationale,
00:10:13 qui est la loi la plus répressive instaurée par la dictature.
00:10:18 La plus pesée loi
00:10:20 qui a été instaurée pendant la dictature.
00:10:23 -Lula a subi un procès du tribunal militaire.
00:10:27 -Ce procès a duré des années
00:10:32 et à la fin, il a été innocenté,
00:10:35 ce qui montre bien que c'était une tentative de miner,
00:10:38 de torpiller son leadership.
00:10:40 Cela démontre aussi
00:10:45 qu'il était déjà un leader important.
00:10:48 ...
00:10:55 -Un leader important, en effet,
00:10:57 qui est capable de déplacer des dizaines de milliers de personnes
00:11:00 lors de ses meetings.
00:11:01 ...
00:11:03 -Notre syndicat a été intervenu par la Fédération.
00:11:07 Il y a trois choses fondamentales.
00:11:10 La première, c'est la garantie de la normalisation du vote
00:11:16 de notre syndicat, qui a toujours été libre.
00:11:19 Cette semaine, on a vu le syndicat être pris par des policiers.
00:11:23 ...
00:11:29 ...
00:11:46 ...
00:11:57 -Protégé par sa popularité,
00:11:59 Lula n'a jamais été torturé ni assassiné,
00:12:02 ce qui n'est pas le cas de nombreux autres responsables politiques,
00:12:06 culturels ou syndicaux pendant ces années de plomb.
00:12:09 ...
00:12:24 -La prise de risque de Lula commence dès le début de sa carrière
00:12:27 parce qu'elle est, sociologiquement parlant,
00:12:30 une prise de risque.
00:12:31 Un homme du Nord-Est qui prend un syndicat,
00:12:36 qui commence à faire de la politique avec ce syndicat,
00:12:39 jusqu'à aujourd'hui, c'est vu comme inacceptable
00:12:41 par les élites brésiliennes.
00:12:43 ...
00:12:45 -Non seulement Lula tient tête à l'élite brésilienne
00:12:48 et à la dictature, mais il réalise aussi ces années-là
00:12:51 son vœu le plus cher, fonder une famille
00:12:54 avec sa nouvelle épouse, Marisa.
00:12:55 ...
00:12:58 Ils auront quatre enfants, et c'est aussi un couple politique.
00:13:01 Marisa est une militante et sera de tous les combats.
00:13:05 ...
00:13:06 C'est à ce moment-là que Lula acquiert une stature internationale.
00:13:10 ...
00:13:12 -Lula était syndicaliste dans les années 80,
00:13:15 qui voyage le monde,
00:13:16 qui rencontre les grands leaders de la social-démocratie européenne,
00:13:20 qui va rencontrer les leaders syndicaux au Japon,
00:13:23 qui va rencontrer les leaders syndicaux au Michigan,
00:13:26 dans l'industrie automobile des Etats-Unis.
00:13:29 La trajectoire de Lula se confond aussi
00:13:31 avec l'insertion internationale du Brésil,
00:13:33 du point de vue industriel.
00:13:35 ...
00:13:37 -En 1980, Lula fonde le PT, le Parti des travailleurs,
00:13:42 une manière de donner un débouché politique
00:13:44 à des revendications qui dépassent depuis longtemps
00:13:47 le cadre syndical.
00:13:48 Il faut dire que le pays est toujours aussi fermé,
00:13:51 la répression toujours aussi dure,
00:13:53 les droits politiques et syndicaux toujours aussi restreints.
00:13:57 ...
00:13:59 -En 1984, il y a eu les plus grandes manifestations politiques
00:14:03 de l'histoire du Brésil.
00:14:04 A partir de là, la dictature militaire a commencé sa chute.
00:14:08 Il y a eu un avant et un après.
00:14:10 Lula a été un des leaders de ce mouvement
00:14:13 pour des élections directes,
00:14:14 et il est devenu un leader national.
00:14:16 C'était une lutte syndicale, au début,
00:14:19 puis elle s'est transformée en lutte politique.
00:14:21 ...
00:14:24 -En tant que femme de la favela,
00:14:26 en tant que femme noire et pauvre,
00:14:29 je voyais un travailleur qui était en train
00:14:34 de créer quelque chose qui me donnait,
00:14:36 pas seulement à moi,
00:14:38 mais à toutes les personnes comme moi,
00:14:40 l'opportunité d'avoir une place
00:14:44 et d'avoir une voix.
00:14:45 ...
00:14:48 ...
00:14:52 -Lula est tout d'abord candidat pour être gouverneur
00:14:55 de l'Etat de São Paulo en 1982,
00:14:57 mais il perd largement.
00:14:58 ...
00:14:59 -Il croyait qu'il allait gagner,
00:15:05 et il a été déçu, car il a eu seulement 12 % des votes.
00:15:08 La légende raconte
00:15:14 qu'il a été avec Fidel Castro,
00:15:16 et que Fidel Castro lui a dit que c'est la première fois
00:15:20 qu'un candidat de gauche à autant de voix continue à lutter.
00:15:24 -C'est quand même drôle que Fidel Castro donne
00:15:27 des leçons de démocratie à Lula.
00:15:30 -Ce n'est pas exactement une leçon de démocratie,
00:15:34 c'est une leçon de persévérance.
00:15:38 ...
00:15:42 -Persévérant, Lula l'est, en effet.
00:15:45 Il est élu député fédéral en 1987.
00:15:48 Puis il se présente en 1989
00:15:51 à la première élection présidentielle
00:15:53 organisée après le retour de la démocratie dans le pays.
00:15:56 -L'homme est né de Nassau, Lula de Silva !
00:15:59 ...
00:16:00 -Il parcourt alors le Brésil de long en large
00:16:03 avec ce qu'il appelle ses caravanes.
00:16:05 -Lula ! Lula ! Lula !
00:16:08 Lula ! Lula ! Lula !
00:16:11 -Tous les politiciens font des meetings, des discours,
00:16:15 durant les caravanes, Lula, lui, allait écouter les gens.
00:16:18 Il demandait "Comment va votre vie ici ?
00:16:21 "Quels sont vos problèmes ? Y a-t-il de bon et de mauvais ?
00:16:24 "De quoi et comment vivez-vous ?"
00:16:26 D'ailleurs, il a une expression drôle à propos de ça.
00:16:29 Il dit "Que possède l'homme ?
00:16:31 "Une bouche et deux oreilles.
00:16:34 "Pourrait goûter plus que pour parler."
00:16:36 ...
00:16:38 -Cette première candidature à l'élection présidentielle
00:16:42 sera un échec honorable.
00:16:43 -Lula ne se décourage pas
00:16:45 et se représente encore en 1993
00:16:48 et encore en 1997.
00:16:50 -L'heure où Luiz Inácio Lula,
00:16:52 le candidat du PT,
00:16:54 la présidence de la République,
00:16:57 vote.
00:16:58 ...
00:17:00 -Mais il perd à nouveau,
00:17:01 car son programme est encore perçu comme trop radical.
00:17:04 ...
00:17:06 -Ils ne savent que répondre aux besoins
00:17:09 des agiottes internationaux
00:17:11 et à la politique d'augmenter les lois.
00:17:13 -Elle signifie plus de l'emploi,
00:17:15 de la faible industrie, de l'agriculture,
00:17:18 de l'enrichissement des riches
00:17:20 et de l'éclat des pauvres.
00:17:22 -Si j'étais lui, j'aurais abandonné,
00:17:24 mais il n'a jamais abandonné.
00:17:26 Je me souviens que quand nous perdions une élection
00:17:29 ou quand la situation était mauvaise,
00:17:32 parfois, nous, son équipe, on se décourageait.
00:17:35 Et il était le premier à nous remotiver,
00:17:38 même quand il perdait l'élection.
00:17:40 C'était lui qui aurait dû être triste,
00:17:43 mais il nous donnait du courage.
00:17:45 En voyant sa détermination, on réagissait aussi.
00:17:48 Musique rythmée
00:17:50 ...
00:17:55 -Le but recherché depuis tant d'années
00:17:57 est enfin atteint en 2002.
00:17:59 Lula est élu dans la liesse populaire
00:18:01 à la présidence du plus grand pays d'Amérique latine.
00:18:05 ...
00:18:16 -J'étais comme une folle.
00:18:19 C'était quelque chose d'inimaginable,
00:18:23 une chose extraordinaire.
00:18:27 Je me suis agenouillée,
00:18:30 j'ai posé mon visage contre le sol
00:18:33 et j'ai remercié Dieu, car c'était une chose incroyable.
00:18:36 ...
00:18:38 Musique de la foule
00:18:41 ...
00:18:46 -On craint un nouveau coup d'Etat,
00:18:48 mais le prédécesseur de Lula,
00:18:50 le président Fernando Enrique Cardozo,
00:18:52 va peser de tout son poids pour assurer
00:18:55 une transition démocratique et lui passe l'écharpe de président.
00:18:58 ...
00:19:00 -Pour une partie de l'élite, le passage
00:19:03 entre un gentleman
00:19:07 très bien inséré mondialement,
00:19:09 comme Fernando Enrique Cardozo,
00:19:11 et un monsieur comme Lula,
00:19:13 qui venait des profondeurs du Nord-Est,
00:19:16 a été vu comme un choc et comme une rupture
00:19:20 dans les traditions hiérarchiques et aristocratiques du Brésil.
00:19:24 Et donc, là, Lula, je pense qu'il incarne dans la perfection
00:19:28 les transformations sociales du Brésil.
00:19:30 ...
00:19:33 -Le Brésil est un pays riche et développé,
00:19:35 mais très inégalitaire.
00:19:37 Quand Lula arrive au pouvoir,
00:19:39 30 millions de Brésiliens ne mangent pas à leur faim,
00:19:42 comme dans un pays du Tiers-Monde.
00:19:44 ...
00:19:50 Les premières mesures du nouveau président
00:19:52 seront donc les programmes d'alimentation Fomé Zéro,
00:19:56 et Bolsa Familia, Bourse familiale,
00:19:59 pour que la faim cesse d'être le problème numéro un du pays.
00:20:02 ...
00:20:05 -Son idée centrale, c'est de garantir
00:20:09 trois assiettes de nourriture par jour à chaque Brésilien.
00:20:12 Il disait déjà ça à l'époque du syndicat,
00:20:14 et il l'a encore dit hier dans une interview
00:20:17 qu'il a donnée à la télévision.
00:20:19 L'idée centrale, c'est que le travailleur
00:20:22 a besoin de vivre mieux.
00:20:24 Juste ça.
00:20:25 Il ne s'agit pas d'une idéologie de gauche, de droite ou du centre.
00:20:29 C'est la trajectoire d'une vie.
00:20:31 -Un homme comme Lula,
00:20:35 tout ce qu'il a fait pour nous,
00:20:38 les pauvres, pour les femmes, pour les Noirs,
00:20:40 pour les gens des favelas,
00:20:44 il a changé nos vies,
00:20:46 la vie de millions de personnes
00:20:49 qui, à l'époque du gouvernement de Lula,
00:20:51 en ont fini avec le problème de la faim.
00:20:54 Et Lula a aussi fait le plus grand programme de logement,
00:20:58 de logement populaire.
00:21:00 ...
00:21:04 -Ce qui manquait au Brésil, surtout,
00:21:07 c'était la justice sociale.
00:21:08 Le gouvernement de Lula a commencé vraiment à prendre des mesures
00:21:13 pour réduire la pauvreté, réduire l'inégalité.
00:21:16 Dans le passé, l'économie pouvait croître ou diminuer.
00:21:20 N'importe. L'inégalité augmentait toujours.
00:21:23 Et la première fois que l'inégalité a diminué au Brésil,
00:21:28 c'était dans le gouvernement de PT,
00:21:30 et dans le gouvernement de Lula.
00:21:32 -Il sait ce dont les gens ont besoin.
00:21:34 Je crois qu'il l'a traduit dans son gouvernement.
00:21:37 L'accès au crédit, pouvoir acheter des choses,
00:21:39 pouvoir manger mieux, avoir une voiture,
00:21:43 laver sa voiture le week-end dans sa maison.
00:21:45 C'est une chose que les Brésiliens aiment beaucoup.
00:21:48 Faire un petit barbecue, pouvoir acheter sa petite maison,
00:21:52 avoir une qualité de vie plus humaine, plus décente.
00:21:55 Musique douce
00:21:57 -Sous la présidence de Lula,
00:21:59 40 millions de Brésiliens vont accéder à la petite classe moyenne,
00:22:03 ce que l'on appellera les "émergents".
00:22:06 ...
00:22:11 -Un jour, pendant un voyage,
00:22:14 nous étions en train de déjeuner tous les deux,
00:22:17 et il m'a demandé...
00:22:19 "T'as déjà pensé à devenir président de la République ?"
00:22:23 J'ai été surpris, j'ai répondu "Non, pas du tout".
00:22:27 "Et pourquoi ?"
00:22:28 "Parce qu'il faut être fou pour vouloir être président
00:22:31 "de la République du Brésil, mais avec des problèmes à récolter."
00:22:34 Il m'a dit "Pas du tout, c'est formidable !
00:22:37 "Qu'est-ce qu'il y a de bien là-dedans ?"
00:22:39 "Eh bien, tu peux résoudre tous les problèmes."
00:22:42 Musique douce
00:22:46 ...
00:22:49 -Un autre problème déjà brûlant il y a 20 ans,
00:22:51 que Lula va aussi tenter de résoudre,
00:22:54 c'est la déforestation de l'Amazonie.
00:22:56 ...
00:22:58 -Nous avons réussi, dans le gouvernement de Lula,
00:23:01 dans lequel j'ai été ministre,
00:23:03 à faire un plan de prévention et de contrôle
00:23:06 de la déforestation de l'Amazonie.
00:23:08 Ce plan a réduit la déforestation de 83 %
00:23:12 pendant presque une décennie.
00:23:14 Il a évité de rejeter dans l'atmosphère
00:23:16 5 milliards de tonnes de CO2.
00:23:18 Il a aussi été à l'origine, entre 2003 et 2008,
00:23:22 la période où j'ai été dans le gouvernement,
00:23:25 de la création de 80 % des terres protégées dans le monde.
00:23:29 ...
00:23:33 -Marina Silva démissionnera tout de même du gouvernement,
00:23:36 car elle estimait que Lula n'allait pas assez loin
00:23:39 en matière d'environnement, notamment en autorisant
00:23:42 la construction du barrage géant de Belo Monte,
00:23:44 au nord du pays, pour l'irrigation et l'électrification de la région.
00:23:48 ...
00:23:51 -Il y a toujours une tension, au Brésil,
00:23:54 entre ce qu'on appelle l'agro-business,
00:23:58 l'agriculture commerciale,
00:23:59 et, disons, les soucis environnementaux.
00:24:03 Mais le gouvernement de Lula a montré
00:24:05 que c'est possible de réconcilier
00:24:07 une partie du Brésil qui était comme l'Inde
00:24:10 et une partie qui était comme l'Australie,
00:24:12 en termes d'agriculture.
00:24:14 ...
00:24:17 -En termes de culture aussi, Lula a tenté de concilier
00:24:20 les deux faces du Brésil en nommant ministre
00:24:23 un chanteur célèbre dans le monde entier.
00:24:25 ...
00:24:31 -Quand Lula m'a proposé le ministère de la Culture...
00:24:36 -Le ministère de la Culture,
00:24:40 il m'a dit "Gilles, je veux que vous alliez
00:24:43 au ministère de la Culture
00:24:44 et nous serons un gouvernement du peuple brésilien.
00:24:48 Nous représenterons une nouveauté
00:24:50 dans la vie politique brésilienne.
00:24:53 Allez-y, faites dans ce ministère ce que vous feriez sur scène."
00:24:57 ...
00:25:05 -Comme une métaphore de la politique de Lula,
00:25:07 le Brésil blanc va donc découvrir la musique métissée,
00:25:10 tandis que les favelas vont découvrir la musique classique.
00:25:13 ...
00:25:42 ...
00:25:45 -Les mesures sociales du nouveau président
00:25:47 ne l'empêchent pas de soutenir fortement l'économie,
00:25:50 à l'image du succès emblématique de l'avionneur national M. Braher,
00:25:54 qui devient alors le 4e constructeur aéronautique mondial.
00:25:57 ...
00:26:00 -Dans la période de Lula,
00:26:04 le Brésil a eu une croissance de 4,1 % en moyenne.
00:26:10 Et la dernière année, une croissance de 7,5 %.
00:26:15 Plus de 20 millions d'emplois formels ont été créés.
00:26:20 La dette sur le PIB a été réduite de 60 à 39 %.
00:26:27 Le Brésil, qui était endetté auprès du FMI,
00:26:31 est devenu créditeur,
00:26:33 et il a aujourd'hui une réserve technique
00:26:36 de 300 milliards de dollars.
00:26:38 ...
00:26:43 -Lula n'est pas d'extrême-gauche.
00:26:47 Il ne l'a jamais été.
00:26:49 C'est un négociateur,
00:26:51 depuis l'époque du syndicat.
00:26:54 Et il a apporté ça en politique.
00:26:57 -La force de Lula vient du charisme qu'il a avec les travailleurs,
00:27:03 mais aussi avec les groupes dominants au Brésil.
00:27:06 Cette capacité à se mouvoir
00:27:09 entre deux univers extrêmement rivaux,
00:27:12 antagonistes, et à construire des ponts
00:27:15 qui puissent les réunir,
00:27:17 du point de vue de l'expérience électorale
00:27:20 et de gouvernement,
00:27:22 c'est une habileté très spéciale.
00:27:24 ...
00:27:30 -Cette capacité à lancer des passerelles,
00:27:33 on la constate aussi dans un autre secteur
00:27:35 extrêmement sensible au Brésil, l'éducation.
00:27:38 Lula multiplie par deux le nombre de places d'université.
00:27:42 Il veille à ce qu'elle profite aussi à une population
00:27:45 qui en était jusque-là totalement exclue.
00:27:47 ...
00:27:49 -Dans l'arrière de l'éducation,
00:27:51 le gouvernement Lula a instauré une politique
00:27:54 de quotas raciaux.
00:27:56 -Il a implémenté des quotas raciaux.
00:27:59 -Socio-raciaux.
00:28:00 -Socio-raciaux.
00:28:03 -Où les fils des travailleurs et des travailleuses noires
00:28:07 ont enfin eu accès à l'université.
00:28:10 -Nous avons eu accès à l'université.
00:28:13 -N'oublions pas que nous sommes un pays d'origine esclavagiste.
00:28:20 N'oublions pas que les anciens esclaves
00:28:24 n'ont pas eu de place dans l'économie,
00:28:26 ni de place sur les bancs des universités,
00:28:30 ni d'accès à des services publics de qualité.
00:28:34 ...
00:28:38 -Le Brésil est un pays de majorité d'afro-descendants.
00:28:43 C'est le deuxième pays
00:28:45 avec la plus grande population noire après le Nigeria.
00:28:48 Ce serait le deuxième pays africain au monde.
00:28:51 Cette politique des universités a ouvert un débat
00:28:54 qui existe au Brésil depuis 20 ans,
00:28:57 et qui sera extraordinaire sur la place des afro-brésiliens,
00:29:01 des Brésiliens noirs, dans l'histoire et le futur du Brésil.
00:29:05 -Secretary General, please.
00:29:09 Applaudissements
00:29:11 ...
00:29:13 -La place des personnes d'origine africaine dans le monde,
00:29:17 Lula va aussi la poser à l'Assemblée générale de l'ONU
00:29:20 par son ministre de la Culture, le chanteur Gilberto Gil.
00:29:23 Applaudissements
00:29:25 ...
00:29:29 -L'origine africaine du secrétaire général Kofi Annan
00:29:34 est la raison pour laquelle je l'ai invité à jouer sur scène,
00:29:37 d'une façon très spontanée et informelle,
00:29:40 d'un instrument qui est typique de notre héritage africain.
00:29:43 Un des tambours africains
00:29:46 qui sont présents dans la culture populaire et musicale du Brésil,
00:29:51 des Amériques et de tant d'autres parties du monde.
00:29:55 ...
00:29:57 -Anda !
00:29:58 Luanda !
00:30:00 Secretary General Kofi Annan !
00:30:03 Hong Kongers !
00:30:05 ...
00:30:10 Applaudissements
00:30:12 ...
00:30:16 -C'était la première année du gouvernement Lula.
00:30:21 Et cet acte à l'ONU a été très significatif
00:30:24 pour son gouvernement,
00:30:26 mais aussi très profondément pour lui,
00:30:29 personnellement.
00:30:32 ...
00:30:37 -Lula ne se limite pas à l'ONU,
00:30:39 il renforce le groupe des pays émergents des BRICS,
00:30:42 qui regroupent le Brésil, l'Inde, la Russie, la Chine
00:30:45 et l'Afrique du Sud pour concurrencer les pays
00:30:47 les plus riches du G7.
00:30:50 ...
00:30:51 -Caros amis, Zing et Zumba,
00:30:54 nos réalisations prouvent que nous avons des motifs
00:30:57 pour regarder le futur avec de l'optimisme.
00:31:00 ...
00:31:07 -Ce n'est pas que la politique extérieure du Brésil,
00:31:10 d'une façon générale, je parle, était mauvaise,
00:31:13 mais il y avait toujours une certaine timidité.
00:31:17 Il y avait... On ne peut pas oser faire ça.
00:31:20 On ne peut pas oser être trop actif.
00:31:22 Et la grande différence que je voyais avec Lula,
00:31:26 c'est qu'à cause de ce qu'il représentait,
00:31:30 c'est qu'on pourrait avoir une politique extérieure
00:31:33 très active et très affirmative.
00:31:36 ...
00:31:37 -Lula ! Good morning !
00:31:39 Good morning ! Lula !
00:31:41 ...
00:31:43 Senor presidente !
00:31:44 ...
00:31:46 -Cela se ressent jusque dans l'attitude personnelle de Lula,
00:31:49 qui ne semble pas plus impressionné que ça
00:31:51 de côtoyer les grands de ce monde, y compris à la Maison-Blanche.
00:31:55 -Je vous donne un exemple.
00:31:57 J'étais assis avec lui quand on allait
00:32:00 dans notre première visite officielle,
00:32:02 comme président, lui, à la Maison-Blanche.
00:32:06 Et j'étais dans la voiture avec lui,
00:32:11 et pour lui, c'était une chose tout à fait normale.
00:32:14 Il n'était ni nerveux ni impressionné,
00:32:17 parce qu'il allait... Non, c'était normal.
00:32:20 C'était normal, c'était comme s'il était avant, ici,
00:32:23 quand il devait avoir une négociation
00:32:27 avec le président de Volkswagen ou de Mercedes-Benz du Brésil.
00:32:31 C'était normal.
00:32:33 -J'espère que logo, logo, nous aurons un rencontre au Brésil.
00:32:37 ...
00:32:41 -George Bush est un républicain,
00:32:44 un homme conservateur.
00:32:46 Lula, en peu de temps, est devenu ami avec George Bush.
00:32:49 Beaucoup de gens ne comprenaient pas ça.
00:32:52 Il y a eu une réunion au Mexique, à l'intérieur du Mexique,
00:32:55 à Guadalajara.
00:32:57 Quand la réunion des chefs d'Etat des Amériques est finie,
00:33:00 je vois qu'il reste juste Lula et George Bush
00:33:03 qui discutent au fond du salon.
00:33:05 ...
00:33:08 Plus tard, j'ai demandé à Lula
00:33:10 en quelle langue vous étiez en train de parler.
00:33:13 "En portugnol", il m'a répondu.
00:33:15 "Portugnol, c'est le mélange informel de portugais et d'espagnol."
00:33:19 Il m'a dit "Mais t'es un ignorant !
00:33:21 "Bush vient du Texas, et au Texas, on parle espagnol.
00:33:24 "Donc, nous parlions en portugnol."
00:33:27 "Et pourquoi vous riez tant ?"
00:33:28 J'ai demandé. "Ah, ça, je ne peux pas te le dire.
00:33:31 "Ce sont des secrets des chefs d'Etat."
00:33:34 ...
00:33:39 Lula est effectivement un chef d'Etat apprécié de ses pairs.
00:33:43 Après avoir conquis George Bush, il va séduire son successeur
00:33:46 lors d'un sommet du G20 resté dans toutes les mémoires.
00:33:49 ...
00:33:55 -Lula a toujours été très attentif
00:33:58 à avoir un rôle international majeur,
00:34:00 à s'approcher des grandes puissances,
00:34:02 à montrer qu'il représentait le Brésil dans les grands cercles.
00:34:06 Là, pour le coup, ça changeait la perspective de l'élite brésilienne.
00:34:10 Parce que le jour où Obama, il dit...
00:34:13 "This is the man, the most popular politician on Earth",
00:34:17 c'est un choc pour cette élite
00:34:20 qui ne voulait pas reconnaître cet homme au pouvoir.
00:34:23 Et donc, Lula, il a toujours su jouer dans la perfection
00:34:27 avec ses différentes dimensions,
00:34:29 la dimension globale et la dimension très locale,
00:34:32 l'intérieur du Brésil et les grands cercles diplomatiques.
00:34:36 ...
00:34:40 -Et c'est comme ça que Lula finit son deuxième mandat
00:34:42 avec une popularité record de 87 %,
00:34:45 une popularité à faire rêver n'importe quel chef d'Etat.
00:34:48 ...
00:34:55 Mais après deux mandats, la Constitution brésilienne
00:34:58 ne lui permet pas de se représenter.
00:35:00 ...
00:35:04 -D'ici ce moment, le président Lula da Silva
00:35:08 transmit à faïcha présidentielle
00:35:10 la seigneure présidente de la République Dilma Rousseff.
00:35:13 -Il passe donc le flambeau à sa protégée,
00:35:16 Dilma Rousseff, élue présidente en 2010.
00:35:19 Une revanche pour cette ancienne guérillera
00:35:21 durement torturée sous la dictature
00:35:24 et un succès pour Lula,
00:35:25 qui enracine ainsi un peu plus la démocratie dans son pays.
00:35:28 ...
00:35:32 Mais comme usé par trop d'années de combat,
00:35:35 Lula tombe malade.
00:35:37 Il a un cancer et tout le monde pense qu'il va mourir.
00:35:40 ...
00:35:43 Il s'en sort pourtant et s'adresse bientôt aux Brésiliens
00:35:47 en pensant déjà à un retour dans le jeu électoral.
00:35:50 -Mes amis et mes amies,
00:35:52 aujourd'hui, j'ai reçu la nouvelle la plus importante
00:35:56 que l'être humain pourrait recevoir
00:35:58 après 5 mois de traitement d'un cancer.
00:36:02 J'ai reçu la nouvelle
00:36:04 que nous avons réussi à vaincre le cancer.
00:36:06 Je vais voter pour la politique
00:36:09 car je pense que le Brésil doit continuer à croître,
00:36:12 à se développer,
00:36:14 à créer des emplois,
00:36:16 créer des revenus
00:36:18 et améliorer la vie des millions de Brésiliens
00:36:21 qui ont réussi à atteindre la classe mèdia.
00:36:24 ...
00:36:30 -En 2015, la successeur de Lula est réélu pour un 2e mandat.
00:36:34 Elle favorise alors le lancement d'une vaste opération
00:36:37 anticorruption qui touche tous les partis,
00:36:40 la Vage Ato, la Vage Express.
00:36:42 Le congrès, dont de nombreux membres sont mis en cause,
00:36:46 ne lui pardonnera pas.
00:36:48 Elle est victime d'un coup d'État institutionnel
00:36:50 et écartée du pouvoir.
00:36:52 ...
00:36:55 Lula se porte alors à nouveau candidat
00:36:57 à l'élection présidentielle
00:36:59 et se retrouve très vite en tête des sondages.
00:37:02 -Ce peuple ne va que se faire arrêter
00:37:04 quand il sera élu
00:37:06 un gouvernement démocratiquement élu
00:37:09 par le Bloc,
00:37:11 ou par les compagnons,
00:37:12 et c'est la victoire.
00:37:14 ...
00:37:17 -La droite, écartée du pouvoir depuis maintenant 14 ans,
00:37:20 va alors tenter de retourner l'opération Lavage Ato,
00:37:23 Lavage Express, contre Lula,
00:37:25 en engageant des poursuites judiciaires contre lui
00:37:28 pour corruption.
00:37:29 ...
00:37:32 Le destin s'acharne sur l'ancien président
00:37:35 quand sa femme Marisa, partenaire de tous les combats
00:37:38 depuis plus de 40 ans, meurt subitement d'un AVC en 2017.
00:37:41 ...
00:37:44 Lula est dévasté,
00:37:45 mais les obsèques de Marisa se transforment en meeting politique.
00:37:49 ...
00:37:51 -Queridos, queridas compañeras,
00:37:54 queridas compañeras y queridos compañeros,
00:37:57 ...
00:37:59 compañeros y compañeras que vieron prestar
00:38:03 su última solidaridad
00:38:06 y homenaje a compadre Marisa,
00:38:08 ...
00:38:09 no es...
00:38:10 Yo te he dicho que no falaría,
00:38:13 porque...
00:38:14 ...
00:38:16 la preocupación de no falar y llorar es muy grande.
00:38:19 -Lula, guerrero,
00:38:21 el povo brasileiro !
00:38:23 Lula, guerrero,
00:38:25 el povo brasileiro !
00:38:26 -Fui estabelecida pelo juiz Sergio Moro,
00:38:29 responsável pela operación Lava Jato na primeira instancia.
00:38:33 -La condenação se refere à...
00:38:35 -La descente aux enfers n'est pas finie.
00:38:37 Après de multiples rebondissements,
00:38:39 Lula est condamné en 2018 à 12 ans de prison
00:38:43 pour avoir prétendument accepté un appartement en cadeau
00:38:46 quand il était président.
00:38:47 ...
00:38:50 Les accusations tournent en boucle à la télévision,
00:38:52 les Brésiliens doutent
00:38:55 et Lula accuse le coup.
00:38:56 ...
00:38:59 -Tout ça a été organisé comme un spectacle.
00:39:04 ...
00:39:08 Il était absolument essentiel
00:39:10 que Lula soit en permanence présenté comme un criminel.
00:39:13 Et donc, les médias n'ont pas cessé
00:39:18 de le faire passer pour un personnage odieux et criminel.
00:39:22 ...
00:39:28 -Il y a eu un coup monté
00:39:30 pour éviter qu'il brigue un nouveau mandat,
00:39:33 où il avait beaucoup de chance,
00:39:35 car il avait fini ses deux gouvernements
00:39:37 sur une approbation très forte
00:39:40 et donc avec un très grand potentiel en tant que candidat.
00:39:43 ...
00:39:47 -Leur lieu est la prison !
00:39:50 Lula, leur lieu est la prison !
00:39:53 -Le sort de Lula devient un enjeu national.
00:39:56 Le juge Moreau, qui l'a condamné,
00:39:58 est nommé ministre de la Justice en remerciement des services rendus.
00:40:02 Le pays est coupé en deux.
00:40:04 Les détracteurs de Lula se réjouissent de sa condamnation,
00:40:07 tandis que chez ses partisans,
00:40:09 beaucoup lui conseillent d'aller se réfugier à l'étranger
00:40:11 pour échapper à la prison.
00:40:13 De nombreux pays lui proposent alors l'asile politique.
00:40:16 -Lula, guerrière du peuple brésilien !
00:40:20 Lula, guerrière du peuple brésilien !
00:40:23 -Jamais il n'a été tenté par cette hypothèse,
00:40:27 à cause de son respect pour le jeu démocratique,
00:40:30 parce que Lula sait que le rêve secret de l'élite brésilienne
00:40:35 est qu'il sorte du jeu démocratique.
00:40:37 Le jour où il sort du jeu démocratique,
00:40:40 même quand ce jeu est totalement biaisé,
00:40:42 même quand ce jeu a perdu toute légitimité,
00:40:45 même quand ce jeu est devenu illégal,
00:40:48 ce que l'élite politique veut, c'est que Lula commette la faute.
00:40:52 C'est l'initiative de la faute morale,
00:40:55 puisque ce jour-là, Lula est out.
00:40:57 Cris de joie
00:40:59 ...
00:41:03 -Lula est donc transféré par hélicoptère, de nuit,
00:41:06 au siège de la police fédérale,
00:41:08 dans une scène de film qui réjouit ses opposants.
00:41:11 Cris de joie
00:41:15 Sous les feux d'artifice et les pétards,
00:41:18 il entre en prison pour 12 années,
00:41:20 et tout le monde est persuadé qu'il y finira sa vie.
00:41:23 Cris de joie
00:41:27 -On savait qu'il y avait un symbole politique
00:41:31 dans cette condamnation,
00:41:33 qu'elle transcendait l'histoire individuelle de Lula
00:41:36 et atteignait notre propre démocratie.
00:41:39 ...
00:41:41 Qu'il aille en prison a été stratégique
00:41:43 pour l'élection de Bolsonaro en 2018.
00:41:47 ...
00:41:48 Cris de joie
00:41:51 ...
00:41:58 -Lula en prison, la voie est libre
00:42:00 pour le candidat d'extrême-droite Jair Bolsonaro,
00:42:04 un ancien militaire élu président en 2018.
00:42:06 ...
00:42:11 Bolsonaro va mener tambour battant
00:42:13 une politique à l'exact opposée de celle de Lula.
00:42:16 La misère et la faim refont leur apparition au Brésil,
00:42:19 la déforestation de l'Amazonie connaît une accélération
00:42:23 sans précédent, le ministère de la Culture
00:42:25 est purement et simplement supprimé,
00:42:27 et l'on ouvre pour les enfants pauvres
00:42:30 des écoles civico-militaires.
00:42:32 ...
00:42:36 -La généralisation de l'éducation publique et gratuite
00:42:40 jusqu'à l'enseignement supérieur au Brésil
00:42:43 avait été une mesure très importante,
00:42:46 et ce n'est pas un hasard que ce soit cela qui soit détruit.
00:42:50 Et quand je dis "détruit", c'est vraiment détruit.
00:42:55 C'est des immeubles qui prennent feu,
00:42:57 des musées publics qui prennent feu,
00:43:00 des structures universitaires fermées ou abandonnées,
00:43:03 et la perspective d'un approfondissement
00:43:05 de cette destruction avec des coupes très importantes
00:43:08 dans les services publics brésiliens.
00:43:11 ...
00:43:17 -Le président Bolsonaro va aussi autoriser les milices privées
00:43:21 et libéraliser les ventes d'armes.
00:43:23 Les échauffourées sur la voie publique se multiplient.
00:43:26 ...
00:43:30 Pendant ce temps-là, Lula, lui, croupit toujours dans sa cellule.
00:43:35 ...
00:43:42 -Nous pensions qu'il allait perdre le Nord,
00:43:45 qu'il allait tout perdre. Il a été très triste.
00:43:48 Il a passé des moments très angoissants en prison.
00:43:51 Beaucoup de gens pensaient que ce serait la fin de sa vie politique,
00:43:55 qu'il allait sortir pour mettre un pyjama
00:43:57 et vieillir quelque part.
00:43:59 ...
00:44:02 -Mais même en prison, Lula reste populaire,
00:44:05 et ses partisans ne le lâchent pas.
00:44:07 Certains campent même devant la prison
00:44:09 depuis le premier jour de son incarcération
00:44:12 pour lui soutenir le moral.
00:44:14 -Tous les jours, il criait "Bonjour, président Lula",
00:44:20 "Bonne après-midi, président Lula",
00:44:22 "Bonsoir, président Lula".
00:44:24 Et cela, symboliquement, a été très important
00:44:27 pour garantir que Lula puisse continuer,
00:44:30 qu'il puisse sortir de cette situation
00:44:33 et qu'il puisse continuer à représenter le Brésil
00:44:36 en ce moment historique que nous vivons.
00:44:39 -C'est étrange, mais voir un homme
00:44:43 d'une dimension mondiale, globale,
00:44:46 être dans cet espace,
00:44:49 son esprit était toujours libre,
00:44:53 toujours libre.
00:44:54 Et je pense qu'il a même...
00:44:56 ...
00:44:58 Il a même, disons, grandi
00:45:01 dans cette époque à la prison.
00:45:03 Il a beaucoup lu, il a beaucoup pensé.
00:45:05 "La Marseillaise", de J.S. Bach
00:45:08 -Deux événements vont servir de détonateurs pour Lula.
00:45:11 La mort qui frappe à nouveau,
00:45:13 cette fois-ci, son frère adoré Vava,
00:45:15 aux obsèques duquel il lui est interdit de se rendre,
00:45:18 c'est quelque chose d'impensable
00:45:20 dans un pays catholique comme le Brésil.
00:45:22 ...
00:45:23 Musique sombre
00:45:27 Et un mois plus tard,
00:45:28 la mort de son petit-fils de 7 ans.
00:45:31 Cette fois-ci, il est autorisé à sortir de sa cellule
00:45:34 pour aller à ses obsèques.
00:45:35 Et comme toujours avec Lula,
00:45:38 cet événement privé se transforme en événement politique
00:45:41 où il va prendre une décision.
00:45:43 ...
00:45:46 -Au moment de la crémation de son petit-fils,
00:45:49 il lui promet qu'il va prouver son innocence.
00:45:52 ...
00:45:54 Et que la seule façon de prouver son innocence,
00:45:57 c'est de rester en prison.
00:45:59 Le premier message qu'il m'a envoyé de retour en prison,
00:46:05 c'est "je vais sortir d'ici,
00:46:07 "je vais être candidat,
00:46:09 "et le Brésil va être heureux à nouveau."
00:46:12 ...
00:46:14 -Lula repart en prison, mais dans sa tête, il repart en campagne.
00:46:17 Car il est persuadé qu'il va sortir rapidement de sa cellule.
00:46:21 ...
00:46:24 Et effectivement, en 2019,
00:46:26 après un an et demi passé derrière les barreaux,
00:46:29 la plus haute juridiction du Brésil, le tribunal suprême fédéral,
00:46:32 annule toutes les poursuites contre lui
00:46:35 en pointant la partialité du juge Moreau qu'il a condamné.
00:46:38 Lula est lavé de tous les soupçons de fraude
00:46:41 qui pesaient sur lui et libéré.
00:46:43 ...
00:46:56 -Il a réussi à ce que la justice comprenne
00:47:00 le coup monté dont il avait été victime.
00:47:03 Il a récupéré ses droits,
00:47:07 il a récupéré sa capacité de dialogue
00:47:12 avec la société brésilienne à nouveau,
00:47:15 il a récupéré son prestige et sa force politique.
00:47:19 -C'est une prise de risque énorme
00:47:22 du point de vue de son intégrité physique.
00:47:25 Et il a réussi son pari.
00:47:27 -Lula s'est transformé en mythe naturellement.
00:47:32 ...
00:47:35 Supporté un an et demi de prison sans avoir commis aucun crime,
00:47:39 simplement parce qu'il croyait possible de prouver son innocence,
00:47:43 Lula, à partir de cette résistance, qui est une résistance politique,
00:47:47 commence également à représenter une sorte de résistance spirituelle.
00:47:52 ...
00:47:55 Le combat de Lula devient un combat spirituel
00:47:58 pour soutenir la vérité,
00:48:00 car il sait que la vérité est le fondement de la démocratie.
00:48:04 ...
00:48:12 -Vérité et démocratie,
00:48:14 deux mots bien malmenés cette année-là au Brésil.
00:48:17 Quand le Covid s'abat sur le monde en 2020,
00:48:19 il faut enterrer les gens nuit et jour sans discontinuer.
00:48:23 Car le président Bolsonaro ne prend aucune mesure
00:48:26 pour protéger sa population.
00:48:27 Il y aura 700 000 morts.
00:48:29 Des images qui vont choquer tous les Brésiliens
00:48:32 et le monde entier.
00:48:34 ...
00:48:37 Et quand un vaccin est enfin mis au point,
00:48:40 Bolsonaro appelle les Brésiliens à continuer à se réfugier
00:48:43 dans la prière.
00:48:44 ...
00:48:48 Lula, lui, se fait piquer devant les caméras
00:48:50 et appelle tout le monde à faire de même.
00:48:53 ...
00:48:55 -Lula a été réélu, là, en octobre, par un front républicain.
00:48:59 Et ce front républicain, il naît dans la mobilisation
00:49:03 pour les vaccins.
00:49:04 Parce que, oui, il y avait tout le Brésil démocratique.
00:49:08 Si on pouvait le mobiliser par une question,
00:49:11 c'était "Êtes-vous en faveur ou contre les vaccins ?"
00:49:14 Parce que là, la ligne était très claire.
00:49:16 Il n'y avait pas de personne qui était contre les vaccins,
00:49:19 qui avait une vision d'un Etat démocratique,
00:49:22 qui avait une vision de santé publique,
00:49:24 qui avait une vision de stabilité, de responsabilité sociale.
00:49:28 -Lulala, brille la nossa estrella
00:49:32 Lulala, renasce la esperanza
00:49:36 Lulala...
00:49:37 -En 2022, Lula est donc candidat à l'élection présidentielle
00:49:41 pour la septième fois de sa vie.
00:49:43 Le Covid reste un sujet important de la campagne,
00:49:47 et une fois de plus, son histoire personnelle
00:49:49 se confond avec celle de son pays.
00:49:51 Ce jour-là, c'est sa troisième épouse,
00:49:54 Jean-Jean, qui prend d'abord la parole sur scène.
00:49:57 -Lulala, brille la nossa estrella
00:50:00 -Mais je suis très émue
00:50:02 parce qu'il y a une personne qui n'est pas là avec moi aujourd'hui
00:50:06 et qui, malheureusement,
00:50:09 m'a perdu à cause du Covid.
00:50:11 Ma mère, qui est morte,
00:50:13 est une des près de 700 000 victimes du Covid,
00:50:17 et qui, irresponsablement,
00:50:22 le président du Brésil n'a pas pris compte.
00:50:24 -Lulala, brille la nossa estrella
00:50:26 -La santé, la faim, l'éducation,
00:50:28 les sujets qui avaient conduit à la première élection de Lula
00:50:31 il y a 20 ans sont donc de nouveau d'actualité.
00:50:34 Et si le tribun a perdu de sa voix,
00:50:37 il n'a rien perdu de son talent pour haranguer les foules.
00:50:40 -Lulala, brille la nossa estrella
00:50:41 -Vamos reconstruir
00:50:44 ese nosso país.
00:50:45 Ela est nossa.
00:50:47 Ela est nossa.
00:50:48 Ela é de cada um de nós.
00:50:50 No é possível.
00:50:52 No século XXI,
00:50:54 nos enfants vont dormir sans manger un pain,
00:50:58 sans boire du lait,
00:50:59 sans un chocolat,
00:51:01 sans manger de la chose.
00:51:03 Ce pays, nous pouvons le construire.
00:51:06 Il est en nos mains.
00:51:08 Nous l'avons déjà approuvé une fois.
00:51:11 Mais je veux y revenir.
00:51:13 D'abord, parce que je vous confie.
00:51:15 Deuxièmement, parce que je vous confie au Brésil.
00:51:17 Et troisièmement, parce que je vous confie au tac
00:51:21 qui vont m'aider à gouverner ce pays
00:51:24 et faire de ce pays meilleur.
00:51:26 C'est ça, les gens. Un abraço.
00:51:28 (Acclamations)
00:51:35 (Musique)
00:51:39 -Lula a donc été élu président du Brésil
00:51:41 pour la troisième fois le 30 octobre 2022.
00:51:44 (Applaudissements)
00:51:49 Mais de justesse.
00:51:50 A peine 51 % des voix.
00:51:52 (Musique)
00:51:54 La ligne démocratique a triomphé, mais il a gagné d'un cheveu.
00:51:57 (Applaudissements)
00:52:00 Alors, que va-t-il faire, maintenant ?
00:52:02 Mais surtout, que peut-il faire ?
00:52:04 La situation n'est pas du tout la même qu'il y a 20 ans.
00:52:07 (Musique)
00:52:10 -J'ai de la peine pour lui.
00:52:12 Il a 75 ans, il n'est plus tout jeune,
00:52:15 et il va hériter d'une terre dévastée.
00:52:18 Il va devoir tout recommencer, depuis le début.
00:52:20 Il va devoir reconstruire le Brésil.
00:52:23 -Lula va conquérir plus de droits pour les pauvres.
00:52:28 Et il va réussir à sortir le Brésil de la faim.
00:52:31 Il l'a déjà fait, par le passé.
00:52:33 Et je crois qu'il parviendra aussi à contrôler la progression
00:52:37 de la déforestation de la forêt amazonienne.
00:52:42 -Le Brésil est l'une des plus grandes économies du monde.
00:52:46 Il a déjà été à la 6e place pendant la présidence de Lula.
00:52:50 Aujourd'hui, il va se réinsérer dans l'économie mondiale.
00:52:55 Le Brésil peut être un exemple pour le monde
00:52:58 dans le combat contre le changement climatique,
00:53:01 pour la préservation de l'environnement
00:53:03 et pour les énergies renouvelables et propres.
00:53:06 -Et des énergies renouvelables et limpes.
00:53:09 (Bruits de la foule)
00:53:12 -Au-delà de ces mesures concrètes,
00:53:14 le jeu est aujourd'hui plus large pour Lula.
00:53:17 Le pays est fracturé.
00:53:18 L'ex-président Bolsonaro n'a reconnu sa défaite
00:53:21 que du bout des lèvres.
00:53:23 Ses idées d'extrême droite ont essémé dans tout le pays
00:53:26 et ses partisans réclament un nouveau coup d'Etat.
00:53:29 (Cris de la foule)
00:53:30 -Je dirais que le grand défi qu'il a devant lui,
00:53:35 plus que de battre Bolsonaro,
00:53:37 c'est de battre le bolsonarisme.
00:53:40 -C'est pas seulement la gauche contre la droite.
00:53:43 C'est vraiment une vision de la démocratie,
00:53:46 de la civilisation,
00:53:48 que Lula incarne maintenant,
00:53:51 contre une vision...
00:53:53 anti-civilisation,
00:53:57 anti-progrès de l'humanité,
00:54:00 contraire à toutes les valeurs de l'humilière.
00:54:03 -Il va faire combien de mandats, là, maintenant, Lula ?
00:54:07 -Un seul.
00:54:08 -Ah ! Pourquoi ?
00:54:13 -Parce que le retour de Lula,
00:54:15 et ça, c'est le plus grand risque qu'on vit maintenant,
00:54:18 ne peut pas être seulement une parenthèse républicaine
00:54:22 dans un grand avènement du populisme
00:54:25 et de l'antipolitique qui a commencé en 2016.
00:54:27 Il doit être la fermeture de cette parenthèse extrémiste
00:54:33 qu'on a connue sous Bolsonaro et un peu sous Temer avant
00:54:36 et l'ouverture vers quelque chose de nouveau.
00:54:39 Et je pense que Lula sait très bien qu'il doit faire cette transition,
00:54:45 et c'est pas seulement une transition,
00:54:47 c'est de donner un destin au Brésil, un destin politique,
00:54:50 un chemin pour les prochaines générations.
00:54:52 -L'écho, Lula !
00:54:54 -L'écho, Lula !
00:54:57 -Le destin du Brésil se retrouve donc encore une fois
00:55:00 entre les mains de Lula.
00:55:01 Quoi qu'il fasse, une chose est sûre, en tout cas.
00:55:04 Lui, Luis Ignacio Lula da Silva,
00:55:07 l'ancien tourneur fraiseur né dans la plus grande misère
00:55:10 et devenu trois fois président de l'un des plus grands pays du monde,
00:55:14 aura eu un destin extraordinaire.
00:55:16 Un destin dont il fut le premier artisan,
00:55:19 le destin d'un homme qui restera dans l'histoire.
00:55:22 ...
00:55:24 -Le roman de Lula,
00:55:26 documentaire réalisé par José Bourguerel,
00:55:28 où le portrait d'un homme, vous venez de le voir,
00:55:31 au destin réellement extraordinaire
00:55:33 dont le parcours syndical et politique
00:55:36 aura aussi épousé l'histoire de son pays
00:55:38 pendant trois quarts de siècle.
00:55:40 Tel un phénix, renaissant sans cesse de ses cendres,
00:55:43 Lula vient donc d'être élu pour la troisième fois
00:55:46 à la tête du Brésil.
00:55:47 Quel défi l'attend désormais
00:55:49 pour ce qui pourrait être son dernier acte
00:55:51 sur la scène politique brésilienne ?
00:55:53 Nous allons en débattre en compagnie de nos invités
00:55:56 présents sur ce plateau de débats d'octobre.
00:55:59 En commençant par vous, Mochirio, bienvenue.
00:56:02 Vous êtes historienne, spécialiste de l'histoire contemporaine
00:56:05 et enseigné à l'université Gustave Eiffel.
00:56:08 Vous êtes également coprésidente du réseau européen
00:56:12 pour la démocratie au Brésil
00:56:14 et vous avez codirigé, entre autres, cet ouvrage,
00:56:17 "Mon cher Lula, lettres à un président en détention",
00:56:20 publié chez Ana Mosa.
00:56:23 Avec nous, Christophe Ventura, bienvenue.
00:56:26 -Bonjour. -Vous êtes directeur
00:56:28 de recherche à l'IRIS, l'Institut de relations internationales
00:56:31 et stratégiques, bien entendu, en charge de son programme
00:56:35 sur l'Amérique latine-caribe.
00:56:36 Vous êtes l'auteur, quant à vous, de "Géopolitique de l'Amérique latine",
00:56:40 40 fiches pour comprendre le monde.
00:56:43 C'est un ouvrage qu'on peut se procurer chez Erol.
00:56:45 Et enfin, avec nous, Erika Campelo, bienvenue.
00:56:48 Vous êtes cofondatrice et coprésidente
00:56:51 de l'association Autre Brésil.
00:56:53 C'est une association fondée maintenant 20 ans
00:56:55 et qui s'est donnée pour but de décrypter les enjeux
00:56:59 à la fois sociétaux, politiques, brésiliens,
00:57:02 et, enfin, pour le public francophone.
00:57:05 On va revenir, après ce documentaire
00:57:08 entièrement consacré au parcours de Lula,
00:57:11 parcours extraordinaire, réellement,
00:57:14 sur un plan personnel, sur un plan syndical,
00:57:16 sur un plan politique.
00:57:18 On va revenir tout de même sur sa dernière élection.
00:57:21 C'était le 30 octobre dernier, 30 octobre 2022,
00:57:25 où il l'emporte face à Jair Bolsonaro,
00:57:28 mais il l'emporte d'une très courte tête,
00:57:30 avec 1,9 % des suffrages.
00:57:33 Il est investi à la tête du Brésil
00:57:36 le 1er janvier dernier,
00:57:38 et, stupéfaction, le 8 janvier,
00:57:40 autrement dit, 7 jours plus tard,
00:57:42 les partisans de Bolsonaro envahissent
00:57:44 le Congrès, la Cour suprême et le palais présidentiel
00:57:48 de Planalto, qui se trouve, bien entendu,
00:57:50 à Brasilia.
00:57:52 Première réaction,
00:57:54 est-ce qu'à la suite de ces événements très intenses
00:57:57 du côté du Brésil,
00:57:59 on peut dire aujourd'hui que la démocratie brésilienne
00:58:02 est sauvée, a tenu le coup,
00:58:04 ou est-ce qu'il y a encore un doute sur ce simple sujet,
00:58:08 compte tenu de ce qui s'est passé ?
00:58:10 -Ce qui est clair, c'est que les 49 % de Brésiliens
00:58:13 qui ont continué après un mandat, quand même,
00:58:16 catastrophique, après des menaces
00:58:18 contre les institutions de la République,
00:58:21 ont voté pour Bolsonaro, ils n'ont pas disparu.
00:58:24 En partie, ce sont des citoyens
00:58:27 qui sont radicalisés dans leur adhésion
00:58:31 à un agenda qui est un agenda extrémiste
00:58:34 et un désamour, un désaveu complet
00:58:37 à l'égard des institutions.
00:58:39 Et donc, ces Brésiliennes et ces Brésiliens,
00:58:43 il ne s'agit pas des 49 %,
00:58:45 des gens disposés à la violence,
00:58:47 mais il y en a des milliers, des dizaines de milliers,
00:58:50 et pour partie, ce sont aussi des citoyens
00:58:52 qui sont à l'intérieur de l'État, des forces de sécurité,
00:58:56 des forces de l'armée. -Le bolsonarisme
00:58:58 a infiltré l'armée, l'administration,
00:59:00 une partie de l'État, c'est ce que vous dites ?
00:59:03 -Une partie de l'État et une grande partie de l'armée.
00:59:06 C'était quelque chose dont on avait conscience,
00:59:09 du fait qu'il y aurait une opinion publique
00:59:11 très difficile à réintégrer dans un jeu politique
00:59:14 qui se fonde sur le pluralisme, sur le consensus.
00:59:17 Toute une partie de la population déteste Lula,
00:59:20 considère que la gauche ou le centre-gauche
00:59:22 ne sont pas des adversaires politiques,
00:59:25 mais des ennemis de la nation,
00:59:27 donc il y a cette opinion-là, et aussi un État
00:59:30 qui s'est militarisé, qui s'est radicalisé,
00:59:32 et qu'il va être très difficile, pour la nouvelle administration,
00:59:36 de faire revenir dans un chemin véritablement légaliste.
00:59:39 Il ne s'agit pas d'adhérer à l'urgence du nouvel exécutif,
00:59:43 mais simplement que les institutions jouent leur rôle,
00:59:46 en particulier les institutions de sécurité.
00:59:49 -Elle a fait preuve de sa bonne santé,
00:59:51 cette démocratie brésilienne,
00:59:53 et c'est vrai qu'au soir du 30 octobre dernier,
00:59:56 il y avait quand même des doutes sur cette question,
00:59:59 vu les résultats obtenus.
01:00:01 -Pour comprendre le film du 8 janvier,
01:00:03 il faut se rappeler qu'on est dans un pays
01:00:05 qui connaît une crise démocratique depuis 2016, au minimum,
01:00:09 ce que certains considéraient être le coup d'Etat parlementaire
01:00:12 contre l'ancienne présidente Dilma Rousseff.
01:00:15 On parle d'un pays dont la démocratie a subi
01:00:18 plusieurs pressions.
01:00:19 La première, c'est ce coup d'Etat parlementaire,
01:00:22 qui a gouverné deux ans ce pays.
01:00:24 Puis l'élection de 2018, de laquelle a été éliminée,
01:00:27 judiciairement, Lula, qui devait, normalement,
01:00:30 être déjà candidat et peut-être président en 2018.
01:00:33 Et puis ce dernier développement,
01:00:35 qui montre qu'une société fracturée,
01:00:37 une société qui est polarisée,
01:00:39 avec deux blocs qui, à peu près, représentent la même chose,
01:00:42 et effectivement, sur fond, d'une énorme défiance politique.
01:00:46 On ne croit plus à la politique, on ne croit plus à l'Etat,
01:00:49 dans un pays qui connaît une crise sociale, économique terrible,
01:00:53 depuis ces années 2010,
01:00:55 et c'est tout ce mélange, en fait,
01:00:57 qui crée, disons, cette crise démocratique
01:01:00 dont le Brésil n'est pas encore sorti,
01:01:02 mais, effectivement, et si on compare
01:01:05 à d'autres pays auto-américains,
01:01:07 les institutions brésiliennes sont plutôt résistantes
01:01:10 et ont montré qu'il y avait une capacité
01:01:12 à conserver la légalité dans la séquence actuelle,
01:01:15 et le fait que Lula, le président Lula,
01:01:18 ait pu, juste après les événements du 8 janvier,
01:01:21 rallier à sa cause l'ensemble des institutions brésiliennes,
01:01:24 des gouverneurs des Etats,
01:01:26 du tribunal suprême fédéral, la Cour suprême,
01:01:29 et du congrès dans lequel il y a beaucoup d'adversaires
01:01:32 qui sont présents de Lula, ils sont tous là avec lui.
01:01:35 Ca montre quand même qu'il y a aussi une aspiration
01:01:38 à la consolidation démocratique dans ce pays
01:01:41 qui reste vivante, fort heureusement.
01:01:43 -Erica Campelo ? -C'est très difficile
01:01:45 de dire que la situation est normale au Brésil.
01:01:48 Ce qu'on peut dire, c'est que le gouvernement de Lula
01:01:51 est un gouvernement des coalitions,
01:01:53 il a plus de dix partis politiques
01:01:56 qui commencent au centre-droit
01:01:59 jusqu'à quasiment l'extrême gauche,
01:02:01 donc il va falloir composer avec une...
01:02:04 avec cette richesse de partis,
01:02:07 cette diversité qui ont des intérêts très différents.
01:02:11 Donc on ne peut pas dire que la démocratie est venue à la normale,
01:02:15 mais, Christophe, depuis 2016, le Brésil vit une période
01:02:18 d'éception démocratique où la démocratie était attaquée
01:02:22 à chaque instant.
01:02:23 Et en 2016, ça a permis quand même d'élire Bolsonaro.
01:02:27 C'était un début quand même de ce qu'on dit au Brésil,
01:02:31 on a ouvert la boîte de pain d'or,
01:02:33 et Bolsonaro, et tout le fascisme,
01:02:35 et toute cette extrême droite brésilienne dure,
01:02:39 elle est sortie de là.
01:02:40 Et là, notre processus démocratique,
01:02:42 il a été fragilisé, il est encore fragilisé, pourquoi ?
01:02:46 Parce que le 8 janvier était une tragédie annoncée,
01:02:49 on savait que ça allait arriver.
01:02:51 Depuis le 30 octobre,
01:02:53 toute cette partie de la population,
01:02:55 ces 49 % qui ont voté pour Bolsonaro,
01:02:58 était une bonne partie,
01:03:00 campée devant les casernes de l'armée.
01:03:03 Qu'est-ce qu'aurait dû faire l'armée ?
01:03:05 Arrêter ça tout de suite.
01:03:07 Et pendant deux mois,
01:03:08 l'armée, la police militaire ont laissé faire.
01:03:11 Une partie des institutions de l'État brésilien.
01:03:14 On ne peut pas dire que tout est réglé, au contraire.
01:03:17 L'État brésilien est contaminé par le bosonalisme.
01:03:21 Et aujourd'hui, l'Oulà doit faire l'équilibrisme.
01:03:25 C'est-à-dire qu'il faut composer avec la diversité
01:03:28 des personnes qui soutiennent son gouvernement.
01:03:31 Il faut pas oublier qu'il y a deux ministres
01:03:34 qui ont été le ministre de la Défense
01:03:36 et le ministre des Communications au Brésil,
01:03:39 qui sont les fondateurs des soutiens de Bolsonaro
01:03:42 et que l'Oulà a dû les ajouter à son gouvernement.
01:03:45 Donc là-dessus, on n'est pas encore sortis
01:03:48 dans un État d'estabilité démocratique au Brésil.
01:03:53 Et je tiens à dire et à préciser et à l'alerter,
01:03:56 ça, c'est le début.
01:03:58 Le 8 janvier, c'était un début,
01:04:00 une continuation
01:04:02 de l'instabilité politique démocratique au Brésil.
01:04:06 Il faut que les gouvernements internationaux,
01:04:09 le gouvernement français, l'Europe, restent vigilantes.
01:04:12 Le gouvernement de l'Oulà reste encore fragilisé.
01:04:16 Et donc, on doit vraiment faire très attention pour la suite.
01:04:20 Il a quatre ans devant lui.
01:04:21 On n'est même pas encore aux 100 premiers jours de son mandat.
01:04:25 -Toune lui est pas acquis, finalement.
01:04:28 -Il faut se souvenir que Toune ne lui était pas acquis
01:04:31 au cours de ses deux premiers mandats.
01:04:33 Il était d'une coalition,
01:04:34 mais pas seulement avec son propre parti,
01:04:37 le Parti des travailleurs.
01:04:38 Le Parti des travailleurs n'a jamais eu la majorité seule.
01:04:42 Il était loin de l'avoir au Congrès.
01:04:44 Il était obligé, et c'est le système brésilien qui le veut,
01:04:47 de gérer le présidentialisme de coalition,
01:04:50 c'est-à-dire le fait d'avoir la majorité des électeurs
01:04:53 qui votent pour un programme présidentiel.
01:04:56 Et ce président va avoir à mettre d'accord
01:04:59 de très nombreux partis.
01:05:01 -On parle d'une quinzaine de partis.
01:05:03 -C'était déjà le cas dans les années 2010.
01:05:06 Et donc, il y a eu un jeu politique déjà très compliqué
01:05:10 qui a associé le centre à un centre qu'on appelle physiologique,
01:05:13 c'est-à-dire qui s'allie au plus offrant
01:05:16 en termes de postes, d'avantages.
01:05:18 C'est déjà comme ça que Lula a gouverné.
01:05:20 La différence principale que je vois,
01:05:22 c'est que la coalition doit aller beaucoup plus loin
01:05:25 parce que ce que Lula a dû constituer,
01:05:28 c'est une sorte de front antifasciste.
01:05:30 Une union nationale pour avoir les forces
01:05:33 d'affronter ce que cette forme de néofascisme
01:05:37 qu'est le bolsonarisme avait mis en oeuvre
01:05:41 pour demeurer au pouvoir.
01:05:42 Souvent, quand on regarde les élections
01:05:45 le 2e tour d'octobre, depuis la France,
01:05:47 depuis l'Europe, il y avait une forme de déception.
01:05:50 "Ah, le progressisme gagne, mais de peu."
01:05:52 C'était un peu décevant.
01:05:54 Mais revenir au pouvoir par la voie des urnes,
01:05:57 quand l'adversaire est prêt à tout pour manipuler l'opinion,
01:06:00 empêcher les électeurs d'accéder aux urnes,
01:06:03 comme ça a été le cas,
01:06:04 d'utiliser l'argent de l'Etat
01:06:06 pour acheter à tous les niveaux de l'Etat
01:06:09 des personnels politiques pour faire pression,
01:06:12 la même chose dans les entreprises,
01:06:14 affronter ça avec simplement les voies de la légalité,
01:06:17 c'est quelque chose d'extraordinaire.
01:06:20 Le fait que Lula ait pu gagner à la régulière,
01:06:22 si vous voulez, Bolsonaro, en octobre,
01:06:25 c'est déjà quelque chose d'extraordinaire,
01:06:28 ça nécessite ensuite d'avoir affronté ce qu'il en reste.
01:06:33 Quand vous posiez la question de "les institutions ont-elles tenu ?"
01:06:37 Le 8 janvier montre-t-il que les institutions ont tenu ?
01:06:40 Le 8 janvier montre qu'une partie des institutions ont tenu.
01:06:44 Le judiciaire, la Cour suprême a tenu, a joué son rôle.
01:06:47 Les instances fédérales des Etats ont joué leur rôle,
01:06:50 y compris des démonstrations de force symbolique.
01:06:53 Le 8 janvier a montré aussi
01:06:55 que les institutions sont grevées de bolsonarisme,
01:06:59 y compris, comme l'a dit Mme Campelo,
01:07:01 l'armée, qui est majoritairement défiante
01:07:06 à l'égard du gouvernement,
01:07:07 au point que Lula n'a pas pu choisir son ministre de la Défense.
01:07:11 Il a dû prendre un représentant du Parti militaire,
01:07:14 qui, donc, va être quelqu'un avec qui il va falloir composer,
01:07:19 qui ne sera pas un allié de Lula,
01:07:21 s'il existe des fortes tensions avec les militaires.
01:07:24 -Il a un savoir-faire,
01:07:25 car vous nous disiez que ce n'est pas la première fois
01:07:28 qu'il est à la tête d'une coalition.
01:07:31 Il saura, à nouveau, réconcilier
01:07:33 cette quinzaine de partis politiques
01:07:37 pour mener à bien son programme ?
01:07:39 -Je crois qu'il y a plusieurs choses.
01:07:41 La première, c'est qu'il n'y a personne d'autre que Lula
01:07:44 qui était en mesure de pouvoir, disons,
01:07:48 vaincre Bolsonaro aux élections de 2022.
01:07:51 Ce qui a fait que Lula a pu vaincre,
01:07:53 c'est son équation personnelle, sa surface personnelle
01:07:56 et cette qualité que vous signalez de conciliateur.
01:07:59 Je crois que l'ADN de Lula, c'est un négociateur,
01:08:02 c'est syndicaliste. C'est ça, son ADN.
01:08:04 -C'est le mot-clé qu'on retrouve très souvent dans ce film.
01:08:08 -C'est ce qu'il aime.
01:08:10 Ce qu'aime Lula, c'est, effectivement, négocier,
01:08:13 trouver des points d'équilibre et maintenir, tenir
01:08:16 des paramètres qui, naturellement, ne marcheraient pas ensemble.
01:08:21 Je crois que c'est fondamentalement ce qu'il est.
01:08:23 Il porte cela et c'est ce qui a marqué toute sa vie politique,
01:08:27 depuis les grèves de 1980 jusqu'à ses élections.
01:08:30 Il a toujours fonctionné comme ça.
01:08:32 J'ai envie de dire que le défi, aujourd'hui,
01:08:34 est à la mesure du personnage,
01:08:36 qui va peut-être faire un dernier mandat
01:08:39 qui sera le plus difficile pour lui, de ce point de vue-là.
01:08:42 Il est le premier à le dire, c'est ce qu'il a dit
01:08:45 le soir de sa victoire.
01:08:46 Pourquoi le plus difficile ?
01:08:48 Parce que la société brésilienne est, une fois de plus, fracturée,
01:08:52 elle est divisée, elle n'est pas du tout unie,
01:08:55 elle est polarisée, radicalisée.
01:08:58 C'est la réalité de ce pays,
01:09:00 dans lequel s'affrontent des courants très puissants,
01:09:03 très opposés, antagoniques.
01:09:05 Vous avez des courants très progressistes,
01:09:07 des secteurs qui demandent la reconnaissance
01:09:10 de droits individuels, collectifs,
01:09:12 comme les secteurs indigènes, afrodescendants, LGBT, etc.
01:09:15 La jeunesse brésilienne qui vient, qui pointe le bout de son nez
01:09:19 au bout de ce premier quart du XXIe siècle,
01:09:21 et puis, de l'autre côté,
01:09:23 vous avez un Brésil conservateur,
01:09:25 traditionnaliste, voire réactionnaire,
01:09:27 religieux, sous un mode parfois assez fondamentaliste
01:09:30 parmi les évangéliques, par exemple,
01:09:32 et tout ça, en quelque sorte, c'est le Brésil de 2022.
01:09:36 Est-ce qu'il a toutes les cartes en main ?
01:09:38 Non, il n'a pas toutes les cartes en main.
01:09:40 Il a tout ce qu'il a réussi à construire,
01:09:43 pour vaincre Bolsonaro,
01:09:44 il faut construire un front démocratique
01:09:46 pour mobiliser tous ceux qui sont pour que le Brésil
01:09:49 reste dans l'Etat de droit et reste une démocratie
01:09:52 face à un projet autoritaire
01:09:54 qui peut amener à une dérive de type fascisante.
01:09:57 C'était sa stratégie à Lula, qui, à l'époque,
01:09:59 ne faisait pas l'unanimité dans son...
01:10:01 -Il a coagulé tous les anti-Bolsonaro.
01:10:04 -Ca faisait pas l'unanimité dans son propre camp.
01:10:06 Il a dû élargir, élargir.
01:10:08 Il a réussi à faire cela, il a ça pour lui, aujourd'hui,
01:10:11 et cette aspiration à maintenir le Brésil dans la démocratie
01:10:15 est forte dans ce pays, mais il n'a pas toutes les clés,
01:10:18 car il y a plein de choses qui peuvent se passer.
01:10:20 La question militaire était une des grandes questions.
01:10:23 Certains disaient qu'il allait y avoir un coup d'Etat
01:10:26 pour l'élection de Lula.
01:10:28 Certains disaient qu'il n'y aurait pas de coup d'Etat,
01:10:31 car l'armée était déjà au pouvoir au Brésil avec Bolsonaro.
01:10:34 La question, c'est quelle place elle va laisser à Lula
01:10:38 une fois qu'il sera élu démocratiquement.
01:10:40 C'est la question qu'il a posée.
01:10:42 On n'a pas toutes les clés pour y répondre.
01:10:45 On va le découvrir.
01:10:46 Déjà, Lula, depuis 8 janvier, a commencé à limoger
01:10:49 des militaires, des officiers, mais il veut, comme toujours,
01:10:53 ne pas être dans un rapport frontal
01:10:55 ou une purge intégrale de l'institution militaire.
01:10:58 Il veut trouver un terrain d'accord.
01:11:00 Aujourd'hui, on est plutôt là-dedans.
01:11:02 L'approche de Lula, c'est une hypothèse,
01:11:04 sera un peu gradualiste avec les militaires.
01:11:07 S'ils arrivent à respecter le jeu,
01:11:10 alors, ça devrait fonctionner.
01:11:12 Si ça part ailleurs, je crois que Lula a quand même
01:11:14 les moyens, aujourd'hui, de pouvoir taper du poing
01:11:17 sur la table aussi, mais ça, on le verra
01:11:19 au cours des mois qui suivront le début de sa présidence.
01:11:23 -Vous souhaitez ajouter quelque chose ?
01:11:25 -Oui, d'abord, la question de l'armée.
01:11:27 Lula a fait quelque chose après le 8 janvier,
01:11:30 très importante, il a déjà remplacé 50 dirigeants
01:11:33 de l'armée brésilienne.
01:11:35 Mais l'armée, c'est un problème au Brésil,
01:11:37 mais n'est malheureusement pas le seul.
01:11:40 Il y a des polices militaires, les polices d'État,
01:11:42 parce qu'au Brésil, la police, elle dépend des gouverneurs
01:11:46 des États fédéraux, et ces polices-là,
01:11:48 elles sont aujourd'hui une faction au Brésil.
01:11:51 Elles sont complètement gringrénées
01:11:54 par la violence, par la corruption,
01:11:56 et par le bolsonarisme, et par le fascisme.
01:11:59 Ils ont soutenu Bolsonaro pendant ces quatre dernières années.
01:12:03 C'est une police extrêmement violente,
01:12:06 qui tue, qui rend le pouvoir des vies
01:12:09 des morts sur la vie des citoyens,
01:12:11 surtout les citoyens des périphéries
01:12:13 les plus vulnérables au Brésil.
01:12:15 Souvent, malheureusement, ce sont les personnes noires.
01:12:18 C'est un point important dans la démocratie brésilienne
01:12:22 et dans la stabilité du gouvernement Lula,
01:12:24 mais ce n'est pas le seul.
01:12:26 Lula aura besoin aussi, pour continuer à gouverner,
01:12:29 du soutien des mouvements sociaux et de la société civile brésilienne.
01:12:33 Il était élu grâce à ça, et ce n'est pas pour rien
01:12:36 qu'il a créé un premier ministère des peuples autochtones
01:12:39 avec la députée Sonia Guajajara à sa tête,
01:12:42 et un ministère sur l'égalité raciale
01:12:44 avec la sœur de la conseillère municipale de Rio,
01:12:49 qui a été assassinée en 2018, Marielle Franco.
01:12:52 C'est très symbolique, et cette politique,
01:12:55 cette bataille du symbolisme aujourd'hui au Brésil,
01:13:00 est essentielle pour changer les capes de la société
01:13:04 et essayer de réconcilier la société brésilienne.
01:13:08 C'est la première chose que Lula doit réconcilier.
01:13:11 Une dernière petite chose qui est importante aussi de noter,
01:13:14 le Brésil, le bolsonarisme, fait partie d'un mouvement conservateur
01:13:19 d'outre-droite, d'extrême-droite international.
01:13:23 Le fils de Bolsonaro, Eduardo Bolsonaro,
01:13:27 pendant les dernières cinq ans,
01:13:29 il a participé à plus de 70 réunions aux États-Unis
01:13:34 avec les leaders de la droite dure.
01:13:36 Donc il a un projet qui menace la démocratie brésilienne,
01:13:40 mais pas seulement, nos démocraties en Europe,
01:13:43 nos démocraties en France, notre démocratie en France.
01:13:46 Donc il faut vraiment faire très attention,
01:13:48 c'est un mouvement qui est là, qui est fort et qui est consolidé.
01:13:52 – On va voir un extrait du documentaire, si vous en êtes d'accord.
01:13:55 C'est un meeting auquel participe Lula
01:13:57 dans le cadre de cette toute dernière campagne présidentielle.
01:13:59 [L'État est notre pays, il est notre, il est de chacun de nous,
01:14:08 ce n'est pas possible, dans le siècle XXI,
01:14:12 on va avoir des enfants qui vont dormir sans manger un pain,
01:14:16 sans boire du lait, sans manger du chocolat,
01:14:19 sans manger de la nourriture.
01:14:21 Ce pays, on peut le construire ! ]
01:14:24 – Lula, en meeting à l'occasion de cette toute dernière campagne
01:14:28 présidentielle, il a perdu un petit peu de voix, évidemment,
01:14:30 mais sur le fond, rien n'a changé.
01:14:32 On en est là, il faut reprendre les fondamentaux
01:14:35 de ce qu'était le programme Lula, refaire manger à leur faim
01:14:38 les 30 millions de Brésiliens aujourd'hui qui n'y arrivent pas.
01:14:42 – Bien sûr, souvent, le terme qu'on entend utilisé en Europe,
01:14:46 en France, quand on entend ce type de propos,
01:14:50 c'est que ce sont des propos populistes,
01:14:52 qui parlent au ventre des gens et pas à leur raison.
01:14:56 Ça, c'est un regard, à mes yeux, de personnes
01:14:58 qui ne se rendent pas compte du caractère absolument dramatique
01:15:02 actuellement de la retombée de dizaines de millions de Brésiliens
01:15:06 dans la misère et dans la malnutrition, voire la dénutrition,
01:15:10 des populations qui avaient été sorties par la création très modeste
01:15:17 d'un état providence qui permettait l'alimentation,
01:15:20 la vaccination des enfants, le fait d'avoir
01:15:23 de l'habitation sociale minimale, qui sont les grands programmes sociaux
01:15:27 qui ont été faits sous les gouvernements du PT,
01:15:28 qui sont une réalité, c'est-à-dire que ce n'est pas seulement un discours,
01:15:31 ça a changé véritablement la vie des gens,
01:15:33 et c'est ce sur quoi Lula doit capitaliser pour retrouver les classes populaires.
01:15:40 Parce qu'une partie des classes populaires ont été happées
01:15:43 par le bolsonarisme, le bolsonarisme, c'est une extrême-droite
01:15:46 qui n'est pas une extrême-droite élitiste.
01:15:48 Bolsonaro avait créé un personnage avec ses propres origines
01:15:52 qui parlait aux petits peuples, aux petits peuples déçus
01:15:55 par la classe politique, déçus par la démocratie,
01:15:58 qui attendaient quelque chose de nouveau, de l'ordre,
01:16:00 et quelqu'un qui s'intéresse à leurs problèmes.
01:16:02 Et Lula doit retrouver ces gens-là, ces gens-là qui attendent
01:16:07 que lui, qui vient de la misère, qui porte dans sa trajectoire de vie
01:16:12 la trajectoire de vie de millions de personnes qui ont connu l'exode rural,
01:16:16 qui ont quitté l'extrême pauvreté pour aller travailler dans des périphéries
01:16:20 où la démocratie est assez lointaine et où ils gagnent à peine
01:16:24 de quoi vivre, et le programme de Lula actuellement
01:16:28 et de sa coalition est de retrouver et de redonner de la dignité
01:16:32 à ces millions de personnes, et la dignité, ça commence par le fait
01:16:35 de pouvoir les travailler le ventre plein,
01:16:38 et c'est pour ça que c'est le coeur du programme du Nouvel Exécutif.
01:16:41 -Ce programme, en direction des classes les plus populaires,
01:16:46 les plus démunies, il l'avait déjà mis en place
01:16:50 avec un certain nombre de mesures,
01:16:52 et chacun reconnaissait qu'il avait réduit la pauvreté
01:16:55 à l'occasion de ces deux passages à la présidence du Brésil.
01:16:58 Est-ce à dire que Jair Bolsonaro, en quatre ans,
01:17:01 a réussi à mettre à bas cette politique sociale
01:17:05 chère aujourd'hui à Lula, à nouveau à la tête du Brésil ?
01:17:08 -Alors, Bolsonaro s'en défend, encore,
01:17:11 mais la réalité est la suivante.
01:17:13 Les deux premiers mandats de Lula, entre 2002 et 2011,
01:17:16 c'est plus de 40 millions de Brésiliens
01:17:18 qui ont passé de la pauvreté.
01:17:20 Jamais un gouvernement brésilien n'avait obtenu
01:17:22 de telles performances, si je puis dire, dans ces années 2000.
01:17:26 Ca a été inconnu pour le Brésil avant Lula, de ce point de vue-là,
01:17:29 notamment avec un programme social qui est devenu une légende au Brésil,
01:17:33 qu'on appelle la Bolsa Família, la bourse famille,
01:17:36 qui est une forme d'allocation
01:17:38 donnée par le gouvernement aux familles vulnérables,
01:17:41 aux familles pauvres, où, contre cette allocation,
01:17:44 les familles s'engagent à scolariser leurs enfants,
01:17:47 puis de miser sur la formation de leurs enfants
01:17:49 pour que la génération d'après puisse être formée, qualifiée
01:17:53 et participer de manière plus optimale,
01:17:55 si je puis dire, au fonctionnement de la société.
01:17:58 -C'est élevé socialement. -Exactement.
01:18:00 C'est la mobilité sociale qui est organisée
01:18:02 à partir d'une impulsion de politique publique.
01:18:05 Ca, ça a été quelque chose d'inoubliable
01:18:07 pour les Brésiliens, qui explique pourquoi Lula a quitté le pouvoir
01:18:11 en 2011 avec plus de 80 % de popularité.
01:18:13 Ca aussi, c'était inédit. Bolsonaro, c'est simple.
01:18:16 Le bilan de quatre ans de Bolsonaro,
01:18:18 c'est les Nations Unies, la Commission économique
01:18:21 pour l'Amérique latine, la CEPAL,
01:18:23 c'est, sur tous les indicateurs de pauvreté,
01:18:26 d'inégalité, d'informalité,
01:18:28 c'est-à-dire de travail au noir au Brésil,
01:18:30 et d'insécurité alimentaire.
01:18:32 Vous parliez des 30 millions de Brésiliens qui ont faim.
01:18:35 Il y a ceux-là, mais la moitié des Brésiliens
01:18:38 sont concernés par une forme ou une autre d'insécurité alimentaire.
01:18:41 Le Brésil, sur tous ces indicateurs, c'est simple,
01:18:45 ça a reculé entre 20 et 30 ans par rapport à la situation actuelle.
01:18:49 C'est pour ça que Lula a été le premier à le dire.
01:18:52 Il dit qu'il revient avec le programme
01:18:54 des vieux jours heureux, ça ne serait pas assez radical,
01:18:57 mais Lula disait que le Brésil est revenu 30 ans en arrière.
01:19:01 On doit reconstruire ce que Bolsonaro a détruit.
01:19:04 Alors, si certains veulent un petit peu dédouaner Bolsonaro,
01:19:08 ils diraient que depuis, il y a eu la crise et la récession
01:19:11 des années 2010 au Brésil,
01:19:14 après la crise financière internationale de 2008,
01:19:16 puis le Covid-19 qui est venu s'abattre sur ce pays
01:19:19 qui a été tellement durement touché, c'est vrai,
01:19:22 mais la question, c'est comment Bolsonaro a géré tout cela.
01:19:26 Le résultat, c'est les indicateurs que je vous ai donnés.
01:19:29 -700 000 morts, cette crise du Covid au Brésil.
01:19:33 C'est le résultat de la gestion de cette crise
01:19:35 par Jair Bolsonaro.
01:19:37 Ca a été déterminant, semble-t-il, dans cette élection.
01:19:40 C'est ce que nous dit ce documentaire.
01:19:42 -Il a le chercheur qui en parle dans le documentaire.
01:19:45 C'est très intéressant, il a tout à fait raison.
01:19:48 Le front républicain commun,
01:19:51 qui s'est vraiment...
01:19:52 consacré, créé, construit autour de l'Oulà,
01:19:58 la crise du Covid a passé par là et elle a été déterminante.
01:20:02 Il faut rappeler que Bolsonaro fait partie des antivax,
01:20:06 des négationnistes de la Covid.
01:20:09 Il se moquait des gens qui mourraient de la Covid.
01:20:15 Il disait que les masques ne servaient à rien.
01:20:18 C'est vraiment caricaturel.
01:20:21 Il disait même que le vaccin allait transformer les gens
01:20:24 en crocrodile.
01:20:25 Voilà, pour vous donner une ordre d'idée.
01:20:28 Un président de la République sort des anecdotes pareilles.
01:20:31 Il était très responsable de la mort des 700 000 personnes,
01:20:34 officiellement,
01:20:36 et que les instituts de recherche brésiliens
01:20:39 parlent de plus encore que 700 000.
01:20:42 700 000, c'est le centre de santé nationale,
01:20:45 le décompte du centre de santé nationale.
01:20:47 Plus de gens sont morts chez eux,
01:20:49 n'ont pas eu accès, n'ont pas eu le temps d'arriver aux hôpitaux.
01:20:53 Il doit répondre à ses crimes
01:20:55 contre le peuple brésilien Bolsonaro.
01:20:57 Il doit rentrer au Brésil,
01:20:59 parce qu'en ce moment, il est aux Etats-Unis.
01:21:02 -En Floride. -En Floride,
01:21:03 pas très loin de M. Trump.
01:21:05 Il est parti en disant qu'il rentrait le 30 janvier.
01:21:08 Là, cette semaine, il a déjà déclaré
01:21:11 qu'il repousse encore d'un mois son séjour aux Etats-Unis.
01:21:14 Il doit rentrer au Brésil et répondre pour ses crimes.
01:21:18 -Il y a aussi une autre question,
01:21:20 c'est l'influence du Brésil sur la scène, d'abord,
01:21:22 de l'Amérique latine,
01:21:24 et la scène internationale.
01:21:26 Obama, dans ce documentaire,
01:21:27 il y a un extrait où Obama le traite
01:21:30 comme le personnage le plus connu au monde,
01:21:32 au début des années 2010.
01:21:34 Quels sont les enjeux de ce point de vue-là concernant Lula ?
01:21:37 Est-ce qu'il a la possibilité de remettre le Brésil
01:21:40 à un rang plus convenable pour ce pays ?
01:21:44 -Les défis sont innombrables,
01:21:48 parce que, justement, le pays est effondré.
01:21:51 D'une certaine manière,
01:21:53 quand j'entends M. Ventura et Mme Campelo,
01:21:56 on a tous les éléments qui laissent à penser
01:21:58 que c'est un pays qui a besoin
01:22:00 presque d'une transition démocratique,
01:22:03 qui sort d'un deuil collectif massif,
01:22:05 comme après une guerre civile,
01:22:06 qui sort d'une déconstruction des institutions démocratiques,
01:22:10 d'une explosion totale de la pauvreté,
01:22:12 et avec une population complètement fragmentée.
01:22:16 C'est un pays dont on ne comprend pas de l'étranger,
01:22:19 qui ne vit pas une alternance politique,
01:22:21 et donc qu'on attend de retour sur la scène internationale,
01:22:24 comme il l'a été avant de devenir un pariain international
01:22:28 sous Bolsonaro, qu'il était devenu,
01:22:30 et en même temps, c'est un pays très attendu,
01:22:32 en même temps qu'il doit complètement se réaffirmer
01:22:35 sur des bases démocratiques,
01:22:37 de réaffirmer la dignité de ses populations,
01:22:40 et c'est ça qui est compliqué pour Lula.
01:22:42 Il est attendu à l'étranger par sa propre population,
01:22:45 alors qu'il a quelque chose de beaucoup plus compliqué
01:22:48 à faire qu'une alternance,
01:22:50 et je pense que c'est une grande leçon pour nous.
01:22:52 Quand le néofascisme est au pouvoir,
01:22:54 après, il n'y a pas d'alternance.
01:22:56 Après, il y a autre chose qui nécessite de refonder la démocratie
01:23:00 et une transition démocratique, et donc, avec ces contraintes-là,
01:23:04 quelle marge de manoeuvre va avoir Lula
01:23:06 pour se réaffirmer sur la scène internationale ?
01:23:09 Évidemment, il a cette ambition-là, il n'a cessé de le dire,
01:23:12 que le monde attendait le Brésil et voulait le retrouver
01:23:16 en Amérique latine, mais aussi comme arbitre
01:23:18 plus largement sur la scène internationale.
01:23:21 -Il nous reste une minute.
01:23:22 Lula, il a 77 ans, aujourd'hui.
01:23:25 Autrement dit, il y a de très fortes chances
01:23:28 que ce soit son dernier acte sur la scène politique brésilienne.
01:23:32 Est-ce qu'il faut aussi, et peut-être surtout,
01:23:35 penser à la suite ?
01:23:36 Concernant le Parti des travailleurs,
01:23:39 qui est le parti d'origine qui a créé Lula,
01:23:41 et les démocrates au Brésil,
01:23:43 est-ce qu'il aurait un successeur à désigner ?
01:23:46 Ca fait partie de sa mission à venir, à la tête du Brésil ?
01:23:49 -Ca, c'est une question très ouverte, je pense.
01:23:52 Je sais pas ce que diront Erika et Maude, mais...
01:23:55 -C'est vous, le mot de la fin.
01:23:57 -Ah bon ? Si c'est moi qui ai le mot de la fin,
01:24:00 je pense qu'aujourd'hui, il n'y a pas de successeur à Lula
01:24:03 qui est désigné. Il y a des leaders qui ont émergé
01:24:06 depuis quelques années, depuis la crise qu'on a évoquée
01:24:09 avec Dilma Roussef, Guilherme Boulos,
01:24:12 qui est d'un parti plus à gauche que le PT,
01:24:14 le Parti socialiste ouvrier libertaire,
01:24:17 le PSOL. Il y a quelques leaders
01:24:19 qui ont 30, 40 ans, mais honnêtement,
01:24:21 aujourd'hui, personne n'a la surface de Lula,
01:24:24 et c'est une question ouverte pour l'avenir du pays,
01:24:27 mais c'est de l'autre côté.
01:24:29 Même si Bolsonaro partait, ce qui n'est pas sûr,
01:24:31 mais le bolsonarisme lui va rester.
01:24:34 -Il va peut-être être capable de faire sortir un nouveau leader ?
01:24:37 -Je n'en sais rien, mais en tout cas,
01:24:40 aujourd'hui, il n'y a personne qui a, disons, la stature de Lula,
01:24:43 c'est certain, mais il y a plein de mouvements sociaux,
01:24:47 ça a été dit, au Brésil, qui sont très dynamiques,
01:24:49 très revendicatifs, et il y a des cadres qui existent
01:24:53 et qui émergent au Brésil. Dans le gouvernement,
01:24:56 ils jouent un rôle important.
01:24:57 Fernando Haddad, par exemple,
01:24:59 qui a la délicate tâche de s'occuper de l'économie,
01:25:02 peut-être que c'est autour de ces personnalités-là
01:25:05 que l'avenir du Parti des travailleurs de Lula réside.
01:25:08 -Je dirais plutôt qu'aujourd'hui, il y a énormément
01:25:11 de femmes leaders, élues députées fédérales,
01:25:14 qui sont soit d'afro-descendantes,
01:25:17 soit des femmes autochtones,
01:25:19 qui ont une force énorme,
01:25:22 qui ont quatre ans, et Lula, il a sept,
01:25:25 on va dire, cette obligation de penser le Brésil,
01:25:29 l'avenir du Brésil, après ces quatre ans.
01:25:31 Il faut vraiment donner plus de puissance
01:25:34 et plus d'espace et de place pour ces femmes
01:25:37 qui ont toute la capacité pour gouverner le Brésil
01:25:40 pour les années à venir.
01:25:42 -Erica Campelo, vous aurez le mot de la fin.
01:25:44 Merci à tous les trois d'avoir participé
01:25:47 à ce débat d'oct'aujourd'hui consacré à Lula.
01:25:50 Après le documentaire signé José Bourguerel,
01:25:53 qui nous a dépeint ce parcours formidable, extraordinaire,
01:25:57 de Lula, qui, c'est vrai, recoupe aussi l'histoire de son pays
01:26:01 pendant trois quarts de siècle.
01:26:03 Vos réactions, ce sera sur #DébatDoc, sur Twitter.
01:26:06 Merci à Selma Sally, qui va, comme à l'accoutumée,
01:26:09 aider à préparer cette émission.
01:26:11 Je vous retrouve pour un prochain "Débat Doc",
01:26:14 avec son documentaire et son débat. A très bientôt.
01:26:17 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:26:20 ...
01:26:29 [SILENCE]

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