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Philippe Charlier nous raconte la circulation du sang.

Retrouvez "Mes aïeux quelle époque !" sur : http://www.europe1.fr/emissions/mes-aieux-quelle-epoque

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Transcription
00:00 Europain, historiquement vôtre, avec Stéphane Berth.
00:04 Mais aïe, quelle époque, mais aïe, quelle époque !
00:07 Oui, mais aïe, quelle époque, une époque et même plusieurs qu'on vous raconte chaque jour pendant deux heures.
00:11 Toujours avec Jean-Luc Lemoyne, David Cassel-Lopez qu'on retrouve dans un instant,
00:15 et aujourd'hui avec vous, Philippe Charlier, notre médecin légiste de l'histoire.
00:19 Alors, ça s'est passé dans le passé, on remonte au 17ème siècle,
00:23 au moment où on a découvert que le sang circulait dans nos veines.
00:28 Et oui, cher Stéphane, s'il y a bien un homme qui a changé le cours de l'histoire de la médecine,
00:32 mais aussi le cours du sang, c'est bien William Harvey, établi à Londres au 17ème siècle.
00:38 Alors, plantons un tout petit peu le tableau, c'est un fils de commerçant,
00:42 un jeune homme qui ne prend pas la trajectoire familiale,
00:44 il préfère partir pour Padoue, en Italie, suivre des cours d'anatomie,
00:48 parce que ce qui l'intéresse, c'est savoir comment on est fait à l'intérieur.
00:52 Il est formé par le célèbre professeur Acqua Pendente, le découvreur des valvules veineuses,
00:57 ces petites formations dans les veines qui évitent le reflux du sang,
01:00 et il est diplômé docteur en médecine en 1602 à l'âge de 24 ans, un âge normal pour l'époque.
01:05 De retour à Londres, il exerce au St Bartholomew's Hospital,
01:09 et il se fait élire très jeune au prestigieux Royal College of Physicians.
01:13 Il devient le médecin des rois d'Angleterre, vous auriez pu le croiser Stéphane,
01:17 à la cour de Jacques Ier, puis de Charles Ier,
01:20 et il est également le médecin personnel d'un type absolument incroyable,
01:23 un philosophe et également alchimiste Francis Bacon.
01:27 Autrement dit, il gagne très très bien sa vie,
01:30 ce qui lui permet de laisser libre cours à ses hobbies pour ses petites recherches personnelles.
01:35 Oh, c'est pas la littérature, c'est pas les albums de fleurs ou des carnets d'entomologie,
01:39 non, lui ce qui l'intéresse passionnément, c'est la circulation du sang.
01:43 - Mais on ne savait toujours pas au 17e siècle que le sang circulait dans les veines.
01:48 - Et non, on parlait à l'époque de... Vous savez, il y a des vieux termes qui restent,
01:51 trachées artères par exemple, et qui montrent bien toujours maintenant l'ambiguïté,
01:55 on ne savait pas ce qui circulait dans ses conduits,
01:57 pourquoi ? Parce qu'on autopsiait les gens morts,
01:59 et on ne faisait pas assez de vivisection,
02:02 et c'est justement une des pratiques sur lesquelles il va s'asseoir pour développer sa connaissance.
02:06 - Il s'assoit sur une vivisection ? Ça m'inquiète vos expressions.
02:11 - Bon, fermez les yeux, pensez à autre chose.
02:13 Vous allez voir que pour comprendre le fonctionnement du système vasculaire,
02:17 il va devoir pratiquer beaucoup d'autopsies.
02:19 Beaucoup d'autopsies, ce n'est pas comme maintenant une autopsie par jour,
02:22 les cadavres sont une denrée rare.
02:24 Il va autopsier 40 cadavres de condamnés à mort,
02:26 mais ce chiffre-là ne lui suffit pas.
02:28 Il va même jusqu'à disséquer les corps de son père, de sa sœur, et même de ses amis.
02:34 Ce qu'il préfère lui, c'est les morts en bonne santé,
02:37 comme les pendus par exemple, ou les autres condamnés à mort.
02:39 Mais il aime particulièrement ce qu'il appelle les morts de maladie,
02:43 parce que ça, ça lui permet de voir les altérations pathologiques.
02:46 Quelqu'un qui avait une tuberculose, quelqu'un qui avait un cancer ou un infarctus,
02:49 là, il y a des organes qui ne sont pas normaux, mais qui sont pathologiques,
02:52 ça lui permet de voir comment la maladie touche l'organisme.
02:55 Et c'est ainsi qu'il écrit à son collègue français, Jean Rioland, je cite,
02:59 "L'observation du cadavre d'un seul homme mort de maladie chronique
03:03 est plus utile à la médecine que la dissection de dix pendus."
03:06 On devrait mettre ça quelque part dans ce studio.
03:09 Et donc, le grand oeuvre de William Harvey est publié en 1628,
03:13 attention, je vous fais réviser votre latin,
03:14 il porte le nom de "Exercitació anatomica de motus cordis et sanguinis in animalibus".
03:20 - Euh... - Traduction ?
03:22 - Bah, je sais pas, "exercice anatomique"... - Du mouvement du sang, ou ?
03:26 - "Motus cordis", le mouvement du cœur. - Mais vous êtes bon, bravo !
03:30 - Et "sanguinis", c'est le sang, "in animalibus", des animaux.
03:35 - C'est parfait, je vous mets 20/20 à cette version, bravo.
03:38 Eh bien, c'est en ayant pratiqué des vivisections chez les animaux
03:41 qu'il met en évidence certaines particularités de la physiologie.
03:44 Juste petit rappel, la vivisection, c'est quand on ouvre des corps,
03:47 mais qui sont toujours vivants.
03:49 Alors, ils vont pas rester vivants très très longtemps,
03:51 faut être plutôt bon sur le geste technique.
03:53 C'est quelque chose qui est pratiqué depuis l'Antiquité grecque à Alexandrie,
03:56 et on dit même que Cléopâtre a pu utiliser la vivisection
03:59 pour juger de l'efficacité des poisons
04:01 quand elle cherchait le meilleur moyen de se suicider.
04:03 Je vous rappelle qu'elle a choisi l'aspic,
04:05 qui est un poison extrêmement efficace.
04:07 On est dans une période où on manque vraiment de cadavres,
04:09 on va même jusqu'à en voler dans les cimetières,
04:11 c'est ce qu'on appelle les résurrectionnistes,
04:13 et ça prendra beaucoup plus d'importance encore au 18e, 19e siècle.
04:16 - Mais c'est dégueulasse pour les animaux, quoi !
04:19 - Ah bah ils sentent tout,
04:21 oui c'est quelque chose d'absolument brutal et d'absolument dramatique pour eux.
04:24 Mais on fait ça également chez les humains,
04:26 à Alexandrie c'était sur les humains.
04:28 - Ah oui, on faisait de la vivisection humaine.
04:30 - Eh oui, mais c'est comme ça que s'est assise,
04:32 et pardon, que s'est développée, je veux pas utiliser le mot "assis" qui vous...
04:35 - Non, ça me gêne pas !
04:36 - Que s'est développée les connaissances anatomiques, et surtout physiologiques.
04:39 Parce que sinon, comment voir, comment un cœur bat,
04:42 comment sont les oreillettes, puis les ventricules,
04:44 et justement, c'est ainsi,
04:46 parce qu'il a pratiqué les vivisections chez les animaux,
04:48 qu'il a mis en évidence une contraction du cœur
04:50 qui débute au niveau des oreillettes
04:52 et qui se poursuit ensuite au ventricule.
04:54 Et il a montré également que cette contraction était décalée
04:57 et non-simultanée au niveau des deux ventricules.
05:00 Quelque chose qu'on peut voir maintenant quand on va chez son cardiologue,
05:02 avec l'échographie, c'est forcément beaucoup plus simple.
05:05 Ensuite, il a attribué le poux artériel,
05:07 qu'on connaît tous depuis longtemps, y compris en Chine ou en Inde,
05:10 à la systole ventriculaire, c'est-à-dire la contraction du ventricule.
05:13 Et puis, c'est là où il est vraiment hyper intelligent,
05:16 sur un animal vivant, mais dont il ne fait pas la vivisection,
05:20 il va faire des usages de garrot ou de point de compression sur le réseau vasculaire,
05:25 et c'est là où il va voir le sens de circulation du sang
05:28 d'un point à un autre de l'organisme,
05:30 et c'est comme ça qu'il va montrer que le sang fait plusieurs fois par minute
05:33 le tour de l'organisme.
05:35 Autrement dit, ce type est vraiment un génie,
05:37 il utilise les moyens de l'époque, certes des moyens un peu brutaux,
05:40 mais surtout il fonde ses démonstrations sur l'expérimentation,
05:44 et pas sur la simple répétition des dogmes de ses prédécesseurs,
05:47 Galien, Hippocrate et les autres.
05:49 Autrement dit, ce médecin anglais a vraiment changé la face du monde.
05:53 - Mes aïeux qu'à l'époque, merci beaucoup Philippe !

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