Ça vous regarde - Débat sur les retraites : comment ça va tourner à l'Assemblée nationale ?

  • l’année dernière
- Grand témoin : Dominique Verdeilhan, chroniqueur judiciaire et auteur de « Les magistrats sur le divan » (Editions Litos)

LE GRAND DÉBAT / Débat sur les retraites : comment ça va tourner à l'assemblée ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Du 6 au 17 février 2023, les députés examinent le texte sur les retraites dans l'hémicycle. Un texte qui ne reprendra pas les modifications de celui étudié en commission des affaires sociales depuis le 31 janvier. Début mars, ce sera au tour des sénateurs de s'emparer du projet de loi de finances rectificatif de la sécurité sociale, avant qu'il ne passe très probablement en commission mixte paritaire. In fine, le texte devra être adopté avant le 26 mars pour respecter l'article 47.1 de la Constitution et les 50 jours maximum de débats. Le Parlement aura-t-il raison de la rue ?

Invités :
- Christophe Barbier, éditorialiste politique et conseiller éditorial à « Franc-Tireur »
- Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP
- Jean-Rémi Baudot, journaliste politique à France Info
- Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste et maître de conférences en droit public

LE GRAND ENTRETIEN / Dominique Verdeilhan : au chevet des magistrats...
De l'affaire du petit Grégory au Bataclan, Dominique Verdeilhan raconte à travers son ouvrage « Les magistrats sur le divan » (Editions Litos) différentes affaires qui ont marqué la France et les Français. En interrogeant différents magistrats « sur le divan », le journaliste retrace les coulisses de plusieurs décennies politico-judiciaires.

- Grand témoin : Dominique Verdeilhan, chroniqueur judiciaire et auteur de « Les magistrats sur le divan » (Editions Litos)

BOURBON EXPRESS / Marco Paumier, journaliste à LCP

LES AFFRANCHIS :
- Isabelle Lasserre, journaliste au Figaro
- Richard Werly, correspondant à Paris pour le média suisse Blick

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcript
00:00 [Générique]
00:05 Bonsoir et bienvenue, ça vous regarde en direct, notre grand témoin ce soir est l'une des figures les plus connues de la chronique judiciaire.
00:13 Bonsoir Dominique Verdahian.
00:14 Bonsoir Myriam.
00:15 Grand temps à arpenter les cours d'assises et les prêtoirs pour nous faire vivre les grands procès.
00:19 Et votre livre "Les magistrats sur le divan" vient de reparaître.
00:22 Il prend un relief particulier, on va en parler à l'heure où les juges sont encore et toujours sur la sellette.
00:27 On a du temps, on est ensemble pendant une heure pour décrypter l'actualité de ce 1er février.
00:31 Au sommaire ce soir, retraite, la parole aux députés.
00:35 Au lendemain de la mobilisation, la bataille va se jouer désormais à l'Assemblée nationale.
00:40 Alors que peut-on attendre ? Du débat parlementaire, va-t-on tout droit vers le pugilat ?
00:45 Sur quoi le texte peut-il encore bouger ? Grand décryptage avec nos invités.
00:49 Dans un instant avant de retrouver nos partis pris, nos affranchis aux alentours de 20h15.
00:54 Et puis Bourbon Express, bien sûr, l'histoire du jour à l'Assemblée.
00:57 Vous me suivez Dominique Gardaïo ?
00:58 - Je vous suis. - Ça vous regarde, c'est parti.
01:00 [Musique]
01:11 Et maintenant, place à l'Assemblée.
01:14 Il y avait une grosse manif hier et pourtant, elle se joue aussi à l'Assemblée nationale.
01:19 Cette bataille, depuis le début de la semaine, en commission.
01:22 Et puis surtout, gardez bien cette date en tête, lundi, le 6 février.
01:26 Ça commencera dans l'hémicycle.
01:28 Le tout va durer jusqu'au 17 février.
01:31 C'est compliqué, il y a une procédure parlementaire.
01:33 On a besoin de comprendre et d'être le plus clair possible grâce à nos quatre experts ce soir.
01:38 Bonsoir. Bonsoir Christophe Barriot. - Bonsoir Myriam.
01:40 - Et merci d'être là, éditorialiste à BFM TV et conseiller éditorial de Francs Tireurs.
01:45 Bonsoir Anne-Charlene Bézina. - Bonsoir Myriam.
01:47 - Ravi de vous retrouver. Vous êtes constitutionnaliste et maître de conférences en droit public.
01:52 Jean-Rémi Baudot, bienvenue. - Bonsoir Myriam.
01:54 - Vous êtes un peu chez vous ici. Vous êtes chroniqueur dans cette émission,
01:57 mais aussi à France Info, le brief politique 7h24 tous les matins.
02:01 Et bien sûr, merci de m'accompagner Elsa Mondingava.
02:04 Elsa qui suit de près ce feuilleton parlementaire sur les retraites, sur LCP bien sûr.
02:11 Alors, Dominique Verdahien, vous êtes un très grand vulgarisateur.
02:14 Et c'est un compliment dans ma bouche.
02:16 Donc si vous ne comprenez pas, sentez-vous libre absolument d'intervenir quand vous le souhaitez.
02:22 On va commencer par planter le décor comme chaque soir.
02:24 On a choisi d'abord de commencer par la stratégie du gouvernement.
02:27 On a l'impression qu'il y a un peu plus de fébrilité ces derniers jours.
02:30 Le chrono de Blaco pour nous présenter tout cela.
02:32 Stéphane Blakovski, mesdames et messieurs, pour commencer.
02:35 Et je me retourne comme chaque soir Stéphane, duo de votre estrade.
02:42 - Bonsoir à toutes, bonsoir à tous. - Bonsoir Stéphane.
02:45 Dans quel état d'esprit est l'exécutif à l'aube de cette bataille dans l'hémicycle ?
02:50 Alors, je ne les connais pas tous, même pas du tout.
02:52 Mais à mon avis, ils ont quand même pris un petit coup au moral hier vis-à-vis de la mobilisation.
02:57 Surtout que ce n'est pas fini, il y avait de plus en plus de monde hier.
03:00 Mais il y a encore deux manifs de prévues, dont une le samedi.
03:03 Donc la foule risque encore de grimper.
03:05 Bon, enfin, en même temps, soyons positifs.
03:07 Il ne faut pas toujours voir le verre à moitié vide.
03:10 Et il y avait une bonne nouvelle hier, c'est que Laurent Berger a tendu la main au gouvernement.
03:14 Il lui a dit "mais si, bien sûr, Elisabeth Borne, on peut négocier, c'est pas si compliqué".
03:18 On l'écoute.
03:19 Si Madame Borne dit ce soir "on revient sur l'âge légal à 64 ans et on le remet à 62 ans", on va aller discuter, ouais.
03:27 Aïe, aïe, aïe, aïe, mais ça c'est l'histoire d'amour impossible.
03:30 Parce que ce que réclame Laurent Berger, c'est justement ce qu'Elisabeth Borne refuse de lui offrir.
03:37 Alors, comment ça a démarré ?
03:39 Elle était tranquillement dans sa circonscription à Vire, dans le Calvados, ce week-end.
03:42 France Info lui a tendu un micro et elle a dit "les 64 ans, c'est pas négociable".
03:47 Mais qu'est-ce qu'elle avait pas dit ? Immédiatement, comme une traînée de poudre.
03:50 TF1 repris, RTL s'en empare, Le Parisien fait la une.
03:53 Bon bref, le samedi soir, on avait tous compris qu'Elisabeth Borne refuse de négocier.
03:58 Et donc on se disait "ben allez comme Juppé, droite dans ses bottes".
04:01 Et ça, c'est jamais vraiment bon signe, être droite dans ses bottes comme Juppé pour une réforme des retraites, si vous voyez ce que je veux dire.
04:07 Bref, ce matin, Olivier Dussopt, lui, était de retour sur France 2.
04:11 Et donc, il avait bien en tête la mobilisation d'hier, et donc pas question de dire que les 64 ans n'étaient pas négociables.
04:18 Mais il était face à Thomas Soto, qui est le genre de journaliste qui, quand il vous demande "est-ce que la réforme est négociable ?"
04:23 et que vous lui répondez pas, il vous repose la question.
04:25 Regarde.
04:26 L'âge légal de départ à 64 ans, est-ce que ça reste non négociable ?
04:31 Cet âge reste non négociable au lendemain des manifestations.
04:33 Là, moi, je vais savoir la réponse à la rue d'hier, est-ce que l'âge de 64 ans reste non négociable ?
04:37 1, 2, 3. Il a posé 3 fois la question. C'est quand même pas compliqué.
04:41 C'est négociable ou pas négociable ? C'est oui ou c'est non ?
04:44 Non, ça, justement, c'est ça qui a été très très fort.
04:47 Bravo Olivier Dussopt. Il a pas dit que c'était pas négociable.
04:50 Il a pas dit que c'était négociable non plus. Vraiment, très très très fort.
04:53 Bon, en même temps, Thomas Soto a fini par reposer une quatrième fois la question, on écoute.
04:57 Très fort ou non ? Est-ce que l'âge de 64 ans est négociable, oui ou non ?
05:01 Je viens de vous répondre que si nous ne faisons pas 64 ans, nous n'équilibrons pas le système.
05:04 Vous voyez, il a pas dit oui, il a pas dit non. Formidable.
05:07 Bon, en même temps, il faut reconnaître que la difficulté du gouvernement en ce moment,
05:10 c'est qu'ils ont fait beaucoup de concessions avant, justement, qu'on en arrive aux manifestations.
05:14 Des concessions qui ont été faites pendant les concertations avec les syndicats.
05:17 Du coup, maintenant, il n'y a plus grand-chose à négocier.
05:20 Et le problème, c'est que personne ne se souvient que beaucoup de concessions ont déjà été faites.
05:25 Enfin, si, il y en a un qui s'en souvient, c'est Gabriel Attal, parce qu'il est jeune, il a la mémoire,
05:29 alors il se souvient bien, on écoute.
05:31 Il y a eu des mois de concertation avec la première ministre Elisabeth Borne, avec mon collègue Olivier Dussopt.
05:36 On était au départ à 65 ans. On est passé à 64 ans.
05:39 Au départ, la revalorisation des petites retraites, c'était que pour les nouveaux retraités.
05:43 Maintenant, ça sera aussi pour les retraités actuels.
05:45 On a élargi la prise en compte de la pénibilité.
05:48 Eh oui, mais alors, quand on n'a plus rien à négocier, c'est vrai qu'on est un petit peu embarrassé face aux syndicats.
05:53 Alors, que faire ? Ils sont un peu à cran, peut-être.
05:56 Vous avez remarqué que peut-être Elisabeth Borne s'était un peu montée d'un cran, en tout cas dans son expression cet après-midi au Sénat.
06:02 C'était Olivier Dussopt qui, hier, s'était lui aussi un peu énervé à l'Assemblée.
06:06 Donc là, fini la pédagogie, il est clairement passé aux menaces. On l'écoute.
06:10 Si nous retirions cette réforme, le système serait déficitaire, il s'écroulerait.
06:15 Et le niveau moyen de revenu, le niveau de moyen des pensions des retraités baisseraient de 20%,
06:22 comme c'est indiqué dans le Conseil d'orientation du corps.
06:25 Ah ! Les pensions baisseraient de 20% !
06:28 Alors ça, vraiment, c'est vraiment un truc dont on doit tenir compte.
06:30 Donc on se dit, dans le rapport du corps, bien sûr, je me suis plongé, mon petit journaliste, dans le rapport du corps.
06:35 C'est quoi une pension moyenne ?
06:37 Donc voilà, comment ça se calcule ? C'est dans le rapport du corps.
06:40 Donc c'est quand même un truc un peu compliqué, les retraites, on en parle comme ça, mais c'est parfois plus compliqué que ce qu'on pense.
06:45 En fait, Elsa, heureusement, était là, elle a appelé le cabinet, qui lui a dit de quoi il parlait.
06:50 Donc il parlait de la figure 2A, de 5A, que vous allez voir, qui effectivement montre des courbes qui ont l'air de plonger de 20%.
06:58 Vous voyez, là, on serait en 2022, là, on serait là, on se dit, ouais, il y a une chute.
07:02 Mais en fait, ça ne dit pas qu'il va y avoir un appauvrissement des retraités dans le futur.
07:06 C'est même précisé précisément dans le rapport.
07:08 Ça dit juste que les revenus des retraités vont augmenter moins vite que ceux des actifs,
07:13 et donc que l'écart entre le revenu des actifs et le revenu des retraités va sans doute baisser de 20%.
07:20 Ce n'est pas pareil.
07:21 Ce n'est pas pareil. Alors quand Olivier Dussopt, qui avait été si rigoureux jusque-là dans chacune de ses interventions,
07:26 commence à dire des trucs qui ne sont pas tout à fait vrais, pas tout à fait faux,
07:30 on se demande si le gouvernement n'est pas en train un peu de perdre ses nerfs.
07:32 Enfin, moi, tout ça, c'est une piste pour un débat.
07:34 Merci beaucoup, Stéphane.
07:36 Justement, Christophe Barbier, on a l'impression vraiment que la stratégie de communication a changé.
07:41 On parle, au départ, il y a quelques jours, quoi, à peu près deux semaines, d'une réforme juste,
07:46 et puis aujourd'hui, on est vraiment sur « eh ben, c'est une réforme d'effort, et puis elle est impopulaire, et on l'assume ».
07:53 Comment vous expliquez ce changement de pied ?
07:55 C'est parce que la première méthode de communication a échoué.
07:57 Elle a échoué sur tous les plans.
07:59 Montrer que c'était nécessaire, c'est à moitié passé.
08:02 On voit bien que les pays européens voisins l'ont fait, on voit bien les histoires de déficit,
08:05 il y a ce rapport incroyable avec cette équation complètement folle, je ne sais pas si elle est vraie,
08:09 mais vous avez vu, en exposant un endroit, c'est marqué « décédés ».
08:12 C'est peut-être les morts qui sont pris en compte, il faudrait demander au CORF.
08:15 Enfin bref, la nécessité, ce n'est pas complètement passé dans l'opinion.
08:17 L'urgence, ce n'est pas passé du tout.
08:19 On nous dit « mais attendez, les déficits, c'est à partir de 2027, 2030, c'est horizon 2070,
08:23 donc pourquoi la faire maintenant, alors qu'on sort de la Covid, qu'on est dans une crise de l'inflation ? »
08:27 On ne pouvait pas attendre deux, trois ans, trois, quatre ans ?
08:29 Et puis, elle était censée être juste, cette réforme, et cet argument-là, il n'est pas passé du tout.
08:34 Il s'est même retourné contre le gouvernement, peut-être juste au niveau macro-social,
08:38 oui, supprimer les régimes spéciaux, les petites retraites à 1200 euros,
08:42 ça donne l'impression que globalement, ça va être plus juste après qu'avant.
08:46 Mais quand on regarde individuellement, on trouve une femme qui a eu tant d'enfants et qui va y perdre,
08:50 on trouve quelqu'un qui a commencé à travailler à moins de 20 ans et qui va y perdre,
08:53 chacun regarde son cas et se dit « bah finalement, je vais travailler un an, deux ans de plus,
08:57 et qu'est-ce que j'y gagnerais en retraite supplémentaire ? »
09:00 Donc cet argument de la justice, il s'est effondré.
09:02 Donc on en revient à une autre communication, qui à mon avis aurait dû être la première,
09:06 et qui collait mieux, je crois, à la personnalité d'Elisabeth Borne.
09:09 C'est une réforme difficile, ça va vous demander des efforts, c'est dur,
09:13 mais c'est nécessaire pour le pays, pour vos enfants, pour vos petits-enfants,
09:17 un peu tchurchilien, vous voyez, sans excès, mais montrer que cette réforme,
09:21 c'est une réforme fondée sur l'effort de tous, la somme des efforts de chacun,
09:26 donc ça ne peut pas être une bonne nouvelle, mais c'est nécessaire.
09:29 - Jean-Rémi Baudot, ça le gouvernement l'a compris en coulisses,
09:32 on reconnaît une forme d'échec de la communication ?
09:35 - Échec sur plusieurs points. La question des femmes, Christophe en parlait à l'instant,
09:38 de savoir est-ce que, notamment quand on s'est rendu compte, avec le rapport d'impact,
09:43 l'étude d'impact, que finalement les femmes qui avaient, donc les mères de famille,
09:46 qui avaient des trimestres qui leur permettaient de compenser en partie
09:50 des périodes d'inactivité, et bien que ces trimestres, en fait, ne compensaient pas,
09:54 n'étaient plus compensés, en fait, par le report de l'âge légal.
09:57 La question de la durée de cotisation aussi, tout cet imbroglio...
10:01 - On va y revenir, des carrières longues.
10:03 - Des carrières longues, et puis de ceux qui ont commencé à 20, 21 ans, 22 ans,
10:06 et qui en fait sont une grosse partie de la population.
10:09 Moi, ce qui me frappe, c'est que, quand vous parlez avec Olivier Dussopt,
10:12 ces derniers mois, il disait "c'est une réforme, je l'ai vraiment en tête,
10:16 on l'a travaillé depuis des mois, des mois, des mois, j'ai presque toutes les couleurs possibles
10:20 de la réforme, il n'y a plus qu'à appuyer sur le bouton, tout est prêt".
10:23 On se rend compte qu'en fait, c'est un peu plus compliqué que ça,
10:25 et qu'en fait, il y a des tas de choses qu'ils n'avaient soit pas anticipées,
10:28 soit pas voulues vraiment voir, et qui se prennent un peu l'opinion
10:31 et l'opposition de face, et ça, pour eux, c'est extrêmement compliqué.
10:35 - Donc ils n'étaient finalement pas si bien préparés que ça.
10:37 - Et le risque qu'ils ont, c'est de lâcher du lest, et que finalement,
10:40 on le voit avec, vous savez, cette réforme, elle est censée économiser 18 milliards par an,
10:44 et on se rend compte que plus ils vont lâcher du lest, plus cette réforme va devenir inefficace,
10:49 parce qu'on va annuler quasiment tous les efforts demandés aux Français
10:52 en redonnant des aides ici.
10:54 - On va revenir dans le détail sur quoi ça peut bouger et combien ça coûte.
10:56 Elsa, pour bien comprendre l'état d'esprit de la majorité aujourd'hui,
11:00 est-ce qu'il y a des tensions ? Est-ce qu'on a besoin de resserrer les rangs ?
11:04 Et comment on prend ce revirement au niveau des députés Renaissance, notamment ?
11:09 - Il y a des tensions. Alors, on en a vu énormément qui ont fait part publiquement
11:13 de leurs interrogations sur la réforme, certains qui allaient jusqu'à dire
11:15 qu'ils voteraient contre cette réforme, qui est quand même un crime de lèse-majesté.
11:18 C'est un texte budgétaire, normalement, ça donne l'appartenance ou non dans la majorité.
11:22 Et la réforme des retraites, c'est en tout cas l'alpha et l'oméga du quinquennat d'Emmanuel Macron.
11:26 - Donc si vous ne votez pas et que vous êtes Renaissance, vous êtes exclu immédiatement.
11:30 C'est ça, la ligne aujourd'hui ?
11:31 - Même certains l'ont dit, je quitterais le groupe de moi-même,
11:33 reconnaissant que c'était quand même une ligne rouge.
11:35 En revanche, il y en a beaucoup, ceux-ci, on les entend moins,
11:38 mais qui disent, comme ce que disait Jean-Rémy, mais maintenant, il faut y aller, en fait.
11:42 On ne peut plus reculer, c'est une question de crédibilité, et on perdrait trop à reculer.
11:46 Donc, en fait, le groupe, il est assez divisé.
11:48 Il y a aussi des divisions entre Renaissance, Horizon, le Modem.
11:52 C'est vrai qu'on n'a pas là 72 heures de la révélant.
11:55 - Ce n'est pas des frondeurs comme à l'époque du Parti Socialiste, pour bien comprendre l'ampleur.
11:59 - Non, mais pas d'une majorité soudée, prête à resserrer les rangs, prête à la bataille.
12:03 C'est vrai qu'on les sent quand même plutôt fébriles.
12:05 - Alors, Anne-Charlene Mézina, il faut bien comprendre
12:07 dans quel cadre va avoir lieu ce débat à l'Assemblée nationale.
12:10 Déjà, c'est un budget rectificatif, budget de la sécurité sociale,
12:14 ou projet de loi de financement de la sécurité sociale.
12:17 Ça change beaucoup de choses ?
12:18 - Bien sûr. Alors, ce véhicule législatif-là, il est inédit pour une réforme des retraites.
12:23 Toutes nos réformes des retraites, auparavant, sont passées par une loi dite "ordinaire"
12:27 de notre article 34 de la Constitution.
12:29 Aujourd'hui, l'argument qui est donné par la majorité, c'est de dire que, et c'est vrai,
12:33 la modification de l'équilibre des retraites est une modification de l'équilibre du budget de la sécurité sociale,
12:39 et que, comme des mesures vont impacter directement le budget 2023 de la sécurité sociale,
12:44 eh bien, ça méritait une rectification.
12:46 Néanmoins, c'est vrai qu'on a beaucoup parlé du 47.1, qui est devenu un petit peu le "new 49.3".
12:52 Ce 47.1 ne se dégaine pas, mais il faut bien le redire, l'article 47.1 est de droit,
12:57 c'est-à-dire que c'est l'article qui s'applique à la discussion en matière de loi de financement de la sécurité sociale.
13:03 Et c'est vrai que, alors que l'objet social n'apparaît pas forcément au premier abord,
13:10 c'est-à-dire que, normalement, ces délais très serrés qui vont avec le 47.1...
13:14 On va jeter un oeil au calendrier, parce qu'il faut bien comprendre.
13:17 En gros, le débat a commencé à l'Assemblée en commission des affaires sociales,
13:21 depuis le début de la semaine, qui se termine ce soir.
13:24 Ensuite, 6 février jusqu'au 17 février, ce sera l'hémicycle,
13:28 avec début mars au Sénat, et puis le 26 mars, c'est absolument sûr, c'est la fin du parcours législatif.
13:39 C'est la seule certitude qu'on a.
13:41 En réalité, le délai qui figure dans la Constitution, c'est ce délai de 50 jours.
13:45 Le délai de 20 jours laissé à l'Assemblée nationale et le délai de 15 jours laissé au Sénat,
13:49 plus le délai de 15 jours pour la navette entre les deux,
13:52 sont en réalité des délais sur lesquels vous pouvez obtenir une certaine flexibilité de quelques jours, quelques heures.
13:57 Mais ça signifie néanmoins qu'au départ, pourquoi est-ce qu'on a fait ce 47.1 ?
14:02 Parce qu'il est aligné, tout simplement, sur les discussions budgétaires.
14:04 On a besoin de le faire avant la fin du mois de décembre,
14:07 pour pouvoir tout simplement voter un budget de la Sécurité sociale qui permette d'actionner les leviers de la dépense,
14:12 en janvier, comme pour tout budget.
14:14 Là, on a moins cette urgence dans la tête, parce que c'est un budget rectificatif.
14:18 Déjà, on s'était même posé la question, tiens, est-ce que les délais vont s'appliquer ?
14:21 Le Conseil constitutionnel a tranché, c'est certain.
14:24 Mais ces délais s'appliquent donc un petit peu hors sol.
14:26 Et c'est pour ça que l'opposition crie notamment au déni de démocratie,
14:29 en disant que le fait de choisir ce véhicule-là, il a une utilité, c'est d'aller beaucoup plus vite.
14:34 Et une autre utilité, c'est que comme c'est un texte financier, vous pouvez actionner un 49-3 à l'issue du vote.
14:39 Alors, ce qu'il faut comprendre aussi, et ça, j'aimerais vous entendre là-dessus,
14:42 c'est qu'il peut ne pas y avoir de vote à l'issue du débat dans l'hémicycle.
14:47 Comment on peut le justifier ?
14:50 Ça correspond à quel scénario ? L'absence de vote ?
14:55 A priori, on a 20 jours pour l'Assemblée nationale, 15 jours pour le Sénat.
14:58 Si l'Assemblée nationale ne vote pas au bout de ces 20 jours, n'a pas donné son avis définitif sur le texte dans son intégralité,
15:06 on peut passer directement au Sénat.
15:07 Il faut savoir que sous la Ve République, ça ne nous faisait jamais arriver un petit précédent
15:12 pour une disposition où, en fait, on avait un petit peu retardé le calendrier.
15:16 On l'a fait aussi pour un budget rectificatif financier.
15:19 Donc, oui, il y a une marge de négociation de quelques jours qui pourrait permettre qu'on sollicite un vote.
15:24 Mais oui, la Constitution ouvre la possibilité de directement passer à la deuxième Assemblée,
15:29 en quelque sorte comme un vote sanction, en disant "vous n'avez pas respecté votre timing, donc on passe directement à l'autre Assemblée".
15:34 Ce qu'on dit en tout cas pour l'instant à l'Assemblée, c'est que le vendredi 17 à minuit, vote ou pas,
15:39 mais c'est vrai que c'est assez difficile de se figurer qu'est-ce qui va se passer.
15:42 C'est-à-dire qu'il y a un ministre qui va dire "allez, je vous reprends les textes, je vais le donner à vos collègues sénateurs".
15:46 C'est une possibilité, c'est même peut-être ce vers quoi on tend.
15:50 Et effectivement, ce serait inédit, les députés ne pourraient pas donner leur avis sur un texte.
15:54 Alors ça, ce serait le cas de figure où il y a énormément d'obstruction et que les débats s'enlisent,
15:59 voire tournent au pugilat et qu'on arrive à aborder quelques articles.
16:03 C'est ça. Qui a intérêt à cette stratégie-là ? La gauche, de l'ANUP ou pas forcément ?
16:08 L'ANUP, elle a intérêt à tenir le pavé de l'Assemblée comme elle tient le pavé dehors.
16:15 En réalité, c'est peut-être une faute de sa part.
16:18 C'est-à-dire que si l'ANUP voulait vraiment mettre le gouvernement en difficulté,
16:23 elle aurait plutôt intérêt à ne pas faire d'obstruction et à pousser le gouvernement,
16:28 à pousser l'exécutif et toute la majorité à jouer carte sur table et à faire un vote.
16:32 Parce que, comme on le disait tout à l'heure, est-ce qu'on est sûr que l'intégralité de la majorité va suivre ?
16:37 Est-ce qu'on est sûr que la droite avec laquelle le gouvernement a un deal, est-ce que la droite va suivre jusqu'au bout ?
16:43 Et ça, c'est vraiment le point le plus délicat.
16:46 Il y a probablement une erreur stratégique de la part de l'ANUP de bordéliser, comme disent certains,
16:52 ou en tout cas de ralentir les débats, parce que ça veut dire qu'il y a des tas de débats qui ne vont pas avoir lieu.
16:56 Justement, il y en a un qui est exactement sur cette ligne, c'est François Ruffin.
16:59 Il veut un vote, au moins un vote sur l'article 7. Écoutez-le.
17:03 On veut que le débat ait lieu sur le point clé qui est l'article 7.
17:08 Et l'article 7, c'est le rallongement de deux ans.
17:10 Et on ne veut pas que le gouvernement utilise le faible temps de parole
17:13 pour ne pas pouvoir discuter du cœur de la réforme, qui est la contre-réforme,
17:17 qui est cet article 7 sur le report de deux ans.
17:20 Voilà, donc il y a une vraie réaction stratégique à gauche.
17:24 Ça renvoie à la responsabilité aussi des oppositions et du Parlement d'arriver à se parler.
17:27 Mais qui, l'ANUP a justement un petit peu changé de stratégie,
17:30 parce qu'au début elle annonçait des dizaines de milliers d'amendements.
17:33 Et là, elle a revu un peu à la marge, parce qu'elle en a déposé 4000 en commission, ce qui est beaucoup.
17:38 Mais ce qui est quand même...
17:40 Surtout que ça a été filtré, et ce n'est pas tant elle qui a changé de stratégie,
17:42 c'est que la commission elle-même a dit quand même...
17:44 Ils en ont déposé beaucoup moins de toute façon.
17:46 C'est vrai, mais il y a eu beaucoup aussi de filtrages par la commission
17:48 qu'on espère être repris en discussion, parce qu'il y a toute cette question de l'objet aussi.
17:52 Et justement, l'ANUP ne veut pas forcément de vote final,
17:56 puisqu'elle veut continuer à dénoncer un déni de démocratie, un passage en force.
17:59 Donc ils ont trouvé une solution un peu médiane, c'est de dire, nous ce qu'on aimerait,
18:02 c'est au moins d'aller sur l'article 7, là je l'égale,
18:05 et là ils peuvent avoir, effectivement, de par des interrogations dans la majorité,
18:09 ils peuvent gagner, ils peuvent avoir une victoire politique.
18:11 Donc c'est pour ça qu'ils ont un petit peu adouci leur position.
18:14 Chacun veut faire sortir du bois l'adversaire.
18:17 Il va falloir se compter à un moment.
18:19 C'est pour ça que l'article 7 sur le recul à 64 ans est fondamental.
18:23 Vous pensez que le gouvernement a plutôt intérêt à éviter au maximum le vote ?
18:27 C'est le scénario idéal ?
18:28 Ah, c'est la fable du lion et du renard.
18:30 Le lion dans la constitution, c'est le 49-3.
18:32 Un coup de patte et s'il n'y a pas de révolte des animaux de la jungle avec la motion de censure,
18:36 le roi lion fait passer son texte.
18:38 Là, c'est le renard, le 47-1, c'est rusé.
18:40 Vous voulez faire obstruction ? Très bien, ça ira sans vote au Sénat.
18:43 Ah bah tiens, ça piège aussi la droite, parce qu'à l'Assemblée, la droite, elle est comme ça,
18:46 on ne sait pas trop qui va voter.
18:47 Au Sénat, chaque année, ils votent 65 ans comme réforme des retraites.
18:50 Ils ont toujours été sur une ligne dure.
18:52 S'ils récupèrent le texte vierge de tout vote, qu'est-ce qu'ils vont faire, les amis sénateurs de droite ?
18:56 Après, il y aura une commission mixte paritaire.
18:58 Et si tout ça se termine sans vote, Emmanuel Macron pourra, par ordonnance, appliquer sa réforme,
19:03 en ayant expliqué aux Français que, heureusement qu'il y a un exécutif qui s'occupe des problèmes
19:07 et qui fait avancer les réformes, parce que le Parlement, ce n'est vraiment pas possible.
19:10 À l'inverse, évidemment, les oppositions ont vu le piège et vont essayer de dire
19:14 « c'est pire qu'un 49-3, c'est une sorte de 49-3 déguisé, humiliant pour le Parlement
19:19 et bien sûr humiliant pour la rue », en espérant que l'adoption sans vote,
19:23 le passage aux ordonnances va remettre des gens en colère dans la rue.
19:27 À ce jeu-là, on ne sait pas trop aujourd'hui qui sera le vainqueur, dans l'opinion.
19:31 Ce qui est évident, et c'est la Ve République qui le veut, c'est que l'exécutif a l'avantage
19:36 de la maîtrise des outils juridiques.
19:38 Sauf qu'il y a le Conseil constitutionnel.
19:41 Et les institutions peuvent être contrebalancées par le bas, la démocratie dans la rue,
19:46 qui bloque parfois le pays.
19:48 Rappelez-vous la susmulgation du CPE, une loi votée mais pas promulguée,
19:52 suspendue par Chirac, votée par l'Assemblée, on l'avait dite « susmulguée ».
19:55 Donc le peuple avait vaincu les institutions.
19:58 Et puis au-dessus des institutions, il y a le Conseil constitutionnel,
20:01 qui pourrait, après un 47-1, dire « attendez, non, non, votre ruse,
20:05 compte tenu du contenu, de l'aspect cavalier, non, finalement, on casse certains articles ».
20:10 Ce serait là une défaite juridique majeure pour l'exécutif.
20:14 - C'est possible, ce scénario-là ?
20:16 - Qui est à craindre ? Pour deux raisons.
20:18 D'abord, le délai sur lequel le Conseil constitutionnel n'a jamais vraiment eu à se prononcer
20:22 dans un cas où il y aurait eu...
20:25 Alors, il y a un principe constitutionnel qui est intéressant,
20:27 c'est celui de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
20:30 Donc, les outils auront-ils été usés à bon escient ? Là, on aura une réponse.
20:34 Et surtout, deuxième point, l'objet, c'est un piège qui se referme sur le gouvernement, en quelque sorte.
20:38 Ça doit être une autre fable de La Fontaine.
20:40 Mais, justement, le Conseil constitutionnel nous dit
20:43 « un projet de loi de financement de la Sécurité sociale,
20:46 rectificatif, ne doit venir que corriger les chiffres du budget de la Sécurité sociale ».
20:50 Donc, l'index senior, le Conseil d'État a déjà dit, ça c'est très borderline,
20:54 l'égalité salariale homme-femme, la condition des femmes,
20:57 l'employabilité des seniors, la pénibilité, toutes ces questions-là, ne rentrent pas forcément...
21:02 - On va en parler, si ça nous amène au fond du texte, parce qu'il y a peut-être un autre texte.
21:06 - C'est plus clair, quand même.
21:07 - Oui, je ne suis pas sûre que ce soit politiquement plus facile.
21:09 - Oui, mais juridiquement, c'est plus sûr.
21:11 - Alors, justement, on va essayer d'entrer dans le détail du texte
21:14 et surtout sur le grain à moudre, sur quoi ça peut bouger.
21:17 On a bien compris que c'est les Républicains qui détiennent les clés de cette réforme.
21:22 Regardez un tout petit peu l'hémicycle pour bien vous figurer les choses.
21:25 La majorité Renaissance, Horizons et Modem, aujourd'hui c'est 250 députés.
21:30 Il manque donc 39 voix pour atteindre la majorité absolue
21:33 et donc c'est évidemment à droite que le gouvernement compte les trouver.
21:37 Où en est-on ce soir ? Elsa Mondingava avec Clément Perrault.
21:40 On menait l'enquête auprès des députés de droite.
21:42 [Générique]
21:48 Le deal semblait pourtant acté.
21:50 Comme un cadeau de Noël en retard, Eric Ciotti se prononce pour la réforme des retraites.
21:56 - J'ai toujours dit que cette réforme était nécessaire,
21:59 qu'elle était nécessaire pour des questions démographiques,
22:03 pour des questions budgétaires, pour des questions économiques.
22:07 Soutenir une réforme des retraites est cohérent avec ce que nous avons toujours dit.
22:11 C'est responsable par rapport à la situation du pays.
22:14 Le gouvernement pense alors avoir obtenu les 62 voix du groupe LR,
22:18 de quoi décrocher la sacro-sainte majorité absolue.
22:22 Mais le nouveau chef de la droite a-t-il parlé trop vite ?
22:25 Dans ses troupes, on lui reproche d'avoir conclu trop tôt.
22:28 Pour certains députés qui veulent incarner une droite plus sociale que libérale,
22:32 il faut obtenir plus, notamment pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes.
22:37 - Vous avez les 42 annuités ou les 43 annuités, c'est la réforme actuelle tourenne,
22:42 vous devez pouvoir partir à la retraite sans avoir besoin d'attendre l'âge légal.
22:46 C'est clair, net et précis. Et le gouvernement sait désormais à quoi s'en tenir.
22:50 Sur le terrain, dans sa circonscription des Vosges,
22:53 Stéphane Viry, chef de file de son groupe sur les retraites, résume le dilemme de la droite.
22:57 - Si on est pour, le RN va nous taper dessus à bras raccourcis.
23:03 On est la majorité, on est macroniste.
23:07 Si on est contre, ceux qui pensent que la droite doit être responsable,
23:11 doit savoir faire avancer le pays, vont nous dire
23:14 "Vraiment, vous êtes contre tout, vous ne servez à rien."
23:17 Et pour ajouter à la cacophonie, les patrons des groupes LR à l'Assemblée et au Sénat
23:22 ne sont pas tout à fait alignés.
23:24 - Est-ce que vous allez voter cette réforme ?
23:26 - Oui, nous la voterons.
23:27 - Si on ne fait rien du tout, les retraites des Français sont menacées ?
23:30 - Certainement pas à donner, un blanc-seing,
23:33 alors même que le débat n'a pas commencé dans l'hémicycle.
23:36 Pour faire adopter sa réforme, le gouvernement a impérativement besoin de la droite.
23:41 Sans elle, l'ombre du 49-3 pourrait à nouveau planer sur les débats.
23:46 - Christophe Barbier, qu'est-ce qui se passe à droite à l'Assemblée ?
23:50 Tout de même, les 65 ans, c'était le programme de Valérie Pécresse,
23:54 il y a une forme de cohérence à accepter cette réforme.
23:57 On a l'impression, ce soir, qu'à droite, ça va être à la voix près pour obtenir cette majorité.
24:02 - Je pense qu'il se joue un match politique et un match sociologique.
24:05 Le match politique, c'est un peu le match retour de la récente élection à la présidence de LR
24:10 où Aurélien Pradié a été battu par Éric Ciotti, comme Bruno Retailleau.
24:14 Donc Aurélien Pradié dit "je ne voterai pas parce que je suis l'élgau, je suis le social".
24:17 Il veut exister comme premier opposant dans son parti.
24:20 C'est aussi le match retour de la primaire de la présidentielle
24:22 où Ciotti a été battu par Pécresse.
24:24 Donc il veut lui montrer qu'il aboutit à une réforme puisqu'il la soutient plus tôt,
24:29 mais en ayant obtenu des gages, et notamment des gages sociaux.
24:32 Mais derrière cela, et c'est plus profond, je pense, et plus cornelien pour les élus de droite,
24:36 il y a un problème sociologique.
24:38 C'est que la plupart des députés LR aujourd'hui sont dans des circonscriptions assez populaires.
24:42 C'est plus la droite élue par des retraités de centre-ville aisés,
24:46 c'est une droite élue dans des quartiers, dans des zones rurales, semi-urbaines,
24:50 où ça fait mal, 64 ans.
24:52 Leur électorat peut leur dire "la prochaine fois on votera RN",
24:55 comme on l'a fait d'ailleurs dans les circonscriptions alentours.
24:57 Ce n'est pas la même chose au Sénat.
24:59 Vous n'êtes pas élu de la même manière, et il n'y a pas la même culture de la réforme.
25:02 Oui, Jean-Rémi Baudot, d'ailleurs, les députés le savent bien,
25:05 ils n'ont pas du tout envie de repartir sur le terrain en campagne en cas de dissolution.
25:08 Non, et on va dire les choses assez clairement,
25:10 ces derniers jours, quand ils sont rentrés en circonscription,
25:12 ils se sont globalement fait engueuler.
25:14 C'est-à-dire que j'en discutais hier avec un député de droite
25:17 qui me disait "il n'y en a pas un", il a fait une réunion publique,
25:19 "il n'y en a pas un qui m'a demandé, qui m'a dit
25:21 vous avez eu un programme avec 65 ans, tenez bon, allez-y jusqu'au bout".
25:25 Non, il m'a dit "j'ai demandé dans la salle, il y avait 80 personnes,
25:28 il y en a 5 qui ont levé la main en disant "est-ce qu'il faut voter ?"
25:30 Et il y en a 5 qui ont dit oui.
25:31 Donc en fait, ils sont effectivement dans des bassins,
25:34 notamment qui ont beaucoup voté Marine Le Pen,
25:36 et donc ils sont aussi confrontés à ce jeu sur le terrain,
25:39 et ils savent que s'ils reviennent, imaginez,
25:41 ils votent la réforme des retraites.
25:43 C'est un chaos total.
25:44 Ça se termine par une dissolution.
25:47 Donc ils sont obligés de retourner devant les électeurs,
25:50 et les électeurs leur disent quoi ?
25:51 "Ok, vous avez voté la réforme des retraites,
25:54 en fait, on ne va pas du tout voter pour vous".
25:56 Donc en fait, ils sont vraiment dans une situation assez difficile.
25:59 C'est qu'il y a...
26:00 Quelle raison ils auraient réellement de suivre la direction de l'air ?
26:02 C'est des scénarios dont on discute en coulisses,
26:03 parce qu'on est un petit peu dans la politique fission,
26:05 est-ce qu'on en parle en coulisses, dans les déjeuners politiques ?
26:07 Est-ce que cette possibilité de la dissolution, du 49-3, d'une crise politique,
26:12 c'est des choses qui sont évoquées ouvertement ?
26:15 Oui, clairement, de toute façon, ils disent aux Républicains,
26:18 "Vous savez comment ça va se finir si jamais vous ne votez pas".
26:20 Ils les menacent d'une dissolution.
26:22 Mais c'est vrai qu'en plus, ce qui complexifie la tâche pour le gouvernement,
26:24 c'est que là, le deal avec les Républicains,
26:27 il va falloir qu'il soit scellé, c'est-à-dire, limite,
26:29 recevoir les promesses de vote des 62 députés,
26:32 pour être sûr que ça puisse leur faire la majorité absolue,
26:35 voire compenser quelques défections dans leur rang.
26:38 Donc là, c'est vraiment un engagement des Républicains
26:40 d'appuyer sur le bouton "pour".
26:41 Et cette pression dans les circonscriptions,
26:43 pour ne pas voter cette réforme, Marine Le Pen l'a très bien compris,
26:46 parce qu'elle a dit, vendredi dernier, je cite,
26:48 "Les électeurs LR doivent interpeller leurs députés pour leur expliquer
26:52 qu'il n'est pas possible de soutenir cette réforme d'une brutalité inouïe".
26:56 C'est très compliqué d'être LR, en fait, aujourd'hui.
26:58 Bien sûr, le lion, le renard et le vautour,
27:00 vous voyez, celui qui vient dévorer votre cadavre quand vous êtes éliminé.
27:03 C'est pour ça que pour les LR aussi, un 49-3, ça serait confortable.
27:06 Le gouvernement passe en force, ils n'ont pas à voter,
27:08 mais une motion de censure LFI, PS, PC, RN,
27:12 ils ne la voteront pas non plus au nom de la stabilité des institutions.
27:15 Donc vous pensez qu'elle n'a pas de chance d'aboutir ?
27:17 Ça les arrangerait bien aussi un 49-3.
27:18 Rappelons que la dernière réforme des retraites, celle de février 2020,
27:21 alors qu'il y avait une majorité absolue pour le parti présidentiel,
27:25 est passée par 49-3.
27:26 Edouard Philippe avait eu recours au 49-3
27:29 parce qu'il n'était pas sûr de sa majorité.
27:31 C'est quand même incroyable de se dire, Dominique Berdayan,
27:33 que dans les coulisses, dans les États-majors,
27:35 finalement, le 49-3 est peut-être la moins pire des solutions.
27:39 Ça arrange tout le monde.
27:40 Pardon, je vous coupe, mais ça arrange notamment Marine Le Pen
27:42 qui se dit que ceux qui ont voté contre la réforme des retraites,
27:44 ils se mobiliseront en cas de 49-3, en cas de motion de censure,
27:49 et donc ils feront tomber le gouvernement.
27:50 Elle, elle pousse le bouchon encore plus bas en se disant
27:53 "J'ai même intérêt à faire en sorte de fragiliser tout le monde
27:56 pour à la fin essayer de récupérer les billes".
27:58 Dominique Berdayan, de l'extérieur, passer en force,
28:01 sans vote par le 49-3 sur une réforme aussi importante
28:04 qui touche à tous les Français,
28:05 vous pensez que ça peut être compris, ça, dans l'opinion ?
28:07 Non, on le voit bien avec les manifestations.
28:09 Elles ne sont pas simplement à Paris, elles sont en province.
28:12 Et la pression, effectivement, que vous évoquiez des députés,
28:15 elle est énorme en ce moment,
28:17 avec leur avenir politique en jeu, en quelque sorte.
28:21 Donc ça sera de toute façon très mal compris,
28:24 mais on a l'impression qu'à chaque fois qu'on cite le mot "retraite",
28:27 ça se passe toujours mal.
28:29 Enfin, je parle sur votre contrôle.
28:30 Depuis qu'on est adolescent, nous, on entend "retraite",
28:34 et à chaque fois, ça ne passe pas.
28:35 Donc on se dit, quelle est la solution ?
28:37 Parce qu'il n'y en a aucune.
28:38 La dissolution n'en est pas une, peut-être que le 49-3 en est une,
28:42 mais ça passera toujours si ça passe en force.
28:45 Christophe Barbier, c'est vrai, quand on regarde l'opinion,
28:48 pour l'instant, elle ne faiblit pas en opposition à cette réforme,
28:52 mais quand on regarde même par sympathisant,
28:54 là, ce n'est pas si évident, y compris pour la majorité.
28:57 Il n'y a pas un bloc macroniste parmi les électeurs derrière cette réforme.
29:01 Dans l'opinion, les gens ne veulent pas travailler deux ans de plus.
29:04 Ceux qui étaient à quelques années de la retraite qui se disent,
29:06 ben voilà, l'horizon s'éloigne.
29:08 Les plus jeunes qui se disent, bon ben, on me fait un horizon lointain,
29:10 puis de toute façon, quand moi je serai à la retraite,
29:12 ça sera pire derrière, je ne sais même pas ce que je vais toucher.
29:14 Ça ne peut pas être populaire, cette réforme.
29:16 Maintenant, dans les études d'opinion,
29:18 il y a un chiffre qui peut rassurer un peu le gouvernement,
29:21 c'est qu'une majorité, pour l'instant, des Français disent,
29:23 bon, elle va passer quand même.
29:25 Comme si leur mobilisation, leur volonté pour certains même,
29:28 réclamer le blocage comme seule solution pour faire reculer le gouvernement,
29:32 tout ça, c'était un peu un théâtre d'ombre.
29:34 Ça va passer parce que du côté du Parlement,
29:36 ben l'arithmétique est pour le gouvernement.
29:38 Ça va passer parce que tous les pays voisins l'ont fait,
29:40 donc on est dans l'Europe, on ne peut pas rester quand même
29:42 le vilain petit canard ou le favori.
29:46 Et on le fera payer plus tard.
29:48 On est contre, on sait que ça va passer,
29:50 on vous le fera payer plus tard dans des rendez-vous électoraux.
29:53 -Dans la lignée de ce que dit Christophe Barbier,
29:55 elle ne passe pas parce qu'il y a la souffrance au travail.
29:58 Pardon, mais ça va être encore le crandiqueur judiciaire qui parle.
30:01 Allez faire un tour dans les tribunaux, dans les prud'hommes.
30:05 Les gens se plaignent de la façon dont ils sont traités,
30:09 mépris, harcèlement, tout ce que vous voulez, en fin de carrière.
30:13 Donc on est en train de leur dire, il faut travailler plus,
30:16 mais il faut travailler dans des conditions épouvantables,
30:19 où il y a le jeunisme, où vous êtes, à partir d'un certain âge,
30:22 mis sur la touche.
30:23 Donc voilà, il y a quelque chose là qui est totalement contradictoire.
30:27 Donc peut-être régler un problème avant d'en régler un autre.
30:30 Peut-être faut-il régler les conditions de travail
30:33 avant de régler le problème de la retraite.
30:35 -On a l'impression que c'est l'erreur d'interprétation de base.
30:38 Et c'est en fait, le macronisme est fondé sur le travail,
30:42 sur la valeur travail, c'est un peu l'alpha et l'oméga pour eux.
30:45 Et c'est vrai qu'à mon avis, ils n'ont pas vu
30:47 que pour certaines personnes, ça pouvait être des douleurs physiques,
30:50 des douleurs psychologiques, et qu'il y avait tout un tas de personnes,
30:53 notamment depuis le Covid, qui se détachent du travail,
30:56 en disant qu'ils préfèrent équilibrer avec la vie privée.
30:59 Il y a eu l'erreur de croire que demander de travailler
31:02 deux ans de plus aux Français...
31:04 -On en parlera dans le débat de demain,
31:06 le changement du rapport au travail des Français.
31:09 -On en revient à la méthode du gouvernement.
31:11 Il y a eu une focalisation sur l'âge de départ,
31:14 et il y a eu une focalisation sur un véhicule législatif
31:17 qui est très spécifique du LFSR.
31:19 Mais justement, tout ça prouve une espèce d'hyperspécialisation
31:22 de ce débat qui méritait d'être bien plus général
31:25 et qui aurait pu être accepté différemment,
31:27 pris par un autre bord.
31:29 Les Français sont assez favorables au régime par répartition,
31:32 sont très friands de notre principe constitutionnel de solidarité
31:35 qui fonde le régime de la sécurité sociale et le régime des retraites.
31:39 Donc prenez le problème de ce bord-là,
31:41 en parlant du travail, en parlant des générations futures,
31:44 qui est un domaine sur lequel on peut mobiliser,
31:47 ça aurait été différent.
31:49 Et je crois que le fait de cristalliser le débat en 20 jours,
31:52 dans un projet de loi spécifique, en disant qu'on est obligés
31:55 d'avancer uniquement sur cette disposition-là,
31:57 c'est braquer le débat.
31:58 -Jean-Rémi Baudot, vous nous disiez un mot sur quoi ça peut bouger.
32:01 -J'allais vous dire que la porte de sortie du gouvernement,
32:04 c'est peut-être la clause de revoyure esquissée,
32:07 qui est demandée par le modem,
32:09 pour expliquer brièvement.
32:11 C'est peut-être pas 64, c'est peut-être 63,
32:13 mais en 2027, et donc de créer un rendez-vous présidentiel,
32:18 ce qui pose d'ailleurs d'autres questions d'un point de vue institutionnel.
32:21 C'est-à-dire que 2027 va devenir un référendum pour ou contre
32:24 un projet sur les retraites, ce qui est quand même un peu particulier.
32:27 -Avec certains candidats qui pourraient dire
32:29 "moi, je promets de m'arrêter à 63".
32:31 -Pour le gouvernement, c'est clairement une porte de sortie qui est possible.
32:34 -Sur les carrières longues, 44 ans de cotisation,
32:37 est-ce que ça, c'est négociable ? Est-ce qu'il y a du grain à moude là-dessus ?
32:39 -En tout cas, les députés de droite Aurélien Pradi en tête
32:42 en fait un casus belli pour voter ou non la réforme.
32:44 Il dit que si le gouvernement ne bouge pas là-dessus, on votera contre.
32:47 Est-ce que le gouvernement s'imagine qu'il va y avoir un vote
32:49 et devra les convaincre ?
32:51 Pour l'instant, le gouvernement, plutôt à dire qu'on ne bougera pas là-dessus,
32:54 il n'a pas l'air prêt à bouger sur grand-chose.
32:56 -Parce que ça coûte très cher aussi.
32:57 -Parce que ça coûte beaucoup plus cher,
32:58 et fait le risque que certains pointent au gouvernement,
33:00 c'est d'avoir un peu la double peine,
33:01 c'est-à-dire d'avoir fait un peu le bazar dans le pays,
33:03 et puis en plus d'avoir une réforme à la fin qui rapporte beaucoup moins ce qui était prévu.
33:06 -Christophe Barbier, vous, vous connaissez bien la droite depuis de nombreuses années,
33:09 vous sentez les choses comment ?
33:11 Il y a quand même 60 députés LR, Aurélien Pradi,
33:15 on a compris qu'il était vraiment très contre cette réforme,
33:18 mais il n'en mène avec lui qu'une trentaine,
33:20 il en reste une trentaine ou pas à votre avis pour voter ?
33:22 -C'est jouable arithmétiquement, surtout parce que dans cette navette parlementaire,
33:25 le poids du Sénat va être important.
33:27 Les sénateurs, ils sont muets pour l'instant.
33:29 On sait que ce sont des gens qui travaillent sur le fond,
33:31 qui arrivent avec beaucoup de sérénité,
33:33 on n'aura pas d'obstruction, on n'aura pas...
33:35 Et je pense qu'à partir du moment où la droite sénatoriale se sera exprimée,
33:38 ça va être compliqué pour la droite de l'Assemblée
33:40 de continuer des jeux un peu politiciens.
33:43 Cette sagesse-là risque de s'imposer.
33:45 Mais il manque clairement à droite un chef.
33:47 -Vous êtes trop optimiste, parce qu'il n'y a plus de chef en réalité.
33:49 -Il n'y a plus de chef, mais c'est pour ça que je fais le pari
33:51 des masses, de l'inertie de chaque chambre.
33:55 La majorité au Sénat, elle est de droite,
33:57 donc la responsabilité, c'est la droite là-bas.
33:59 Il n'y a plus de chef, donc le chef de remplacement,
34:01 si j'ose dire, c'est le Sénat, avec son président
34:03 qui ira à l'Elysée d'ailleurs, si le président actuel
34:05 était défaillant. Et il y a eu un autre chef
34:07 qui s'est exprimé quand même aujourd'hui.
34:09 Il est démonétisé, mais quand même, ça a été un chef longtemps.
34:11 C'est Nicolas Sarkozy. Et donc peut-être
34:13 que ça va jouer aussi un petit peu. -Anne Serden.
34:15 -Et puis aussi l'ELR qui est dans cette figure,
34:17 majorité ou opposition, parce que l'ELR a refusé,
34:19 jusqu'à présent, dès son élection,
34:21 d'être considérée comme faisant partie de la majorité.
34:23 Il a dit "je suis un parti d'opposition".
34:25 Mais c'est maintenant qu'il faut le montrer.
34:27 Donc il y a toute une question de positionnement politique
34:29 qui auparavant se jouait sur les budgets.
34:31 Et c'est pas anodin, on est sur un texte politique.
34:33 -Donc, à la semaine, ça va se jouer à quelques voix près.
34:35 Ça va être extrêmement serré,
34:37 ça, on peut le dire. Jean-Rémi Baudot,
34:39 s'il y a d'autres textes de loi, peut-être,
34:41 sur la question des femmes,
34:43 des droits familiaux, sur ce fameux index senior,
34:45 est-ce que ça peut être compris,
34:47 même si ça n'arrive pas tout de suite dans ce débat-là,
34:49 en disant "attendez, ça, c'est un débat budgétaire,
34:51 on va parler après pénibilité, par exemple".
34:53 -Oui, mais ça, je pense que politiquement,
34:55 c'est compliqué à porter. Vous pouvez pas dire
34:57 "vous inquiétez pas, le package global va être formidable",
34:59 mais dans un premier temps, ça va être un peu dur.
35:01 Je vous fais un parallèle avec le début du quinquennat 2017.
35:03 Emmanuel Macron avait dit
35:05 "on va supprimer l'ISF, mais on va aussi supprimer
35:07 la taxe d'habitation". Il a tout de suite supprimé l'ISF,
35:09 il a mis 5 ans à supprimer la taxe d'habitation.
35:11 Et le ressenti dans la population,
35:13 c'est Macron, président des règles.
35:15 -Allez, c'est quand même amusant de vous demander
35:17 un petit pronostic, ça va passer à l'Assemblée, ou pas ?
35:19 -Moi, je pense que ça passera sans vote.
35:21 Ça ira au Sénat, ça reviendra, oui.
35:23 -Ce soir, je précise, on n'est pas allé au bout
35:25 des articles en commission.
35:27 Le fameux article SEC n'a pas été
35:29 même examiné, et le texte, Anne-Charline Vizina,
35:31 va arriver tel que dans sa version
35:33 gouvernementale.
35:35 -Bien sûr, ça, c'est le principe des textes financiers.
35:37 Alors, moi, je dirais "oui, peut-être", et pourquoi pas
35:39 avec le 49-3, un peu sauce majoritaire,
35:41 en disant justement "mais nous sollicitons
35:43 ce 49-3 pour qu'il y ait un vote".
35:45 Donc, ça peut même aller dans le sens de la majorité
35:47 au niveau lexical. -T'es pronostique ?
35:49 -Moi, j'ai envie de croire à l'intelligence du Parlement et au débat.
35:51 Donc, on vote. -Je pense qu'il peut y avoir
35:53 un vote sur l'article 7, pas en général,
35:55 mais en tout cas, on sera là vendredi 17 à minuit
35:57 pour voir comment ça se passe.
35:59 -Voilà, évidemment, l'ensemble des débats
36:01 sur les retraites à l'Assemblée nationale
36:03 seront diffusés en direct
36:05 sur la chaîne parlementaire,
36:07 donc soyez au rendez-vous sur cette réforme
36:09 qui concerne tous les Français. -17 février,
36:11 anniversaire de la mort de Molière. Pour faire du théâtre,
36:13 c'est formidable. -Merci.
36:15 -Je rappelle que vous êtes un homme de théâtre,
36:17 Christophe Barbier. Merci beaucoup.
36:19 Merci d'être venu sur le plateau de LCP.
36:21 Vous restez avec moi, Dominique Verdagnan.
36:23 Dans une dizaine de minutes,
36:25 nos affranchis, ce soir, Marco Pommier
36:27 va revenir sur la visite du président du Parlement ukrainien
36:29 à l'Assemblée, l'Ukraine qui réclame
36:31 à la France des avions de combat,
36:33 Isabelle Lasserre nous dira
36:35 si c'est la prochaine étape ou pas,
36:37 et puis la France qui encaisse aussi une nouvelle hausse
36:39 de l'électricité. La faute à la guerre,
36:41 eh bien non. La faute à l'Europe, nous dira
36:43 et je l'ai dit à tout à l'heure, les amis.
36:45 Faites entrer les magistrats.
36:47 Dominique Verdagnan, vous les aimez, les juges.
36:49 Vous les avez même confessés,
36:51 magistrats sur le divan, reparés en poche,
36:53 trop seuls face à la misère du monde.
36:55 Sont-ils mieux accompagnés aujourd'hui ?
36:57 On voit cela juste après l'invitation signée de Thibault Hénocq.
36:59 -Si l'on vous invite, Dominique Verdagnan,
37:03 c'est que l'on ne verra jamais
37:05 les yeux de la justice,
37:07 mais qu'on connaît bien les vôtres.
37:09 De votre regard bleu et de votre voix calme,
37:11 vous avez accompagné pendant des années
37:13 des millions de Français dans le prétoire.
37:15 -On s'est parlé, on ne s'est pas entendu.
37:17 -Compagnon de JT,
37:19 avec vous, nous avons vécu tous les grands procès.
37:21 -Car Paul Touvier a toujours fait un choix
37:23 à la justice des hommes.
37:25 Il a préféré la justice divine.
37:27 -De Fourniret à Dutroux,
37:29 de la mort du petit Grégory
37:31 à celle d'Ilan Halimi,
37:33 des dossiers financiers comme l'affaire Elf
37:35 à l'horreur des attentats,
37:37 Dominique Verdagnan, vous avez fait votre métier
37:39 et vous avez raconté le pire
37:41 de la meilleure des manières.
37:43 Chroniqueur judiciaire pendant 30 ans pour France 2,
37:45 vous avez tiré de votre expérience
37:47 des tribunaux la matière de plusieurs livres
37:49 où vous faites revivre l'univers si particulier
37:51 des salles d'audience.
37:53 -C'est la théâtralisation,
37:55 c'est ce décorum de ces grandes salles d'assises,
37:57 toutes ces personnes,
37:59 les magistrats, les avocats, l'accusé,
38:01 les victimes, les journalistes, les jurés.
38:03 Et puis c'est le revers de la médaille,
38:05 c'est-à-dire que tout ça, c'est quand même
38:07 une société parce que c'est des drames.
38:09 On pleure, on crie, on hurle
38:11 dans une salle d'assises.
38:13 -Dans ce déluge d'émotions,
38:15 il en est pourtant qui sont tues,
38:17 celles des juges. Quelle pensée cachent-ils
38:19 sous leur robe ? Quel état d'âme
38:21 accompagne leur décision dans les magistrats
38:23 sur le divan qui viennent de reparaître
38:25 en poche vous leur donner la parole ?
38:27 Ils se nomment Marc Trevidić,
38:29 Laurent Wissniewski, François Mollins
38:31 ou Renaud Vendrunbeck, et lorsqu'ils brisent
38:33 l'armure, c'est d'abord pour dire
38:35 l'image mentale de leur fonction.
38:37 -L'opinion publique n'a pas conscience
38:39 de la masse de travail des magistrats,
38:41 mais également de la masse d'angoisse,
38:43 tout ce que l'on prend dans l'estomac.
38:45 -On ramène tout à la maison,
38:47 c'est faux de dire le contraire.
38:49 Des juges qui s'expriment alors
38:51 qu'ils sont en général tenus au silence,
38:53 un silence difficile à tenir, confesse-t-il,
38:55 alors qu'ils sont souvent attaqués.
38:57 -C'est toujours le même ressort.
38:59 Pour déstabiliser et discréditer
39:01 l'action de la justice,
39:03 on la politise. Le magistrat
39:05 ne peut pas répondre. Ce sont des positions
39:07 où le silence s'impose
39:09 avec beaucoup de douleur.
39:11 -Montrer une justice
39:13 à visage humain, Dominique Verdahian,
39:15 tel est aussi le but de votre dernière émission
39:17 "Justice en France".
39:19 -Qu'est-ce qui l'emporte entre le droit et l'émotion
39:21 dans ce genre de dossier ?
39:23 -On y assiste à des audiences, une nouveauté
39:25 rendue possible par une loi votée en 2021
39:27 et qui permet l'enregistrement
39:29 et la diffusion d'affaires définitivement jugées.
39:31 -Vous pouvez vous asseoir.
39:33 -Alors, Dominique Verdahian,
39:35 une question pour finir.
39:37 Cette dimension humaine, trop humaine
39:39 de la justice, est-ce sa force
39:41 ou sa faiblesse ?
39:43 -Réponse.
39:45 -Les deux.
39:47 C'est sa force,
39:49 parce que
39:51 la justice est rendue par des hommes.
39:53 Et c'est ce qui en fait
39:55 ce côté aléatoire,
39:57 ce côté défaillant.
39:59 Donc, voilà,
40:01 c'est à la fois une force
40:03 et une faiblesse.
40:05 On se rend bien compte en ce moment
40:07 que c'est la justice
40:09 qui est défaillante, c'est l'institution
40:11 judiciaire.
40:13 Les hommes, aujourd'hui,
40:15 ils font ce qu'ils peuvent.
40:17 On a parlé de souffrance au travail tout à l'heure.
40:19 La souffrance au travail chez les magistrats,
40:21 c'est une notion très récente.
40:23 -C'est pour les défendre, aussi, d'une certaine façon.
40:25 Vous avez voulu les confesser.
40:27 -Non, parce qu'ils n'ont pas besoin de moi.
40:29 -Quand on voit toute cette souffrance,
40:31 ils s'aumatisent,
40:33 ils ramènent la boule au ventre, les dossiers,
40:35 chez eux. On n'imagine pas
40:37 vraiment ce qu'ils vivent.
40:39 -Oui, et d'ailleurs, moi-même,
40:41 j'imaginais pas ce qu'ils vivaient,
40:43 même si c'est venu de mes propres
40:45 "souffrances",
40:47 en étant chroniqueur judiciaire,
40:49 on assiste à des drames, à des pleurs...
40:51 -Vous le dites vous-même, ça laisse des traces.
40:53 -On ne sort pas indemne d'un procès.
40:55 Bon.
40:57 Et je me suis dit,
40:59 quand je vais leur demander
41:01 de me dire quels sont leurs ressentis,
41:03 ils ne vont jamais me répondre.
41:05 -Comment avez-vous réussi à les convaincre ?
41:07 Les Van Rynbeck, les Trévidique, les Molins ?
41:09 -Je pense que c'est arrivé au bon moment.
41:11 D'abord, j'ai peut-être été le premier à poser la question,
41:13 parce qu'effectivement, la notion
41:15 de souffrance au travail commençait
41:17 à être évoquée par les syndicats,
41:19 avec des livres blancs,
41:21 et que, pour une fois, quelqu'un
41:23 s'intéressait à eux, non pas pour les mettre en cause,
41:25 mais pour les allonger sur un divan,
41:27 et pour leur dire,
41:29 "Expliquez-moi, qu'est-ce qui vous fait mal ?"
41:31 Et ce que je dis
41:33 au début de ce livre, c'est que,
41:35 beaucoup ont accepté
41:37 de me parler, beaucoup plus que je ne le pensais,
41:39 près d'une centaine,
41:41 et certains, je ne pouvais plus les arrêter.
41:43 Je remarquais qu'ils avaient
41:45 un petit post-it sur leur bureau,
41:47 parce qu'ils avaient marqué toutes les affaires.
41:49 -Tout ce qui passe, ils vous racontent
41:51 leur première scène de crime, leur première autopsie,
41:53 leur première confrontation à la mort.
41:55 C'est ça, la plus difficile ?
41:57 -Oui, parce que le magistrat vient
41:59 d'une classe sociale plutôt élevée.
42:01 Il fait des études,
42:03 il va à l'Ecole nationale de la magistrature
42:05 à Bordeaux, il apprend
42:07 le judiciaire, le juridique,
42:09 dans toute sa splendeur.
42:11 Peut-être pas assez l'aspect psychologique,
42:13 on a vu ça avec l'affaire Outreau et Fabrice Burgot,
42:15 et puis, voilà,
42:17 quand il sort de l'Ecole nationale de la magistrature,
42:19 il est juge d'instruction,
42:21 il est juge des enfants, des affaires familiales,
42:23 et il est confronté à la douleur de l'autre.
42:25 Il faut savoir la gérer.
42:27 Et donc, effectivement,
42:29 c'est quelquefois un premier cadavre,
42:31 c'est quelquefois un premier enfant
42:33 qu'il va falloir retirer
42:35 à ses parents pour le placer
42:37 dans une affaire de recueil.
42:39 -Je vous racontais que le plus dur,
42:41 c'est les juges des enfants qui raccrochent
42:43 et qui restent pas souvent.
42:45 Jean-Yves Coquillat, c'est le premier qui vous a dit oui.
42:47 Il est le procureur de la République dans l'affaire,
42:49 notamment Jean-Claude Romand,
42:51 invraisemblable affaire de cet homme
42:53 qui va mentir toute sa vie à sa famille
42:55 en lui faisant croire qu'il était médecin à l'OMS
42:57 et qu'il préférera tuer les siens
42:59 plutôt que de sortir du mensonge.
43:01 Ca, ça hante à vie un magistrat
43:03 quand on suit ce dossier-là ?
43:05 -Oui.
43:07 Des affaires comme celle de Jean-Claude Romand,
43:09 elle a marqué tous les magistrats,
43:11 comme les magistrats que j'ai rencontrés
43:13 et qui ont suivi l'affaire Fourniret
43:15 ont été marqués
43:17 par le personnage, par sa perversité.
43:19 Le magistrat qui a instruit
43:23 le dossier Jean-Claude Romand,
43:25 donc ce faux médecin de l'OMS,
43:27 me raconte que lorsqu'il fait
43:29 une reconstitution,
43:31 la maison où ont été tués
43:33 les deux enfants et la femme,
43:35 rien n'a bougé
43:37 et il y a justement dans la cuisine
43:39 un post-it qui est écrit
43:41 par la fille que Jean-Claude Romand a tuée.
43:43 Donc voilà, il y a une certaine émotion
43:45 qui se passe à ce moment-là
43:47 et Jean-Claude Romand
43:49 regarde le juge et lui dit
43:51 "Vous ne pensez pas qu'elle aurait pu soigner son écriture ?"
43:53 Il parle de la fille qu'il a assassinée.
43:55 Et le juge me dit
43:57 "J'ai entendu un grand boom à ce moment-là."
43:59 C'est pas du tout Jean-Claude Romand qui s'effondre,
44:01 c'est le gendarme qui est derrière.
44:03 C'est hallucinant d'entendre
44:05 une telle confession.
44:07 -Ca provoque des déluges d'émotions.
44:09 -On est confrontés à quelque chose d'inimaginable.
44:11 -Certains sont un peu plus blindés que d'autres.
44:13 Très vidiques, Evan Rimbek,
44:15 vous ne vous diriez pas cela ?
44:17 Ca pose la question du rapport au média.
44:19 Certains sont dans la lumière.
44:21 C'est vraiment la minorité.
44:23 Vous décrivez bien le profil type,
44:25 c'est la discrétion plutôt.
44:27 Mais ces juges-là,
44:29 qui savent jouer aussi de l'opinion,
44:31 ils ont un avantage par rapport aux autres ?
44:33 -Oui.
44:35 Certains ont cherché la lumière
44:37 aussi pour se protéger
44:39 et pour protéger leur dossier.
44:41 Après, vous avez des affaires
44:43 où vous êtes plus protégé,
44:45 quand vous êtes confronté
44:47 à des affaires politico-financières,
44:49 même si la pression sera différente.
44:51 -Ca, c'est le juge Rimbek.
44:53 -Vous avez à gérer des crimes de sang,
44:55 des crimes de serial killers.
44:57 Et puis, l'expérience fait
44:59 que, oui,
45:01 on se blinde.
45:03 Mais après, on monte dans la hiérarchie
45:05 et ça devient autre chose.
45:07 -Il y a un fossé abyssal, dites-vous,
45:09 entre le temps médiatique et le temps du judiciaire.
45:12 Ce sont deux univers totalement asymétriques.
45:15 Aujourd'hui, le tribunal médiatique,
45:17 il juge souvent des affaires
45:19 à l'inverse du juge.
45:21 Comment y vivent les magistrats ?
45:23 -Très mal.
45:25 Après, la question, c'est de savoir
45:27 s'ils sont influencés ou pas.
45:29 Quand on leur pose la question,
45:31 ils disent non, parce qu'on est dans notre bulle.
45:33 Mais il est évident que,
45:35 quand vous avez devant vous
45:37 quelqu'un de médiatique,
45:39 quand vous êtes en train de juger
45:41 une affaire médiatique,
45:43 vous ne pouvez pas ne pas être impressionné.
45:45 Alors bon, c'est vrai qu'aujourd'hui,
45:47 on en parlait tout à l'heure,
45:49 dans une démarche de dire
45:51 "on va pouvoir filmer certains procès",
45:53 donc les caméras vont dans le pressoir.
45:55 -Ca va changer les choses ?
45:57 Est-ce que ça va réconcilier les Français
45:59 avec leurs magistrats ?
46:01 -Réconcilier, je ne sais pas.
46:03 Il faut comprendre comment ça marche
46:05 ou comment ça ne marche pas.
46:07 -Ils sont quand même 65 %,
46:09 j'ai regardé les dernières enquêtes,
46:11 à considérer que la justice est trop laxiste.
46:13 -Oui, on est presque à plus de 70 %
46:15 de gens qui sont mécontents
46:17 de leur justice.
46:19 Expliquons-leur, montrons-leur
46:21 pourquoi ça ne fonctionne pas,
46:23 pourquoi leur dossier demande autant de temps.
46:25 Montrons-leur
46:27 le travail des magistrats.
46:29 C'est vrai que les quatre émissions
46:31 qui ont été réalisées jusqu'à présent,
46:33 on s'aperçoit que dans une audience,
46:35 vous avez 15 affaires les unes derrière les autres,
46:37 avec des magistrats qui doivent
46:39 régler des décisions,
46:41 prendre des décisions
46:43 assez importantes dans un minimum
46:45 de temps, alors que l'affaire
46:47 remonte à deux ans, trois ans,
46:49 ou quelques fois plus.
46:51 -On parle parfois de la jalousie
46:53 de certains magistrats vis-à-vis des avocats.
46:55 Parce que parfois, pas tous,
46:57 ils gagnent mieux leur vie,
46:59 ils gagnent plus leur impression.
47:01 Certains magistrats peuvent considérer
47:03 qu'il y a une forme de lumière,
47:05 peut-être qu'ils désirent...
47:07 Le garde des Sceaux, aujourd'hui,
47:09 n'est pas un magistrat, c'est un avocat dans l'âme.
47:11 Il a eu des mots très durs sur les juges
47:13 lorsqu'il plaidait aux assises.
47:15 Il est aussi le premier ministre
47:17 en exercice à être renvoyé par des magistrats
47:19 devant la Cour de justice de la République
47:21 pour prise illégale d'intérêt dans l'affaire
47:23 des écoutes téléphoniques.
47:25 Malgré les moyens supplémentaires
47:27 de l'avocat, il y a un divorce consommé,
47:29 à votre avis, entre les juges et leur ministre ?
47:31 -Il y a eu un divorce,
47:33 dès le départ. Ils ont déclaré
47:35 que c'était une déclaration de guerre,
47:37 le fait qu'on nomme Eric Dupond-Moretti
47:39 comme garde des Sceaux.
47:41 C'est vrai que le garde des Sceaux
47:43 a peut-être eu des mots maladroits.
47:45 Pour l'avoir suivi, c'est quelqu'un
47:47 qui met ses tripes au milieu du prétoire.
47:49 Donc il met ses tripes au milieu
47:51 de son bureau,
47:53 de l'Assemblée nationale.
47:55 Moi, je serais tenté de dire
47:57 aujourd'hui, on sait
47:59 qui est le garde des Sceaux.
48:01 -Au moins. -Au moins.
48:03 Et il a mis la justice au coeur du débat.
48:05 Il a lancé,
48:07 avec le président Macron,
48:09 des états généraux. Il y a un plan de réforme
48:11 qu'il a présenté début janvier.
48:13 Et vous avez peut-être remarqué
48:15 que les deux syndicats ont dit
48:17 "Ah, il y a des choses intéressantes,
48:19 "regardons". Donc on est dans une période
48:21 où peut-être les rapports vont
48:23 légèrement s'améliorer. -On verra ça.
48:25 Le lien n'est pas complètement rompu.
48:27 D'après vous, les magistrats sur le divan,
48:29 c'est à lire en édition
48:31 poche,
48:33 "Litos". Et puis je voulais
48:35 signaler aussi que Justice en France,
48:37 votre programme sur France 2, sera diffusé prochainement
48:39 sur LCP. Dominique Verdaïen,
48:41 c'est l'heure d'accueillir nos affranchies
48:43 pour leur parti pris. On les accueille
48:45 tout de suite. Isabelle Lasser,
48:47 correspondante diplomatique
48:49 du Figaro. Richard Verli,
48:51 correspondant France-Europe du quotidien
48:53 suisse. Enfin,
48:55 le temps, qu'est-ce que j'allais dire ? Blic !
48:57 Désormais, bonsoir à tous les deux.
48:59 On commence, comme chaque soir, avec
49:01 Bourbon Express, bien sûr. L'histoire du jour,
49:03 à l'Assemblée, nous est racontée ce soir par
49:05 Marco Pommier. Bonsoir, Marco. -Bonsoir,
49:07 Myriam. Ce soir, je vous raconte l'histoire d'une
49:09 visite symbolique et très politique
49:11 près d'un an après le début
49:13 de l'invasion russe en Ukraine. La visite
49:15 de Ruslan Stephanschuk,
49:17 le président de la Rada,
49:19 le Parlement ukrainien.
49:21 Alors, il a vu du beau monde. Emmanuel Macron,
49:23 Elisabeth Borne, le président
49:25 du Sénat, Gérard Larcher, mais aussi
49:27 Yael Broun-Pivet. Il était d'ailleurs, ce matin,
49:29 avec la présidente de l'Assemblée nationale
49:31 au programme. Une visite
49:33 dans un centre d'accueil pour réfugiés
49:35 ukrainiens. La France en a accueilli
49:37 plus de 100 000 depuis le début de la guerre.
49:39 Écoutez Yael Broun-Pivet.
49:41 -On voit des familles
49:43 qui s'intègrent, qui ont
49:45 le désir de pouvoir
49:47 ici s'occuper,
49:49 travailler, avoir
49:51 leur rôle social, être ensemble aussi
49:53 et puis ne pas être,
49:55 et ça, elles l'ont fortement exprimé,
49:57 ne pas être déplacées à nouveau.
49:59 Elles ont retrouvé ici,
50:01 dans ce centre d'accueil,
50:03 un collectif
50:05 qui manifestement leur est cher.
50:07 -Le président du Parlement
50:09 ukrainien, qui était particulièrement
50:11 mis à l'honneur hier pour la séance
50:13 de questions au gouvernement, très applaudi
50:15 par tous les groupes politiques
50:17 qui ont rappelé leur soutien à l'Ukraine.
50:19 C'était la séquence Standing Ovation.
50:21 (Applaudissements)
50:35 Et ce président de la RADA,
50:37 il a remercié la France
50:39 pour son engagement auprès des Ukrainiens,
50:41 pour son aide militaire notamment.
50:43 Il a aussi demandé aux députés français
50:45 de reconnaître la Russie
50:47 comme un Etat terroriste.
50:49 -Il avait un message politique.
50:51 -Cette visite intervient en plein débat
50:53 sur la livraison d'armes lourdes
50:55 à l'Ukraine. La semaine dernière,
50:57 les Etats-Unis, les Allemands
50:59 ou encore les Anglais ont annoncé qu'ils allaient
51:01 livrer des chars à l'armée ukrainienne.
51:03 Alors, qu'a fait le président ukrainien ?
51:05 Il a réclamé les chars français,
51:07 les chars Leclerc, mais pas que.
51:09 -Nous voulons voir
51:11 parmi les Léopards, les Abrams,
51:13 les Challengers,
51:15 les Leclercs français,
51:17 qui nous renforceront au sol,
51:19 mais également
51:21 les Mirages et les Rafales,
51:23 qui ensemble, avec d'autres avions
51:25 de nos alliés, protégeront
51:27 le ciel ukrainien.
51:29 Donnez-nous les avions.
51:31 Donne-nous
51:33 les ailes de notre victoire.
51:35 -Elisabeth Borne
51:37 lui a répondu. La France est prête
51:39 à étudier les demandes supplémentaires
51:41 en termes d'armement. C'est ce qu'elle a dit.
51:43 De quoi inquiéter certains groupes
51:45 à l'Assemblée qui craignent une escalade
51:47 avec la Russie. Jusqu'où ira
51:49 la France dans son soutien à Kiev ?
51:51 C'est la question posée par le Rassemblement
51:53 national, par les Républicains,
51:55 par la France insoumise aussi,
51:57 ou les communistes. D'ailleurs, certains n'ont pas
51:59 hésité à réclamer devant Rousselane Stéphane-Schuck
52:01 une solution diplomatique, c'est-à-dire
52:03 négocier avec Poutine.
52:05 -Nous formons le vœu
52:07 qu'une solution diplomatique soit trouvée
52:09 au plus vite, afin de garantir
52:11 le retour à la paix.
52:13 -Avec la volonté de ne pas devenir
52:15 co-belligérant et de ne pas
52:17 contribuer à une dangereuse
52:19 escalade guerrière par la livraison
52:21 d'armes lourdes offensives.
52:23 -Je vous demande solennellement
52:25 si le président peut faire entendre au monde
52:27 qu'un espoir demeure
52:29 en organisant avec l'ensemble des partis
52:31 une grande conférence pour la paix.
52:33 -Voilà, et face
52:35 à la gravité des enjeux, plusieurs présidents
52:37 de groupes parlementaires ont réclamé
52:39 un débat sur le rôle de la France
52:41 dans cette guerre. -Merci,
52:43 Marco Pommier. Transition toute trouvée.
52:45 Vous les avez suivis, ces visites
52:47 diplomatiques, Isabelle, de très près.
52:49 Vous avez rencontré le président de la RADA, puis aussi
52:51 le ministre de la Défense, monsieur Reznikoff.
52:53 Ils veulent
52:55 des avions de combat, ils veulent nos rafales, c'est ça ?
52:57 -Oui, parce qu'ils en ont
52:59 besoin, en fait. Comme les chars lourds,
53:01 les Ukrainiens ont besoin d'avions
53:03 de chasse pour
53:05 affronter l'offensive annoncée des
53:07 forces russes au printemps, et pour
53:09 tenter de reprendre l'avantage militaire
53:11 alors que leur armée, pour l'instant, piétine
53:13 dans le Donbass. C'est parce que si
53:15 ils savent, les Ukrainiens, que le temps
53:17 joue contre eux, si jamais Vladimir Poutine
53:19 envoie, comme il le dit,
53:21 comme il le promet, un million d'hommes
53:23 supplémentaires sur le terrain, ça va être très
53:25 compliqué de résister pour les Ukrainiens.
53:27 Il y a donc un sentiment
53:29 d'urgence, et c'est pour ça que les responsables
53:31 ukrainiens font la tournée
53:33 des capitales de tous leurs alliés
53:35 pour obtenir davantage
53:37 d'armements. Et la France est une cible
53:39 toute trouvée, puisqu'avec son armée,
53:41 qui est censée être la meilleure d'Europe,
53:43 elle a des armes et elle peut
53:45 en fournir. Emmanuel Macron, lui-même,
53:47 ne l'a pas exclu, puisqu'il a dit, au début,
53:49 "Rien n'est interdit
53:51 par principe." Ça, c'était
53:53 officiellement, et en fait, il a
53:55 aussi rajouté, à condition
53:57 que ça ne provoque pas d'escalade
53:59 supplémentaire, et donc, pour l'instant, il n'y a
54:01 pas de proposition française sur la table.
54:03 - Et les autres pays européens, alors ?
54:05 - Eh bien, ça dépend desquels. Les Pays-Bas
54:07 pourront envoyer des F-16, ils ont affirmé
54:09 qu'il n'y avait pas de tabou en la matière.
54:11 La Pologne et la Slovaquie
54:13 y réfléchissent. En revanche, Joe Biden
54:15 a dit non, carrément non.
54:17 Idem pour le chancelier allemand,
54:19 pour qui la question ne se pose même pas.
54:21 Olaf Scholz redoute
54:23 un risque d'escalade, il redoute aussi
54:25 que Moscou, face à ce
54:27 nouveau palier, provoque une escalade
54:29 supplémentaire en s'en prenant à un pays
54:31 de l'OTAN ou en menaçant
54:33 à nouveau d'utiliser son arme
54:35 nucléaire tactique. Or, les Occidentaux
54:37 ne veulent surtout pas, d'une chose, rentrer
54:39 en guerre avec la Russie. Il y a le même débat, Myriam,
54:41 avec les missiles à longue portée.
54:43 Que se passerait-il,
54:45 pense-t-on, à l'Ouest, si ces missiles
54:47 étaient utilisés, comme les
54:49 avions de chasse, en territoire russe ?
54:51 - Où seraient les territoires russes ? Alors, justement ?
54:53 Ligne rouge, ou pas ? - Pour l'instant,
54:55 les lignes rouges, en théorie, vous savez,
54:57 depuis le début de la guerre, les lignes rouges,
54:59 elles évoluent beaucoup. Pour l'instant, la question ne s'est pas
55:01 posée, parce que les Ukrainiens ont fait extrêmement
55:03 attention de respecter les limites
55:05 qui leur avaient été données par les Occidentaux.
55:07 Et quand ils ont attaqué des bases militaires
55:09 en Russie, c'était avec des drones
55:11 de leur confection.
55:13 Ils savent que l'issue de la victoire,
55:15 d'une éventuelle victoire en Ukraine,
55:17 dépend des armements occidentaux. Ils n'ont
55:19 aucun intérêt à trahir
55:21 la période occidentale. Une fois qu'on a dit ça,
55:23 on peut quand même observer
55:25 que, depuis un an, l'engagement
55:27 occidental a glissé. On a commencé
55:29 à livrer des chars aux
55:31 Ukrainiens, et aujourd'hui, on livre des chars
55:33 lourds, et on s'interroge sur l'opportunité
55:35 d'aller jusqu'aux avions de chasse.
55:37 Alors, ce changement de portage, il s'explique
55:39 par l'attitude de Vladimir Poutine, qui ne veut pas
55:41 négocier, et qui n'a absolument pas reculé
55:43 sur ses buts de guerre, et qui dit être
55:45 en guerre contre... que l'OTAN est en guerre contre
55:47 l'OTAN. Évidemment, il aurait été plus facile
55:49 de l'arrêter quand il a attaqué la Georgie
55:51 en 2008, quand il a annexé
55:53 la Crimée en 2014, ou même au tout début
55:55 de la guerre, quand il a essayé de s'emparer
55:57 de Kiev, mais les Occidentaux,
55:59 à l'époque, ont préféré fermer les yeux.
56:01 Ils payent sans doute, aujourd'hui,
56:03 le prix de leur passivité.
56:05 Aujourd'hui, ils n'ont plus le choix
56:07 que de s'engager davantage auprès des
56:09 Ukrainiens, parce qu'ils ont compris,
56:11 enfin, que les conséquences d'une défaite
56:13 de l'Ukraine seraient trop cutoses
56:15 pour la sécurité de l'Europe, pour la démocratie,
56:17 et pour le droit international.
56:19 - Merci beaucoup, c'était très clair.
56:21 Merci, Isabelle.
56:23 Richard, on enchaîne avec vous. Vous vouliez nous parler
56:25 d'une info qui est passée un peu sous les radars
56:27 parce qu'elle est un peu écrasée par la réforme
56:29 des retraites, c'est les tarifs de l'électricité.
56:31 Ça va encore augmenter
56:33 au 1er février, donc aujourd'hui,
56:35 en moyenne de 15%, et vous nous dites ce soir
56:37 que ce ne sont pas forcément les conséquences
56:39 du conflit en Ukraine, c'est aussi
56:41 pour des raisons européennes. - Alors, en tout cas,
56:43 c'est les deux, et à propos de l'augmentation, vous savez
56:45 qu'en France, il y a quand même le bouclier tarifaire
56:47 qui a, grosso modo, protégé
56:49 les usagers français. Mais effectivement, il y a une question
56:51 j'en suis sûr que tout le monde s'est posé ici,
56:53 et nos téléspectateurs, c'est pourquoi
56:55 nos factures d'électricité ont explosé
56:57 à ce point il n'y a pas si longtemps.
56:59 J'étais dans une boulangerie, ils avaient affiché
57:01 leurs factures, c'était près de
57:03 20 000 euros. Alors, il y a bien sûr
57:05 les raisons qu'on connaît, c'est-à-dire
57:07 la coupure du gaz russe, etc.,
57:09 mais il y a aussi de vrais dysfonctionnements
57:11 du marché européen,
57:13 de l'électricité, qui remontent à
57:15 1996, depuis on essaye de faire converger
57:17 l'approvisionnement électrique,
57:19 officiellement, pour faire baisser les prix.
57:21 Alors moi, j'attendais depuis des mois
57:23 qu'un rapport se penche
57:25 sur les dysfonctionnements de ce marché
57:27 européen, l'électricité. Et rien ne venait,
57:29 le credo de Bruxelles s'est resté
57:31 "on est beaucoup mieux lotis
57:33 ensemble", vous vous souvenez, on a acheté les vaccins
57:35 ensemble, ça allait beaucoup mieux, etc.,
57:37 etc. Eh bien, voilà que la Cour des Comptes
57:39 de l'Union européenne basée à Luxembourg,
57:41 elle s'est réveillée, et dans un rapport
57:43 qui a été publié hier, elle détaille
57:45 toutes les entraves que ce marché
57:47 européen de l'électricité qui était supposé
57:49 les enlever, eh bien toutes les entraves
57:51 qu'il a rajoutées. Elle montre
57:53 combien la concurrence n'a pas été
57:55 efficace, elle montre combien il n'y a pas
57:57 eu une absence de convergence, trop de réglementations,
57:59 trop d'opportunités, surtout,
58:01 pour les revendeurs d'énergie,
58:03 qui sont venus sur ce marché, ils étaient supposés
58:05 investir, eux aussi, pour produire de l'électricité,
58:07 ils n'ont pas du tout fait ça, ils ont juste fonctionné
58:09 comme des grossistes, ils ont acheté de l'électricité,
58:11 ils ont profité des prix à la hausse,
58:13 et ils l'ont revendue. Alors, le problème,
58:15 c'est que, on sait que les tarifs
58:17 ont augmenté à cause de l'Ukraine, mais il faut bien
58:19 le dire, ils ont augmenté aussi parce que
58:21 l'Europe n'a pas su gérer son marché de l'électricité,
58:23 en clair, les Etats membres ont pris
58:25 une sacrée décharge. - Est-ce qu'il faudrait pas
58:27 renationaliser ce bien commun
58:29 de l'électricité ? - Non, ce qu'il faut faire,
58:31 c'est le ménage. L'électricité, c'est
58:33 un bien commun, on s'en aperçoit, elle est
58:35 indispensable pour nous, pour l'économie,
58:37 alors basta les commerçants
58:39 d'électricité qui ne produisent rien.
58:41 C'est aux électriciens européens de
58:43 s'unir, à eux de converger, d'investir
58:45 ensemble et surtout de s'interconnecter.
58:47 C'est à eux aussi d'adopter
58:49 un même prix qui ne doit pas être indexé seulement
58:51 sur le gaz, comme c'était jusque-là
58:53 le cas dans beaucoup de pays. Donc, tout
58:55 ne va pas si mal, attention, dans l'Europe unie.
58:57 Par exemple, en 2022,
58:59 on a eu un pic d'énergie renouvelable
59:01 à plus de 20% du mix énergétique,
59:03 c'est une réussite, on va dans
59:05 la bonne direction, celle d'une économie décarbonée,
59:07 mais halte à la spéculation,
59:09 le moment, c'est fini d'en finir avec ce bug,
59:11 il faut éviter les courts-circuits.
59:13 Bravo, quelle chute ! En voilà un
59:15 parti pris, merci. Quelque chose
59:17 me dit que ça prendra encore un petit peu de temps.
59:19 Voilà, la grande réforme de la
59:21 tarification de l'électricité en Europe, merci beaucoup.
59:23 Merci à vous. Dominique Verdailleur de nous avoir accompagnés
59:25 pour cette émission.
59:27 À demain, même lieu, même heure.
59:29 (Générique)
59:45 [SILENCE]

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