• l’année dernière
Nathalie Kosciusko-Morizet est auditionnée par la commission d'enquête LR, mise sur pied pour faire la lumière sur les « causes de la perte d'indépendance et de souveraineté » de la France dans le domaine de l'énergie. L'ex-ministre de l'Ecologie a été notamment chargée par Nicolas Sarkozy de mettre en oeuvre la loi du « Grenelle de l'environnement » mais aussi l'approfondissement de la sûreté des centrales nucléaires françaises, à la suite de la catastrophe de Fukushima au Japon. Retrouvez l'intégralité de cette audition sur LCP Assemblée nationale.

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00:00:00 Voilà, bonjour à toutes et à tous.
00:00:03 Nous accueillons cet après-midi pour la poursuite de nos travaux de la Commission d'enquête
00:00:11 visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique
00:00:15 de la France, Madame Kossusko-Morizet.
00:00:17 Normalement, elle nous entend puisqu'elle est présente en visio.
00:00:22 Ah ben voilà, formidable, j'en ai devant moi.
00:00:24 Depuis New York, où ces nouvelles activités l'ont conduite.
00:00:29 Nous vous remercions, Madame Kossusko-Morizet, d'avoir accepté de participer à nos travaux
00:00:37 malgré la distance et de venir témoigner de vos fonctions ministérielles passées
00:00:43 dans le domaine de l'écologie.
00:00:45 Nous vous remercions d'accepter cet échange depuis les Etats-Unis, malgré le décalage
00:00:50 horaire, qui fait, il me semble, qu'il est beaucoup plus tôt chez vous que chez nous.
00:00:54 Au cours d'auditions précédentes, nous avons évidemment parlé des sujets français.
00:01:04 L'Inflation Reduction Act a également été évoqué, laissant rêveurs ou songeurs, en
00:01:13 fonction des points de vue, qu'il s'agisse de relocalisation, de transition énergétique
00:01:18 ou bien parfois d'ajustement budgétaire.
00:01:21 Ce sont des sujets qui ont aussi un petit peu illustré nos travaux.
00:01:25 Peut-être que votre position nous permettra de l'aborder en marge de nos échanges.
00:01:30 La commission d'enquête que j'ai l'honneur de présider tente de comprendre le processus
00:01:36 de décision aboutissant à la définition d'une politique énergétique, à ses objectifs
00:01:41 au degré de prise en compte de son caractère stratégique pour la souveraineté et l'indépendance
00:01:46 d'un pays comme la France.
00:01:47 Nous voulions pouvoir vous entendre, partager avec nous votre expérience dans ce domaine,
00:01:52 la répartition des attributions ministérielles, entraînant parfois des enchevêtrements de
00:01:57 compétences complexes à démêler, aussi bien après coup que dans l'exercice j'imagine.
00:02:04 Nous avons ainsi appris comment évoluer la compétence en matière minière et comment
00:02:09 un observatoire peut en remplacer un autre créé 12 ans plus tôt.
00:02:13 Je pense là au comité pour les métaux stratégiques, institué par décret en 2011.
00:02:17 Or, vous avez géré une partie du dossier complexe du gaz de schiste et ouvert le chantier
00:02:22 de la réforme du code minier en votre temps.
00:02:25 Vous avez aussi participé à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement.
00:02:29 Nous avions à ce titre auditionné la semaine dernière Jean-Louis Borloo.
00:02:33 Lorsque vous étiez député, vous avez observé le kilowattheure le moins cher, qui était
00:02:38 celui que l'on ne consommait pas, et vous avez aussi considéré que les réacteurs à
00:02:43 neutrons rapides répondaient à une logique écologique.
00:02:46 Pouvez-vous ainsi, Madame la Ministre, nous indiquer la place et le rôle de la secrétaire
00:02:52 d'État que vous avez été, ou de la ministre chargée de l'écologie, dans la définition
00:02:57 des politiques publiques relatives à l'énergie ?
00:03:00 Avant de vous laisser la parole pour un exposé liminaire, il me revient de vous demander
00:03:07 de bien vouloir prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité,
00:03:12 en application des textes qui régissent la vie parlementaire.
00:03:17 Voilà, je vous prie de bien vouloir vous plier à ce formalisme et puis je vous laisserai
00:03:22 la parole.
00:03:23 Je le jure.
00:03:25 Merci beaucoup.
00:03:26 Eh bien, je vous laisse la parole pour un propos liminaire.
00:03:29 On va regarder tout droit, on vous voit aussi ici.
00:03:31 Merci, Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur, Mesdames et Messieurs les députés,
00:03:39 pour votre invitation et merci pour la souplesse qui permet de le faire en Zoom.
00:03:45 Les semaines pendant lesquelles vous auditionnez étaient des semaines pendant lesquelles je
00:03:50 ne revenais pas à Paris, ce qui m'arrive quand même de temps en temps, mais même
00:03:54 pas celle-ci.
00:03:55 J'ai reçu un questionnaire pour orienter le propos liminaire, donc j'ai pris bonne
00:04:00 note des questions de la commission.
00:04:01 Je vais tâcher d'y répondre.
00:04:02 Je cherche pour vous peut-être de prolonger par des questions si mes réponses ne touchaient
00:04:10 pas complètement la cible.
00:04:11 L'essentiel de mon activité comme secrétaire d'État, puis comme ministre sur les questions
00:04:19 énergétiques s'est organisé autour de trois pôles que vous avez esquissés dans
00:04:25 votre propre propos liminaire.
00:04:26 Le grenelle de l'environnement, en effet, donc d'abord sa conception et sa négociation
00:04:31 quand j'étais secrétaire d'État en 2007-2008, et puis ensuite sa mise en œuvre quand j'étais
00:04:37 ministre entre 2010 et 2012.
00:04:39 L'accident de Fukushima et la gestion de ses suites comme ministre en charge de la
00:04:45 sûreté nucléaire entre 2010 et 2012.
00:04:48 Et puis d'autres sujets, des sujets de politique énergétique qui comportaient de manière
00:04:55 évidente une dimension environnementale majeure, comme le gaz de schiste que vous avez évoqué
00:05:00 entre 2006 et 2012.
00:05:02 Je précise ça parce que certains sujets d'intérêt pour la Commission ne relevaient pas ou pas
00:05:10 totalement mes attributions.
00:05:11 Par exemple, le nucléaire, comme la chasse, avait été sorti du champ du grenelle.
00:05:18 Ce qui ne veut pas dire que c'est un fait que le nucléaire fait partie du paysage énergétique
00:05:24 français, mais il avait été décidé et accepté qu'il n'y aurait pas de groupe de négociation
00:05:30 en tant que tel sur le nucléaire dans le grenelle de l'environnement.
00:05:34 Et par ailleurs, après, en 2010, quand j'ai repris le Grand Ministère, toute la dimension
00:05:41 marché de l'énergie a été rattachée à Bercy pour des raisons qui d'ailleurs ne
00:05:45 sont pas sans rapport avec les travaux de votre Commission.
00:05:50 Concrètement, si on s'intéresse au nucléaire, je me suis occupée du nucléaire sous l'angle
00:05:55 de la sûreté comme ministre et en dehors du grenelle.
00:06:01 Ça ne m'empêche pas d'avoir un point de vue personnel sur certaines des questions
00:06:04 qui ont été abordées par votre Commission, mais je crois honnête de préciser qu'elles
00:06:09 n'étaient pas pour certaines totalement dans mon champ ministériel.
00:06:13 Je vais reprendre, si vous voulez bien, les trois angles que je décrivais, qui sont ceux
00:06:17 par lesquels j'ai abordé les politiques énergétiques, en commençant par le grenelle.
00:06:21 J'en parle avec certaine légitimité, si vous permettez, parce que j'ai conçu le
00:06:28 projet dans la campagne de Nicolas Sarkozy, en fait en 2006.
00:06:33 À l'époque, on a choisi le nom qui écho à une quête de légitimation que je ressentais
00:06:42 dans les milieux d'ONG que je fréquentais, une quête de légitimation que je trouvais
00:06:46 par ailleurs recevable.
00:06:48 Les ONG aspiraient à avoir un statut qui soit l'équivalent de celui des syndicats.
00:06:53 C'est la convergence entre cette demande et le désir de lancer un grand programme
00:07:03 de transformation écologique qui a abouti au projet du grenelle de l'environnement,
00:07:08 et notamment à ce nom grenelle, qui rappelait de manière explicite les accords de grenelle.
00:07:13 C'est aussi en écho à cette demande de légitimation qu'ont été conçues d'autres
00:07:18 mesures que vous trouviez dans la campagne du candidat et futur président, par exemple
00:07:23 la transformation du Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental.
00:07:29 Je me suis occupé de la conception du projet comme responsable de l'environnement dans
00:07:35 la campagne du candidat.
00:07:36 Je me suis occupé de sa négociation comme secrétaire d'État essentiellement à l'automne
00:07:43 2007.
00:07:44 Et puis finalement, quand je suis revenue au ministère en 2010, j'ai mené une partie
00:07:50 de sa mise en œuvre, puisqu'à l'époque les lois grenelles avaient été votées,
00:07:53 mais il restait largement à sortir toute la partie réglementaire.
00:07:57 Et puis il y avait toutes sortes de choses qui étaient par ailleurs non législatives
00:08:01 ou réglementaires qu'il fallait tout simplement directement mettre en œuvre.
00:08:06 J'en parle avec une petite légitimité, j'en parle aussi avec une certaine passion,
00:08:09 parce que je reste persuadée, plus de dix ans après, que nous avons façonné une démarche
00:08:16 qui était à la fois innovante et utile, et qui a permis de déchirer quelques-uns
00:08:23 de ces corsets dans lesquels on enferme ou s'enferme, ou se trouve enfermer, les politiques
00:08:30 publiques, de sortir un certain nombre d'acteurs de leur posture.
00:08:33 Ça faisait du bien à tout le monde, et tout ça, je crois, pour le meilleur bénéfice
00:08:39 des politiques environnementales et même du pays.
00:08:41 La méthode du Grenelle, c'est de mettre tout le monde autour de la table, dans des
00:08:44 collèges, on appelle ça des collèges, les ONG, l'État, les élus, les entreprises,
00:08:49 les syndicats, et de s'accorder sur des politiques coopératives qui dépassent les
00:08:53 querelles historiques.
00:08:54 C'est une des raisons pour lesquelles on avait d'emblée sorti certains sujets du
00:08:58 Grenelle, je citais le nucléaire, la chasse et les OGM, parce qu'on savait qu'en fait
00:09:02 il était peu probable qu'on parvienne à des politiques coopératives sur le sujet.
00:09:10 Les questions énergétiques dans le Grenelle étaient plus particulièrement traitées
00:09:15 par le groupe 1, donc les négociations étaient réparties entre différents groupes de travail
00:09:21 auxquels participaient tous les collèges que j'ai cités.
00:09:23 Donc le groupe 1 s'appelait « Lutter contre les changements climatiques et maîtriser
00:09:29 la demande d'énergie ».
00:09:30 Il y avait des ateliers à l'intérieur de ce groupe, il y avait l'atelier transport,
00:09:33 il y avait l'atelier urbanisme bâtiment, il y avait l'atelier production et stockage.
00:09:37 Je cite ce fait parce que je pense que le seul titre de ce groupe 1 répond en creux
00:09:44 à certaines des questions de la commission pour la période 2007-2012, pendant laquelle
00:09:51 l'efficacité énergétique et la maîtrise de la consommation ont été sur le devant
00:09:57 de la scène et en tout cas au cœur des travaux du Grenelle.
00:10:01 Ce qui ne veut pas dire qu'on n'a pas parlé ou travaillé sur la production, mais
00:10:06 c'était en quelque sorte second.
00:10:07 On a fait beaucoup sur le sujet de l'efficacité énergétique dans le cadre de ce groupe que
00:10:13 j'ai cité, comme dans le cadre d'ailleurs des groupes transports, des groupes bâtiments.
00:10:18 Je peux citer quelques mesures qui rappelleront des souvenirs, peut-être pour dresser un
00:10:23 peu la scène.
00:10:24 Le bonus/malus sur les véhicules individuels, l'éco-taxe sur le transport routier, qui
00:10:29 était une des choses auxquelles j'ai beaucoup travaillé, qui a malheureusement été abandonné
00:10:33 par la suite pour de très mauvaises raisons, que je déplore.
00:10:37 La nouvelle réglementation thermique sur les bâtiments, l'éco-prêt sur le logement
00:10:43 social.
00:10:44 Je ne vais citer que quelques mesures structurantes qui ont été conçues et mises en œuvre
00:10:52 dans cette période de 5 ans.
00:10:53 Parmi toutes ces mesures d'efficacité énergétique, il y en a quelques-unes qui concernent de
00:10:59 plus près l'objet de votre commission.
00:11:02 D'une certaine manière, toutes les mesures qui ont un impact sur l'efficacité énergétique
00:11:05 me semblent pertinentes pour votre objet, mais il y en a quelques-unes qui ont probablement
00:11:10 un impact plus net et elles ont souvent été portées par l'ADEME.
00:11:17 On a profité du Grenelle de l'environnement pour revivifier un peu l'ADEME, lui donner
00:11:23 une direction, je ne parle pas de personne, je parle de direction en sens d'orientation
00:11:27 stratégique, lui donner une orientation stratégique plus claire et lui donner de nouveaux moyens.
00:11:31 Je vais en citer trois.
00:11:33 Le fonds démonstrateur, c'était quelque chose qui existait sous une forme, il y avait
00:11:44 un embryon de ça, mais c'était 50 millions en 2008, c'est passé à 400 millions sur
00:11:51 4 ans et c'était destiné à faire passer à la phase d'industrialisation des innovations,
00:11:59 notamment certaines dans le domaine énergétique.
00:12:00 On a lancé le fonds chaleur qui lui n'existait pas, il n'y avait carrément pas d'embryon
00:12:05 de ça, avec un milliard sur la période 2009-2011, un fonds largement destiné aux entreprises
00:12:12 pour développer la chaleur renouvelable, les réseaux de chaleur, la valorisation de
00:12:16 la biomasse.
00:12:17 On a relancé le fonds déchet et surtout on l'a réorienté parce qu'il était essentiellement
00:12:25 consacré à l'aide aux incinérateurs et on l'a réorienté vers des projets qui
00:12:30 faisaient meilleure place au recyclage.
00:12:33 Encore une fois, tout ça ne signifie pas qu'on ne s'est pas occupé de production
00:12:36 d'énergie dans le Grenelle, mais le sujet venait clairement après un objectif affiché
00:12:45 qui était d'abord de se concentrer sur la maîtrise de la consommation.
00:12:50 En matière de production, on a quand même parlé, on a visé un doublement de la part
00:12:57 des ENR d'ici 2020.
00:12:58 Comme vous le savez, un doublement c'est en fait très ambitieux parce que tous ces
00:13:04 calculs prennent en compte la part de l'hydroélectricité, donc c'est un beaucoup plus que le doublement
00:13:12 des énergies renouvelables non hors hydroélectricité.
00:13:18 Si on rentre dans le détail de ce doublement, il y avait la multiplication par deux du bois-énergie,
00:13:26 il y avait beaucoup de flots sur les réseaux de chaleur, il y avait bien sûr du photovoltaïque.
00:13:32 Un quart de tout ça devait passer par le fonds chaleur dont j'ai parlé précisément
00:13:36 et par exemple on multipliait par cinq les compléments qui étaient adoptés au contrat
00:13:40 de plan Etat-région.
00:13:41 Il y avait des aides puissantes sur ce sujet.
00:13:47 Il y avait aussi des mesures non directement financières, budgétaires, d'aide.
00:13:54 Par exemple, on a étendu à toutes les collectivités et plus seulement aux communes la possibilité
00:14:01 de bénéficier du tarif de rachat d'énergie renouvelable.
00:14:04 Alors ça n'a l'air de rien, mais ça permettait, comme vous le savez, de faire entrer les collèges,
00:14:07 les lycées, ce genre d'institutions dans le champ de cette nouvelle politique publique.
00:14:17 C'est peut-être le moment d'aborder une dimension qui a véritablement fait mon obsession
00:14:26 à moi, en tout cas lors du Grenelle de l'environnement, tout au long du Grenelle et d'ailleurs au-delà
00:14:30 du Grenelle, dans l'ensemble de ma pratique ministérielle, et dont j'ai eu l'impression
00:14:35 qu'elle était peu présente dans vos travaux, ce que je peux comprendre d'ailleurs, parce
00:14:39 que je trouve que c'est important et que ça devrait avoir une place, comme par ailleurs
00:14:46 l'efficacité énergétique.
00:14:47 Il s'agit du couplage des objectifs environnementaux avec la politique en faveur de l'emploi,
00:14:54 comme du couplage de la politique énergétique avec la politique industrielle ou avec ce
00:15:00 qu'il en reste.
00:15:01 Si je me réfère au titre de votre commission, et je crois que ça a été évoqué, l'indépendance
00:15:09 énergétique stricto sensus, c'est sans doute inatteignable, c'est quelque chose
00:15:16 d'un peu fantasmé.
00:15:18 La souveraineté, c'est un concept important, c'est un concept un peu subjectif et c'est
00:15:24 un concept qui est fortement corrélé avec d'autres dimensions comme la compétitivité
00:15:29 et je crois important dans tout ça que les politiques énergétiques, qui sont tellement
00:15:34 centrales dans une économie, aient un sens au-delà de celui qu'on cherche ici, un
00:15:45 sens économique, social, industriel.
00:15:47 Et comme je le disais, ça a été mon obsession dans le Grenelle, au-delà des objectifs environnementaux,
00:15:54 tisser des liens.
00:15:55 C'était cohérent avec ce que je décrivais tout à l'heure, de mettre tous les collèges
00:16:00 autour de la table, les syndicats, les entreprises.
00:16:03 Ce n'était pas juste une série de mesures environnementales, c'était une politique
00:16:09 globale qui tissait des liens vers l'économique, vers le social, vers d'autres dimensions.
00:16:13 Et on a eu des réussites en la matière, par exemple les 10 000 emplois créés par
00:16:18 le Fonds FALEUR et à ce titre, je suis particulièrement fière de la politique en faveur de l'éolien
00:16:23 en mer que j'ai lancée de mémoire au début 2011, franchement de la moquerie générale
00:16:29 à l'époque.
00:16:30 Alors maintenant, comme les beaux bébés, elle a beaucoup de pères revendiqués et
00:16:35 je pense qu'elle est intéressante parce qu'elle dessine aussi en creux d'autres
00:16:38 échecs, d'autres politiques qui ont été moins faciles.
00:16:41 Ce qu'on a fait pour l'éolien en mer, c'est qu'on a fait des appels d'offres
00:16:46 très travaillés, sur lesquels la Commission européenne a largement fermé les yeux.
00:16:51 On a intégré des critères de production locale sur lesquels la France a tenu bon et
00:16:58 on a réussi à travers ça à développer une vraie base de production française et
00:17:03 européenne, une vraie industrie de production locale.
00:17:08 Je disais que c'était important parce qu'il y a d'autres sujets sur lesquels
00:17:13 on a eu moins de succès, par exemple sur l'éolien terrestre, en matière industrielle
00:17:18 j'entends, sur l'éolien terrestre probablement parce qu'on partait plus tard, que les volumes
00:17:22 français étaient faibles au regard du marché européen, ce sont les Allemands et les Danois
00:17:28 qui ont été les grands bénéficiaires de la montée en puissance de l'éolien terrestre
00:17:36 en termes industriels.
00:17:37 Sur le solaire, on a fait le moratoire, moi j'ai fait le moratoire, pour des raisons
00:17:44 financières comme tous les États européens, mais aussi pour des raisons industrielles
00:17:50 parce qu'en fait, telle qu'elle avait été mise en place, la politique en faveur
00:17:54 du solaire, c'était beaucoup de subventions payées largement sur les générations futures
00:18:00 parce que c'était un cadre de subventions dans le long terme qui profitait à des emplois
00:18:07 qui étaient seulement des emplois d'installation et de maintenance et sans développement d'une
00:18:13 base industrielle puisque c'était largement et même de plus en plus des panneaux importés.
00:18:19 Donc on a remis ça à plat en faisant des appels d'offres avec des critères bas carbone
00:18:25 pour favoriser la production locale.
00:18:27 On a même mis en place un critère de bilan carbone pour essayer de contourner les règles
00:18:33 de l'Organisation mondiale du commerce et de limiter les importations de panneaux chinois
00:18:37 et d'essayer de booster un peu l'industrie nationale.
00:18:41 Donc on prenait en compte dans l'évaluation du bilan carbone d'un champ solaire, on prenait
00:18:49 en compte l'impact carbone de la production mais aussi du transport de ces panneaux depuis
00:18:57 sa base de production.
00:18:59 Ça a moins bien marché que pour l'éolien en mer et j'ai vu, au fil des années, que
00:19:09 les appels d'offres se faisaient de plus en plus sans ces critères bas carbone.
00:19:14 J'étais plus en charge mais les gens auxquels j'en ai parlé m'ont dit que la Commission
00:19:20 européenne avait été très dure sur ce sujet, probablement pour plusieurs raisons.
00:19:24 L'éolien en mer c'est plus gros donc c'est plus facile d'avoir des critères de localisation,
00:19:29 de les justifier.
00:19:30 Il y a un critère de maturité, l'éolien en mer c'était émergent, la Commission européenne
00:19:36 a été sensible à l'argument, c'est émergent, on a besoin d'avoir une base locale.
00:19:41 Et puis on bénéficiait aussi de la géographie puisqu'on a un plateau continental très
00:19:44 plat et donc il y avait un sens particulier à développer une industrie nationale de
00:19:52 l'éolien en mer.
00:19:53 Je note d'ailleurs qu'on est en train de poursuivre la même voie que celle qu'on a
00:19:56 engagée sur l'éolien en mer avec l'éolien flottant, ce qui est bien si c'était confirmé.
00:20:02 Votre questionnaire comportait une question spécifique sur les investissements dans la
00:20:08 recherche et dans les énergies renouvelables.
00:20:11 Il y a deux poches d'investissement qui me semblent pertinentes pour répondre à cette
00:20:17 question.
00:20:18 D'abord, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, alors c'est assez curieux, mais dans le
00:20:24 cadre du Grenelle de l'environnement, en matière d'énergie, l'essentiel des crédits,
00:20:34 vraiment des crédits directs, je ne parle pas des appels d'offres qu'on a lancés
00:20:37 après, des politiques de soutien aux énergies renouvelables, mais l'essentiel des subventions
00:20:42 directes sont allées au nucléaire, précisément au projet Astrid, au réacteur Orovis.
00:20:49 Il y a eu un petit peu sur les déchets radioactifs, je crois qu'il y a eu un petit peu sur
00:20:53 l'ANDRA, les méthodes innovantes de gestion de déchets, peut-être un petit peu sur l'IRSN.
00:21:00 C'était un milliard en tout, et en matière d'investissement direct dans la recherche,
00:21:09 c'était pour l'essentiel de la recherche en matière de nucléaire.
00:21:14 Je disais qu'on peut considérer que c'est une bizarrerie, parce que j'ai dit plus tôt
00:21:17 que le nucléaire ne faisait pas partie du Grenelle, le nucléaire ne faisait pas partie
00:21:19 du sujet de négociation du Grenelle, mais les programmes d'investissement eux-mêmes
00:21:23 étaient des programmes publics qui n'ont pas proprement parlé, été discutés dans
00:21:27 les groupes de travail, qui étaient plutôt des choix consulaires de l'État, ce qui
00:21:32 explique cette particularité.
00:21:35 Il y a eu des choses hors nucléaire en matière de recherche néanmoins dans le Grenelle.
00:21:42 J'ai cité par ailleurs le Fonds démonstrateur de l'ADEME, dans lequel il y avait des projets
00:21:48 d'énergie nouvelle, et puis je me suis personnellement occupée d'investissement dans la recherche
00:21:55 et les ONA en dehors du Grenelle, par exemple à travers le PIA, le programme d'investissement
00:22:02 d'avenir, dans lequel on a fait, à l'époque, de l'économie circulaire, on a fait des
00:22:08 démonstrateurs sur les smart grills, les batteries, les procédés industriels moins
00:22:13 polluants, comme autour de la récupération de chaleur, des constructions performantes
00:22:18 énergétiques.
00:22:19 En fait, on a fait beaucoup de choses dans le cadre du PIA à l'époque, sur les économies
00:22:22 d'énergie.
00:22:23 Je crois qu'après, ça a été un petit peu réorienté, justement, il y a eu plus
00:22:27 d'éoliens en mer, il y a eu plus de flotteurs, il y a eu plus d'hydrogène, mais à l'époque,
00:22:32 les moyens du PIA en matière énergétique étaient, en cohérence d'ailleurs avec ce
00:22:37 qu'on faisait avec le Grenelle, assez fortement orientés sur l'efficacité énergétique.
00:22:43 Je vais parler ici de tout ce qui, dans le Grenelle, me semblait pertinent pour répondre
00:22:52 à vos questions.
00:22:53 Comme j'ai dit en introduction, la régulation du marché, les grands opérateurs de l'énergie
00:22:59 n'étaient pas de mon ressort, ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas interagi avec
00:23:05 eux, mais avec d'autres lentilles, et notamment sur la question de la production des nouveaux
00:23:15 carburants et sur celle du gaz de schiste.
00:23:17 Donc, c'est un deuxième volet, et vous l'avez signalé conséquemment aux travaux sur le
00:23:25 gaz de schiste, le lancement de la réforme du code minier.
00:23:30 Je suis intervenue sur le gaz de schiste vraiment avec la casquette environnementale, considérant
00:23:37 que les conditions d'exploitation à l'époque ne remplissaient pas nos critères de qualité,
00:23:43 qui posaient aussi des problèmes propres à notre géographie.
00:23:46 Je ne vais pas vous refaire les débats de l'époque qui ont été assez denses et agités,
00:23:53 mais il y avait à la fois des critères environnementaux, beaucoup d'arguments autour de la protection
00:24:00 des nappes phréatiques, autour de la protection des ressources en eau.
00:24:04 Je considère d'ailleurs que les récentes évolutions sur le front de la ressource en
00:24:09 eau nous donnent totalement raison si certains avaient un doute.
00:24:12 Donc, ça a été des motifs pour suspendre, en fait annuler, les permis sur le gaz de
00:24:21 schiste.
00:24:22 Et puis, conséquemment, on s'est rendu compte que ces permis avaient été donnés dans des
00:24:24 conditions qui étaient certes légales, mais qui étaient quand même problématiques au
00:24:28 regard des nouvelles exigences de l'esprit du Grenelle, par exemple, en matière de transparence,
00:24:36 parce que le Code minier procédait de logique qui était ancienne à cet égard.
00:24:43 Et donc, on a conséquemment lancé une réforme du Code minier.
00:24:49 Pour finir, je vous ai parlé du Grenelle et de l'environnement, je vous ai parlé
00:24:56 de sujets énergétiques hors Grenelle, par exemple, le gaz de schiste et la réforme
00:25:01 du Code minier.
00:25:02 Pour finir, je peux vous dire un mot en réponse à vos questions sur la sûreté nucléaire
00:25:09 et sur les conséquences de l'accident de Fukushima.
00:25:12 Pour le coup, ce sont des sujets qui relevaient totalement des attributions dans la période
00:25:16 2010-2012, totalement et exclusivement.
00:25:19 L'accident de Fukushima a eu lieu en mars 2011.
00:25:25 Il a suscité un certain nombre de réactions, de réflexions sur sa prise en compte, ce
00:25:38 qui est tout à fait normal.
00:25:39 C'est normal et sain qu'un accident appelle un retour d'expérience et éventuellement
00:25:45 un ajustement.
00:25:46 D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que la création de l'autorité de
00:25:50 sûreté nucléaire, la SN, dans sa forme actuelle, a été une conséquence tardive
00:25:56 de Tchernobyl et de tous les débats et même les polémiques qui ont suivi Tchernobyl.
00:26:01 Après l'accident de Fukushima, ce n'est pas tant la gouvernance, comme ça avait été
00:26:08 le cas pour Tchernobyl, vous vous souvenez, il y avait eu tout ce débat sur la transparence,
00:26:15 sur la communication aux populations après Tchernobyl.
00:26:19 Après l'accident de Fukushima, ce n'est pas tellement là qu'il y a eu polémique,
00:26:25 débat et finalement ce n'est pas la gouvernance qui a réclamé un ajustement.
00:26:29 De fait, l'accident de Fukushima a mis en évidence le contraste entre le système français
00:26:38 et la situation japonaise, où la société Tepco, qui était exploitante du site, était
00:26:43 totalement imbriquée dans les rouages de l'État et de la sûreté.
00:26:49 Ça m'avait énormément frappé lors d'un voyage que j'ai fait quelques semaines après
00:26:52 l'accident de Fukushima pour rencontrer les homologues.
00:26:54 Il y avait vraiment une imbrigation complète entre production, sûreté et puissance publique
00:27:02 gouvernementale.
00:27:03 L'accident, de certaines manières, a mis en lumière, par contraste, la validité du
00:27:15 système français qui avait été modifié après Tchernobyl, d'une autorité totalement
00:27:24 indépendante et d'une chaîne de décision très structurée.
00:27:32 Donc, rien de spécifique, pas de remise en cause fondamentale sur la gouvernance.
00:27:37 En revanche, des réflexions sur des mesures techniques, mais un peu plus substantielles
00:27:45 que ça, notamment liées à la notion de sur-accident, puisque l'accident de Fukushima,
00:27:53 c'est l'histoire d'un accident qui entraîne un autre accident et d'accidents qui s'enchaînent
00:27:59 les uns les autres.
00:28:00 La notion de sur-accident et la notion de gestion dans le temps de la dynamique d'un
00:28:15 accident.
00:28:16 Concrètement, ce qu'on a fait après l'accident de Fukushima, et une analyse qu'on a essayé
00:28:22 d'avoir la plus complète, rapide, sur la base d'informations qu'on avait, ce n'est
00:28:26 pas très facile, parce que la transparence était quand même loin d'être parfaite autour
00:28:33 de cet accident.
00:28:34 Concrètement, ce qu'on a fait, c'est que j'ai demandé très vite à l'autorité
00:28:40 de sûreté nucléaire des stress tests, qu'on a appelés les évaluations complémentaires
00:28:47 de sécurité.
00:28:48 C'est complètement différent d'un sujet qui soit fait l'objet d'une partie de vos
00:28:56 débats des visites décennales.
00:28:58 D'ailleurs, à l'époque, on avait déjà lancé le travail sur le cahier des charges
00:29:05 pour les visites décennales, y compris les améliorations planifiées.
00:29:08 Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu une prise en compte dans le travail sur les
00:29:13 visites décennales par la suite du retour d'expérience de l'accident de Fukushima,
00:29:17 mais disons qu'il y a eu un temps de réponse à la crise, de réponse rapide, qui a été
00:29:29 juste après l'accident, de demander des stress tests.
00:29:33 La façon dont cela s'est fait, c'est que l'autorité de sûreté nucléaire a produit
00:29:38 un cahier des charges, qui était très directement ciblé sur l'accident et qui appelait à
00:29:43 tirer les conséquences de l'accident.
00:29:47 Dans ce cahier des charges, on parlait d'inondations, tremblements de terre, perte d'approvisation
00:29:54 électrique dans une configuration d'accident, quelle qu'en soit l'origine, au niveau
00:30:00 d'un site de production nucléaire, management opérationnel de la crise.
00:30:04 La SN a produit un cahier des charges qui, autour de ces notions-là, l'opérateur
00:30:13 EDF a été chargé de mener des stress tests sur la base de ce cahier des charges.
00:30:19 Ces stress tests ont été, ces évaluations ont été rendues rapidement à l'automne
00:30:24 2011 et ont provoqué un train de mesures destiné à accroître la robustesse de notre
00:30:33 dispositif en situation de crise.
00:30:36 Donc certaines très évidentes, comme par exemple un générateur diesel par réacteur
00:30:43 résistant, résistant, ça veut dire mis dans des ingénieries particulières en fait,
00:30:51 pour qu'il soit résistant à certains types de tremblements de terre, d'inondations,
00:30:55 de tornades.
00:30:56 La duplication des stockages d'eau pour les plus gros réacteurs du parc, le renforcement
00:31:03 des piscines dans lesquelles on stocke les déchets sur site, qui avait été un des
00:31:07 problèmes à Fukushima.
00:31:09 Et ça c'était des mesures techniques rapides.
00:31:11 Et puis il y en avait d'autres qui étaient peut-être un petit peu plus sophistiquées
00:31:15 et qui visaient à tirer les conséquences de ce qu'avait été l'enchaînement de
00:31:21 l'accident de Fukushima dans la durée.
00:31:23 Par exemple, la mise en place de forces projetées, qu'on a appelées les FARN, les forces d'action
00:31:29 rapide du nucléaire.
00:31:30 Ça c'était une conséquence de ce qu'on avait vu à Fukushima, qui était que sur
00:31:35 le site, les opérateurs se retrouvaient isolés, coupés du monde.
00:31:40 Il n'y avait pas vraiment de commando d'ingénierie d'urgence capable de venir les renforcer.
00:31:52 Tout ça n'était pas vraiment organisé, anticipé.
00:31:55 On a aussi demandé des constructions plus résistantes pour les équipes qui gèrent
00:32:01 l'accident sur le site.
00:32:02 Ça aussi c'est une conséquence directe de Fukushima.
00:32:04 Un des problèmes de Fukushima, c'est que les opérateurs qui sont restés sur le site
00:32:07 se sont retrouvés très exposés, parce que toute cette partie-là, la gestion dans la
00:32:15 durée de l'accident, n'avait pas été bien conçue.
00:32:20 Ça c'était au niveau national.
00:32:22 On a aussi lancé une revue par les pairs en Europe.
00:32:26 Et puis je disais, on avait avant lancé la conception du cahier des charges des visites
00:32:32 des Sénals, et donc il y a eu par la suite l'insertion dans les revues des Sénals
00:32:38 de nouvelles prescriptions.
00:32:40 Et j'en finis par là, c'est une différence intéressante entre la doctrine française
00:32:44 en matière de sûreté nucléaire et d'autres pays, par exemple aux États-Unis, ils ne
00:32:48 font pas ça.
00:32:49 Nous en France, on considère qu'on doit pouvoir améliorer au fil du temps et du progrès
00:33:00 technologique le niveau de sûreté nucléaire, y compris pour un réacteur existant.
00:33:06 Donc par exemple, les visites des Sénals prévoient la mise à niveau d'un réacteur
00:33:14 dans la mesure du possible, avec un niveau de sûreté au plus proche de ce qu'on pourrait
00:33:19 attendre d'une troisième génération, alors même qu'on parle de réacteurs de deuxième
00:33:23 génération.
00:33:24 Je souligne parce que c'est un choix, c'est un choix d'une certaine manière, là ça
00:33:29 va au-delà de la question technique, il y a une dimension politique dans ce choix.
00:33:33 Aux États-Unis, ils ne font pas ça comme ça.
00:33:34 Aux États-Unis, leur visite, c'est le maintien d'un niveau de sûreté qui a été prévu
00:33:40 au moment du lancement de l'exploitation du dit réacteur, mais ce n'est pas la montée
00:33:51 en puissance, en quelque sorte, du niveau de sûreté au fil du temps.
00:33:55 Ça a eu des conséquences, ce que je dis là, par exemple sur les réflexions, en tout
00:34:00 cas dans la partie technique, parce que la vérité c'est que ça a été essentiellement
00:34:03 politique, mais dans la partie technique de ces réflexions, ça a eu des conséquences
00:34:07 sur les discussions autour de la centrale de Fessenheim.
00:34:11 Voilà, pardon, je suis consciente que j'ai fait un propos liminaire un peu long, mais
00:34:15 vous aviez beaucoup de questions, et donc j'arrête, je suis à vous.
00:34:20 Merci beaucoup Madame la Ministre.
00:34:24 Aucune difficulté sur la durée du propos liminaire, bien au contraire, je crois que
00:34:28 c'est ce qui nous permet aussi d'entrer dans le sujet et dans la période pendant
00:34:32 laquelle vous avez exercé vos responsabilités.
00:34:35 J'aurais du coup une première série de questions qui est vraiment propre au Grenelle,
00:34:43 avec un sujet que vous avez abordé, qui était finalement, de ce que je comprends de vos
00:34:48 propos liminaires, quasiment un objectif du Grenelle, c'est-à-dire de mettre autour
00:34:52 de la table et de légitimer dans le tour de table des acteurs qui jusque-là n'étaient
00:34:58 pas forcément dans les institutions publiques, donc les ONG environnementales, on pourra tout
00:35:07 à l'heure parler de leurs qualifications.
00:35:08 C'est quelque chose que les syndicats ont abordé lorsque nous les avons auditionnés,
00:35:16 avec une forme de regret, non pas en regrettant leur position dans le tour de table, mais
00:35:21 en soulignant la différence qu'il y avait entre des syndicats qui doivent faire la preuve
00:35:28 de leur représentativité avant d'être dans le tour de table, et des ONG qui, finalement,
00:35:34 sont là peut-être un peu par une logique plus arbitraire.
00:35:41 Est-ce que vous avez un point de vue de ce point de vue-là, peut-être de la raison
00:35:46 pour laquelle ça s'est fait comme ça, et des éventuels correctifs qu'il faudrait
00:35:50 apporter ?
00:35:51 Je comprends très bien le propos.
00:35:56 C'était un choix politique qui a été fait, de faire monter en quelque sorte les ONG
00:36:21 environnementales à un nouveau niveau de légitimité qu'ils n'avaient jamais atteint.
00:36:28 C'était notre choix politique.
00:36:30 Du côté des ONG environnementales, il y avait explicitement la demande d'être pris
00:36:36 en compte de la même manière que les syndicats.
00:36:38 C'est vraiment tout à fait juste, et ce que disent les syndicats est tout à fait
00:36:45 juste.
00:36:46 D'ailleurs, il y a eu des tensions, y compris à l'époque, des tensions assez explicites,
00:36:50 parce que c'était une revendication des ONG d'être considérée et compris au sens
00:36:56 de la considération, de la même manière que les syndicats, d'être consultée.
00:37:01 Ça prenait d'ailleurs une variété de formes, cette espèce de revendication.
00:37:07 Il y avait une dimension très symbolique, on voudrait être officiellement consulté,
00:37:14 même dans une négociation sociale, il y avait des dimensions quasiment plus logistiques
00:37:20 avec des ONG qui disaient « mais attendez, nous on n'a pas de moyens, on n'a pas
00:37:25 tous les systèmes, les comités d'entreprise, etc.
00:37:27 On nous demande de venir pour discuter à Paris dans telle ou telle consultation, on
00:37:33 nous défrait même pas, on n'a pas de personne ».
00:37:35 Il y avait vraiment toute une variété d'arguments, plus ou moins substantiels et plus ou moins
00:37:45 relevés, mais oui, la demande était explicitement d'être traité, mais aussi considéré
00:37:53 comme un syndicat, et le mot « Grenelle » faisait écho totalement, explicitement,
00:38:01 à cette demande-là.
00:38:02 Il y a une ONG qui a été très… pardon, j'ai un peu de franglais dans la tête,
00:38:08 je vais dire « instrumentale », ce n'est pas du tout français, qui a tenu une place
00:38:12 importante dans la conception du Grenelle de l'environnement, dans le choix du mot
00:38:19 « Grenelle » pendant la campagne de 2006-2007, elle s'appelait Ecologie sans frontières.
00:38:24 C'était une toute petite ONG avec des leaders qui avaient une vision très politique de
00:38:31 la… du débat, et ils ont été en quelque sorte, dans la discussion, les porteurs de
00:38:40 cette revendication, mais c'était une revendication qui les dépassait largement et qui était
00:38:44 vraiment… qui traversait le milieu des ONG, qui est assez divers, comme vous le savez,
00:38:50 parce qu'entre France Nature Environnement, Greenpeace et une petite ONG comme ESF, ce
00:38:55 n'est pas du tout les mêmes dynamiques, pas du tout.
00:38:58 Alors, est-ce que, pour faire écho à ce que vous dites, est-ce que ça posait un problème
00:39:02 de représentativité ? Oui, je comprends très bien qu'on puisse poser la question.
00:39:10 Il y a d'ailleurs… d'ailleurs, c'est poser la question de savoir comment on créait…
00:39:17 enfin, comment on sélectionnait le collège des ONG.
00:39:21 Vous voyez, pour les syndicats, c'était facile, on a les syndicats, on a les usual
00:39:25 suspects de la négociation syndicale.
00:39:31 Et pour les ONG, comme on ne l'avait jamais fait, qui est-ce qu'on invitait à la table
00:39:35 du Grenelle ? Il y avait des ONG pour lesquelles c'était évident France Nature Environnement,
00:39:39 pour moi c'était évident, ça ne se discute pas, vous voyez.
00:39:42 Il y en avait d'autres.
00:39:45 En même temps, vous savez, la légitimité, ça se crée dans la durée.
00:39:52 Il y a un moment où il faut bien commencer quelque part, à partir du moment où on voulait
00:40:00 avoir une remise à plat, une relance des politiques environnementales de manière coopérative.
00:40:07 On avait besoin d'avoir des partenaires autour de la table.
00:40:10 On a pris des partenaires qui nous ont semblé le plus légitime.
00:40:13 Est-ce qu'ils avaient le même niveau, le même historique et le même niveau de représentation
00:40:20 que des organisations sociales représentatives ? Non.
00:40:23 Mais est-ce qu'il y avait un meilleur moyen de faire ?
00:40:26 Merci pour ces émets, c'est intéressant parce que ce n'est pas toujours simple à
00:40:35 postériori de se remettre dans le contexte d'alors.
00:40:38 C'est quand même un exercice de contextualisation qui n'est pas toujours évident.
00:40:43 Et c'est vrai que c'est une critique qui vient aujourd'hui de la part des syndicats
00:40:49 qui doivent aujourd'hui démontrer leur représentativité en vertu des lois qui ont changé en 2010.
00:40:54 C'est là que le dialogue est différent.
00:40:59 Avant 2010, la représentativité des syndicats était légale.
00:41:03 Elle découlait d'un choix arbitraire du gouvernement d'après-guerre.
00:41:07 Et finalement, ils viennent poser aujourd'hui les syndicats sur la table, cette discussion
00:41:11 qui n'est pas inintéressante en disant, maintenant qu'ils sont dans le tour de table,
00:41:14 peut-être qu'il faudrait qu'ils se posent les mêmes questions que celles qui nous ont
00:41:17 été posées en 2010, à savoir comment est-ce qu'on définit notre représentativité.
00:41:20 C'est une question très légitime.
00:41:24 Encore une fois, au début, quand on crée le tour de table, on invite les gens.
00:41:29 On ne va pas commencer en leur demandant.
00:41:31 Il fallait faire un premier pas.
00:41:35 On a sélectionné comme on pouvait.
00:41:36 Il y a eu des débats sur qui on mettait dans le tour de table.
00:41:39 On a sélectionné comme on pouvait.
00:41:41 Il y a des gens qui vous diront, pourquoi vous avez pris la fondation Nicolas Hulot,
00:41:44 c'est le star system.
00:41:45 Il y en a qui vous diront, pourquoi vous avez pris ESF, ils sont tout petits.
00:41:47 Oui, c'est eux qui avaient.
00:41:49 Il fallait commencer après que quelques années, même là maintenant, plus de dix ans après,
00:41:54 on pose la question de structurer ça et d'avoir des critères de légitimité un petit peu
00:42:01 plus transparents, un petit peu plus net.
00:42:02 Je trouve ça absolument normal, légitime et même urgent.
00:42:07 Merci beaucoup.
00:42:09 J'en viens sur une question plus sur le fond du Grenelle.
00:42:13 La succession d'auditions dans des périodes politiques successives est assez intéressante.
00:42:20 J'ai le sentiment que tout le monde en arrivant a la préoccupation d'accélérer le développement
00:42:26 des ENR.
00:42:27 On a auditionné Lionel Jospin qui nous a dit quand je suis arrivé, c'était ma préoccupation.
00:42:33 Vous nous dites, bon, on a fait le Grenelle, on a voulu doubler le développement des ENR
00:42:42 hors hydraulique, parce que tout le monde dit toujours hors hydraulique.
00:42:45 Puis on a eu le pouvoir qui a succédé au vote qui nous dit on est arrivé, il n'y a
00:42:50 rien qui a été fait, il a fallu qu'on accélère le développement des ENR.
00:42:53 Et puis enfin, on vient de voter un texte, Pardy, je crois, dont l'objectif est d'accélérer
00:42:59 le développement des ENR.
00:43:01 Non, j'ai voté contre, mais on collectivement.
00:43:10 Et encore, ce que je peux vous dire, ce que j'entends à New York sur le développement
00:43:17 des ENR, ce n'est pas fini, ça va continuer pour longtemps.
00:43:19 D'abord, je peux expliquer quelque chose ? On voulait doubler la part des ENR, hydraulique
00:43:28 compris.
00:43:29 Ce que je disais, c'est que le problème, c'est qu'on partait d'une base installée
00:43:31 d'ENR qui était essentiellement hydraulique.
00:43:33 Donc, en fait, il fallait plus que doubler, largement plus que doubler l'éolien photovoltaïque
00:43:37 pour doubler la part des ENR.
00:43:38 Vous comprenez, quand on est à 10%, dont 8% d'hydraulique, on veut passer à 20% d'hydraulique,
00:43:46 on en fera peut-être 1% de plus et pas tellement plus.
00:43:49 Ça veut dire qu'en fait, il faut multiplier par 10 les ENR non hydrauliques.
00:43:53 C'est ça le calcul.
00:43:56 Si vous permettez, je me distance un tout petit peu de ça.
00:44:02 J'ai fait tout ce que je pouvais pour accélérer le développement des énergies renouvelables
00:44:05 en les couplant avec une politique industrielle.
00:44:07 Ce qui a été critiqué par certains à l'époque, parce que de toute façon, c'était un fromage
00:44:11 aussi, par exemple le solaire.
00:44:13 Mais j'assume complètement ce qu'on a fait sur le sujet.
00:44:18 Moi, je trouve que ces politiques, elles doivent être menées, elles sont légitimes, mais
00:44:22 elles doivent être couplées avec des politiques de l'emploi, des politiques industrielles.
00:44:26 Ça n'a pas de sens, c'est une politique environnementale.
00:44:29 C'est trop important d'une certaine manière, c'est trop structurant, c'est majeur.
00:44:33 Ça ne peut pas être découplé.
00:44:35 Ça ne doit pas être découplé des autres politiques importantes du pays.
00:44:38 Vous parlez dans votre commission de politique stratégique.
00:44:43 Ça me semble tout à fait bien et légitime.
00:44:44 De la même manière, la politique environnementale, elle doit être couplée avec une politique
00:44:49 industrielle, une politique en matière de l'emploi, une politique sociale.
00:44:52 On peut faire abstraction de rien de tout ça.
00:44:54 Et c'est un petit peu la critique parfois.
00:44:57 Quand on se donne un objectif juste en matière, on va augmenter la part d'énergie renouvelable,
00:45:02 etc. On le fait comment ? Est-ce que ça bénéficie du développement d'une base industrielle ?
00:45:08 C'est pour ça que j'ai cité dans mon propos liminaire l'éolien offshore, parce que je pense
00:45:13 que c'est vraiment quelque chose sur lequel on a réussi à créer un brillant de base
00:45:17 industrielle et on a eu beaucoup plus de mal sur d'autres énergies renouvelables.
00:45:23 Par exemple, sur le solaire, on a essayé, encore une fois, avec les mêmes recettes
00:45:26 que pour l'éolien offshore, c'est-à-dire avec des bilans carbone, avec tous les trucs
00:45:35 pour contourner, soyons clairs, les règles de l'OMC.
00:45:41 Et ça a marché au début.
00:45:43 Nous appelons l'offre, il était bien.
00:45:45 Je vous invite à aller en lire, c'était de la poésie.
00:45:47 Et puis, ça s'est défait dans le temps.
00:45:51 Je ne sais pas s'il y a eu un manque de volonté politique.
00:45:55 Pour en avoir parlé avec des techniciens d'administration en charge, ils m'ont dit
00:46:01 aussi que la commission avait été beaucoup plus sévère, elle n'avait pas fermé les
00:46:08 yeux contrairement à ce qu'elle a fait sur l'éolien offshore.
00:46:12 Merci beaucoup.
00:46:15 Vous soulignez la place qu'avait l'enjeu de filière industrielle dans les choix que
00:46:21 vous avez fait et proposé.
00:46:23 Quelle était la place en 2008 de la sécurité d'approvisionnement dans le débat public ?
00:46:33 Un sentiment que c'est un sujet très contemporain du débat énergétique, mais qui, ces dernières
00:46:40 années, n'a peut-être pas été au cœur de ce qui motivait le débat public autour
00:46:44 de ça.
00:46:45 Quelle était de mémoire la place de cette question-là ?
00:46:49 Vous avez dit très justement, en parlant des syndicats et des ONG, qu'on peut relire
00:46:59 des contextes à différents moments qui sont différents et ça change quand même la couleur
00:47:09 d'un débat.
00:47:10 En 2008, il n'y avait pas de problème de production.
00:47:20 On était excédentaire.
00:47:22 Il se posait des questions sur l'avenir, mais finalement, les derniers réacteurs nucléaires
00:47:34 du programme dit Messmer avaient été mis en service en 2001 ou 2002.
00:47:49 C'était Schuze et Civeaux.
00:47:51 C'est relativement récent, ce n'est pas non plus ancien.
00:47:58 De toute façon, en termes de niveau de production, on avait une production qui était excédentaire
00:48:06 au regard de nos besoins.
00:48:07 D'ailleurs, c'est plutôt une situation qui, pour quelques années, s'est confirmée
00:48:16 et s'est accrue à cause de la crise qui a fait suite à la crise financière de 2008.
00:48:21 Donc, il n'y avait pas une espèce de sentiment d'urgence.
00:48:32 On était vraiment plus qu'environ le Grenelle.
00:48:34 Le premier sujet, c'était l'efficacité énergétique.
00:48:36 C'était de très loin devant ce genre de considérations.
00:48:42 Et ça a duré pendant quelques années de cette manière-là.
00:48:51 Ça ne veut pas dire qu'il n'y avait pas des débuts de réflexion.
00:48:54 Je vous ai dit, par exemple, qu'on a lancé la conception du cahier des charges des visites décennales,
00:49:02 parce qu'on savait que les visites décennales allaient arriver.
00:49:05 On a lancé, à ce moment-là, une réflexion qui a abouti plus tard,
00:49:11 qui a abouti après mon départ de ministère, sur la mise en place d'un mécanisme de capacité
00:49:16 pour chercher à...
00:49:21 Vous voyez, il y a deux choses en matière d'énergie.
00:49:24 Il y a la capacité à produire et puis il y a des moyens de production
00:49:28 qui sont plus ou moins souples, qui sont plus ou moins pilotables.
00:49:31 Donc, le mécanisme de capacité visait cette dernière dimension.
00:49:37 On était conscient qu'on pouvait se retrouver en difficulté,
00:49:46 qu'il pouvait y avoir des problèmes de pilotabilité.
00:49:50 Et donc, on a lancé une réflexion qui a abouti par la suite, quelques années après.
00:49:56 Je ne saurais pas vous dire exactement quand, vous avez sûrement ça quelque part.
00:49:59 Donc, je ne dis pas qu'il n'y avait pas de réflexion autour...
00:50:04 Je précise d'ailleurs que cette partie-là, par exemple, mécanisme de capacité,
00:50:08 ne relevait pas de mes attributions à moi, puisque comme je disais, en 2010,
00:50:13 pour des raisons que je n'ai pas développées,
00:50:17 la gestion, la partie marché de l'énergie,
00:50:21 et la gestion des grands opérateurs de l'énergie a été transférée à Bercy.
00:50:30 Pour quelles raisons ?
00:50:36 Il y avait eu des débats pendant la campagne de 2007
00:50:46 sur la politique en matière de nucléaire, Flamanville, Panly, le reste,
00:50:57 des débats internes à l'équipe de campagne.
00:51:00 J'avais une position que je prétends plus informée,
00:51:07 et qui du coup était plus modérée sur le sujet.
00:51:13 D'abord, je trouvais qu'il ne fallait pas précipiter les choses,
00:51:19 parce que je trouvais que ce n'était pas complètement mûr.
00:51:21 Je trouvais que les tensions à l'intérieur de l'équipe nucléaire française
00:51:27 devaient être réglées avant,
00:51:30 enfin, il y a eu plusieurs jours,
00:51:32 on n'est réglé que de prendre des décisions de ce genre.
00:51:35 Je trouvais qu'il fallait poser les décisions de ce genre
00:51:41 dans un contexte plus global,
00:51:43 qui intégrera par exemple l'utilisation de la chaleur fatale de l'industrie nucléaire,
00:51:48 qui n'a jamais été valorisée.
00:51:53 Je trouvais que la dimension du projet EPR
00:51:57 était peu cohérente avec les évolutions du marché mondial de l'énergie.
00:52:02 C'est un très gros réacteur, très centralisé,
00:52:06 un très gros réacteur très centralisé,
00:52:08 ça correspond à certains besoins,
00:52:09 mais la dynamique de marché est plutôt dans le sens des petits réacteurs.
00:52:13 Un très gros réacteur très centralisé,
00:52:15 ça veut dire aussi la nécessité d'avoir de très grosses lignes THT
00:52:18 qui viennent avec des problématiques spécifiques,
00:52:23 donc voilà, je trouvais que la question se posait,
00:52:27 qu'elle était légitime,
00:52:28 je n'étais pas formellement contre,
00:52:30 mais je pensais qu'il fallait résoudre d'autres problèmes avant,
00:52:36 ou en tout cas en même temps,
00:52:37 et peut-être se poser un peu plus de questions sur la dimension du réacteur.
00:52:44 Il y a une…
00:52:52 Je vais m'y en parler, mais ça peut être un peu technique, un peu…
00:52:57 Vous savez, on a une centaine d'heures d'audition sur les sujets énergétiques,
00:53:01 donc on arrive à comprendre tout doucement.
00:53:04 Oui, je ne mets pas en cause vos compétences nucléaires,
00:53:07 c'est juste que je ne sais pas si c'est vraiment dans le cœur de vos sujets.
00:53:11 En gros, pourquoi faire un tellement gros réacteur ?
00:53:18 Vous pouvez avoir des raisons d'économie d'échelle,
00:53:24 mais je n'ai pas prouvé, par l'expérience,
00:53:30 et vous tomber dans d'autres problèmes,
00:53:33 qui sont des problèmes d'équilibre de vos plaques énergétiques,
00:53:37 des problèmes d'extraction de l'énergie par lignes à très haute tension,
00:53:44 qu'en l'occurrence, il a fallu construire.
00:53:48 Est-ce que c'est vraiment ça que le marché demande ?
00:53:53 Alors, vous aviez une partie du monde des ingénieurs du nucléaire qui disait
00:53:57 « oui, mais ça vous permet aussi d'avoir un niveau de sûreté supérieur ».
00:54:02 Et par exemple, le réacteur de l'OPR, il était conçu pour que,
00:54:06 en cas de fusion du cœur, le corium ne traverse pas,
00:54:11 parce qu'en fait, vous aviez des nappes de béton,
00:54:14 et par gravité, le cœur fondu, en fait, ce serait retombé sur la nappe de béton.
00:54:22 Il y avait des choses comme ça, il y avait pas mal de réflexions.
00:54:25 Je ne suis pas là pour trancher,
00:54:27 de toute façon, je n'ai pas forcément toutes les données du problème,
00:54:29 mais je trouvais que ce débat n'était pas complètement…
00:54:34 qu'on n'avait pas été au bout de ce débat, en fait,
00:54:40 et qu'on s'apprêtait à prendre une décision politique sans avoir…
00:54:46 politique forte, qui était un petit peu prématurée
00:54:50 au regard de la maturité du sujet technique.
00:54:54 Quand je dis technique, un sujet technique en intégrant la dimension
00:54:57 de marché, de compétitivité, parce que la question,
00:55:01 ce n'est pas seulement de construire pour nous,
00:55:03 mais aussi de construire pour un marché.
00:55:04 Et qu'est-ce que le marché appelait, réclamait comme taille de réacteur ?
00:55:09 Vous voyez, en ce moment, on repart à nouveau des SMR.
00:55:13 C'est peut-être une question qu'on aurait dû creuser plus à l'époque.
00:55:18 Donc voilà, pour te dire que ça, c'était des opinions
00:55:20 que j'avais exprimées dans la campagne en 2006-2007,
00:55:26 et je pense que ça a participé du redécoupage.
00:55:29 Quand je suis arrivée en 2010, on a dit, bon, on lui donne tout,
00:55:32 mais peut-être que le marché et la production,
00:55:37 on va le rendre en quelque sorte à Bercy.
00:55:42 C'est très intéressant cet échange.
00:55:44 Moi, je pense qu'on est pleinement dans le champ d'exploration de la commission.
00:55:50 Vous avez balayé, finalement, la question de la taille,
00:55:54 la question des normes peut-être pas tout à fait figées
00:55:58 au lancement du chantier de l'EPR,
00:56:00 la question de la bataille structurelle et quasi institutionnelle
00:56:05 entre Areva et EDF,
00:56:11 la question du format.
00:56:12 Est-ce que, à l'époque où le choix de lancer l'EPR a été fait,
00:56:17 on aurait pu, par exemple, choisir, encore une fois, sans refaire le passé,
00:56:22 mais juste pour se poser dans le contexte,
00:56:24 choisir de lancer, par exemple, un ATM 1000 ?
00:56:27 Je crois que c'est comme ça qu'il s'appelait le réacteur d'Areva, le petit.
00:56:32 L'ATMEA ?
00:56:33 L'ATMEA, pardon.
00:56:37 Les gens d'EDF vous diront qu'ils n'ont jamais existé.
00:56:40 Oui, le problème, c'est que le nucléaire,
00:56:51 la politique énergétique, c'est un sujet très politique,
00:56:55 mais il y a des fondements techniques qu'il faut maîtriser,
00:57:01 qui nécessitent un certain investissement.
00:57:03 Et moi, je pense que cet investissement, à l'époque,
00:57:12 aurait pu être plus dense.
00:57:18 Ce n'était pas un "yes or no question".
00:57:21 Ça a été vécu comme ça.
00:57:24 Il y a des gens qui sont contre le nucléaire,
00:57:25 il faut lancer, sinon on perd la compétence, on y va, l'EPR est prêt,
00:57:28 et on dit oui, on fonce.
00:57:35 Du coup, quelque part, EDF qui avait son projet prêt,
00:57:39 on a profité pour que ce soit validé,
00:57:45 pour qu'il y ait un oui et pour qu'on fonce.
00:57:47 Il y avait des débats d'ingénierie,
00:57:52 liés encore une fois à la question du marché,
00:57:57 qui n'ont pas été menés à leur terme,
00:57:59 parce qu'il y a eu le sentiment dans le monde politique
00:58:03 que c'était un marqueur politique fort, ce qui était le vrai d'ailleurs,
00:58:06 et dans le monde des énergéticiens,
00:58:08 que c'était la fenêtre politique pour obtenir le lancement,
00:58:12 et même si ce n'était pas mûr, c'était le moment d'y aller.
00:58:15 Et tout ça, comme vous le dites, s'insérait dans le cadre d'un débat au couteau
00:58:20 entre EDF et Areva,
00:58:22 qui polluait énormément le contexte de cette prise de décision.
00:58:33 Donc, moi, mon point de vue, tel que je l'avais exprimé de manière interne à la campagne,
00:58:38 c'était qu'il faut d'abord démêler le conflit EDF-Areva,
00:58:42 parce que de toute façon, lancer dans ce contexte-là,
00:58:44 c'est positionner pour l'échec à l'exportation.
00:58:49 On ne va pas pouvoir présenter un fourni, ça n'a pas bien fonctionné.
00:58:54 Et il faut prendre le temps de regarder quelles sont les options technologiques.
00:58:57 Quand je dis les options technologiques,
00:58:59 pour moi, il y avait quand même un vrai questionnement sur la taille du réacteur,
00:59:05 d'autant plus qu'après, moi, au niveau ministériel,
00:59:07 j'ai dû gérer la question de la THT.
00:59:09 Il faut une part de production d'énergie centralisée,
00:59:16 comme il faut une part de base dans un pays qui aspire à avoir,
00:59:20 par exemple, une politique industrielle et à avoir une grande industrie.
00:59:24 C'est indispensable.
00:59:25 Mais le très gros réacteur à la périphérie du réseau,
00:59:45 ça veut dire forcément une très grosse THT.
00:59:47 Vous voyez, je trouve qu'il y avait des questions
00:59:50 qui auraient mérité un petit peu plus de travaux et de réflexion.
00:59:55 Après, honnêtement, si on prend un pas de recul
01:00:01 et j'essaie de faire abstraction de toute l'émotion qui a entouré ça,
01:00:06 un des problèmes, c'est qu'il y avait des mouvements de balancier
01:00:10 pour des mauvais motifs politiques sur la politique énergétique.
01:00:14 Et donc, il y avait la crainte dans l'industrie nucléaire
01:00:18 ou dans tous ceux qui, tout simplement, croyaient au nucléaire,
01:00:21 et j'en fais partie,
01:00:22 il y avait la crainte que si la décision n'était pas prise tout de suite,
01:00:25 un jour il y aurait un mouvement de balancier politique
01:00:28 et on se trotterait après une décision strictement politique,
01:00:32 comme on l'avait eu avec la fermeture de Superphénix
01:00:35 ou comme on l'a eu plus tard avec l'arrêt d'Astrid.
01:00:38 Et donc, il y avait cette inquiétude que,
01:00:40 comme il n'y a pas suffisamment de consensus,
01:00:42 ou il n'y a plus, comme il y a eu une époque de consensus national
01:00:45 autour d'une politique, on n'a pas vraiment le temps.
01:00:47 Et donc, il faut y aller.
01:00:49 Et donc, je comprends aussi,
01:00:53 d'ailleurs, non seulement je comprends,
01:00:54 mais je connais la dynamique qui a abouti à cette décision,
01:01:00 j'ai dit qu'on aurait pu attendre un ou deux ans
01:01:02 et avoir une réflexion un peu plus aboutie sur certains sujets,
01:01:05 et puis surtout, démêler le problème EDF/AREVA avant de lancer.
01:01:10 Mais il faut voir qu'on était dans un contexte
01:01:12 dans lequel on avait l'impression
01:01:14 qu'en gros, à chaque fois que la gauche revenait au pouvoir,
01:01:17 l'EPS ne s'intéressait pas à l'écologie sous traité au vert,
01:01:20 et les verts avaient une seule demande
01:01:22 qui était d'enfoncer un point de plus contre la politique nucléaire.
01:01:26 Donc, très souvent, en fait, contre la quatrième génération,
01:01:30 mais après, il y a eu la question de Fessenheim.
01:01:32 Et donc, il y avait cette inquiétude de,
01:01:34 voilà, c'est la fenêtre d'opportunité pour lancer les choses,
01:01:36 et si on ne lance pas, on ne sait pas ce qui se passera dans le futur.
01:01:40 Et au passage, je trouve que cette discussion
01:01:42 devrait amener à une réflexion,
01:01:44 enfin, ce n'est pas à moi de vous dire ce que je veux faire,
01:01:46 mais les politiques énergétiques,
01:01:48 ça a besoin de stabilité.
01:01:52 Donc, d'ailleurs, ça a besoin d'un minimum d'accord,
01:01:57 il faut que ça dépasse un petit peu les partis politiques.
01:02:00 Le mouvement de balancier sur des sujets d'investissement aussi long,
01:02:05 il amène forcément, soit à faire des bêtises dans un sens,
01:02:09 enfin, moi, je pense qu'on a fait des bêtises sur la quatrième génération,
01:02:12 je pense que la quatrième génération a été victime d'accords politiques
01:02:15 parfois mal informés technologiquement,
01:02:19 et il peut amener à faire des bêtises de l'autre sens,
01:02:22 au sens de la prise de décision accélérée,
01:02:25 parce que justement, on craint ce mouvement de balancier.
01:02:27 Le mouvement de balancier sur des sujets aussi stratégiques,
01:02:31 aussi structurants, qui s'inscrivent dans une durée aussi longue,
01:02:34 il ne peut aboutir qu'à de mauvais résultats d'un côté comme de l'autre.
01:02:42 Des mauvais résultats, des résultats suboptimaux.
01:02:48 Merci beaucoup, c'est vraiment très intéressant.
01:02:51 Et du coup, je creuse un tout petit peu,
01:02:53 vous disiez, on a bien compris le cadre dans lequel se prend cette décision,
01:02:58 vous dites, finalement, l'expertise des solutions alternatives
01:03:02 manquait un peu de profondeur, de densité,
01:03:05 vous avez employé le mot densité,
01:03:09 d'où ça vient, justement, de ce mouvement de balancier,
01:03:13 du fait que, préalablement, on ait consacré moins d'études
01:03:20 aux évolutions des technologies nucléaires,
01:03:22 ou moins de préoccupations au lancement de nouveaux chantiers nucléaires,
01:03:28 parce qu'on a le sentiment que la France a quand même, avec le CEA,
01:03:32 avec sa filière industrielle, un panel d'outils de développement,
01:03:37 d'industrialisation du nucléaire,
01:03:39 vous dites, finalement, le panel ne conduit pas forcément
01:03:44 à des solutions technologiques différentes,
01:03:46 et on n'a pas d'autre choix que de prendre celle qui est disponible.
01:03:50 À quoi vous expliquez ça ?
01:03:53 Moi, je pense que le conflit entre DF et Areva
01:03:56 a une immense part de responsabilité là-dedans,
01:04:00 parce que, comme vous le soulignez, en fait,
01:04:02 on a des acteurs divers, de très grande qualité,
01:04:07 chacun dans lesquels il y avait vraiment de la…
01:04:11 et je pense aussi au CEA, à tout ce qui est entre ceux…
01:04:17 à tous les niveaux de la chaîne, on avait ce qu'il fallait
01:04:20 pour prendre des bonnes décisions, très informées.
01:04:24 Mais à cette époque-là, le milieu était complètement crispé
01:04:28 autour du conflit EDF-Areva.
01:04:33 Du coup, d'ailleurs, une partie de l'expertise
01:04:35 qui était plutôt dans le monde de la recherche du CEA
01:04:38 était un petit peu recroquevillée sur eux-mêmes,
01:04:39 parce qu'ils n'avaient pas envie, en gros, de se retrouver
01:04:42 les otages de cette bataille dans laquelle on tira Balles-Réelles.
01:04:48 Et donc, alors qu'il y aurait eu toute l'expertise,
01:04:52 tout ce qu'il fallait pour mettre tout le monde autour de la table
01:04:55 et avoir une réflexion véritablement structurée,
01:04:59 les acteurs se sont un peu recroquevillés sur eux-mêmes.
01:05:04 Il n'y a pas eu vraiment de forum pour les raisons que je disais,
01:05:08 parce qu'il y a eu une espèce d'accélération politique,
01:05:10 de crainte en fait que la fenêtre politique se referme à un moment.
01:05:13 Donc, il n'y a pas eu vraiment de forum, il n'y a pas eu vraiment le temps.
01:05:16 Et puis, il y a quand même eu des postures, si vous voulez.
01:05:21 L'UPR, c'était le truc d'EDF, Fatmeha, c'était le truc d'Areva.
01:05:26 On avait des compétences dans le monde militaire,
01:05:31 on avait des compétences qu'on aurait pu aussi exploiter dans un cadre civil
01:05:35 qui n'ont pas vraiment été appelées dans la discussion.
01:05:38 Enfin, il y avait vraiment, je parlais de fausses optimales tout à l'heure,
01:05:42 moi je pense qu'il y avait vraiment tout ce qu'il fallait
01:05:46 pour avoir un débat de meilleure qualité que ce qu'il y a eu et qui n'était pas.
01:05:55 Après, je vous dis, moi je n'ai pas été associée au fin mot de cette affaire-là,
01:06:01 parce que je me suis exprimée dans la campagne de 2007.
01:06:05 À l'époque, j'avais ma place dans cette discussion pour des raisons très accessoires,
01:06:12 qui étaient d'une part que j'étais la seule à m'intéresser à l'écologie de mon parti,
01:06:15 donc j'étais la spécialiste de l'écologie du parti,
01:06:19 mais j'étais quand même très junior dans ce système.
01:06:23 Et l'autre raison, c'est que j'étais ingénieure,
01:06:25 et il n'y en a pas beaucoup dans le monde politique,
01:06:28 et il se trouve que j'étais une ingénieure qui connaissait bien le nucléaire,
01:06:30 parce que mon père avait été le directeur de Framatome qui avait vendu les centrales aux Chinois.
01:06:34 Donc je connaissais bien de l'intérieur tout ce monde-là,
01:06:37 il n'y avait pas de camarades qui étaient chez EDF, chez machin.
01:06:40 Donc j'ai participé à ces discussions de cette manière-là,
01:06:43 mais après, comme secrétaire d'État, je ne me suis pas du tout occupée de nucléaire,
01:06:49 je m'occupais vraiment de la négociation de Grenelle et de l'environnement.
01:06:52 Et je vous dis, quand je suis revenue comme ministre,
01:06:55 je n'ai pas été en charge de ça, j'ai été en charge de la sûreté.
01:07:04 Alors je change de sujet pour revenir un peu au Grenelle.
01:07:08 Le Grenelle introduit des évolutions majeures dans la perception qu'on a du réseau,
01:07:14 notamment de distribution, avec le fameux compteur intelligent qui arrive à cette occasion-là.
01:07:23 Quelle est l'évaluation finalement qui est faite à cette époque
01:07:26 de la nécessité d'injecter plus d'intelligence dans le réseau,
01:07:29 tant de distribution que de transport ?
01:07:34 Alors, il y avait une...
01:07:39 Il y avait...
01:07:40 Ça c'est une bonne question, c'est une question complexe.
01:07:44 Il y avait l'idée que c'était l'avenir,
01:07:48 et que notamment c'était l'avenir d'un système de réseau
01:07:54 qui allait être plus décentralisé en termes de pilotage,
01:08:00 qui allait faire meilleure place aux consommateurs
01:08:05 dans une place qui soit moins passive en quelque sorte,
01:08:10 et qui soit plus active.
01:08:11 Il y avait une vision, en quelque sorte, de cette évolution-là.
01:08:18 Et puis de l'autre côté, il y avait des réticences,
01:08:23 réticences sur la manière dont tout ça allait être mis en œuvre,
01:08:28 réticences aussi dans certains cas sur...
01:08:30 Il y a eu un débat, par exemple, sur les ondes autour du compteur.
01:08:35 Il y avait d'autres sujets en quelque sorte parasites
01:08:39 qui sont venus interférer.
01:08:42 Une des manières de mémoire dont on a répondu à ça,
01:08:46 c'est que, je crois que je l'évoquais tout à l'heure,
01:08:48 dans le PIA, il y a eu de l'argent sur les réseaux intelligents,
01:08:53 je crois les compteurs intelligents, en tout cas les smart grids.
01:08:56 Il y a eu de l'investissement en recherche,
01:09:02 peut-être en prototype, franchement, je ne me souviens pas,
01:09:05 sur cette dimension-là.
01:09:08 Et dernière question sur le Grenelle.
01:09:13 Quelle était la place de la réflexion ?
01:09:17 Vous étiez en charge ensuite, en tant que ministre de l'Écologie,
01:09:21 du volet minier.
01:09:23 La place de l'enjeu stratégique sur les matériaux critiques,
01:09:28 sur les métaux, etc., dont on voit qu'ils sont dimensionnants
01:09:33 dans la transition énergétique et notamment l'électrification ?
01:09:36 Franchement, à l'époque, le sujet était embryonnaire.
01:09:44 Donc, ce genre de choses qui ont été évoquées,
01:09:47 mais qui n'ont pas fait l'objet de politiques ou de programmes
01:09:53 plus structurés que ça.
01:09:55 En matière minière, il y a eu une décision qui a été
01:10:03 la décision d'arrêter le projet de la montagne d'or en Guyane,
01:10:08 qui a été une espèce de décision en quelque sorte préliminaire
01:10:13 aux discussions du Grenelle.
01:10:16 C'était une partie de la négociation.
01:10:21 Les ONG étaient très opposées, je pense avec raison, à ce projet.
01:10:26 Mais il n'y a rien eu, dans mon souvenir, de très structuré
01:10:36 sur la question des métaux rares.
01:10:39 C'était vraiment, et maintenant on en parle énormément,
01:10:41 d'ailleurs ici aussi aux États-Unis,
01:10:43 ça devient un enjeu stratégique identifié, conséquent,
01:10:49 avec d'ailleurs pas mal d'investissements, y compris privés.
01:10:52 Il y a un gros investissement qui vient d'être annoncé aux États-Unis
01:10:55 de 600 millions de dollars de mémoire dans un projet minier de lithium,
01:11:02 je crois que c'est dans le Midwest,
01:11:06 pour développer en quelque sorte ici une base nationale stratégique
01:11:10 de production de lithium.
01:11:12 Donc il y a plein de choses qui se passent aujourd'hui.
01:11:14 À l'époque, franchement, ce n'était pas central.
01:11:17 Et donc quand on parlait mine, c'était pour parler de projets
01:11:21 comme la Montagne d'or ou par la suite pour parler du code minier,
01:11:25 plutôt pour le mettre en cohérence, pour essayer de le mettre en cohérence
01:11:30 avec les dynamiques coopératives et l'exigence de transparence
01:11:40 dans les politiques publiques qui avaient été manifestées lors du Grenelle.
01:11:44 Merci beaucoup, je vais laisser la parole au rapporteur.
01:11:49 Merci Monsieur le Président, merci Madame la Ministre
01:11:53 pour ces explications déjà nombreuses.
01:11:56 Quelques questions préliminaires à nouveau sur la conception du Grenelle.
01:12:01 Peut-être quand même une seconde sur la question des syndicats,
01:12:06 des ONG et de leur rapport par rapport aux syndicats.
01:12:10 En fait, je reprends le terme que vous utilisez tout à l'heure
01:12:13 en disant qu'il s'agissait d'une question politique,
01:12:15 d'un choix de considération et donc de faire un acte nouveau
01:12:20 de prise en compte des ONG dans le débat public
01:12:23 et de les mettre au même rang que d'autres organisations.
01:12:26 Ce qui peut effectivement poser des questions par la suite de représentativité.
01:12:32 Quand vous dites que c'est politique, pardonnez-moi l'idée
01:12:35 de faire de la politique ici, mais c'est bien le candidat Nicolas Sarkozy
01:12:39 qui, dans une volonté d'ouverture, voulait montrer que l'écologie
01:12:43 pouvait être une politique de droite.
01:12:45 Et donc c'était une manière de légitimer l'écologie de droite
01:12:50 en allant discuter avec des organisations non gouvernementales
01:12:53 qui étaient classées politiquement à gauche,
01:12:56 même si elles étaient écologistes et que cette distinction
01:13:01 n'a pas forcément de sens.
01:13:02 C'est ça l'idée qu'il y a derrière le Grenelle de l'environnement.
01:13:04 Quand vous êtes dans l'équipe de campagne du président
01:13:06 et que vous avez l'idée de faire le Grenelle de l'environnement,
01:13:09 c'est d'aller chercher un symbole écologiste de gauche
01:13:13 pour le mettre autour de la table et de prendre à revers
01:13:17 l'adversaire politique pendant la campagne.
01:13:19 Alors on peut le voir comme ça évidemment.
01:13:22 C'était marrant votre phrase pour dire "loin de moi l'idée de faire de la politique".
01:13:25 J'espère bien que vous en faites de la politique,
01:13:27 parce que si on n'en fait pas à l'Assemblée nationale,
01:13:29 on est quand même perdu.
01:13:32 Je vous dirais qu'on peut le voir comme ça,
01:13:36 mais il y a aussi un objectif plus noble qui est que ça a servi
01:13:41 à débloquer des postures, y compris d'ailleurs des postures administratives,
01:13:47 pas seulement des postures politiques au sens des partis,
01:13:50 qui aboutissaient à des situations de blocage
01:13:53 sur un tas de sujets de politique et mesures.
01:13:59 Concrètement, qu'est-ce qui se passait ?
01:14:01 Vous aviez un ministère de l'écologie qui était petit,
01:14:05 qui était faible.
01:14:06 Je ne vais pas vous faire le truc de votre état,
01:14:08 par exemple il n'y avait pas de corps d'État au ministère de l'écologie en tant que tel.
01:14:11 Les autres ministères ont chacun leur corps d'État.
01:14:13 L'écologie n'avait pas un.
01:14:14 Je vais vous raconter un truc que moi j'avais découvert,
01:14:19 que je trouvais récent.
01:14:21 Un ingénieur d'État, d'un des corps d'État,
01:14:28 qui allait dans un des autres ministères,
01:14:30 il avait des primes qui étaient liées à son corps.
01:14:32 Au ministère de l'écologie, il n'en avait quasiment pas.
01:14:34 On s'étonnait après que ce soit une administration
01:14:39 que les autres voyaient contestée en disant qu'elle était militante.
01:14:42 Oui, elle était militante.
01:14:44 Celui qui décidait d'aller faire sa carrière au ministère de l'écologie,
01:14:47 il décidait d'emblée qu'il aurait tout au long de sa carrière
01:14:50 quelque chose comme 30% de moins
01:14:52 que celui qui était allé au ministère de l'agriculture,
01:14:55 au ministère de...
01:14:57 Vous voyez ce que je veux dire ?
01:14:58 Maintenant, ça a changé.
01:15:00 Tout ça a été à l'époque...
01:15:02 Au moment du Grenelle, on a fait un gros travail
01:15:04 en quelque sorte de réforme et de réorganisation des administrations
01:15:07 qui évidemment a été moins visible et moins grand public,
01:15:10 mais qui a complètement transformé ça.
01:15:12 Mais avant ça, on avait un ministère de l'écologie
01:15:14 qui était petit, qui était faible politiquement,
01:15:18 administrativement, je veux dire,
01:15:21 faible administrativement,
01:15:24 qui se concevait du coup aussi beaucoup
01:15:28 comme étant en situation...
01:15:30 Et pas à tort, parce que c'était la réalité,
01:15:32 en situation conflictuelle avec les autres.
01:15:35 Donc, il y avait des conflits perpétuels
01:15:37 avec le ministère de l'agriculture, sur les pesticides,
01:15:40 sur la politique du jardin, tout ce que vous pouvez imaginer.
01:15:43 Il y en avait à l'époque avec le ministère de l'équipement,
01:15:46 sur les routes, sur toute la politique de repos en modal.
01:15:50 En fait, il y en avait avec Bercy,
01:15:53 sur tout ce qui était fiscalité environnementale.
01:15:55 Donc, toutes les politiques environnementales
01:15:57 étaient conflictuelles,
01:15:59 et pas seulement conflictuelles au niveau politique,
01:16:01 elles étaient conflictuelles au niveau administratif.
01:16:03 Et le Grenelle de l'environnement
01:16:07 a servi en fait à casser ça.
01:16:11 Et il a eu, encore une fois, ce n'était pas connu au grand public,
01:16:13 mais il a eu un volet administratif considérable.
01:16:17 On a réuni dans le même ministère
01:16:21 des gens qui avant étaient au ministère de l'équipement,
01:16:24 au ministère du logement, au ministère de l'écologie,
01:16:27 pour certains qui avaient tangenté le ministère de l'agriculture.
01:16:33 Ça a été un mouvement majeur
01:16:38 pour faire tomber en quelque sorte
01:16:41 des espèces de murs entre administrations
01:16:44 qui étaient autant de blocages organisés.
01:16:49 Donc oui, je comprends ce que vous dites,
01:16:52 et bien sûr, rien de tout ça n'est innocent politiquement,
01:16:56 mais il y avait quand même des objectifs plus élevés que ça aussi.
01:17:06 Je vous remercie.
01:17:09 Et une question, plutôt une réflexion
01:17:11 que je vous partage pour avoir votre avis
01:17:13 sur la question de l'exclusion du nucléaire du Grenelle.
01:17:16 Parce que c'est une situation finalement qu'on ne retrouve pas telle qu'elle,
01:17:19 puisque le Grenelle est assez unique en son genre,
01:17:21 mais qu'on retrouve dans d'autres moments de la période qu'on étudie,
01:17:24 l'idée qu'on sort le nucléaire du débat public ou parlementaire
01:17:28 ou parce qu'il est crispant ou parce que la décision est déjà prise.
01:17:32 Est-ce que ce n'est quand même pas un peu paradoxal
01:17:35 de se retrouver dans cette situation où finalement,
01:17:37 parce que c'est trop crispant ou clivant politiquement et socialement,
01:17:40 on n'en parle pas,
01:17:42 ceux qui condamnent ou bien à ne pas prendre de décision
01:17:45 ou bien à prendre des décisions qui ne bénéficient pas
01:17:47 de la même lumière politique, médiatique, parlementaire.
01:17:50 Est-ce que d'une certaine manière,
01:17:52 dans le cas du Grenelle, de l'environnement,
01:17:55 on peut imaginer que c'était pour ne pas parasiter
01:17:57 les débats sur les autres sujets
01:17:59 ou pour ne pas mettre en difficulté le nucléaire
01:18:02 face à des ONG qui étaient majoritairement antinucléaires,
01:18:05 mais est-ce qu'il n'y a pas une dimension paradoxale
01:18:07 de vouloir, pour le préserver, j'imagine, dans le cas d'espèces,
01:18:11 l'exclure du débat et du coup,
01:18:13 perdre en crédibilité et en légitimité démocratique ?
01:18:17 Je comprends ce que vous dites.
01:18:21 Je vais d'abord relever que le nucléaire n'a pas été le seul
01:18:24 à être exclu des débats, enfin exclu.
01:18:27 Il faut entendre sur ce qu'on appelle exclu.
01:18:30 Le nucléaire, c'est un fait de la politique énergétique française
01:18:34 et personnellement, simplement, on n'a pas,
01:18:36 dans les groupes de travail,
01:18:38 on n'a pas eu un groupe de travail nucléaire.
01:18:40 On n'a pas mis en négociation et en discussion le sujet.
01:18:43 Le nucléaire n'a pas été le seul dans ce cas-là.
01:18:47 Ça a été le cas aussi, par exemple, de la chasse.
01:18:49 Ça a été le cas des OGM.
01:18:52 Pardon, Madame la Ministre,
01:18:53 mais en termes d'implication environnementale macro,
01:18:56 la chasse n'a quand même pas tout à fait le même statut
01:18:58 que ce qui produit 80% de notre électricité.
01:19:00 Je suis d'accord, mais ce que je veux dire, c'est que,
01:19:03 bon, la raison pour laquelle on a fait ça,
01:19:05 c'est qu'on avait le sentiment
01:19:08 que ça n'allait pas nous aider à progresser.
01:19:11 Et d'ailleurs, c'était un sentiment qui était partagé,
01:19:14 parce que si vous voulez, les ONG,
01:19:16 elles auraient très bien pu dire,
01:19:18 nous, on ne fait pas le Grenelle si on ne parle pas du nucléaire.
01:19:20 Elles ne l'ont pas fait.
01:19:22 Elles ne l'ont pas fait parce qu'elles savaient, comme nous,
01:19:24 que c'était des sujets sur lesquels il n'y avait pas vraiment d'espace,
01:19:28 que c'était des sujets sur lesquels il aurait fallu qu'on cède
01:19:33 ou il aurait fallu qu'elles cèdent,
01:19:34 et ni l'un ni l'autre ne le fait.
01:19:37 On en était d'accord d'une certaine manière.
01:19:40 Ça ne veut pas dire qu'on était d'accord sur le fond,
01:19:42 mais on était d'accord sur le fait qu'on ne serait pas d'accord.
01:19:44 Donc, sur le Grenelle, moi, j'assume tout à fait le fait
01:19:49 qu'on n'a pas eu de groupe de travail flamandville ou pas flamandville,
01:19:54 mais honnêtement, ça aurait servi, à mon avis,
01:19:56 dans cette configuration-là, ça aurait servi à pas grand-chose.
01:20:00 Après, je participe tout à fait de ce que vous dites
01:20:03 sur le fait qu'on laisse se développer un sentiment
01:20:11 qu'il y a quelque chose de secret, de différent, etc.
01:20:16 et que c'est un petit peu dommage.
01:20:21 Moi, je pense qu'il faudrait qu'on réussisse sur le nucléaire
01:20:25 à sortir des catégories de pensée quasiment religieuses
01:20:29 des deux côtés de l'échiquier.
01:20:35 C'est-à-dire qu'il y en a qui sont contre de manière
01:20:39 où je trouve parfois pas complètement étayée,
01:20:45 mais vous avez aussi des choses qui sont de l'ordre de la foi
01:20:49 de côté de ceux qui sont pour, y compris de manière
01:20:55 pas complètement étayée ou qui mériteraient plus de débats
01:20:59 sur les différentes options.
01:21:01 Je trouve qu'on est devenus un petit peu, avec le temps,
01:21:04 un petit peu religieux sur ce sujet,
01:21:09 avec des arguments définitifs du genre De Gaulle l'a fait,
01:21:12 donc c'est bien.
01:21:13 On peut être un peu plus sophistiqués que ça,
01:21:20 peut-être collectivement, nationalement, sur un sujet
01:21:23 comme vous le signalez aussi important.
01:21:25 Je vous remercie.
01:21:28 En effet, on riait.
01:21:29 Je vous ai fait rire, j'ai l'impression.
01:21:30 Non, on riait à votre boutade sur De Gaulle l'a fait,
01:21:34 donc c'est bien.
01:21:35 Pardon, je continue.
01:21:39 Je continue alors là sur les différents...
01:21:41 Je précise que je viens du Parti gaulliste
01:21:43 et je renie pas mes origines.
01:21:44 C'est pour ça qu'on riait, bien sûr.
01:21:46 Surtout le rapporteur.
01:21:48 Évidemment, le président s'en dédique.
01:21:53 Peut-être sur le contenu du Grenelle,
01:21:55 parce que c'est une partie, et vous avez raison de le souligner
01:21:58 en propos liminaires, qui est forcément un peu moins abordé
01:22:02 dans nos débats, mais qui n'est pas moins importante,
01:22:04 qui est à la fois la maîtrise de la demande,
01:22:06 la capacité à être sobre et efficace du point de vue énergétique.
01:22:11 Peut-être vous vous demandez moins comment les engagements
01:22:15 du Grenelle en matière d'efficacité, de sobriété,
01:22:18 de rénovation, par exemple, ont été pris,
01:22:20 mais que la manière dont vous avez eu le sentiment
01:22:22 qu'ils ont été pris en compte par les acteurs,
01:22:25 une fois les principaux outils déployés
01:22:28 dans les années qui ont suivi,
01:22:30 et la manière dont vous analysez ensuite
01:22:32 ce qu'on pourrait considérer comme un...
01:22:34 Je ne sais pas si le mot "retard" est sévère
01:22:36 dans les 15 dernières années, mais en tout cas,
01:22:38 une insuffisante progression par rapport
01:22:40 aux gisements d'économies d'énergie en la matière.
01:22:48 Sur la mise en œuvre du Grenelle,
01:22:50 il y a eu une espèce de très grande variété
01:22:52 d'instruments de mise en œuvre du Grenelle.
01:22:55 Je ne sais pas si on peut porter un jugement comme ça global,
01:22:57 parce qu'il y avait des choses qui étaient
01:22:59 strictement législatives, d'autres qui étaient
01:23:02 législatives et réglementaires.
01:23:04 Il y avait des choses qui étaient ni législatives
01:23:05 ni réglementaires et qui consistaient à lancer
01:23:10 des appels à projets, qui dépendaient de la rapidité
01:23:14 avec laquelle l'administration mettait en œuvre
01:23:16 les appels à projets. Il y avait des choses
01:23:18 qui étaient de l'ordre des accords volontaires
01:23:20 avec les acteurs de la filière.
01:23:22 Il y avait une dimension budgétaire,
01:23:24 parce qu'il y avait des choses qui avaient besoin
01:23:25 de financement.
01:23:26 Évidemment, tout ça a eu des vitesses
01:23:31 de mise en œuvre, des cinétiques différentes,
01:23:34 ce qui est assez normal.
01:23:37 Vous allez dire que je suis un peu obsédée,
01:23:39 mais comme je suis la seule à être, j'ai l'impression,
01:23:41 parfois obsédée par ça, il faut bien qu'il y en ait un.
01:23:43 Je pense que le manque de couplage
01:23:46 avec la politique industrielle a été un facteur majeur
01:23:50 de ralentissement, et quand je dis de ralentissement,
01:23:53 de stop and go.
01:23:55 Sur les sujets sur lesquels on a réussi
01:24:05 à lancer une base industrielle,
01:24:09 chaque effort de politique publique participait
01:24:14 de la compétitivité nationale, éventuellement
01:24:17 de l'aménagement du territoire, dans certains cas,
01:24:19 parce qu'une partie de cette base industrielle
01:24:21 a pu se faire dans des territoires
01:24:24 qui étaient à redynamiser,
01:24:27 et d'une politique de l'emploi.
01:24:30 Il n'y avait pas de débat, s'il vous plaît,
01:24:37 il n'y avait pas de point bloquant.
01:24:39 Sur les sujets sur lesquels les objectifs environnementaux
01:24:43 n'étaient pas accompagnés clairement
01:24:48 de bénéfices en matière d'emploi ou de compétitivité,
01:24:52 ou en tout cas pas à hauteur de l'investissement,
01:24:55 c'était plus contentieux,
01:25:00 ou en tout cas, c'était forcément plus tributaire
01:25:04 des conditions macro-économiques.
01:25:09 C'est-à-dire qu'on se retrouvait à pouvoir le faire
01:25:11 quand on avait de l'argent,
01:25:12 et à ralentir quand on n'en avait plus.
01:25:14 L'intérêt de coupler,
01:25:16 ce n'est pas pour la beauté du geste,
01:25:17 de coupler avec des politiques industrielles,
01:25:19 et des politiques en matière de l'emploi,
01:25:21 et des politiques en matière d'aménagement du territoire,
01:25:23 c'est comme ça que ça marche dans la durée,
01:25:25 c'est comme ça qu'on crée une dynamique positive
01:25:28 de laquelle tous les acteurs sont pour,
01:25:30 puisque le bénéfice est évident.
01:25:33 Et je pense que ça a manqué
01:25:36 sur certaines des énergies renouvelables,
01:25:41 et en particulier sur le solaire et sur l'éolien,
01:25:44 l'éolien terrestre, j'entends.
01:25:46 Je pense que l'éolien offshore,
01:25:49 on ne le voit pas forcément beaucoup dans les chiffres aujourd'hui,
01:25:51 parce que ça a été une énergie qu'on a développée plus tardivement,
01:25:55 mais c'est une exception à ce problème que je soulignais.
01:26:01 Il y a la question de la politique des réseaux de chaleur,
01:26:06 et de l'utilisation et du développement de la chaleur renouvelable,
01:26:10 j'ai essayé d'en parler un peu dans mon propos liminaire,
01:26:15 je trouve que c'est un sujet qui a été peu ou insuffisamment traité en France,
01:26:21 et c'est notamment un des regrets, je trouve,
01:26:27 de la politique d'EDF et de la politique nucléaire.
01:26:31 Je sais qu'il y a des questions techniques autour de ça,
01:26:34 mais vous savez, une centrale nucléaire, ça produit beaucoup de chaleur fatale,
01:26:37 et d'ailleurs, un des intérêts d'avoir des plus petits réacteurs que des gros réacteurs,
01:26:41 c'est que votre chaleur est plus décentralisée que quand vous avez un gros réacteur.
01:26:46 Vous comprenez, Flamanville,
01:26:48 je connais bien le département de la Manche,
01:26:51 comme disait Chirac, c'est beau, mais c'est loin.
01:26:54 Et donc, votre base industrielle locale autour de Flamanville, elle est réduite.
01:27:01 Si vous avez des petits réacteurs qui sont un peu mieux répartis,
01:27:09 la question de savoir ce que vous faites de la chaleur fatale de l'énergie,
01:27:13 de la production nucléaire, est peut-être un peu plus pertinente,
01:27:17 en effet, que tout simplement quand tout ça se passe à Flamanville.
01:27:20 Je ne vous dis ça, je ne referai pas un sujet majeur,
01:27:22 et je suis consciente que je vais avoir un débat dessus avec des ingénieurs plus techniciens que moi,
01:27:29 que c'est un sujet qui n'est pas complètement simple.
01:27:33 Mais je voulais le dire pour mémoire,
01:27:35 parce que j'ai l'impression qu'on en parle peu dans votre commission,
01:27:37 la question de l'utilisation de la chaleur et de la chaleur renouvelable.
01:27:40 Vous savez, on parle de production d'énergie,
01:27:43 en ce moment, on est dans l'électrification,
01:27:46 mais une grande part de la consommation d'énergie n'est pas forcément électrique,
01:27:52 et notamment en matière industrielle, on consomme énormément de chaleur.
01:27:55 Donc, on n'est pas obligé de tout faire passer par des électrons.
01:27:59 Il y a des manières, du point de vue thermodynamique,
01:28:02 du point de vue du cycle énergétique, je veux dire,
01:28:05 dans lequel il y a moins de gâchis,
01:28:12 il y a moins de pertes en ligne dans le cycle thermodynamique
01:28:17 de produire de l'énergie ou de consommer de l'énergie.
01:28:21 Oui, absolument, ça devance une de mes questions futures,
01:28:24 mais vous y avez largement répondu.
01:28:26 Je reviens sur ce que vous venez de dire sur le couplage
01:28:31 entre politiques industrielles et objectifs environnementaux.
01:28:35 Avant de passer au point sur les énergies renouvelables,
01:28:37 juste un point à nouveau en lien avec le Grenelle,
01:28:39 est-ce que ce que vous dites s'applique, par exemple,
01:28:42 à la question de la rénovation thermique ?
01:28:44 Est-ce que ce que vous dites en creux, c'est que c'est important
01:28:46 d'avoir des objectifs environnementaux, des objectifs d'économie, d'énergie,
01:28:50 de développer des outils, j'allais dire, des outils incitatifs
01:28:53 pour le consommateur ?
01:28:55 Vous avez mis en place des mesures fiscales, crédit d'impôt,
01:28:57 emprunte au zéro, etc.
01:28:58 Mais est-ce que ce que vous dites s'applique à la politique industrielle,
01:29:00 au sens du développement de la filière, des compétences ?
01:29:04 Et si oui, est-ce que vous avez eu le sentiment que,
01:29:06 lorsque vous étiez aux responsabilités,
01:29:09 cette partie-là qui était assurée, j'imagine,
01:29:11 par le ministre en charge de l'emploi ou en charge de l'industrie,
01:29:14 et par la suite, que cette dynamique-là a été suffisamment portée
01:29:18 pour que la rénovation thermique puisse s'effectuer en réalité ?
01:29:22 Alors absolument.
01:29:24 La rénovation thermique était une des politiques
01:29:28 identifiées comme étant gagnante, gagnante, gagnante.
01:29:31 Gagnante en matière environnementale,
01:29:33 parce que vous avez un bénéfice de lutte contre le changement climatique.
01:29:41 Conséquent, c'est quand même une grande part de la production de CO2,
01:29:49 enfin de la production de CO2 à travers du gâchis,
01:29:52 parce qu'il y a du gâchis dans l'isolation,
01:29:57 ou dans le manque d'isolation.
01:29:59 Gagnante aussi du point de vue du particulier,
01:30:02 ou d'ailleurs de la collectivité,
01:30:04 enfin de quiconque paye ces factures,
01:30:06 parce qu'en fait, vous avez des horizons de rentabilité
01:30:09 qui sont un peu longs pour les particuliers,
01:30:12 mais qui se sont néanmoins avérés.
01:30:16 Vous voyez, en combien d'années on récupère l'investissement,
01:30:22 et en combien d'années il faudrait pouvoir le récupérer
01:30:24 en fonction de ce que sont les acteurs et les propriétaires.
01:30:26 En tout cas, c'est gagnant de ce côté-là aussi,
01:30:29 et absolument gagnant du point de vue de l'emploi,
01:30:32 parce que c'est de l'emploi local.
01:30:34 C'est un des secteurs sur lesquels on a lancé très vite
01:30:38 d'abord des politiques de formation,
01:30:41 donc des filières d'accompagnement, d'apprentissage.
01:30:48 Et ce qui était important,
01:30:50 c'est qu'on a lancé aussi des politiques de certification des acteurs,
01:30:54 pour que les gens ne se passent pas arnaqués.
01:30:55 Parce qu'un des problèmes qu'on a eu avec le Grenelle,
01:30:58 c'est que le Grenelle c'était comme les routiers dix ans ou vingt ans plus tôt,
01:31:03 c'était sympa,
01:31:04 et donc tout le monde se mettait l'étiquette Grenelle partout.
01:31:08 C'était drôle, les autres ministères voulaient chacun leur Grenelle,
01:31:14 chacun voulait son Grenelle,
01:31:15 mais c'était vrai aussi dans le monde de l'entreprise,
01:31:18 on avait pu se lancer quelque chose, c'était sympa,
01:31:20 mais toutes les petites PME,
01:31:23 chacun essayait de surfer en quelque sorte sur la vague,
01:31:26 et donc on avait mis en place des politiques de certification,
01:31:30 et puis des politiques d'accompagnement local par l'ADEME,
01:31:33 pour être sûr que les travaux qui étaient faits,
01:31:36 étaient des travaux de qualité,
01:31:37 et que les gens ne se faisaient pas avoir éleurés en quelque sorte,
01:31:40 par des choses qui s'appelaient Grenelle et qui en fait n'étaient pas de qualité.
01:31:43 Mais oui, ça a été un des sujets d'emblée identifiés,
01:31:46 comme étant porteurs d'emploi,
01:31:48 et porteurs d'emploi dans les territoires, c'est très local.
01:31:51 J'ai enregistré au rapporteur que maintenant on ne fait plus de Grenelle,
01:31:54 on fait des Ségur, tout va bien.
01:31:56 C'est une question postale, monsieur le président.
01:32:00 C'est une question postale.
01:32:03 Toujours sur cette question,
01:32:05 couplage avec l'industrie,
01:32:07 vous en avez parlé déjà,
01:32:08 mais si vous voulez bien revenir dessus un instant,
01:32:11 vous l'avez bien expliqué pour l'éolien offshore,
01:32:15 peut-être revenir sur l'éolien terrestre,
01:32:17 et sur le photovoltaïque,
01:32:18 avec l'autopsie de ce qui n'a pas fonctionné,
01:32:21 ou de ce qui était insuffisant.
01:32:22 Vous avez évoqué les appels d'offres,
01:32:23 la capacité à localiser la production,
01:32:26 en tout cas inciter à localiser la production.
01:32:28 Est-ce que vous avez d'autres éléments
01:32:30 qui permettraient d'expliquer l'échec relatif,
01:32:34 pour ne pas être trop sévère en la matière ?
01:32:37 D'abord, le sujet éolien onshore et solaire,
01:32:44 les sujets sont différents pour moi.
01:32:46 L'éolien onshore, il y a une base industrielle européenne,
01:32:51 simplement elle n'est pas chez nous.
01:32:53 Et donc si vous voulez,
01:32:54 c'était vraiment, on est dans un cadre européen,
01:32:57 le lancement de notre politique de développement
01:33:03 de l'éolien onshore en France était décalé
01:33:07 par rapport à ce qui se faisait en Allemagne,
01:33:09 ce qui se faisait dans les pays nordiques.
01:33:10 Ils avaient la base industrielle,
01:33:12 nos volumes du coup représentaient
01:33:14 une part relativement faible du volume de marché.
01:33:18 C'était bien difficile dans ce contexte,
01:33:20 si vous voulez, de lancer une base industrielle nationale.
01:33:26 Donc c'était un sujet qui était lié à la maturité d'une industrie
01:33:33 qui par ailleurs avait trouvé à se développer en Europe.
01:33:38 Donc c'était pour le coup un sujet différent.
01:33:40 Du solaire, parce que le solaire, le problème,
01:33:44 c'est qu'il y avait eu par le passé des embryons
01:33:47 d'industries européennes,
01:33:50 il y avait eu des travaux de recherche,
01:33:52 notamment dans le cadre du CEA,
01:33:54 vous aviez de la recherche solaire dans les années 70,
01:33:58 il y avait eu des choses de qualité sophistiquée,
01:34:01 trop tôt d'une certaine manière.
01:34:03 Mais la base industrielle, ce qu'il en restait,
01:34:07 était en train de vivoter ou ne se développait pas bien.
01:34:15 Et en fait, de plus en plus, c'était en train de se passer en Chine.
01:34:19 Et donc on était dans une situation dans laquelle,
01:34:23 visuellement, quelque part politiquement,
01:34:25 on atteignait les objectifs parce qu'en fait,
01:34:27 on était en train d'augmenter la quantité de solaire installée.
01:34:31 Mais quand vous regardez de près avec quoi on l'augmentait,
01:34:35 en proportion, c'était de plus en plus des panneaux chinois.
01:34:39 Et donc on finançait sur des engagements multiannuels,
01:34:48 des engagements de très longue durée
01:34:50 qui seraient payés par le consommateur d'électricité nationale.
01:34:55 On finançait des champs solaires qui,
01:35:00 pour une faible partie, bénéficiaient,
01:35:03 comme ça, en spot, d'emplois locaux,
01:35:06 parce qu'en fait, il y allait avoir un peu d'installation,
01:35:08 puis il y aurait peut-être un peu de maintenance,
01:35:10 et puis un jour, il y aurait peut-être un peu de démantèlement,
01:35:12 s'il avait été bien prévu.
01:35:13 Mais pour l'essentiel, en fait, était de l'import,
01:35:16 et finançait directement l'industrie chinoise.
01:35:19 Donc oui, on faisait du chiffre en termes de panneaux,
01:35:23 mais vous allez penser que j'ai été marquée par le travail aux États-Unis
01:35:30 et que je partage un peu leur obsession sur la bataille commerciale avec les Chinois.
01:35:35 Mais enfin, quand même, je ne trouve pas complètement légitime,
01:35:37 si vous voulez, que le consommateur d'électricité français
01:35:40 s'engage à payer pour 10 ou pour 20 ans,
01:35:43 sur sa facture d'électricité,
01:35:46 les usines de production de panneaux en Chine.
01:35:49 Ce n'était pas bien.
01:35:51 Donc, ça a été mal vécu.
01:35:53 D'ailleurs, ce n'est pas par hasard.
01:35:54 D'ailleurs, ça avait été préparé,
01:35:58 et puis ça a été actionné.
01:36:02 J'ai repris la responsabilité du ministère,
01:36:04 mais j'en assume la totale responsabilité.
01:36:07 On a fait un moratoire.
01:36:09 On n'a pas fait un truc rétroactif,
01:36:10 contrairement à ce qu'ont fait certains autres,
01:36:12 qui d'ailleurs ont été condamnés.
01:36:13 On a fait un moratoire.
01:36:14 Évidemment, ça a été très mal vécu,
01:36:15 et je le comprends très bien.
01:36:17 Vous aviez des installeurs locaux
01:36:19 qui, malgré tout, faisaient un peu d'emploi local
01:36:21 en installant des panneaux chinois.
01:36:23 Mais on a mis un coup d'arrêt,
01:36:25 y compris pour des raisons financières.
01:36:27 C'est vrai, mais pas que pour des raisons financières,
01:36:29 parce qu'on n'était pas contents
01:36:30 de la manière dont ça se déployait industriellement.
01:36:34 Et on a essayé de remonter
01:36:37 des politiques de soutien qui étaient…
01:36:40 D'abord, elles étaient plus sophistiquées
01:36:43 en matière du genre de solaire qu'on faisait.
01:36:45 On n'en faisait pas à tout n'importe quoi.
01:36:46 On essayait de faire du solaire innovant,
01:36:49 ce qu'on appelait innovant.
01:36:50 Et pourquoi on faisait ça comme ça ?
01:36:51 Parce que ça permettait d'avoir des spécifications
01:36:55 qu'on a par ailleurs renforcées
01:36:57 avec des bilans carbone, du panneau bas carbone,
01:37:01 des choses comme ça,
01:37:02 d'avoir des spécifications qui nous permettaient
01:37:03 de soutenir l'émergence
01:37:05 d'une filière nationale ou européenne.
01:37:07 Ça a un peu marché au début.
01:37:10 Le problème, c'est que c'est vraiment des choses
01:37:12 qui doivent se développer dans la durée.
01:37:15 Et assez vite, si vous regardez ces appels d'offres,
01:37:19 un certain nombre des spécifications
01:37:21 qu'on avait essayé d'introduire,
01:37:22 qui n'étaient pas très différentes
01:37:24 de ce qu'on a fait pour l'éolien en mer.
01:37:26 L'éolien en mer, on disait,
01:37:28 on veut que les entreprises emploient
01:37:32 tant d'apprentis.
01:37:35 Tout ça, c'est des façons, si vous voulez,
01:37:37 de se débrouiller pour que ce soit
01:37:38 une base industrielle locale.
01:37:40 Donc, ce n'était pas très différent
01:37:41 ce qu'on mettait dans les appels d'offres.
01:37:42 Le problème, c'est que progressivement,
01:37:45 on a vu partir ces choses-là.
01:37:48 Moi, je me suis demandé,
01:37:49 quand je l'ai vu partir,
01:37:50 je vous dis que je n'étais plus aux affaires,
01:37:51 si c'était pour accélérer, en quelque sorte,
01:37:56 pour baisser les prix et pour faire du chiffre
01:37:59 sur le mégawatts installé.
01:38:02 Pour en avoir parlé avec des responsables
01:38:08 de mon ancienne administration,
01:38:09 il semble aussi que la Commission européenne
01:38:12 ait été plus regardante que sur l'éolien en mer.
01:38:17 Elle a un peu fermé les yeux sur l'éolien en mer
01:38:19 pour les motifs que je vous disais.
01:38:20 C'est vrai que c'est une industrie différente,
01:38:22 on peut argumenter,
01:38:23 et elle ne l'a pas fait sur le solaire.
01:38:25 Je voudrais remercier.
01:38:28 Une dernière question sur les énergies renouvelables.
01:38:30 J'allais dire, oui.
01:38:31 Je peux vous dire un truc juste.
01:38:32 Quand on voit ce que les Américains font
01:38:37 sur l'Inflation Reduction Act,
01:38:38 on aimerait quand même de temps en temps
01:38:40 que la Commission européenne soit un petit peu plus…
01:38:43 Vous voyez, le libre-échange, la libre-concurrence,
01:38:47 tout ça, c'est super.
01:38:48 Moi aussi j'ai fait des cours d'économie.
01:38:50 Vous regardez.
01:38:54 Moi j'ai le nez dedans en ce moment
01:38:55 puisque je m'occupe d'investissement
01:38:57 dans les technologies vertes aux Etats-Unis.
01:38:59 Je peux vous en parler,
01:39:00 je peux vous faire une incidente là-dessus.
01:39:03 Ces gens-là mettent 370 milliards.
01:39:10 370 milliards entièrement financés.
01:39:12 Parce qu'en fait, l'Inflation Reduction Act,
01:39:14 c'est 700 milliards de recettes
01:39:16 dont ils vont dépenser 370 milliards
01:39:19 sur les technologies vertes.
01:39:20 Le reste sert à désendetter l'État.
01:39:22 Déjà, en plus, c'est génial.
01:39:24 C'est vraiment autofinancé.
01:39:26 Ce n'est pas un des trucs, vous savez,
01:39:27 qu'on vote en disant
01:39:28 on augmentera les excises sur le tabac
01:39:30 et sur l'alcool,
01:39:33 qu'évidemment on ne montre jamais.
01:39:35 Le truc est vraiment financé,
01:39:36 plus que financé.
01:39:37 Puis 370 milliards,
01:39:38 vous réalisez, le Grenelle,
01:39:40 on avait quelques milliards ici ou là,
01:39:41 370 milliards.
01:39:42 Comme je vous l'avais dit,
01:39:43 c'est comme pour les guerres.
01:39:44 En tout cas, la première et la seconde guerre mondiale,
01:39:47 ils arrivent tard, les Américains,
01:39:48 mais ils font les trucs de manière solide.
01:39:52 Et quand vous ouvrez la boîte
01:39:53 et vous regardez comment sont dépensés
01:39:54 les 370 milliards,
01:39:56 vous avez des critères de localisation
01:40:00 et de développement d'une base industrielle locale
01:40:04 qui sont solides.
01:40:06 Par exemple, vous avez un des outils majeurs
01:40:10 de cette loi,
01:40:12 c'est ce qu'on appelle l'ITC,
01:40:16 Investment Tax Credit.
01:40:18 Vous avez un crédit d'impôt
01:40:20 pour des investissements
01:40:22 sur très grande variété de technologies,
01:40:27 du solaire, de l'éolien, de l'hydrogène,
01:40:31 du développement de la fermentation
01:40:36 pour développer du gaz naturel,
01:40:38 tout ce genre de choses.
01:40:39 Mais le crédit d'impôt,
01:40:41 ce n'est pas un taux fixe.
01:40:43 Vous avez un certain nombre de critères
01:40:46 qui sont nécessaires pour avoir le taux de 30 %.
01:40:50 Et puis après, vous avez des bonus,
01:40:52 +10 % et +10 %.
01:40:54 Et tout ça, à la fois les critères et les bonus,
01:40:57 est partie liée avec l'intégration,
01:41:00 avec en gros la production,
01:41:03 la politique industrielle.
01:41:05 Donc, que ce soit dans tel type d'endroit,
01:41:08 que ça bénéficie à tel type de communauté,
01:41:12 que ce soit produit au niveau national
01:41:16 pour telle proportion,
01:41:18 c'est explicite.
01:41:20 Ce n'est pas des trucs comme mes appels d'offres
01:41:22 où on était obligés de contourner,
01:41:24 de dire "ah oui,
01:41:28 mais on va faire un bilan carbone des panneaux
01:41:31 pour ne pas dire qu'on ne voulait pas des panneaux chinois,
01:41:33 on voulait des panneaux européens,
01:41:34 on était obligés de faire des trucs comme ça".
01:41:35 Là, ils ne font pas ça.
01:41:36 Si le panneau n'est pas américain,
01:41:39 vous n'aurez pas le même niveau de crédit d'impôt.
01:41:42 Et la différence, elle est solide.
01:41:44 Je trouve que parfois, ça agace.
01:41:49 Merci.
01:41:51 Une dernière question sur les énergies renouvelables.
01:41:54 Après, j'allais dire dans la séquence logique,
01:41:57 après la phase industrielle,
01:41:59 il y a la capacité ou l'acceptabilité
01:42:02 de leurs implantations.
01:42:04 J'imagine que comme secrétaire d'État en charge de l'écologie
01:42:07 puis comme ministre de l'écologie,
01:42:08 vous avez eu fort à faire,
01:42:09 comme vos prédécesseurs et vos successeurs,
01:42:12 pour rendre ces installations plus acceptables.
01:42:16 La loi que nous avons votée récemment,
01:42:20 qui succède à d'autres lois pour favoriser, simplifier,
01:42:23 rendre plus acceptable l'installation
01:42:26 de sources d'énergie renouvelables sur le territoire,
01:42:28 atteste à nouveau qu'on n'est probablement pas tout à fait
01:42:30 arrivés au bout du problème.
01:42:32 Qu'est-ce que vous avez vécu à l'époque
01:42:34 en termes d'acceptabilité d'implantation
01:42:37 des panneaux d'éoliens terrestres essentiellement à l'époque
01:42:41 et quelles leçons vous en tirez pour la suite
01:42:44 et pour notre capacité à, en réalité,
01:42:47 installer cette capacité de production
01:42:50 qu'on aspire à installer,
01:42:51 quels que soient les scénarios,
01:42:52 en tout cas de manière beaucoup plus importante qu'auparavant ?
01:42:58 J'ai vécu comme ministre ce que chacun peut bien imaginer,
01:43:03 c'est-à-dire que grosso modo,
01:43:05 tout le monde était d'accord pour dire
01:43:07 que le développement des énergies renouvelables,
01:43:09 c'était bien et quand il s'agissait de les avoir
01:43:11 au fond du jardin, personne, y compris des gens
01:43:14 qui étaient officiellement très favorables,
01:43:16 n'étaient pour et chacun trouvait des arguments
01:43:18 pour que ce ne soit pas au fond de son jardin.
01:43:20 Parfois, parce que, ce que je comprends,
01:43:24 parce que ça abîmait le paysage
01:43:28 et c'est vrai que c'est loin d'être idéal partout
01:43:31 et il y a des choses pas forcément nables
01:43:33 qui ont été faites.
01:43:34 Parfois aussi parce que, même s'il y avait l'idée
01:43:38 que ce n'était pas possible pour les gens,
01:43:41 il y a cette peur que ça fasse perdre de la valeur
01:43:45 aux biens qui sont là, quels qu'ils soient.
01:43:49 Donc, même si on n'est pas soi-même forcément très sensible,
01:43:53 il y a cette inquiétude que ça ait des conséquences patrimoniales.
01:43:59 Je vous dirais que ma conclusion de tous ces débats,
01:44:02 ce n'est pas le bord, ce n'est pas facile,
01:44:05 je n'ai pas de baguette magique,
01:44:07 mais il y a trois critères à suivre.
01:44:10 Le premier, c'est de minimaliser l'impact.
01:44:13 Les paquets de trois éoliennes ici et là,
01:44:16 non quoi, enfin, il y a des…
01:44:21 On ne peut pas faire comme si ça n'avait pas d'impact.
01:44:25 Faire semblant que tout le monde trouve ça beau,
01:44:28 ce n'est pas vrai en fait, ce n'est juste pas vrai.
01:44:31 Donc, il y a le zonage, la minimisation de l'impact,
01:44:35 c'est quelque chose d'important.
01:44:38 La deuxième, c'est que c'est légitime d'avoir un partage de bénéfices.
01:44:49 Il ne faut pas qu'on se retrouve dans une situation
01:44:52 dans laquelle on achète des populations.
01:44:55 Donc, il faut réussir dans la mise en œuvre des politiques
01:44:59 à la fois faire les choses de manière juste
01:45:02 et en même temps de manière découplée,
01:45:05 sinon tout le monde y perd, y compris en dignité.
01:45:08 Et au passage, c'est vrai sur l'éolien,
01:45:13 c'est vrai sur beaucoup de choses en matière de politique publique,
01:45:17 de politique environnementale.
01:45:20 En tout cas, quand on a fait par exemple le parc amazonien en Guyane,
01:45:24 on a mis une taxe sur de l'exploitation offshore
01:45:31 qui allait financer une partie du parc.
01:45:38 Moi, je ne suis pas opposée par principe à ce genre de choses-là.
01:45:44 Il faut que ce soit fait d'une manière qui n'engage pas les acteurs
01:45:53 dans une espèce de négociation tordue.
01:45:58 La dernière chose, c'est la transparence.
01:46:01 Je fais référence à ce qu'on a fait sur le gazochisme,
01:46:06 mais on est quand même dans un monde dans lequel
01:46:09 certaines procédures d'attribution des autorisations,
01:46:15 c'était vrai surtout dans le code minier,
01:46:18 parce que dans tout ce qui atteint les paysages, c'est moins le cas.
01:46:22 Il y a quand même des procédures plus ouvertes
01:46:24 et certains vous diront que ce sont des procédures
01:46:26 qui font plus de part à la contestation.
01:46:31 Mais c'est bien que les procédures soient claires et établies,
01:46:36 sinon on laisse place à des contentieux qui traînent,
01:46:42 et personne n'en profite.
01:46:45 Je suis bien consciente en vous disant tout ça
01:46:47 que je pose des principes qui ne sont pas forcément simples à appliquer.
01:46:50 D'ailleurs, je n'ai pas trouvé que c'était une partie simple
01:46:53 de l'exercice ministériel.
01:46:56 Mais enfin, il n'y a rien eu de pire pour moi
01:47:02 que les situations dans lesquelles on avait l'impression
01:47:05 que l'accord local avait été acheté
01:47:08 et dans des conditions qui étaient peu transparentes.
01:47:13 Je vous remercie.
01:47:18 Et deux ou trois dernières questions sur la quatrième génération,
01:47:21 enfin sur la question des déchets et la quatrième génération.
01:47:24 D'abord, peut-être simplement, je ne suis pas sûr d'avoir compris,
01:47:27 vous avez l'air d'avoir mis sur le même plan
01:47:29 l'arrêt de Superphénix et celui d'Astrid.
01:47:32 Sauf erreur, Superphénix, c'était un démonstrateur en fonctionnement
01:47:37 pour lequel l'investissement initial avait été fait
01:47:39 et qui était en cours de fonctionnement.
01:47:41 Et si vous faites référence à 2019, c'est la fin des études
01:47:45 et la décision de ne pas construire de démonstrateur.
01:47:50 Je l'ai mis sur le même... Je suis d'accord, je comprends bien.
01:47:53 Je l'ai mis sur le même plan parce que pour moi,
01:47:55 l'un et l'autre procédaient d'un accord politique
01:47:59 dont je ne suis pas certain, dans un cas comme dans l'autre,
01:48:02 qu'il ait été pris sur...
01:48:04 Enfin, je suis certain qu'il n'a pas été complètement pris
01:48:06 sur des bases techniques.
01:48:08 En tout cas, c'est mon point de vue.
01:48:10 Je comprends qu'on puisse en avoir un différent,
01:48:13 mais il me semble que dans les deux cas,
01:48:16 il y a eu une part politique prépondérante dans cette décision.
01:48:20 Je pense, si je peux aller un peu plus loin,
01:48:23 on revient sur ce qu'on disait, la nécessité sur la politique du nucléaire
01:48:30 d'avoir...
01:48:32 Attaquer la quatrième génération, à tort ou à raison,
01:48:39 c'était vu dans certains milieux verts
01:48:43 comme attaquer le nucléaire à son talon d'Achille,
01:48:48 parce que, quelque part, indirectement,
01:48:50 c'était attaqué sur la question des déchets.
01:48:52 Je comprends le raisonnement.
01:48:54 Je ne sais pas à quel point c'est juste ou pas juste,
01:49:00 mais voilà.
01:49:02 Dans ce cas-là, il faut être sans...
01:49:05 Si ça a la pensée, il faut être sans naïveté.
01:49:09 Donc, quand on accepte d'arrêter Superphénix
01:49:11 ou qu'on renonce à aller plus loin sur Astrid,
01:49:16 on accepte de rentrer dans cette logique-là.
01:49:19 Je trouve qu'en tout cas, la question mérite d'être posée autrement
01:49:22 que dans le cadre d'un accord politique.
01:49:24 Vous savez bien comment se font les accords politiques,
01:49:27 notamment en marge des campagnes présidentielles.
01:49:31 J'étais par définition pas dans les discussions sur l'arrêt de Superphénix,
01:49:38 mais je doute qu'il y ait eu beaucoup de considération technique.
01:49:42 Non, vous ne croyez pas ?
01:49:44 Ce n'est pas l'avis de M. Jospin, mais...
01:49:46 Il est sûrement plus informé que moi puisqu'il en a fait partie.
01:49:50 Mais au passage, on a arrêté Superphénix.
01:49:53 Juste un mot quand même.
01:49:55 On a arrêté Superphénix,
01:49:57 mais comme on avait arrêté Superphénix et qu'on avait quand même besoin d'eux,
01:50:01 on a prolongé Phénix.
01:50:03 C'est quoi la cohérence ?
01:50:05 C'est comme Osiris.
01:50:08 On a arrêté Osiris et après, on s'est rendu compte
01:50:11 qu'on avait un problème de recherche.
01:50:13 On s'est dit qu'on allait lancer...
01:50:15 On s'est rendu compte, on s'est mis dans les prolongations.
01:50:20 Vous ne pouvez pas me faire croire que c'est complètement technique
01:50:26 comme argument, comme sous-jacent.
01:50:28 De ce côté-là du micro, n'ayez crainte.
01:50:32 Une question justement sur l'enchaînement de la fin de Phénix.
01:50:37 Puisqu'il me semble que c'était sous votre responsabilité,
01:50:41 en tout cas vous étiez aux fonctions,
01:50:43 le lancement du projet Astrid, la signature de la convention sur le projet Astrid.
01:50:48 Une des questions qu'on a pu se poser au moment de l'arrêt Superphénix
01:50:52 et du prolongement de Phénix,
01:50:54 c'est la capacité à capitaliser sur les connaissances.
01:50:56 Ce n'était pas exactement vos attributions,
01:51:00 mais je pense que vous avez peut-être un éclairage à apporter
01:51:03 sur l'orientation qu'avait en tête le gouvernement de l'époque
01:51:10 au moment de signer la convention d'Astrid.
01:51:13 C'était bien d'aller au bout, c'est-à-dire de faire les études préliminaires
01:51:16 et ensuite de construire un démonstrateur
01:51:19 dans l'idée d'être capable de maîtriser la quatrième génération
01:51:24 du point de vue expérimental de la recherche et du fonctionnement.
01:51:28 Je ne comprends pas la question.
01:51:32 Quelle aurait été l'alternative ?
01:51:36 Non mais ça aurait pu être à des fins pures de recherche.
01:51:40 Non, il y a…
01:51:43 Au moment où Areva et EDF sont entrés dans des tensions dont on a parlé,
01:51:53 le CEA, c'est de mon point de vue, un tout petit peu,
01:51:57 et je comprends bien pourquoi, un tout petit peu rétracté.
01:51:59 Mais à l'origine, il y avait une dynamique dans le secteur du nucléaire
01:52:03 qui circulait, qui était beaucoup plus fluide que ça,
01:52:07 et notamment, oui, le CEA faisait de la recherche,
01:52:10 mais enfin le CEA était quand même un lieu en quelque sorte
01:52:13 de capitalisation de l'expérience nucléaire.
01:52:17 Le CEA était présent, participait à des…
01:52:23 C'était une recherche très appliquée quand même, vous savez,
01:52:27 et donc quand on parle de Ferastrid,
01:52:31 ça participe aussi de tout le débat qu'il y avait à l'époque
01:52:34 et qui d'ailleurs a participé au lancement de Flammembile,
01:52:36 de comment est-ce qu'on fait pour maintenir une compétence d'ingénierie
01:52:43 en matière de nucléaire.
01:52:45 Alors, je suis bien consciente que ce n'est pas le même type,
01:52:47 voyez, d'ingénierie, d'aller construire des réacteurs
01:52:49 et d'aller faire du réacteur…
01:52:51 Mais quand même, il y avait derrière une logique,
01:52:54 des logiques qui… des correspondances, si vous voulez.
01:52:58 Ce n'était pas un système dans lequel le CEA
01:53:01 était dans la recherche pure et fondamentale
01:53:04 et EDF et Areva auraient été dans la production.
01:53:10 C'était beaucoup plus fluide et circulant entre tout ça.
01:53:15 Et d'ailleurs, je peux vous en donner une preuve,
01:53:18 enfin oui, c'est qu'au moment de l'accident de Fukushima,
01:53:22 on a eu… une difficulté qu'on a eue,
01:53:25 c'est que les Japonais ont coupé toutes les communications.
01:53:27 On n'arrivait pas à savoir ce qui se passait,
01:53:29 il s'était…
01:53:32 Donc, on n'avait pas d'informations,
01:53:34 c'était quand même assez angoissant à plusieurs titres.
01:53:39 Le canal qu'on a trouvé…
01:53:41 Le canal officiel ne marchait plus, si vous voulez, en fait,
01:53:44 on ne pouvait pas appeler l'homologue, ça ne marchait pas.
01:53:46 Le canal qu'on a trouvé, c'est par le milieu de la recherche
01:53:51 et par des gens du CEA qui avaient travaillé avec les Japonais,
01:53:55 sur des réacteurs japonais, qui avaient des relations,
01:53:58 et donc on a réussi à avoir, par ce biais-là,
01:54:02 des informations sur ce qui se passait dans la centrale.
01:54:06 Donc, vous voyez, c'est bien la preuve que ce n'est pas un truc
01:54:10 dans lequel il y a d'un côté la recherche avec des chercheurs en labo
01:54:13 et de l'autre côté, non, c'est plus fluide que ça
01:54:16 entre le milieu de la production et le milieu de la recherche.
01:54:19 Merci. Et une dernière question sur le rapport Rousseli,
01:54:24 qui est remis en juin 2010 et qui contient un certain nombre
01:54:28 de préconisations, certaines qui ont été visiblement appliquées
01:54:33 comme sur CIGEO, mais il y a aussi des recommandations
01:54:37 qui portent sur l'intérêt, l'urgence d'accélérer le soutien
01:54:42 à la prolongation des réacteurs nucléaires, y compris, je lis,
01:54:46 à 60 ans à sûreté constante, voire davantage.
01:54:50 Comment est-ce que… Est-ce que d'abord, vous êtes destinataire
01:54:52 du rapport ? Est-ce que vous avez des échanges ?
01:54:55 Et comment est-ce que vous recevez cette préconisation,
01:54:58 alors qu'on n'en est pas encore là dans les réflexions,
01:55:00 y compris dans les visites décennales ?
01:55:02 Et est-ce qu'il y a des mesures qui sont mises en place
01:55:04 ou des discussions avec la SN qui sont entamées
01:55:08 pour anticiper justement ce cap des 60 ans ?
01:55:11 Alors, plusieurs choses. J'allais dire samedi dernier,
01:55:17 mais c'est normal parce que s'il a été remis en juin 2010,
01:55:19 c'était avant que je sois nommée ministre.
01:55:22 J'ai été nommée ministre… Je suis revenue en…
01:55:25 Vous voyez, j'ai été secrétaire d'État, puis,
01:55:28 à la suite de quelques péripéties sur les OGM,
01:55:33 je suis allée voir du côté du numérique et de la planification
01:55:38 ce qui s'y passait, et je suis revenue en novembre 2010.
01:55:41 Donc, le rapport aussi n'a pas été remis à moi.
01:55:47 Je tique sur une expression que vous avez utilisée,
01:55:52 qui est « à sûreté constante », puisque, comme je crois
01:55:55 qu'on en a parlé plus tôt, une des particularités,
01:55:58 enfin, un des principes de la politique nationale
01:56:01 en matière de sûreté, c'est justement que la sûreté
01:56:04 n'est pas constante. Elle doit progresser à mesure
01:56:08 des progrès technologiques, et c'est une différence,
01:56:11 par exemple, avec la doctrine de la NRC
01:56:16 qui est l'agence en charge ici aux États-Unis.
01:56:19 Pardon, je montre ici parce que c'est la 43e rue à New York.
01:56:22 Donc, le « à sûreté constante » en fait, est pour moi
01:56:29 un peu mystérieux parce que, justement,
01:56:32 ce n'est pas le principe. Ce qui est certain,
01:56:36 et je peux peut-être vous aider à travers
01:56:39 quelques considérations sur FaceTime ici.
01:56:43 On savait qu'il y avait un enjeu,
01:56:48 enfin, on parlait de la prolongation du parc.
01:56:52 Ça ne fait pas de doute. J'ai lancé l'élaboration
01:56:57 du cahier des charges pour les visites décennales.
01:57:01 On parlait de la nécessité de l'effacer.
01:57:11 Le principe des visites décennales, c'est qu'il fallait qu'elles puissent...
01:57:14 C'est lourd, une visite décennale.
01:57:17 On parlait de choses comme les bénéfices et inconvénients
01:57:21 d'avoir un parc qui est très standardisé.
01:57:24 Le bénéfice, c'est que vous avez un effet de série.
01:57:27 L'inconvénient, c'est que si jamais vous avez une malfaçon,
01:57:29 vous avez aussi un effet de série sur la malfaçon.
01:57:32 Donc, on parlait de choses comme ça.
01:57:34 Et évidemment, ça a des conséquences sur la visite décennale
01:57:37 parce que si vous trouvez un problème ou un type de travail
01:57:40 très lourd à devoir faire...
01:57:41 Et on parlait aussi des particularités de certains sites,
01:57:45 soit en termes de localisation géographique,
01:57:47 des sites qui auraient été plus sensibles
01:57:51 aux risques sismiques, par exemple,
01:57:55 des sites qui auraient été plus sensibles
01:57:59 aux risques de perte d'approvisionnement en eau,
01:58:02 ou des réacteurs qui, pour des raisons que je ne connais pas bien,
01:58:09 alors même que le parc était très standardisé.
01:58:13 Il y avait quand même 32 réacteurs de 900 MW
01:58:16 et puis la série de 1300.
01:58:20 Les seuls qui étaient vraiment différents, c'était les N4.
01:58:22 Et encore, c'est parce que les commandes étaient digitalisées,
01:58:25 mais la conception était quand même très standardisée.
01:58:30 On parlait aussi de certaines particularités de certains sites,
01:58:33 et notamment du site de Fessenheim.
01:58:35 Un des problèmes à Fessenheim,
01:58:37 il y avait un problème que tout le monde peut comprendre,
01:58:39 qui était quelle sera la source d'eau alternative
01:58:42 si jamais on manque d'eau.
01:58:48 Mais ça, c'est des sujets locaux.
01:58:50 La question se pose dans toutes les centrales,
01:58:52 c'est quelles sont les ressources successives
01:58:56 et les ressources de secours en matière d'eau.
01:58:58 À Fessenheim, il y avait un sujet particulier,
01:59:00 je ne sais pas pourquoi,
01:59:01 ce qu'on appelle le radier,
01:59:05 qui est en quelque sorte planché en béton de la centrale,
01:59:08 était plus fin qu'ailleurs.
01:59:11 Alors, ça n'a l'air de rien,
01:59:13 mais l'épaisseur du radier commande la cinétique de l'accident.
01:59:17 Enfin, elle ne commande pas la cinétique de l'accident,
01:59:19 mais elle commande la cinétique du passage du cœur fondu
01:59:23 en cas d'accident dans le sous-sol,
01:59:27 et en l'occurrence dans la nappe phréatique d'Alsace.
01:59:34 Je souligne ça parce qu'en fait,
01:59:36 la question se posait au moment des visites des Sénals,
01:59:40 au moment du lancement de l'appel d'offres,
01:59:43 évidemment on fait un cahier des charges standard,
01:59:48 mais on a aussi en tête la spécificité de telle ou telle centrale.
01:59:54 Compte tenu du fait que dans la doctrine française,
01:59:59 la sûreté nucléaire ne se fait pas à sûreté constante,
02:00:02 mais se fait avec acquisition au fil du progrès technologique d'amélioration,
02:00:10 il était question, si on avait fait une visite des Sénals,
02:00:13 si on avait voulu prolonger Fessenheim,
02:00:15 de poser la question de l'épaississement du radier
02:00:18 pour éviter ce problème particulier de Fessenheim
02:00:24 et du risque de la cinétique d'un accident nucléaire.
02:00:30 Quand les visites des Sénals ont été lancées,
02:00:32 finalement, je crois que les jeux étaient faits,
02:00:35 EDF pensait que c'était fini pour Fessenheim
02:00:41 et que la décision avait été prise,
02:00:42 je ne me souviens pas du détail des différents...
02:00:45 Mais du coup, de mémoire, ils n'ont pas intégré,
02:00:47 ça s'est fait après mon départ,
02:00:49 ils n'ont pas intégré Fessenheim dans les visites des Sénals
02:00:51 et donc on ne saura pas combien ça aurait coûté
02:00:53 et si même ça aurait été techniquement possible d'épaissir le radier.
02:00:58 Le principe c'est que l'Autorité de Sûreté Nucléaire est indépendante,
02:01:01 mais évidemment, tout ça a des conséquences potentielles
02:01:05 sur des choix de politique énergétique
02:01:07 qui ne relèvent pas de l'Autorité de Sûreté Nucléaire
02:01:09 mais qui évidemment l'informe.
02:01:11 - Simplement pour vous préciser que le radier de la centrale de Fessenheim
02:01:15 a été épaissi en 2013.
02:01:18 - Oui, mais au moment de la visite des Sénals,
02:01:21 il aurait fallu le réépaissir
02:01:24 parce qu'il n'était pas à la hauteur de ce qu'on aurait réclamé
02:01:27 pour avoir un niveau qui se rapprochait de la sûreté de la troisième génération.
02:01:31 Je crois, je ne veux pas vous dire de bêtises, mais il me semble bien.
02:01:34 Vous aviez un sujet qui était...
02:01:37 Alors, de mémoire, vous aviez un sujet...
02:01:39 La seule chose que vous ne pouvez pas changer sur une centrale, c'est la cuve.
02:01:42 Et vous pouvez épaissir le radier
02:01:45 de ce que vous avez comme espace en dessous de la cuve,
02:01:48 mais je crois que vous ne pouviez pas aller aussi loin qu'il aurait fallu.
02:01:51 Il y avait une histoire comme ça.
02:01:53 Après, écoutez, je ne suis pas ingénieur de la sûreté à Fessenheim.
02:01:57 Merci beaucoup, Madame la ministre.
02:01:59 J'ai fini une question, mais simplement pour le, j'allais dire,
02:02:01 "for the record", comme on dit de votre côté de l'écran,
02:02:04 parce que vous avez tiqué sur l'expression "à sûreté constante".
02:02:07 En fait, c'est l'intitulé de la recommandation du rapport Rousseli,
02:02:10 je cite "Soutenir l'extension de fonctionnement des centrales à 60 ans,
02:02:14 virgule, à sûreté constante".
02:02:16 Donc, je pense que c'est plus une imprécision
02:02:18 et qu'il ne s'agissait pas d'une remise en cause du choix normatif français.
02:02:21 Mais c'est marrant, mais c'est curieux quand même.
02:02:23 C'est curieux comme titre, parce que c'est vrai
02:02:25 que c'est contradictoire avec la doctrine.
02:02:27 Enfin, je ne sais pas. Je n'en ai pas parlé avec lui.
02:02:31 Je vous dis, je n'étais pas encore revenue.
02:02:34 Merci beaucoup, en tout cas.
02:02:36 Monsieur, alors, on va passer la parole aux députés qui sont présents.
02:02:43 Monsieur Lennet.
02:02:45 Merci, Monsieur le Président.
02:02:47 J'ai trois groupes de questions.
02:02:48 Je peux prendre trois fois la parole.
02:02:49 Ce sera peut-être plus clair.
02:02:51 Voilà. Oui, oui.
02:02:53 Alors, la première.
02:02:55 D'abord, merci pour vos réponses.
02:02:58 D'ailleurs, certaines de mes questions vont reprendre certaines de vos réponses,
02:03:02 mais peut-être pour essayer d'avoir quelques précisions.
02:03:05 D'abord, sur les énergies renouvelables.
02:03:08 Vous avez déjà répondu en partie à ce qui a expliqué le retard
02:03:12 qui a été qualifié tout à l'heure de relatif,
02:03:14 pour rester poli, de la France dans le développement des ENR.
02:03:18 Je partage vos interrogations,
02:03:21 enfin, sur le fait que le manque de filières industrielles en France
02:03:25 participe du retard qu'on a accumulé,
02:03:28 en particulier sur le photovoltaïque, mais aussi sur l'éolien.
02:03:31 Est-ce qu'il n'y a pas aussi peut-être l'obsession du marché
02:03:35 de vouloir systématiquement passer par le marché ?
02:03:37 Est-ce que je qualifie moi, en tant que député LFINupes,
02:03:41 de main invisible du marché,
02:03:43 alors que précisément pour le nucléaire,
02:03:45 on a toujours fonctionné avec l'État ?
02:03:48 Et d'ailleurs, tout à l'heure, il a été dit que sur Flamanville,
02:03:51 peut-être, on s'était passé d'une consultation publique parlementaire,
02:03:57 mais en vérité, dans toute l'histoire du nucléaire,
02:03:59 on s'est largement passé du débat parlementaire et du débat public.
02:04:02 Voilà. L'électricité, c'est un système.
02:04:04 Ça a été rappelé la dernière fois,
02:04:06 quand on a auditionné les quatre représentants syndicaux d'EDF.
02:04:11 C'est un système. Il semble que, pour moi, ça justifie que
02:04:15 ce soit l'État qui prenne la main et que ce ne soit pas laissé
02:04:18 à la main du marché, y compris pour le développement des ENR.
02:04:22 Je ferais volontiers écho à ce que vous dites
02:04:38 en disant que le marché seul ne va pas construire une politique énergétique,
02:04:45 ce qui ne veut pas dire qu'il n'a pas sa place, bien au contraire.
02:04:50 Mais il y a des choses qui ne le font pas.
02:04:53 Par exemple, la programmation de long terme.
02:04:57 Le marché fait de l'optimisation à court terme.
02:05:02 C'est bien et c'est important dans des systèmes interconnectés
02:05:08 qu'il puisse y avoir de l'optimisation à court terme.
02:05:12 Mais il ne va pas faire de la programmation à long terme.
02:05:18 Pour moi, une politique énergétique bien équilibrée,
02:05:23 c'est une politique énergétique dans laquelle, d'abord,
02:05:26 l'État fait de la programmation à long terme,
02:05:30 y compris sur des sujets de recherche qui n'ont pas de visibilité,
02:05:33 mais plus que ça, sur des sujets de réseau,
02:05:37 des sujets de stockage, des sujets, comme on l'avait dit un peu plus tôt,
02:05:42 qu'on avait lancé une réflexion sur les questions capacitaires.
02:05:46 L'équilibre entre la base et le reste, les capacités pilotables,
02:05:52 ce genre de choses-là.
02:05:54 Le marché ne prend pas en compte toutes ces dimensions.
02:06:01 Donc, on a besoin d'une part de programmation de l'État.
02:06:05 Ce qu'il faut, c'est trouver des systèmes dans lesquels,
02:06:09 à l'intérieur de cette programmation nécessaire,
02:06:13 on laisse suffisamment de liberté aux acteurs locaux et industriels,
02:06:18 parce que c'est quand même comme ça que ça marche bien,
02:06:22 et on fait effet de levier sur de l'argent privé,
02:06:29 pour que ce soit avant tout des capitaux privés qui soient investis,
02:06:33 parce que c'est des sommes tellement conséquentes,
02:06:35 la transition énergétique,
02:06:37 que si vous voulez faire ça sur le budget de l'État,
02:06:45 d'abord vous allez probablement faire les choses de manière très sous-optimale,
02:06:48 mais surtout, vous n'y arriverez pas.
02:06:50 Donc, trouver des moyens.
02:06:52 Comment on la fait ?
02:06:53 Par exemple, je parlais des appels d'offres.
02:06:55 Vous voyez, quand on a mis en place les appels d'offres sur l'éolien offshore,
02:06:59 on définit un cadre qui est un cadre d'État,
02:07:03 c'est-à-dire on définit des zonages,
02:07:05 on lance des appels d'offres sur des zones,
02:07:08 on y met des critères pas du tout innocents
02:07:13 pour développer une base industrielle,
02:07:16 mais enfin, les appels d'offres sont à destination d'acteurs privés,
02:07:19 et c'est les acteurs privés qui y répondent et qui derrière construisent.
02:07:22 Pour moi, c'est ça une politique équilibrée.
02:07:26 Je précise que pour que ça marche bien,
02:07:28 il faut qu'il y ait de la visibilité,
02:07:30 et il faut que les acteurs privés se sentent suffisamment à l'aise
02:07:37 pour pouvoir investir dans le long terme.
02:07:39 Ce qui, à mon avis, est une des forces de ce qui est en train d'être fait aux États-Unis
02:07:42 avec l'Inflation Reduction Act.
02:07:43 Je vous donne juste un exemple.
02:07:45 Sur l'hydrogène,
02:07:46 ils font un dispositif dans lequel un producteur d'hydrogène vert
02:07:51 aura 3 dollars par kilo.
02:07:54 Aujourd'hui, la production d'hydrogène vert, c'est 7-8 dollars par kilo.
02:07:58 La production d'hydrogène gris, la production d'hydrogène classique, c'est moins de 3 dollars.
02:08:01 Donc on peut se dire, oui, 3 dollars par kilo, c'est bien ce qu'il faut.
02:08:04 Mais sauf que la courbe d'apprentissage est très rapide,
02:08:08 il est probable que ça suive une courbe d'apprentissage du type qu'on a eu sur le solaire,
02:08:12 et cet engagement qu'ils prennent, ils le prennent pour 10 ans.
02:08:16 C'est-à-dire qu'on donne aux acteurs privés une visibilité de 10 ans.
02:08:20 Si vous investissez pendant 10 ans, vous serez subventionné à hauteur de…
02:08:24 Et d'ailleurs, au bout de 10 ans, ça ne s'arrête pas d'un coup, il y a un phasing out.
02:08:28 Donc moi, je crois à des politiques de ce genre-là,
02:08:31 dans lesquelles chacun ait bien sa place.
02:08:33 L'État dans la stratégie et un peu de planification
02:08:38 et l'organisation d'un système qui permet d'attirer un maximum de capitaux
02:08:46 et d'investir l'argent là où il faut.
02:08:49 Je vous remercie.
02:08:51 Bon, j'entends votre raisonnement quand même sur les masses monétaires.
02:08:54 L'État vient de racheter pour quelques milliards les dernières actions d'EDF qu'il n'avait pas.
02:08:59 EDF est endetté à hauteur de 60 milliards,
02:09:02 et je crois que le grand carénage est estimé entre 100 et 150 milliards.
02:09:05 Donc je note qu'on se pose un peu moins de questions pour dépenser sur cette partie-là.
02:09:09 Mais ce n'est pas grave.
02:09:10 Deuxième question, si je ne dis pas de bêtises.
02:09:15 Le 3 janvier 2012, l'ASN vous a remis un rapport,
02:09:20 je crois que c'est à votre demande et suite à Fukushima,
02:09:22 et en particulier sur la question de la sous-traitance.
02:09:25 Et mettant en balance la question de la sous-traitance et celle de la sûreté des installations,
02:09:31 alors est-ce que vous avez quelques précisions à nous apporter là-dessus ?
02:09:36 Deuxième chose, on sait que les sous-traitants reçoivent 80% des doses
02:09:41 qui sont reçues par les agents qui interviennent sur les centrales.
02:09:45 Est-ce que ce n'est pas ça la vraie raison du fait qu'on les laisse à l'extérieur d'EDF ?
02:09:50 Et troisième question, est-ce que vous pensez que ce ne serait pas une bonne idée
02:09:54 précisément de les reprendre en interne pour garder cette compétence ?
02:09:58 Parce qu'à force d'externaliser, on se retrouve avec EDF qui ne sait plus faire
02:10:03 toute une partie des manœuvres qu'il y a à faire quand il faut changer le combustible, etc.
02:10:09 On sait que 80% des événements majeurs sont imputables à une erreur humaine.
02:10:13 Est-ce qu'il n'y a pas un intérêt à reprendre en interne ces compétences-là ?
02:10:17 C'est une très bonne question.
02:10:21 C'est en effet un des sujets qui a été soulevé après Fukushima.
02:10:29 Finalement, où sont les compétences et en cas de crise, à qui on fait appel ?
02:10:34 Et qui est disponible ? Qui est là ? Qui sait ? Qui connaît les lieux ?
02:10:43 Et ça posait la question de la continuité.
02:10:48 Un des problèmes de la sous-traitance, c'est que vous ne maîtrisez pas
02:10:57 dans la durée qui vient forcément sur le site.
02:11:04 Il y a deux sujets différents pour moi dans ce que vous soulevez comme question
02:11:09 et dans ce débat.
02:11:12 Il y a la question du suivi des personnels et de s'assurer que
02:11:17 la personne n'est exposée à aucun moment ni au fil de sa vie professionnelle
02:11:25 à des doses supérieures à ce qui est autorisé.
02:11:28 Et ça, c'est quelque chose qui est exigible aussi bien de l'opérateur
02:11:34 que des sous-traitants.
02:11:36 C'est-à-dire que ce n'est pas parce qu'on fait appel à un sous-traitant
02:11:39 qu'on peut...
02:11:42 Évidemment, ce n'est pas conçu comme ça et soit doit pas l'être.
02:11:45 Et il y a la question des compétences qui est donc une question différente
02:11:51 parce que même si vous vous assurez qu'aucun sous-traitant n'est exposé
02:11:55 à plus que les doses autorisées, la question de la continuité
02:12:00 des compétences n'est évidemment pas la même si le personnel est titulaire
02:12:11 ou est appelé à des missions variées.
02:12:14 Il avait été demandé de mémoire dans ce débat, il avait été demandé à EDF
02:12:27 de faire une revue de compétences et une revue de la question de la sous-traitance
02:12:33 au titre de la continuité et de la construction des compétences.
02:12:37 Je ne pourrais pas vous dire ce qui en est devenu parce que,
02:12:39 comme vous le soulignez, le rapport a été remis en janvier 2012
02:12:43 et moi j'ai quitté le ministère le 14 février 2012.
02:12:47 Donc je ne pourrais pas vous dire avec plus de précision quelle suite EDF a donné au rapport.
02:12:53 Mais il faut vraiment séparer, je ne voudrais pas qu'on relaisse dans l'idée
02:12:58 que sous prétexte que c'est un sous-traitant, il peut être exposé à plus de radiation,
02:13:02 ce n'est pas vrai, ce n'est pas fait comme ça, ce n'est pas construit comme ça.
02:13:05 Mais ça ne veut pas dire que ça ne pose pas un problème de compétences
02:13:07 et la question des compétences devait être étudiée par EDF
02:13:12 pour éventuellement remettre en cause certains dispositifs de sous-traitance.
02:13:16 Je ne saurais pas vous dire quelle suite a été donnée à ça.
02:13:18 Je vous remercie.
02:13:20 Donc dernière question, puisque vous étiez en poste à l'époque de Fukushima
02:13:24 et en charge de la sûreté du nucléaire.
02:13:26 Est-ce que vous pensez qu'un tel accident est exclu en France ?
02:13:29 On sait que plusieurs de nos centrales sont situées en bord de mer ou en zone inondable
02:13:33 et d'ailleurs Panly est construit sur un polder
02:13:37 et là est à l'étude l'idée de faire deux nouveaux EPR à Panly.
02:13:41 À Gravelines, on veut en construire également deux nouveaux sur un site entièrement offshore.
02:13:47 Du coup, question suivante, est-ce bien raisonnable finalement
02:13:52 de relancer la construction de nouvelles centrales avec Flamanville
02:13:57 qui n'est toujours pas terminée ?
02:13:59 Vous avez déjà largement répondu sur Flamanville,
02:14:01 mais un prototype de EPR2 qui pour l'instant n'est quand même pas vraiment au point.
02:14:08 La question des déchets, à l'heure actuelle, pour s'occuper des déchets,
02:14:13 les installations qu'on a à la fois autour des réacteurs et avec l'Andra et avec CIGEO
02:14:19 ne sont pas du tout démentionnées pour accueillir de nouveaux déchets
02:14:22 qui viendraient de nouvelles centrales.
02:14:24 Et enfin, il y a quand même le réchauffement climatique qui s'installe pour un petit moment,
02:14:29 même si on essaye de lutter contre.
02:14:31 La question de la sécheresse et du réchauffement des cours d'eau.
02:14:35 Ma question c'est, est-ce qu'un accident tel que Fukushima serait possible en France
02:14:40 et est-ce bien raisonnable de relancer la construction de nouveaux réacteurs
02:14:44 quand on sait tout ça ?
02:14:46 Est-ce qu'un accident tel que Fukushima serait possible en France ?
02:14:57 J'ai envie de vous dire, probablement pas exactement le même,
02:15:02 mais quelque part, c'est pas le sujet.
02:15:09 On a entendu ici ou là des propos sur le fait qu'il n'y allait pas avoir de tsunami dans le Rhin
02:15:15 et que donc Fessenheim n'était pas en situation de risque.
02:15:18 C'est vrai.
02:15:19 Mais les leçons de Fukushima, c'est pas juste est-ce qu'on peut avoir un tsunami.
02:15:26 Les leçons de Fukushima, ce que j'ai essayé d'esquisser,
02:15:29 c'est un accident dans lequel il y a une série de sur-accidents
02:15:36 qui aboutissent à avoir un site nucléaire qui est coupé du monde
02:15:45 et en situation potentiellement d'emballement.
02:15:49 C'est-à-dire un événement naturel qui est un tsunami qui noie le dispositif de refroidissement
02:15:59 et derrière un emballement parce qu'il n'y a pas suffisamment de dispositifs autonomes de refroidissement
02:16:10 et des problèmes connexes non mineurs comme la mise en danger des mises en fragilité des piscines
02:16:20 parce qu'il y a un problème de résistance des piscines à cette situation,
02:16:24 la mise en danger des opérateurs sur le site parce qu'il y a un problème de protection des opérateurs
02:16:30 en situation d'accident sur le site, etc.
02:16:32 Ce que je veux dire, c'est que c'est pas parce qu'on risque pas un tsunami ici ou là,
02:16:37 vous n'aurez pas de tsunami à Saint-Laurent-des-Eaux, qu'on n'a pas à apprendre,
02:16:46 qu'il n'y a pas des conséquences à tirer de l'accident de Fukushima.
02:16:50 Et d'ailleurs, c'est ce qu'on a essayé de faire dans les évaluations complémentaires de sûreté.
02:16:54 On ne s'est pas seulement posé la question de savoir si l'accident en tant que tel était réplicable.
02:16:59 Et puis d'ailleurs, c'est pas comme ça que ça arrive, ça ne se répète jamais exactement de la même manière
02:17:05 et ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas tirer des enseignements.
02:17:09 Donc, on a essayé quand même de tirer des enseignements à travers tout ce que j'ai dit,
02:17:17 les diésels de secours beaucoup mieux doublés et non sensibles aux tremblements de terre, aux tornades, etc.
02:17:28 Beaucoup mieux protégés, mais aussi des choses comme les forces d'action rapides nucléaires projetables sur le site
02:17:38 pour ne pas se retrouver en fait avec juste une dépendance de ceux qui sont là, des choses de ce genre-là.
02:17:45 Est-ce que c'est parfait et est-ce qu'on peut faire mieux ?
02:17:52 Tous les systèmes de production énergétique ont leurs inconvénients
02:17:55 et celui-là on en a comme d'autres.
02:17:59 Vous avez cité la question des déchets, pardon de vous dire, mais il y a une petite inconséquence.
02:18:04 Je ne sais pas si c'est votre cas personnel, mais je crois que c'est celui de votre partie.
02:18:09 Assez tellement battu contre la quatrième génération et à pointer du doigt aujourd'hui le problème des déchets.
02:18:16 Parce que je serais la première à dire que quand on utilise le terme recyclage pour parler de la filière des déchets,
02:18:23 on ment parce qu'en fait aujourd'hui il n'y a pas un recyclage, la filière n'est pas bouclée.
02:18:28 Mais enfin c'était aussi l'enjeu de tous ces travaux de recherche.
02:18:32 Et donc à un moment il faut bien les avancer et trouver des solutions.
02:18:37 Ça faisait partie du projet initial et je trouve que c'est quelque chose qui doit être poursuivi et qui doit être avancé.
02:18:46 Sur la question du réchauffement climatique, je comprendrais bien le problème que vous soulevez.
02:18:50 Oui une centrale ça doit être refroidi.
02:18:53 Je voudrais juste souligner parce que je trouve que parfois il y a une ambiguïté là-dessus,
02:18:56 que la quantité d'eau nécessaire pour refroidir et pour produire n'est pas la même.
02:19:03 Alors il en faut pour refroidir et un des problèmes à Fukushima,
02:19:07 c'est pas qu'il n'y avait plus d'eau, par définition il y en avait, mais c'est que les pompes étaient noyées.
02:19:11 Donc si vous voulez il faut non seulement avoir de l'eau, mais avoir un système qui pompe et qui permet de refroidir.
02:19:17 Mais la quantité d'eau nécessaire pour refroidir un réacteur qu'on a mis à l'arrêt en situation de crise ou d'urgence,
02:19:24 c'est-à-dire qu'on a fait tomber les barres, on l'a mis à l'arrêt, la réaction s'arrête, il va falloir continuer à le refroidir.
02:19:29 Mais c'est juste du refroidissement de quelque chose qui a été arrêté.
02:19:33 Et la quantité d'eau nécessaire pour pouvoir fonctionner à plein dans la durée, elle n'est pas la même.
02:19:41 Et en fait quand on pose la question en termes de changement climatique, qui est un vrai sujet, on doit intégrer ça aussi.
02:19:51 C'est-à-dire que le changement climatique dans le cadre de situation de nos réacteurs n'est en général pas un problème de sûreté,
02:20:01 il peut être un problème de compétitivité au sens de production dans la durée,
02:20:07 parce qu'il y a des moments où on peut être obligé de ralentir parce qu'en effet il y a un problème d'approvisionnement en eau.
02:20:13 Merci Monsieur Dubois.
02:20:16 Monsieur le Président, merci. Madame la Ministre, je voudrais revenir sur le phénomène de, vous l'avez très bien expliqué,
02:20:26 d'abord vous remercier de toute la transparence, toute la sincérité avec laquelle vous m'avez tout au moins pour ma part
02:20:35 bien éclairé sur vos fonctions, les décisions prises.
02:20:40 Et je voudrais revenir sur ce que vous avez dit qui me paraît extrêmement important,
02:20:44 notamment, donc on le voit bien en matière de nucléaire, on est dans des temps longs,
02:20:50 des temps qui sont avec de la recherche, de la nouvelle technologie,
02:20:56 et ces temps qui sont beaucoup plus longs que les temps politiques et notamment les alternances politiques.
02:21:03 Et on voit bien que, on voit le dernier exemple au 31 août 2019, l'arrêt du programme Astrid,
02:21:10 qui arrête donc ce programme de recherche.
02:21:15 Ça a été expliqué lors de la dernière audition du directeur de cabinet d'Edouard Philippe,
02:21:20 qui nous dit qu'avec la complexité de leur majorité politique et un coût qu'il jugeait trop important,
02:21:27 et on voit bien que là on a une réflexion qui est prise et une décision qui est prise plus par Bercy,
02:21:37 vous avez parlé tout à l'heure, et ça me semble important d'avoir décloisonné certains ministères pour faire avancer les choses,
02:21:43 et on se retrouve où Bercy prend une décision d'arrêter un programme de recherche,
02:21:49 et finalement peut-être à long terme de faire que ce sera compliqué de trouver une souveraineté,
02:21:58 et notamment après sur les matériaux certains et l'approvisionnement, la résilience.
02:22:04 Donc qu'est-ce que vous voyez maintenant ? Vous êtes, on va dire, sur un autre continent,
02:22:11 et on voit que suite à ça on a déjà une problématique de quel est le bon mix ?
02:22:16 Il va falloir sûrement, et je voudrais peut-être que vous pourriez nous donner votre avis sur ce mix,
02:22:22 qu'elle est déjà se décider sur un mix, et pouvoir donc lancer des programmes par une loi peut-être,
02:22:29 programmes donc et un temps long en rapport au nucléaire,
02:22:33 et ensuite on sent bien qu'il n'y a pas de souveraineté, notamment énergétique, sans un appui fort de l'Etat,
02:22:42 et même si on voit bien, et vous l'avez dit, je suis en accord avec ça,
02:22:46 que l'Etat n'a plus suffisamment d'argent aujourd'hui pour assurer cette souveraineté,
02:22:52 et il faut être intelligent et essayer d'aller chercher des investisseurs qui permettent de rester aussi dans cette souveraineté,
02:23:02 cette résilience nationale. On sent qu'il y a un besoin d'un engagement national et d'Etat,
02:23:06 sauf qu'on est au milieu d'un marché public de l'électricité, donc européen.
02:23:13 Donc comment allier ces choses-là également, et on le voit en ce début d'année,
02:23:21 où on est presque à perdre notre souveraineté économique sur un coût de l'électricité qui est bien trop élevé,
02:23:29 avec une obligation d'un marché européen, et voilà comment allier les deux,
02:23:34 et peut-être aussi comment aujourd'hui sortir provisoirement de cette obligation de marché de tarification européenne
02:23:42 et perdre au-delà de notre souveraineté énergétique, notre souveraineté économique. Merci de votre réponse.
02:23:48 Merci de votre question, M. le député, qui n'est pas facile, si vous permettez.
02:23:55 D'abord, je peux dire que je suis d'accord avec vous sur la nécessité d'inscrire les politiques énergétiques dans le temps long
02:24:06 et de les inscrire au-delà de l'alternance. Je pense que l'arrêt de Superphénix comme l'arrêt d'Astrid
02:24:12 était quelque chose qui a été dicté par des accords ou des équilibres politiques,
02:24:20 et qu'en quelque sorte, en effet, miroir la décision d'accélérer le surferment en ville qu'on aurait pu travailler plus.
02:24:30 Et aussi une réaction de « on le fait maintenant parce que la fenêtre, c'est maintenant ».
02:24:35 Et donc, dans tous les cas, on bénéficierait tous collectivement d'avoir des réflexions sur ce sujet
02:24:44 qui sont moins crispées et qui débouchent sur des choix collectifs partagés et inscrits dans la durée.
02:24:57 Un choix collectif, au passage, ça peut être quelque chose sur lequel on n'est pas 100% d'accord.
02:25:03 Enfin, il y a un compromis. On se met d'accord sur un mix, qui n'est pas forcément celui que l'un ou l'autre aurait choisi.
02:25:11 Mais enfin voilà, c'est comme la vie en collectivité.
02:25:15 Et là, je trouve qu'on s'enferme sur un politique énergétique, sur des choses idéologiques
02:25:23 qui sont particulièrement endommageables sur un sujet qui est celui du temps long
02:25:28 et qui intègre par ailleurs des dimensions technologiques aussi compliquées et par ailleurs évolutives.
02:25:36 Sur la question du bon mix, du coup, il y a envie de vous dire que pour moi,
02:25:41 le bon mix, c'est celui sur lequel on réussirait à être d'accord collectivement dans la durée et à tenir le cap.
02:25:47 Donc, je ne vais pas dire que j'ai la vérité révélée, parce que je viens de vous dire que c'est probablement quelque chose
02:25:54 qui ne mettra personne, qui ne mettrait personne totalement, qui serait un compromis.
02:26:02 Mais l'intérêt, c'est que ce soit un compromis qu'on pourrait dans la durée.
02:26:06 Moi, à titre personnel, ce que je pousserais en cohérence avec ce que je vous ai dit maintenant,
02:26:10 c'est pour moi, le bon mix, c'est celui qui permet aussi de soutenir et qui est soutenu par une base industrielle nationale forte
02:26:18 qui fait sa place à des objectifs stratégiques qui, évidemment, ont de grande importance en matière de nucléaire.
02:26:25 Donc, concrètement, le bon mix, il a une base nucléaire pour moi, y compris une base de recherche qui permet de tenir sa place
02:26:35 dans un concert international dans lequel la France a toujours eu une place singulière et ce serait vraiment dommage qu'elle le perde.
02:26:43 Et puis, ce sont d'autres énergies et des énergies renouvelables et de préférence un accent porté sur celles sur lesquelles
02:26:51 on peut développer de l'emploi et on peut mener une politique industrielle locale qui participe de notre compétitivité.
02:27:00 C'est la raison pour laquelle j'ai tellement assisté sur l'éolien en mer.
02:27:04 Vous avez cité le problème européen. Franchement, on en a peu parlé.
02:27:08 J'ai vraiment l'impression que sur les politiques énergétiques, on s'est un petit peu laissé manger sur certains choix par les Allemands.
02:27:20 Et comme les Allemands ont fait des choix énergétiques et ont une structure de production qui, en conséquence,
02:27:28 qui à l'origine était déjà assez différente de la nôtre et qui n'a fait que diverger,
02:27:32 les structures de production divergentes, ça fait des intérêts divergents.
02:27:38 Et si on croit comme moi qu'ils ont mieux défendu leurs intérêts, ça fait une pénalisation pour les intérêts nationaux.
02:27:46 C'est très clair.
02:27:50 Je ne prends probablement pas la place ici, mais ce n'est pas comme si les Allemands en matière énergétique avaient fait que des choix formidables.
02:28:03 Et je ne vous parle pas que du nucléaire.
02:28:05 Par exemple, il y a quelques années, il s'est posé la question de savoir si on allait développer des terminaux méthaniés en Allemagne.
02:28:12 Je crois qu'il y a eu une pression des Russes.
02:28:16 Il ne s'agit pas de pression, il y a eu des débats et les Russes ont expliqué et promis qu'avec Nord Stream 2, ce ne serait pas nécessaire.
02:28:22 On voit bien le résultat aujourd'hui et on est heureux en France d'avoir plus de capacités de ce côté-là et par ailleurs,
02:28:29 des bonnes capacités de stockage stratégique.
02:28:32 Ce que je veux dire, ce n'est pas une bonne ou une mauvaise politique, ce sont des politiques assez différentes.
02:28:38 En l'occurrence, il y aurait bien des critiques, parce que parfois on se flagelle un peu sur la nôtre ces derniers temps,
02:28:42 il y aurait bien des critiques à faire sur la politique énergétique allemande.
02:28:45 Mais il y a un problème, c'est des politiques qui sont très différentes, qui ont plutôt eu tendance à diverger.
02:28:50 Et si on considère comme moi que le dispositif européen a plutôt penché sur ces sujets du côté de l'intérêt ou en tout cas de l'oreille prêtée
02:29:02 ou de l'attention prêtée à la structure de production allemande, ça dit bien en creux qu'on est un peu perdu.
02:29:09 Merci beaucoup Madame la Ministre. Je vois qu'on a fait le tour des questions que notre commission d'enquête avait à vous poser.
02:29:20 Merci beaucoup pour votre disponibilité depuis New York. On a vu progressivement le jour se lever derrière vous.
02:29:30 La journée de travail commence. La journée de travail commence, la nôtre est déjà bien entamée.
02:29:35 Merci beaucoup pour votre disponibilité, pour la précision de vos réponses et pour les éclairages que vous avez apportés à nos travaux parlementaires.
02:29:43 Votre rapport sera rendu public ? Est-ce qu'il sera disponible tout simplement ? Est-ce qu'il sera accessible ou ça va être quelque chose ?
02:29:56 C'est une commission d'enquête. Les travaux de notre rapporteur seront soumis à la commission d'enquête qui décidera de sa publicité tout début avril.
02:30:07 Formellement pour respecter le cadre juridique.
02:30:11 Je vois sourire le rapporteur.
02:30:14 J'espère produire un rapport qui passera au moins le cap de la publication.
02:30:21 On ne me demande pas mon vote mais il ira néanmoins dans le sens de la publication et j'espère beaucoup pouvoir le lire.
02:30:28 Je me permettrai d'évoquer votre soutien au moment du vote.
02:30:35 Merci beaucoup Madame la Ministre et bonne journée à vous.
02:30:42 Au revoir.
02:30:43 Merci.
02:30:44 Au revoir.
02:30:44 [SILENCE]

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