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En cette Journée internationale contre les mutilations génitales féminines, nous donnons la parole à Cumba, qui nous raconte comment elle a découvert qu'elle était excisée, sa colère, ainsi que sa reconstruction.

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Transcription
00:00 Et là, je me suis dit, mais ça veut dire que tu as la seule fille,
00:03 ici, dans ta classe, qui a été excisée.
00:05 Quand j'ai été excisée, j'avais 4 mois, j'étais bébé.
00:07 Je trouve que j'ai eu de la chance parce qu'à 4 mois, on se rappelle de rien.
00:10 Par rapport à d'autres femmes qui subissent ça à l'âge de 14 ans, voire 15 ans,
00:14 tu vois tout, genre c'est horrible.
00:17 Pour moi, l'excision, ça consiste en fait à couper le clitoris et les lèvres.
00:22 Autour de moi, que ce soit dans ma famille, que ce soit mes copines,
00:24 tout mon environnement, Omani, était excisé.
00:26 Donc pour moi, c'était quelque chose de normal.
00:28 Je ne demandais même pas, c'était quoi l'excision ?
00:31 Pourquoi m'exciser ? Non.
00:32 J'ai découvert que j'ai été excisée ici en France, seulement en 2014.
00:35 J'arrive ici en France dans le but de poursuivre mes études.
00:38 J'intègre une classe où j'étais quasiment la seule qui vienne d'ailleurs.
00:42 J'avais un prof qui nous a parlé de l'excision.
00:45 Et d'un coup, toute la classe se retourne vers moi en mode,
00:47 est-ce que Koumba, est-ce qu'elle a été excisée ?
00:50 Et là, d'un coup, je me suis dit, mais ça veut dire que
00:53 les filles qui m'ont regardée n'ont pas été excisées.
00:55 Donc ça veut dire que c'est quelque chose qui n'est pas normal.
00:58 Je me suis posé beaucoup de questions sur la rentrée.
01:00 Je me suis dit, mais toute ma famille, tout le Mali,
01:02 tous les gens qui m'ont bercée,
01:04 peut-être qu'ils savent que c'est grave.
01:06 Pourquoi ils m'ont infligé ça ?
01:07 J'en ai parlé avec ma soeur et elle,
01:09 vu que ça faisait un moment qu'elle était ici en France,
01:11 elle, elle savait effectivement que ce n'est pas normal.
01:13 Elle avait même en fait pris l'initiative de réparer pour elle,
01:17 mais on n'avait jamais eu cette discussion entre nous.
01:19 J'en ai parlé à un moment aussi avec mon père,
01:23 qui lui, il m'a dit qu'il était contre l'excision.
01:26 Donc je me dis, pour moi, on exigeait les femmes
01:29 pour faire plaisir aux hommes.
01:31 Mais si l'homme de ma vie, qui est mon père,
01:34 me dit que lui était contre et que c'est les femmes
01:36 qui sont censées me protéger, notamment ma maman, mes tantes, tout ça,
01:39 qu'elle, elle était d'accord.
01:40 Je me suis dit, c'est incompréhensible.
01:43 Et du coup, j'étais vraiment en colère contre elle.
01:46 J'ai vu qu'il y a eu pas mal de sensibilisation au Mali,
01:49 où il y a une catégorie, il y a une partie qui savent que ce n'est pas bien,
01:54 mais ils continuent à le faire.
01:55 C'est pas parce que toi, on t'a exigé quelque chose de grave
01:58 que tu te sens obligée de reproduire la même chose.
02:01 C'est quelque chose qui est culturel.
02:03 Et en même temps, pour elle, une fille qui n'est pas excisée, elle est impure.
02:06 Parce que quand tu n'es pas excisée dans tout le quartier,
02:08 déjà, tu es la seule fille impure, donc tu seras mal vue.
02:12 Pour éviter qu'on t'inflige tout ça, qu'on t'insulte, qu'on te traite de tous les noms,
02:17 tes parents, en fait, ils te disent, on va l'exciser.
02:19 C'est pour te rendre service au final.
02:22 Mais sauf que non, c'est à moi de faire ce que je veux de mon corps.
02:26 Et donc du coup, quand je me suis rendue compte plus tard
02:28 que les gens disaient de faire autrement, sans me consulter,
02:32 je répare et je fais ce que je veux de mon corps.
02:36 Depuis 2014, je me suis dit, je vais reparer.
02:38 Je vais reparer mon excision.
02:39 J'ai cogité de mon cou, cogité, cogité, est-ce que je le fais, est-ce que je le fais pas,
02:42 est-ce que c'est nécessaire ou pas.
02:43 Je voyais ce qui n'allait pas, mais je ne comprenais pas en fait le vrai problème.
02:48 C'est parce que c'était l'excision.
02:50 Moi, je savais que ça prenait beaucoup de temps avant de jouir,
02:52 mais je ne me suis jamais dit avant que c'était en rapport avec l'excision.
02:55 Vu que pour moi, c'était l'excision, c'est normal,
02:57 je ne connaissais pas les dangers, les inconvénients.
03:00 Donc du coup, quand j'ai compris effectivement l'importance du clitoris,
03:03 je me suis dit, ah, OK, maintenant je comprends pourquoi
03:06 ma relation sexuelle, c'est toujours un peu tendu.
03:09 On m'a déjà traité de nympho parce que moi, ça prenait beaucoup de temps
03:12 et il fallait que je le fasse plusieurs fois pour me dire,
03:16 ah ben voilà, là, je viens de faire l'amour et c'est bien, c'est bon.
03:20 Ça a été l'une des raisons aussi qui m'a poussée à reparer.
03:23 Les gens qui nous excisent, enfin l'exciseuse,
03:26 coupent juste un petit bout.
03:27 Donc si tu décides de reparer, la chirurgienne, elle va juste tirer
03:30 le reste du clitoris qui est dans toi.
03:33 C'est aussi simple que ça.
03:34 Après l'opération, j'étais vraiment contente parce que
03:36 tout de suite, j'ai vu qu'il y a quelque chose qui est entre mes jambes,
03:39 en fait, qui me tirait, genre que je n'avais jamais senti ça.
03:42 Et à chaque fois, je prenais mon miroir, je regardais,
03:45 je voyais que effectivement, il y a quelque chose.
03:48 Et j'avais vraiment hâte de découvrir, de faire,
03:51 de copuler avec quelqu'un pour voir le résultat.
03:54 Je n'ai pas pris énormément de temps pour guérir.
03:56 Ça m'a pris au bout de 4 ou 5 mois, je crois, j'étais opérationnelle.
04:00 Et c'était juste fabuleux.
04:03 Surtout la première fois quand je l'ai fait, je me suis dit,
04:05 non, Koumba, tu ne rêves pas, ce n'est pas dans ta tête.
04:08 C'est juste énorme.
04:10 Ça n'a pas pris beaucoup de temps parce que moi, avant,
04:13 je réfléchissais quand je faisais l'acte, genre,
04:16 mais comment lui, il va me voir, il va encore dire que
04:19 je n'ai toujours pas joui, que ça prend beaucoup de temps
04:21 et ça se trouve, il est fatigué.
04:22 Donc, tout ça, ça ne m'aidait pas non plus à venir tout de suite.
04:24 Et sinon, après l'opération, je me dis,
04:27 est-ce que je vais jouir maintenant ?
04:29 Et j'ai joui, genre, c'était comme par magie et c'était trop...
04:33 En fait, ça m'a fait du bien, je me suis dit, enfin,
04:37 je peux aussi bénéficier de ça, genre, et j'étais très contente.
04:40 Quand j'en ai parlé avec ma mère, elle n'était pas surprise,
04:43 mais elle n'a rien dit d'autre.
04:45 Elle n'a jamais approfondi, elle n'a pas été curieuse à me demander,
04:48 « mais comment ça se passe ? »
04:50 Je pense qu'elle n'est pas intéressée, elle ne veut pas savoir.
04:52 Mon père, non plus.
04:53 Je pense que c'est un tabou, en fait, de parler d'une partie de ton corps
04:57 qui est le vagin, genre,
04:59 je ne pense pas que je vais avoir cette discussion-là avec eux.
05:01 Après, en fait, ma réopération, j'ai intégré une association,
05:05 Excision Parle-Nos-On,
05:06 et cette association m'a appris beaucoup de choses.
05:08 Ils m'ont prouvé, ils m'ont montré que, en fait, pour combattre ça,
05:13 ce n'est pas être en colère ou les traiter de sauvage ou de tout,
05:17 de tous les noms, il faut plutôt les sensibiliser.
05:20 Ça m'a pris du temps avant de comprendre,
05:21 mais maintenant, je ne suis plus en colère.
05:23 Aujourd'hui, je vais bien.
05:25 J'ai des gens qui viennent me voir, qui me racontent leurs témoignages,
05:28 qui veulent en fait faire l'opération,
05:30 mais qui ne savent pas comment ça se passe ou qui ont peur,
05:33 donc du coup, j'essaie de les accompagner en donnant le contact de ma chirurgienne.
05:37 Et il y a beaucoup de gens qui se sont reparés,
05:39 qui sont venus me dire,
05:40 « Ah, mais merci, j'ai fait mon opération et ça se passe super bien ».
05:44 Et je sais que ces femmes-là ne vont pas exciser leur gosse,
05:49 donc ça me fait plaisir, oui.
05:50 [SILENCE]
05:55 Merci à tous !
05:57 [SILENCE]

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