• il y a 2 ans
Ce matin, nous recevons Jacques Weber, grand acteur français. Autant au cinéma, à la télé, qu’au théâtre, c’est pour son travail sur scène qu’il sera notre invité. À l’affiche de la dernière pièce de Pascal Rambert, « Ranger », spécialement créée pour lui, il sera seul en scène. Rendez-vous au Théâtre des Bouffes du Nord dès cette semaine !  

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Transcription
00:00 - Et Jacques Weber est donc avec nous sur le plateau Télématin.
00:02 Bonjour et bienvenue à vous Jacques Weber.
00:03 Vous êtes jusqu'au 18 février prochain au Théâtre des Bouffes du Nord,
00:07 dans une pièce qui s'appelle "Ranger".
00:08 Et "Ranger", c'est un seul en scène.
00:10 Déjà, je voudrais savoir, moi je l'ai vue cette pièce,
00:12 ça fait quoi d'être comme ça, seul, tout seul, sans filet face au public ?
00:15 - Très honnêtement, j'ai un filet considérable,
00:18 qui est une écriture magnifique de Pascal Rambert.
00:21 Moi, ça ne me change pas du Roi Lire ou d'autres grands textes
00:26 avec une grande distribution.
00:27 C'est un autre exercice.
00:30 Mais là, ce qui est peut-être très, très touchant,
00:33 c'est que je ne joue pas avec le public.
00:36 Il n'y a pas de quatrième mur.
00:37 Je suis enfermé dans cette boîte, dans cette chambre très aseptisée.
00:40 Et le drame est entier autour de ce portrait de la femme que j'ai perdu.
00:44 Enfin, drame et en même temps, je pense que c'est d'abord et avant tout
00:47 un grand champ d'amour.
00:48 - C'est un champ d'amour incroyable.
00:49 C'est pour ça que c'est extrêmement bouleversant.
00:51 On en vient au cœur de la pièce.
00:53 Vous interprétez donc un homme,
00:54 interprétez un homme qui a perdu sa femme un an auparavant,
00:57 qui ne cesse de lui parler, qui emporte avec lui partout une photo d'elle.
01:00 Et c'est à cette photo qu'il s'adresse.
01:02 Regardez.
01:02 - C'est fou d'avoir tant vécu dans l'autre et découvrir quand il s'en va
01:25 qu'on n'est rien.
01:28 Je n'ai pas pleuré depuis que tu es mort.
01:31 J'y rêve pas.
01:33 J'aimerais bien y arriver ce soir, que je sois délivré de ma peine,
01:37 que mon chagrin sorte.
01:39 Pourquoi je n'arrive pas à pleurer ?
01:41 Dans le café, il y avait cette chanson sur laquelle nous avons tellement dansé
01:48 dans les années 80, souvent ivre, défoncé et nu.
01:53 Et je t'aimerai toute ma vie.
01:55 - Et c'est 1h20 d'une déclaration d'amour qui vraiment vous prend au trip.
02:04 Le titre de la pièce, "Ranger", moi, il m'intrigue.
02:08 - Ah ben alors, il a de quoi intriguer.
02:10 En fait, c'est venu d'une discussion, puisque vous savez que Pascal Rembert
02:14 écrit toujours, toujours par rapport à ses acteurs.
02:17 Il sait l'acteur qu'il va prendre.
02:19 C'est pour moi qu'il a écrit ce titre.
02:21 C'est pour moi qu'il a écrit ce texte, en pensant à moi, en tout cas.
02:24 Et c'est venu d'une discussion, figurez-vous, sur Federer.
02:28 Federer, qui était un support, qui était un surdoué,
02:31 comme chacun sait, bien sûr, mais qui était, qui piquait des colères folles, etc.
02:36 Et qui, un jour, a dit je vais ranger ma chambre.
02:39 Je vais commencer par ranger ma chambre.
02:42 Enfin, je déforme l'histoire, mais c'est à peu près ça.
02:44 Et d'un seul coup, il a décidé de prendre une ligne de conduite.
02:47 Et je racontais ça à Pascal.
02:49 Et Pascal a dit la pièce s'appellera "Ranger".
02:51 En fait, "Ranger", c'est avant de nous retrouver, non pas de te quitter,
02:55 avant de nous retrouver dans le champ immense de la mort, de l'inéluctable.
03:01 Eh bien, je vais essayer de ranger un peu ma vie.
03:05 Et ce qui était tout à fait troublant et touchant, c'est qu'il ne raconte pas
03:10 totalement sa vie, mais il raconte sa journée, tout simplement.
03:13 Et ce qu'il faut savoir, c'est que lorsqu'on a décidé...
03:16 - Il partage comme il a partagé le film avec elle pendant des années.
03:19 - Exactement. Parce qu'en plus de ça, quelqu'un qui a décidé de mettre fin
03:22 à ses jours, mais dans cette espèce de plénitude,
03:25 et c'est toujours une grande plénitude, le vrai suicide.
03:27 Le faux, c'est un appel au secours, mais le vrai suicide, c'est plein de sérénité.
03:32 Et à partir du moment où il y a sérénité, l'amour peut être totalement grand ouvert.
03:36 Le cœur grand ouvert, c'est ce qui se passe dans cette pièce.
03:39 - Vous en êtes ou de vos propres interrogations sur la fragilité de la vie,
03:43 sur le temps qui passe ?
03:44 Parce qu'évidemment, on regarde cette pièce et on s'interroge tous.
03:47 Il y a un côté miroir.
03:47 - Très honnêtement, je me dis que je fais partie des privilégiés immenses
03:52 qui d'abord, on trouvait la femme de...
03:55 J'ai vécu 42 ans, je fête mes 42 ans de mariage ces jours-ci.
04:00 Donc c'est magnifique. Et puis j'ai eu la chance de faire ce métier.
04:03 Donc j'ai 73 ans et il m'est permis d'avoir cette sérénité.
04:09 Et pourtant, Dieu sait si je serai un bon chef.
04:11 - La chanson de Michel Perpech, "Ma pauvre Cécile".
04:14 - C'est vérumatisme !
04:15 - C'est pas plus important.
04:17 Et pourtant, sérénité face à ce monde qui est de plus en plus crispé,
04:22 fou et effroyable, c'est compliqué.
04:25 Mais j'ai cette chance de pouvoir méditer parce que j'ai le temps de méditer.
04:30 - Et vous avez beaucoup de souvenirs dans la vie,
04:31 parce que vous avez une mémoire formidable.
04:33 Et des souvenirs parfois partagés avec certains de vos copains,
04:36 dont un a tenu à vous adresser un message ce matin.
04:38 - Au diable.
04:39 - Eh bien, salut mon Jacob.
04:40 Je t'appelle de mon univers Bigoudeno-New-Yorkais de pandémie.
04:45 Et je sais que tu passes ce matin dans cette émission.
04:47 Et donc, j'avais plusieurs petites choses à te demander.
04:51 D'abord, quand est-ce qu'on se retrouve autour d'un homard sacrificiel
04:54 afin de pouvoir évoquer à nouveau les aventures de Gustav Flaubert
04:58 et de son ami Bouillet ?
05:00 Enfin, plein de choses m'interrogent.
05:03 Mais surtout, ce qui me taraude particulièrement à cette instance,
05:06 c'est, peux-tu me rappeler ce qui n'a qu'un œil,
05:09 qui tire la langue et qui fait l'amour comme un dieu ?
05:12 - Je vais...
05:14 Je t'en rassure.
05:15 - C'est une histoire...
05:17 - C'est un de vos très très bons copains.
05:18 - Oui, oui, oui, formidable.
05:19 C'est un très grand photographe et qui a démarré dans l'hôtellerie.
05:23 Je l'ai connu mettre d'hôtel dans un hôtel.
05:25 Et puis, il en a eu marre à un moment donné, ce que je peux comprendre.
05:28 Et puis, il est devenu un vraiment grand photographe,
05:31 spécialiste des États-Unis.
05:33 - Et vous répondez à sa question quand même ?
05:35 - Alors, qui est-ce qui n'a qu'un œil, qui tire la langue et qui baisse bien ?
05:38 Excusez-moi l'expression.
05:40 - Ah !
05:41 - C'est complètement idiot, mais ça me fait rire.
05:43 - Donc c'est bon, ça sent les souvenirs de copains.
05:46 Vous vous souvenez de votre première rencontre avec le théâtre ?
05:48 - Bah, toute première rencontre, je pense que c'est au théâtre de l'Athénée.
05:53 Je jouais un homme de 50 ans et j'en avais 16.
05:58 Oui, oui, c'était avec Yves Robert et Jean-Pierre Darras.
06:02 Mais je me souviens avoir joué devant Michel Simon, devant des gens comme ça.
06:07 Par contre, j'ai retrouvé un jour Michel Simon.
06:09 J'utilise ça parce que c'est un des plus grands bonhommes de tous les temps,
06:12 enfin, dans notre métier en tout cas.
06:14 Non, après, mon énorme souvenir, là où tout commence,
06:17 c'est ma rencontre avec Pierre Brasseur dans "Ciao".
06:20 J'ai 17 ans et demi et je joue "Ciao".
06:24 Donc je joue le premier rôle, le rôle de jeune premier,
06:26 avec ce monument qui était Brasseur.
06:28 Et par lui, je connais, je découvre la nuit,
06:31 je découvre les folies les plus extrêmes, je découvre l'excès.
06:35 - On attend le livre des mémoires de Jacques Weber.
06:38 Pour rester avec nous, on marque une courte page de pub
06:40 et on revient pour parler notamment de cette pièce rangée
06:42 qui est au Théâtre des Bouffes du Nord jusqu'au 18 février.

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