Jean-Marc, l’un des derniers bougnats de Paris

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"Moi, je vends des produits que je mangeais quand j'étais petit." Jean-Marc Vialatte est auvergnat et tient l'un des derniers bougnats de Paris, vieux de plus de 150 ans. Il nous a raconté l'histoire de sa communauté de province, qui fut la plus importante à Paris.

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00:00 Il paraît que je suis le dernier Auvergnat de Paris.
00:03 Moi, bon, j'ai pas l'impression de travailler quelque part.
00:05 Moi, je vends des produits que je mangeais quand j'étais petit.
00:09 Moi, je m'appelle Jean-Marc, normalement,
00:11 mais évidemment, tout le monde m'appelle l'Auvergnat.
00:13 Ils disent, je suis au Produit d'Auvergne,
00:16 mais souvent, ils hésitent, ils savent pas quoi dire.
00:19 Ils disent, je suis dans un magasin, je suis au Produit d'Auvergne,
00:22 je suis chez l'Auvergnat.
00:23 Je suis Auvergnat.
00:26 Ils diraient, je suis le Breton.
00:27 Non, ça irait pas.
00:29 En 2015, on a eu la médaille d'or
00:32 de la meilleure saucisse sèche de France.
00:34 Donc, c'est pas rien quand même, au concours agricole.
00:37 Donc, je vends, évidemment, essentiellement
00:39 tout ce qui est à base de porc.
00:41 Donc, la charcuterie, certes,
00:43 mais après, il y a toutes les boîtes,
00:45 le pâté, tout ça qu'on fabrique.
00:47 Et puis là, tout ce qui est frais.
00:49 Donc, le porc frais,
00:51 le poivre, le poivre, le poivre,
00:53 tout ce qu'on fabrique.
00:55 Et puis là, tout ce qui est frais.
00:57 Donc, le porc frais, ce qu'on appelle le porc frais,
00:59 c'est-à-dire la saucisse fraîche,
01:01 le filet, le boudin,
01:03 les côtelettes.
01:04 Ça, il paraît que ça a des vertus médicinales.
01:06 Voilà, c'est ce que je dis, surtout digestives.
01:08 Évidemment, il ne faut pas en boire un litre par jour.
01:11 Donc, on boit ça en apéritif.
01:13 C'est surtout, vous voyez, il y a...
01:15 Par exemple, si on regarde la salaire, vous voyez,
01:17 il y a le bouchon jaune, le bouchon rouge, le bouchon vert.
01:19 Le bouchon jaune, c'est l'apéritif,
01:21 on va dire à 16 degrés, normal.
01:23 Le bouchon rouge, c'est pour ceux qui aiment un peu plus fort,
01:25 donc c'est 18.
01:26 Et le bouchon vert, c'est plutôt digestif, c'est 25 degrés.
01:28 Et c'est très amer.
01:30 Donc, moi, j'avais un oncle, par exemple,
01:32 à midi, il buvait toujours sa petite salaire.
01:34 Et dedans, il mettait une goutte de Ricard.
01:36 Moi, je vends des produits
01:38 que je mangeais quand j'étais petit.
01:40 Moi, partir du Cantal et monter à Paris,
01:45 c'était le voyage.
01:47 Maintenant, moi...
01:49 Ça les fait rigoler, les jeunes.
01:51 En 87, donc il n'y a pas longtemps,
01:53 ça fait 35 ans,
01:55 pour faire
01:57 Paris chez moi,
01:59 en voiture, il fallait 12 heures.
02:01 12 heures. Maintenant, je mets 5 heures
02:03 pour descendre par l'autoroute.
02:05 Il n'y avait pas d'autoroute.
02:07 J'en étais toute une bande de copains, dans mon petit village,
02:09 et tous, ils étaient partis à Paris.
02:11 J'étais le seul à rester là-bas.
02:13 Parce que mon père était boulanger, je travaillais avec mon père,
02:15 et je me suis dit, j'avais envie de voir un peu de pays,
02:17 de voir ça comme ça.
02:19 Il n'y a pas grand monde dans le Cantal non plus.
02:21 Il y a 150 000 habitants, à tout casser, dans le Cantal.
02:23 Il y a 800 000 vaches, par exemple.
02:25 Et 150 000 habitants.
02:27 C'est nature, nature.
02:29 C'est sûr, quand on va en vacances, on est tranquille.
02:31 Ceux qui sont montés
02:43 dans les 19e, 20e siècles,
02:45 pour tenir des bistrots, tout ça,
02:47 il y avait comme une filière.
02:49 On commençait avec le charbon.
02:51 C'était le charbon.
02:53 Et les gars, le temps qu'ils attendaient, ils buvaient un coup.
02:55 Dans les charbons.
02:57 Et puis, ils ont commencé à faire un bistrot comme ça.
02:59 C'est tout à fait au début.
03:01 J'en ai connu un,
03:03 et puis à son âme, il est mort, ça fait 20, 30 ans.
03:05 Lui, quand il est monté à Paris
03:07 dans les années 1900,
03:09 1910, il portait l'eau chaude.
03:11 Il montait l'eau chaude dans les cétages.
03:13 Dans les quartiers bourgeois.
03:15 Là, c'est un quartier de vergnia ici.
03:17 Moi, dans cette rue,
03:19 la rue de là, dans les années 1950,
03:21 il y avait des boutiques comme moi, il y en avait 5.
03:23 5, juste dans la rue.
03:25 Dans la rue, les bistrots,
03:27 enfin les bistrots avant,
03:29 c'était du balmusette, beaucoup de balmusette.
03:31 Donc, il y avait des...
03:33 C'est comme le balajo, par exemple.
03:35 Je ne sais pas si vous êtes déjà allé au balajo.
03:37 C'est-à-dire, on dansait, c'était un dancing.
03:39 C'est ici, dans la rue, qu'a été inventé le balmusette.
03:41 Entre la réunion
03:43 de l'accordéon et...
03:45 Entre la réunion des Auvergniens et des Italiens.
03:47 Tous les bistrots, pratiquement, étaient tenus par des Auvergniens.
03:49 Et aujourd'hui, toujours, pratiquement.
03:51 Mais bon, il y a beaucoup qui...
03:53 Ça a beaucoup changé.
03:55 Mais souvent, maintenant,
03:57 par exemple, dans la rue de là,
03:59 les Auvergniens, on ne les voit plus
04:01 parce que c'est les propriétaires des immeubles.
04:03 Vous voyez, c'est monté d'un cran.
04:05 Ils ne sont plus... Ou c'est le propriétaire des murs.
04:07 C'est plus le gars qui est derrière son bar
04:09 et qui tient son petit bistrot.
04:11 Ma femme est de Cantal aussi.
04:19 Elle est d'Auriac. On s'est rencontrés dans un foyer d'Auvergniens,
04:21 à Paris. Ça existait encore.
04:23 Maintenant, ça n'existe... Il existe toujours le foyer,
04:25 mais il n'est pas que spécialement Auvergnien.
04:27 C'était tenu par des curés.
04:29 C'était le foyer de la Cité des Fleurs.
04:31 C'était le foyer des travailleurs.
04:33 Les Auvergniens, c'était quand même une sacrée communauté à Paris.
04:35 Vous voyez. Nous, on a fait...
04:37 Le banquier d'Auvergniens,
04:39 le banquier de Montsalvie, par exemple,
04:41 le plus gros. Dans le 16e, là-bas,
04:43 au bord de... Comment elle s'appelle ?
04:45 Au concord de La Fayette.
04:47 On était 1 200.
04:49 Une salle où on était 1 200 Auvergniens.
04:51 Ça, c'était une cliente que j'avais
04:53 qui m'avait dit "Tiens, je vais te faire
04:55 une photo de l'Auvergnien qui existe toujours,
04:57 mais que pour les professionnels."
04:59 Avant, c'était pour les particuliers.
05:01 Ils parlaient de mon village, par exemple,
05:03 dans le Cantal. Oui, ça a été créé il y a plus de 100 ans.
05:05 Mais c'était en 1890, je crois.
05:07 À ce moment-là, en 1890, on n'attrapait pas
05:09 son téléphone porteur, mais on disait "Tout le monde
05:11 va bien à la famille."
05:13 Les Auvergniens de Paris existent toujours
05:15 pour les professionnels.
05:17 Comme j'appartiens à une société, ce que j'espère,
05:27 évidemment, c'est que derrière, il y aura quelqu'un
05:29 qui reprendra la boutique
05:31 et qui la laissera...
05:33 Ça restera toujours une charcuterie
05:35 qui l'améliore, qui fasse autre chose.
05:37 Bon, ça, c'est autre chose.
05:39 Mais que ça reste quand même essentiellement
05:41 une charcuterie auvergnienne.
05:43 J'espère.
05:45 On ne peut pas rester insensible
05:47 pendant 25 ans. D'accord, c'est mon boulot,
05:49 mais bon...
05:51 Il y a autre chose derrière, quand même.
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