7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Pourquoi les séismes en Turquie et en Syrie ont-ils fait autant de dégâts?

  • l’année dernière
Ce lundi 6 février, la Turquie et la Syrie ont été victimes de terribles tremblements de terre. Les villes sont détruites et les sauveteurs sont sur le pied d'œuvre pour trouver de possibles miraculés sous les décombres. Mais pourquoi ces séismes ont fait autant de dégâts? 
Transcript
00:00 Le bilan n'a cessé de s'alournir depuis le début de première édition.
00:07 On est ce matin à 8700 victimes en Turquie, 6000 morts, 2000 morts en Syrie.
00:14 On en parle ce matin avec Ali Onaner, vous êtes l'ambassadeur de Turquie en France.
00:18 Bonjour monsieur et merci d'être en direct avec nous face à Boris Veliachev, architecte
00:23 et expert en risques majeurs.
00:25 C'est un grand moment de vous entendre tous les deux, on va rejoindre l'équipe de BFMTV à Haussmanier,
00:30 une ville dévastée, rayée de la carte par le séisme de lundi matin.
00:34 Anjil Watha, vous êtes avec Vincent Berthesen au pied d'un immeuble qui faisait 8 étages dimanche,
00:41 qui est réduit ce matin en cendres et les sauveteurs continuent de chercher des survivants ce matin, racontez-nous.
00:51 On est en 8 étages, il y a encore un peu plus de 48 heures et désormais vous le voyez derrière moi,
00:55 regardez ce à quoi est réduit cet immeuble, c'est l'un des nombreux exemples dans cette ville d'environ 200 000 habitants.
01:01 Il y a 30 édifices de ce type-là qui se sont effondrés dans la nuit de dimanche à lundi.
01:06 Alors il y a quelques minutes, il y avait vraiment beaucoup de sauveteurs à pied d'œuvre sur les gravats
01:11 que vous voyez ici sur l'image de Vincent Berthesen.
01:14 Il y a quelques minutes, beaucoup de gens sont descendus.
01:17 On essaye d'interpréter ce qui se passe, c'est très compliqué.
01:21 Soit il y a une poche de survie qui a été trouvée et donc de nouvelles équipes qui vont intervenir,
01:26 soit c'est la fin des recherches.
01:28 En tout cas, je peux vous dire que ça provoque beaucoup d'émoi, de stress au sein de la population.
01:32 On va retourner la caméra et vous montrer les gens qui sont ici réunis dans ce quartier pour assister à ces opérations de survie.
01:40 L'homme que vous voyez sur le fond de l'image avec un survêtement rouge,
01:44 c'est tout simplement le père de deux enfants qui sont disparus depuis ce terrible tremblement de terre qui a eu lieu.
01:52 Je viens de discuter également avec un couple de Britanniques d'origine turque qui sont ici sur place désormais
01:58 et qui gardent espoir de retrouver le père de la femme de ce couple.
02:03 Mais évidemment, les yeux rougis par les larmes et énormément de stress sur place.
02:08 C'est toute la vie également de la ville qui est en train de changer.
02:10 On va vous remontrer cet immeuble juste ici sur la gauche de l'image.
02:15 C'est l'un des exemples. Il est juste à côté de celui qui est tombé il y a 48 heures et il est en suspens.
02:21 Son avenir est en suspens. Les gens ne peuvent plus vivre chez eux actuellement.
02:26 Ils sont obligés de se réfugier dans la rue, dans leur voiture pour passer la nuit.
02:29 Alors, on va revenir vers vous dans quelques instants, évidemment, sur ces images de Vincent Berthesem.
02:32 Mais d'abord, monsieur l'ambassadeur, vous dire qu'on est évidemment très touché par ce qui arrive à votre pays,
02:37 au drame vécu par la Turquie depuis deux jours.
02:39 Combien de personnes sont encore portées disparues à votre connaissance ?
02:43 Nous n'avons malheureusement pas une estimation exacte.
02:48 Mais nous sommes très inquiets de voir que le nombre de morts a dépassé 6 000.
02:55 Et quand nous voyons aussi le nombre d'immeubles qui se sont effondrés,
03:00 nous sommes vraiment inquiets que le nombre de personnes qui ont perdu la vie augmente.
03:05 Donc c'est très important dans les heures qui suivent, dans les jours qui suivent,
03:11 de sauver le plus de vies possible.
03:14 Est-ce que les secours ont pu accéder à toutes les zones touchées par le séisme ?
03:18 Les sauveteurs, secouristes, continuent étape par étape.
03:29 Mais il est difficile de pouvoir commencer les recherches simultanément
03:38 dans les 6 000 immeubles effondrés.
03:41 Mais toutes les villes ont été atteintes par les secouristes et les travaux continuent.
03:52 Comme je le disais, il est très important d'essayer d'avoir des résultats
03:57 dans les heures qui suivent pour pouvoir sauver le plus de vies possible.
04:01 Nos envoyés spéciaux nous montraient la détresse des habitants
04:04 qui assistent impuissants aux opérations de secours,
04:06 en espérant évidemment retrouver encore des survivants.
04:09 On imagine que les Turcs de France vous appellent aussi pour avoir des nouvelles de leurs proches ?
04:14 Effectivement, et nous recevons beaucoup d'appels pour nous demander
04:22 de quelle manière on peut apporter du soutien.
04:26 Ce que nous disons aux Turcs de France et à nos amis français qui souhaitent nous soutenir,
04:32 c'est de suivre les informations sur le site de l'ambassade,
04:36 notamment les moyens de faire des virements aux organisations humanitaires
04:42 qui travaillent pour apporter le soutien.
04:45 Et je dois aussi en profiter pour remercier le soutien de la France.
04:50 Vous l'avez dit, il y a près de 140 experts français,
04:57 sauveteurs français, secouristes français
04:59 qui sont aujourd'hui déjà en Turquie pour contribuer à nos recherches.
05:04 Un hôpital de campagne est prévu dans les heures, les jours qui suivent.
05:09 Nous sommes très reconnaissants de cette aide.
05:12 Boris, je voudrais qu'on revienne sur les images en direct
05:14 parce qu'on a vraiment du mal à comprendre,
05:16 même si ce séisme est d'une puissance incroyable.
05:19 Comment un édifice peut être réduit à l'état de miette,
05:23 comme on le voit sur ces images ?
05:25 Pas de construction antisismique en Turquie ou trop peu ?
05:28 Alors, il existe un code en Turquie, il y a des règlements pour ça,
05:33 mais il existe aussi tout un patrimoine qui n'a pas été construit
05:36 sous ces règlements et sous ces codes.
05:39 On compte de nombreux, d'ailleurs on en parlait auparavant,
05:42 il y a de nombreux alertes qui avaient été données les années précédentes
05:45 sur le fait qu'il existe un énorme parc de patrimoine bâti en Turquie
05:50 qui comporte des bâtiments qui ne sont pas aux normes parasismiques
05:54 et qui ont des structures trop faibles pour résister à ce genre de séisme
05:57 qui devait tôt ou tard arriver et qui est arrivé et qui ré-arrivera d'ailleurs.
06:01 Alors, regardez ces images d'Osmany.
06:03 Devant nous, il y a cet immeuble réduit vraiment à l'état de morceaux,
06:08 de petits morceaux et à côté des édifices qui tiennent toujours.
06:11 Est-ce que ça veut dire que ceux de gauche ont peut-être été construits
06:14 selon les normes parasismiques et pas celui qui s'est effondré ?
06:18 Celui de gauche, on note d'ailleurs des dommages assez importants.
06:21 Celui-là, ça m'étonnerait qu'on puisse rentrer dedans,
06:24 surtout qu'on voit qu'il y a de la construction.
06:26 On devine en dessous des enduits, on devine de la maçonnerie, de la brique d'ailleurs.
06:30 Ce sont des éléments séparés, alors ça dépend comment ils sont chaînés,
06:34 comment ils sont reliés entre eux.
06:35 C'est comme des morceaux de sucre qu'on veut empiler les uns sur les autres.
06:38 Ça tient, d'un point de vue statique, vous pouvez poser des charges très lourdes dessus,
06:42 mais dès que vous bougez la table, ça s'effondre.
06:44 Donc le système de construction en maçonnerie par éléments séparés
06:47 est très fragile comme système.
06:49 Le béton armé, par exemple, sera plus résistant.
06:52 S'il est bien fabriqué, c'est-à-dire qu'il y a aussi la mise en œuvre qu'il fait.
06:57 Si le béton a une mauvaise qualité, s'il n'y a pas le bon nombre de ferraillages dedans,
07:00 le bâtiment va être fragilisé.
07:02 Autrement dit, il y a la norme, il y a le contrôle.
07:03 Oui, bien sûr, il faut suivre les chantiers.
07:05 Dans le compte rendementaire de Boumerdès, par exemple, en 2004,
07:07 on a constaté plein de défauts sur les bâtiments
07:11 qui sont liés à de la malfaçon au niveau de la construction.
07:14 Même si ça sur le papier, c'était censé tenir,
07:16 en fait, la mise en œuvre a été déplorable,
07:18 ce qui fait qu'il n'y avait pas le bon nombre de ferraillages dans le béton, etc.,
07:21 ce qui fait qu'il y a eu des ruptures qui n'étaient pas prévues.
07:23 Monsieur l'ambassadeur, est-ce que la Turquie va avoir un sujet autour du respect
07:28 des constructions antisismiques, voire lié au contrôle des travaux ?
07:33 C'est bien sûr un sujet.
07:37 Et nous avons l'expérience du séisme de 1999
07:42 qui nous a permis de réactualiser tous les standards.
07:46 Et la grande majorité des constructions qui ont été réalisées par APRE
07:53 répondent à ces normes.
07:54 Mais après un tel séisme de 7,8 sur l'échelle,
08:00 il faudra sûrement tirer de nouvelles conséquences,
08:03 peut-être renforcer les standards et les contrôles.
08:06 D'un mot, Boris, la construction antisismique,
08:08 ça coûte beaucoup plus cher qu'une construction traditionnelle ?
08:10 Pas forcément.
08:11 Il faut savoir que la majorité des dommages sont liés à des erreurs conceptuelles
08:18 plus que des erreurs d'ingénierie.
08:19 Il y a une façon de faire les bâtiments, etc.
08:21 Ça prend plus de temps.
08:22 Oui, voilà.
08:24 Il faut faire attention au fait qu'on est en milieu sismique
08:27 quand on construit le bâtiment,
08:28 depuis le moment où on le dessine jusqu'au moment où on le conçoit.
08:33 Merci beaucoup.
08:34 Merci à tous les deux.
08:35 On rappelle ce bilan qui s'alourdit de 8 700 morts,
08:38 dont plus de 6 000 rien qu'en Turquie.

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