Le ski, c'est pour les riches et c'est pas écolo ? Alexandre Maulin, président de domaines skiables de France et Fiona Mille, présidente de l'ONG Mountain Wilderness, débattent.
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00:00 On reproche aux gens de se déplacer pour aller au ski,
00:01 mais c'est bizarre, on ne reproche pas aux gens de se déplacer pour aller au bord de la mer.
00:04 Quand on a construit les stations de ski,
00:06 c'est aussi parce qu'en fait, le climat s'y prêtait.
00:09 On essaye de sauver l'économie du ski en mettant pansement sur pansement.
00:11 La première attaque qu'on a sur le monde du ski, le monde industriel du ski,
00:24 c'est la neige de culture, qui est un procédé "naturel"
00:27 parce qu'on envoie de l'eau dans de l'air froid
00:29 et naturellement, ça devient un cristal de glace
00:32 et qui, à la fin de la neige, va repartir au milieu naturel.
00:35 Pour éviter de prendre de l'eau au moment où il y a le moins d'eau sur le territoire,
00:38 nous avons créé des espaces de stockage, les retenues collinaires.
00:41 L'eau, c'est une ressource vitale, c'est un bien commun.
00:45 Et quand on sait que c'est l'équivalent de 6 700 piscines olympiques,
00:49 l'utilisation des canons à neige, moi je trouve qu'on nage en plein délire.
00:53 L'eau de la neige de culture, dans laquelle on ne met aucun produit,
00:56 qui est rendue telle qu'elle est la nature,
00:57 c'est moins de la moitié que juste le petit re-remplissage
01:00 que les particuliers font dans leur piscine chaque année.
01:03 Et eux, ils mettent du chlore.
01:04 Je pense qu'il faut qu'on s'améliore,
01:05 mais c'est de l'eau qu'on emprunte et qu'on restitue à la nature.
01:08 Je pense que la sécheresse de 2022, elle a marqué les esprits.
01:11 Ce n'était pas un épiphénomène.
01:13 En fait, il faut éviter tout superflu.
01:15 Et on peut essayer d'atténuer notre impact,
01:17 mais je pense que vraiment, ce qu'il faut, c'est avoir une ambition collective
01:19 qui est bien plus forte sur comment on change de modèle.
01:22 Quand on a construit les stations de ski,
01:24 c'est aussi parce qu'en fait, le climat s'y prêtait,
01:27 les conditions s'y prêtaient.
01:28 Aujourd'hui, les conditions ne s'y prêtent plus.
01:31 Et donc, on essaye de trouver des solutions techniques
01:33 pour faire pansement face à un problème.
01:35 Mais en fait, là, on arrive à des limites.
01:37 Des années sans neige, il y en a eu tout au long de la vie des stations.
01:40 Aujourd'hui, la différence, c'est que le client,
01:44 qui nous fait l'honneur de venir sur nos territoires,
01:46 il veut, entre guillemets, un produit qui soit à peu près toujours identique.
01:49 Et puis aussi pour des raisons de sécurité.
01:50 Avant, on acceptait qu'il puisse avoir un rocher qui sorte au milieu d'une piste,
01:53 qu'il puisse y avoir une grosse plaque de terre au milieu d'une piste.
01:55 Et aujourd'hui, on connaît la "judiciarisation" de notre société.
01:59 Et on doit avoir un produit qui répond à des normes de qualité,
02:03 de sécurité, pour aussi des raisons juridiques.
02:06 Les canons, à la base, c'était un pansement pour l'activité du ski.
02:11 Le canon était un secours.
02:13 En fait, on essaye de sauver l'économie du ski en mettant pansement sur pansement.
02:22 Souvent, on entend, entre guillemets, qu'on "détruit la montagne".
02:27 Les domaines skiables occupent 1% de l'espace montagnard.
02:30 Donc, on est loin de l'image qu'on essaie de nous donner
02:32 de personnes qui arrivent avec un bulle, qui cherchent à tout détruire.
02:34 La montagne, ça ne se limite pas aux stations.
02:36 Par contre, près de 97% des stations se situent en partie sur une aire protégée.
02:42 On a besoin de réduire cette artificialisation des territoires de montagne.
02:46 [Générique]
02:52 Ce que j'aime bien, c'est cette vieille marotte et cette vieille image que le ski est élitiste.
02:57 C'est moins de 7% de la population française qui peut se permettre d'aller au ski.
03:00 Donc, il y a un enjeu, justement, c'est que la montagne doit être accessible à tous,
03:04 sans condition de ressources.
03:05 Et quand on voit, justement, les fris et les forfaits qui augmentent,
03:08 en effet, c'est une activité qui coûte.
03:11 Là, on ne prend que les gens qui partent en séjour de plus de 7 jours.
03:14 Donc, sur des longs séjours, si on prend la réalité,
03:16 c'est que chaque année, il y a entre 15 et 20% des gens qui vont au ski,
03:18 d'une demi-journée à un séjour long.
03:21 Effectivement, peut-être que les plus en difficulté,
03:23 mais comme beaucoup d'activités, ils sont obligés de s'en passer,
03:25 et c'est bien triste.
03:26 Et aujourd'hui, grâce aux classes de neige, grâce à divers programmes,
03:29 on permet aussi à des gens avec moins de revenus
03:31 de pouvoir découvrir la neige, la montagne, le ski.
03:33 Et aujourd'hui, non, quand il y a 60% des Français qui ont appris à skier,
03:37 on n'est pas un sport élitiste.
03:38 Pour autant, quand même, la difficulté avec, justement, le dérèglement climatique,
03:41 c'est justement ces petites stations familiales qui sont plus abordables,
03:45 c'est souvent celles qui sont les plus menacées.
03:47 Donc, en fait, nous, notre crainte, c'est que, justement,
03:51 ça devienne de plus en plus cher d'aller skier.
03:54 Ce qui me fait souvent doucement un peu sourire,
04:03 c'est qu'on reproche au ski d'exister,
04:07 on reproche aux gens de se déplacer pour aller au ski,
04:09 mais c'est bizarre, on ne reproche pas aux gens de se déplacer
04:11 pour aller au bord de la mer,
04:12 parce que le bilan carbone, il est strictement le même.
04:14 Le client qui vient l'hiver, il va garer sa voiture une semaine,
04:15 il va profiter d'un territoire assez restreint, mais il va rester sur place.
04:19 Le client qui vient l'été, il va aller une journée en Italie,
04:22 il va aller une journée au bord d'un lac,
04:23 donc il va avoir un bilan carbone avec sa voiture
04:26 qui est largement supérieur à l'ensemble du bilan carbone de l'hiver.
04:30 Donc, nous, on veut améliorer la chose.
04:31 Moi, je pense qu'il ne faut vraiment pas résumer le débat au bilan carbone.
04:33 En fait, la crise, elle est systémique, il y a les enjeux sur la biodiversité.
04:38 On vit une crise du vivant, de notre rapport au système,
04:42 de notre rapport à la montagne.
04:43 Et en fait, ce dont je suis convaincue,
04:45 c'est que la montagne, elle a bien plus à nous offrir.
04:47 Alors aujourd'hui, l'économie directe du ski, c'est 120 000 emplois.
04:56 Et si on prend les emplois indirects dans les vallées, dans les villes de Piedmont,
05:00 c'est 300 000 emplois qui dépendent du ski.
05:02 Et le ski est l'un des premiers acteurs économiques de nos territoires.
05:05 En Savoie, c'est 50 % de l'économie du territoire.
05:08 C'est sûr que le ski a fait venir en partie l'économie montagnarde,
05:13 continue à la faire vivre,
05:14 mais il faut savoir quand même que plus de 50 % du chiffre d'affaires touristiques
05:17 se fait en dehors des stations.
05:19 On ne va pas en montagne juste pour aller en station.
05:21 Et l'économie de montagne, elle est bien plus diversifiée.
05:24 Donc moi, je pense vraiment qu'il y a un enjeu de prioriser
05:27 la diversification de notre économie, une diversification touristique,
05:31 mais aussi une diversification plus large de l'économie montagnarde.
05:34 Alors oui, il faut diversifier notre activité,
05:37 mais diversifier veut dire partir d'un point avec un objectif d'aller à un autre.
05:40 Ce n'est pas de créer une cassure pour remonter la pente en partant de zéro.
05:44 Et je pense qu'il y a vraiment un enjeu, c'est d'accompagner justement
05:46 cette transition des emplois pour éviter d'aller face au mur.
05:51 Changer un modèle économique, accompagner justement une mutation des activités,
05:56 c'est un véritable enjeu et plus on le retarde, plus l'avenir sera compliqué.
06:00 Il ne faut pas croire que dans dix ans, le ski c'est fini.
06:03 Aujourd'hui, on a la chance d'avoir des études faites par les scientifiques de Météo France
06:07 qui font une projection de la neige territoire par territoire.
06:10 Et aujourd'hui, pour 90% des stations, elles seront là encore après 2050.
06:13 Chaque territoire est différent en montagne, donc chaque territoire aura sa transition.
06:17 Et il n'y aura pas un modèle unique, comme le ski a été un modèle unique
06:20 qui a permis à tous les territoires de se développer, de pouvoir avancer.
06:24 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]
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