C'est un enjeu sanitaire, écologique et économique qui nous concerne tous, mais dont on ne parle quasiment jamais : l’accès pour tous, partout sur la planète, aux toilettes.
Un sujet majeur, puisque des millions d’êtres humains dans le monde n’ont pas de toilettes sûres et que cela provoque des maladies mortelles…
Alors quels enjeux de développement cette question sanitaire pose-t-elle ? Faut-il s’adapter aux réalités locales ? Eaux usées, assainissement, quels sont les enjeux écologiques ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.
Avec :
Rony Brauman Ancien président de Médecins sans frontières
Camille Romain des Boscs Directrice Générale de l’association « Vision du monde »
Clotilde Terrible Déléguée générale par intérim de la FP2E
Emma Haziza Hydrologue - Fondatrice et Présidente de « Mayane »
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Un sujet majeur, puisque des millions d’êtres humains dans le monde n’ont pas de toilettes sûres et que cela provoque des maladies mortelles…
Alors quels enjeux de développement cette question sanitaire pose-t-elle ? Faut-il s’adapter aux réalités locales ? Eaux usées, assainissement, quels sont les enjeux écologiques ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.
Avec :
Rony Brauman Ancien président de Médecins sans frontières
Camille Romain des Boscs Directrice Générale de l’association « Vision du monde »
Clotilde Terrible Déléguée générale par intérim de la FP2E
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NewsTranscription
00:00 La grande bataille des toilettes d'Arnaud Robert, un film surprenant, dérangeant même, diront certains.
00:05 L'accès aux toilettes dans le monde, sujet qui peut être perçu comme honteux et anecdotique
00:11 mais qui mérite pourtant que l'on s'y attelle très sérieusement
00:14 et c'est ce que nous allons faire avec nos invités.
00:15 Roni Broman, bienvenue.
00:17 Vous êtes médecin spécialisé dans les pathologies tropicales.
00:19 Vous avez été président de Médecins sans frontières pendant plus de 10 ans,
00:23 engagé dans l'humanitaire depuis plus de 40 ans.
00:25 Vous êtes membre du CRASH, centre de réflexion sur l'action et les savoirs humanitaires
00:30 abrité par la fondation Médecins sans frontières.
00:33 Emma Aziza, bienvenue à vous également.
00:34 Vous êtes hydrologue, spécialiste de l'adaptation des territoires aux risques climatiques,
00:39 fondatrice et présidente de Mayan, qui est une structure dédiée au développement de solutions
00:43 face aux risques et luttant contre le réchauffement de la planète.
00:46 Camille Romain-Débaut, bienvenue à vous également.
00:48 Vous êtes directrice générale de Vision du monde,
00:50 c'est une ONG qui vient en aide aux enfants les plus vulnérables.
00:53 Vous avez élaboré tout un dossier intitulé "Les toilettes chez les familles vulnérables,
00:58 un enjeu de taille" et c'est à lire sur votre site visiondumonde.fr.
01:02 Clotilde Terrible, bienvenue à vous également.
01:04 Vous êtes déléguée générale par intérim de la FP2E,
01:07 c'est la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau.
01:10 Vous regroupez la quasi-totalité des entreprises privées
01:12 qui assurent la gestion des services d'eau et d'assainissement.
01:15 Merci infiniment à tous les quatre d'être ici avec nous.
01:18 J'aimerais d'abord que l'on parle des chiffres.
01:20 D'après l'Oxfam, 3,6 milliards de personnes dans le monde
01:23 ne disposent pas à ce qu'on appelle un accès à des installations sanitaires
01:27 gérées en toute sécurité.
01:29 Au moins 2 milliards de personnes dans le monde boivent de l'eau
01:32 provenant d'une source contaminée par des matières fécales.
01:35 Et dans le film, on apprend que le manque de toilettes
01:38 tuerait près de 400 000 enfants dans le monde.
01:41 Camille Romain-Débaut, est-ce que ce sont des chiffres que vous confirmez
01:45 ou des ordres de grandeur que vous confirmez ?
01:47 Cela voudrait dire que l'enjeu sanitaire est absolument énorme.
01:50 Effectivement, l'enjeu des toilettes est un enjeu sanitaire mondial.
01:53 En fait, par ricocher la pratique de la défécation à l'air libre
01:56 ou l'absence tout simplement de toilettes ou de mauvaise toilette,
01:59 on va dire, non adaptée, va avoir des effets sur l'eau.
02:04 Donc ça va souiller les eaux et les maladies hydriques qui s'en suivent
02:06 sont mortelles, en particulier pour les enfants de moins de 5 ans
02:09 qui sont les plus fragiles.
02:10 Donc une simple diarrhée dans les pays en voie de développement,
02:13 dans les villages dans lesquels il n'y a pas de structure médicale,
02:16 vont provoquer la mort.
02:18 Sans aller jusque là, l'absence de toilettes va avoir aussi
02:21 des conséquences indirectes sur les enfants et les mamans,
02:24 en particulier lorsque les pratiques d'hygiène ne sont pas en place.
02:28 La toute jeune maman qui vient d'accoucher
02:30 et pendant les premiers jours et semaines de la vie de l'enfant,
02:33 si la maman n'a pas les mains propres, si ses seins ne sont pas propres
02:36 ou si on va utiliser l'eau pour donner à manger à l'enfant,
02:40 là aussi il y a de très grands risques d'infection pour les enfants,
02:43 tout petit, donc il y a une vraie situation d'urgence
02:46 pour les enfants en particulier.
02:47 C'est beaucoup dit dans le film et j'imagine que tout le monde
02:49 sera d'accord ici en plateau.
02:50 C'est un sujet dont on parle très peu, j'ai parlé d'un tabou.
02:53 Vous le constatez ce tabou ?
02:55 C'est aussi parce qu'on n'en parle pas assez que la situation
02:58 n'évolue pas, Emma Zizat ?
03:00 Je crois qu'au-delà d'un tabou, c'est presque un impensé d'ailleurs
03:03 dans un contexte climatique qui évolue.
03:06 La question de l'eau, elle est en train de nous rejaillir dessus
03:09 et notamment la question de nos usages.
03:11 On a vu qu'en 2022, tout le monde parle d'un choc derrière,
03:14 d'une prise de conscience.
03:16 On nous parle de 120-130 communes en rupture d'alimentation
03:19 en eau potable en France.
03:21 C'est quelque chose qui était de l'or de la science-fiction
03:24 il y a quelques années.
03:25 On a eu 700 communes qui étaient carrément en rupture
03:28 d'alimentation momentanée, mais en tous les cas,
03:30 qui ont eu de véritables problèmes sur les réseaux.
03:33 Donc on voit que c'est quelque chose qui commence à arriver
03:35 aussi dans des pays tempérés.
03:37 Le Luxembourg a connu la pire sécheresse depuis 150 ans,
03:41 des pays particulièrement humides.
03:43 Et on a toujours un peu ce sentiment que les problèmes d'eau
03:46 sont des problèmes plutôt en Asie, en Afrique, en Amérique du Sud,
03:50 mais absolument pas chez nous.
03:52 Sauf que la France se réchauffe deux fois plus vite que prévu
03:54 et là, on commence à regarder un petit peu ces usages.
03:57 Les problèmes d'eau et, pardon, les problèmes aussi d'excréments.
04:00 Il y a quelque chose de honteux qu'on n'arrive pas à formuler.
04:03 D'ailleurs, ce documentaire, je le dis, est un peu dérangeant parfois.
04:05 On est un peu perturbés par la façon dont le sujet est abordé.
04:08 Peut-être que nos téléspectateurs sont perturbés
04:10 en regardant ce documentaire et en nous écoutant ce soir.
04:13 C'est pas que l'eau est terrible, c'est aussi parce que c'est honteux.
04:15 Oui, alors moi, je me réjouis à chaque fois qu'on parle d'assainissement,
04:19 de caca, de pipi, dans un sujet qui est devant,
04:24 dans des émissions qui sont publiques, qui sont grand public.
04:27 Je trouve que c'est une victoire parce qu'effectivement,
04:30 vous le disiez, ce sont des sujets vitaux.
04:33 Ce sont des sujets vitaux pour les populations et pour l'environnement.
04:37 Par ailleurs, on sait que quand on donne un accès à l'eau,
04:42 forcément, il doit y avoir des eaux usées derrière.
04:45 Donc, on n'en parle pas, mais c'est immédiat.
04:49 Le droit à l'accès à l'eau potable,
04:51 tout le monde estime que c'est logique, normal.
04:54 À aucun moment, on ne parle du droit à l'accès à l'assainissement,
04:57 alors que c'est un critère très important
05:01 pour la dignité des personnes et pour la santé publique.
05:06 Les entreprises de l'eau que je représente ont porté ce droit,
05:10 avec d'autres acteurs, au niveau du droit européen.
05:13 En 2020, reconnaissance du droit à un accès à l'eau potable.
05:18 2024, on l'espère, scoop, ce sera pour les eaux usées aussi.
05:24 Donc ça, c'est quand même quelque chose d'important.
05:26 Donc c'est en train de bouger.
05:28 Rony Broman, on voit dans le film qu'il y a un tournant qui s'opère,
05:31 notamment grâce à des grands leaders d'opinion.
05:33 Je pense à Bill Gates ou à cet homme d'affaires singapourien
05:37 qui s'appelle Jack Sim, qui quand même change la donne.
05:39 Et puis il y a une journée mondiale des toilettes,
05:41 alors peu de gens le savent,
05:42 mais le 19 novembre, il y a une journée mondiale des toilettes.
05:44 Tout ça, ça permet de rendre le sujet moins honteux, moins tabou ?
05:50 Oui, sans doute.
05:51 Je ne suis pas très bien placé pour en juger.
05:54 J'ai appris, par exemple, l'existence de cette journée mondiale des toilettes
05:57 en regardant le film.
05:58 Je n'en avais jamais entendu parler auparavant.
06:00 Mais je pense, je me reconnais tout à fait dans ce qui a été dit.
06:03 Peut-être, je ne pense pas que ça vous choquera,
06:05 d'ailleurs juste une petite nuance,
06:06 une gastro-enterite infectieuse acquise du fait de l'absorption d'eau contaminée
06:13 n'est pas une maladie mortelle.
06:15 Ça augmente les risques de mortalité chez les enfants,
06:19 mais ce ne sont pas des maladies mortelles naturellement.
06:22 Cela étant, l'effet cumulé à l'échelon planétaire
06:26 donne des résultats en effet tout à fait impressionnants.
06:28 C'est-à-dire que quand vous entendez ce chiffre de près de 400 000 enfants
06:30 qui mourraient à cause de ce manque d'accès à des toilettes sûres,
06:34 pour vous il est quand même mitigé ?
06:37 Dans mon activité, et aussi par ma formation,
06:40 c'est une formation d'épidémiologiste,
06:42 j'ai appris à me méfier des chiffres
06:45 qui dépendent très largement de la définition de cas.
06:48 C'est-à-dire la manière dont on cerne une situation,
06:51 dont on établit des critères dedans-dehors,
06:54 sous les appartenants et non appartenants.
06:55 Mais de toute façon, ce n'est pas le chiffre en lui-même qui est important,
06:59 c'est le fait de considérer cette question comme une question importante,
07:02 comme une question majeure, et sur ce plan-là,
07:04 je pense qu'il n'y a absolument aucune contestation.
07:08 Il me semble que tout cela peut être rapporté
07:12 notamment à la grande révolution invisible et silencieuse,
07:16 mais enfin, que je dis invisible, non,
07:17 disons silencieuse, mais pas du tout invisible,
07:19 parce qu'on la voit très bien, c'est l'urbanisation.
07:23 C'est-à-dire depuis 20-30 ans,
07:27 en rapport avec des formes de vie,
07:30 des formes d'aspiration collective qui changent,
07:33 en rapport aussi, dans certains pays, avec des conflits.
07:38 Le mouvement d'exertion des campagnes
07:41 et d'accroissement des villes est intense,
07:44 continu, il s'amplifie d'année en année.
07:48 Et là où on pouvait déféquer sans aucune difficulté,
07:51 sans aucun problème en retour dans l'environnement
07:54 qui était le retour à la terre, qui est d'ailleurs évoqué,
07:56 l'aisselle allait directement là d'où elle venait, si j'ose dire,
07:59 c'est-à-dire dans la terre, inscrite dans un cycle naturel,
08:04 eh bien là, on est dans un univers bétonné,
08:06 et ça change.
08:07 Donc là, ça pose problème.
08:08 Si bien que là, je me reconnais tout à fait dans ce qui a été dit,
08:10 c'est la question de l'assainissement,
08:12 qui est absolument centrale, et à laquelle il faut s'attaquer.
08:16 Et puis c'est un sujet éminemment culturel,
08:17 ça aussi, ça fait partie des découvertes du film,
08:19 vous allez me dire ce que vous en pensez,
08:21 c'est l'exemple de l'Inde, que j'ai trouvé frappant,
08:23 le Premier ministre indien, Narendra Modi,
08:26 a dû s'emparer du sujet,
08:27 tellement la situation était dramatique dans son pays.
08:29 Il a alors annoncé 110 millions de toilettes,
08:32 un chiffre qui là, est lui aussi mis en doute,
08:35 cette fois par Jack Singh, cet homme d'affaires singapourien.
08:37 Écoutez.
08:38 En Inde, il y a un fossé entre la promesse et la réalité.
08:48 Aujourd'hui, on nous annonce 110 millions de toilettes.
08:52 Mais ça peut très bien n'être que 50 millions,
08:55 ou 30 millions, ou 80 millions.
08:59 Personne ne sait.
09:01 La seule chose certaine, c'est que la Banque mondiale
09:07 a promis de verser 2 milliards de dollars à l'Inde,
09:09 si le pays prouve qu'on utilise ces toilettes.
09:12 Et je crois qu'à ce jour,
09:19 ces 2 milliards n'ont toujours pas été versés.
09:22 Et cet extrait, il pose pour moi une question,
09:25 c'est comment aider au développement des pays
09:29 qui ne disent pas tout à fait la vérité,
09:31 ou si les dirigeants ne sont pas tout à fait partants
09:34 pour aller dans le fond ?
09:35 Ou est-ce que Narendra Modi a voulu montrer
09:36 pas de blanche aux pays occidentaux,
09:37 en disant "oui, oui, on est en train de le faire,
09:39 mais en fait, on ne le fait pas" ?
09:40 Comment gérer ça, Emma Azizah ?
09:43 Déjà, on est sur un problème complexe,
09:45 quand on regarde l'Inde.
09:46 On a plusieurs systèmes économiques qui se mêlent
09:49 et qui utilisent cette eau massivement.
09:52 On a une surexploitation des nappes phréatiques,
09:54 des nappes qui étaient encore à 5-10 m de profondeur
09:57 il y a encore 10-15 ans,
09:59 qui aujourd'hui sont à -500 m.
10:01 On continue à les chercher.
10:02 Aujourd'hui, la réalité, c'est que la plupart
10:04 des petits producteurs locaux voient passer
10:07 des camions-citernes 4 à 5 fois par jour
10:09 pour aller extraire uniquement leur eau,
10:11 et non pas leur production végétale,
10:13 mais derrière, pour pouvoir alimenter
10:15 toutes les tanneries et toutes les usines
10:17 qui alimentent nos fast fashion.
10:19 Parce qu'il ne faut jamais oublier que nous,
10:21 on voit à 49-50 collections par an
10:24 de vêtements arriver chez nous,
10:26 mais pour ça, il a fallu du coton pour le faire pousser,
10:28 avec beaucoup d'eau,
10:29 mais il a aussi fallu, derrière, des tanneries.
10:31 Et tout ça, ça se passe aussi dans ces circuits.
10:34 On sacrifie l'eau de l'assainissement
10:36 pour potentiellement nos vêtements.
10:38 En fait, c'est de l'eau qu'on utilise d'ailleurs,
10:40 mais c'est de l'eau qu'on utilise de toutes les façons
10:42 et on contribue à ce système-là.
10:43 Et puis après, vous avez aussi ces problèmes
10:45 du fait que le principe de puiser
10:47 trop en profondeur dans ces nappes
10:49 fait qu'à un moment donné, vous arrivez
10:51 sur certaines couches géologiques,
10:53 notamment des contaminations d'arsenic,
10:55 qui aujourd'hui, me semble,
10:57 un des premiers risques de mortalité infantile en Inde.
11:00 Et donc, on voit très bien que la corrélation
11:02 est directe entre l'usage de l'eau,
11:04 l'utilisation de cette ressource
11:06 qui a été complètement canalisée,
11:08 qui est exploitée massivement
11:10 avec des verrues sur l'intégralité
11:12 de nos bains s'inversant,
11:14 avec des barrages partout,
11:16 et donc qui limitent le transport sédimentaire.
11:18 Vous vous retrouvez avec plus de poissons
11:20 à la fin, à l'aval, dans les zones de delta,
11:22 des populations qui migrent.
11:24 Tout ça, c'est une question d'eau,
11:26 d'eau qu'on cherche à maîtriser.
11:28 Et enfin, par contre, le problème est bien plus pluriel,
11:30 j'ai envie de dire, mais ça rejoint
11:32 cette question de l'eau qu'on boit
11:34 et de l'eau qu'on rejette.
11:35 Et là, il y a des problèmes à toutes les...
11:37 - Vous parlez de problème culturel,
11:38 mais en fait, il est politique, il est économique,
11:40 il est très business aussi, Camille Rondin-Débord.
11:42 - Le problème social, c'est évoqué effectivement
11:44 dans le film, c'est la pratique elle-même est honteuse.
11:46 Donc il va falloir prendre le temps,
11:48 avec les populations elles-mêmes,
11:50 petit à petit, changer les habitudes,
11:52 savoir tout simplement utiliser
11:54 ces toilettes quand elles sont mises en place,
11:56 savoir en prendre, les réparer,
11:58 et s'assurer aussi, c'est un point qui est important,
12:00 notamment pour l'aspect scolarisation
12:02 des jeunes filles, s'assurer
12:04 dans les écoles qu'il y ait des toilettes,
12:06 et des toilettes séparées, filles et garçons.
12:08 Parce qu'on sait que quand il n'y a pas de toilettes,
12:10 petite fille devient jeune fille, quand elle a ses règles.
12:12 Si vous n'avez pas de quoi vous changer,
12:14 c'est un facteur de déscolarisation assez important.
12:16 - Et cet obstacle, il l'est bien dit par Arnaud Robert
12:18 dans le film, tous les spécialistes vous le diront,
12:20 depuis des décennies, les pays riches creusent
12:22 dans les pays pauvres des toilettes sèches
12:24 pour évacuer leur déjection, et ils ont beaucoup de mal
12:26 à convaincre les États qu'il s'agit d'un enjeu
12:28 primordial de santé publique.
12:30 Donc il y a un problème aussi de prise de conscience
12:32 des pays en développement dans lesquels nous intervenons.
12:34 Peut-être Clotilde Therry ?
12:36 - Oui, alors moi je ne poserai pas
12:38 les systèmes, parce que
12:40 en France, on voit
12:42 que notre
12:44 système d'assainissement est issu
12:46 d'une histoire, on voit
12:48 en revanche ce qui est clair, c'est que
12:50 il y a des innovations,
12:52 des idées qui sont présentées
12:54 que ça font
12:56 les toilettes, l'assainissement
12:58 et l'eau, l'usage de l'eau, doit être
13:00 éminemment local. C'est un
13:02 problème local, c'est un problème
13:04 social, c'est un problème environnemental
13:06 et local. Il faut s'adapter aux populations.
13:08 Il y a des usages des toilettes
13:10 à l'occidentale
13:12 qui n'iront pas dans les pays
13:14 en Inde par exemple.
13:16 Mais donc, voilà, chaque
13:18 pays a son
13:20 histoire et il faut s'adapter
13:22 à l'histoire de chaque pays. - Faire du sur-mesure quoi.
13:24 - Voilà. - De manière plus
13:26 générale, la façon dont les... Oui, René Bourgmane ?
13:28 - Vous posiez la
13:30 question
13:32 comment convaincre les chefs d'État
13:34 de l'importance de cela.
13:36 Moi, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un problème
13:38 de conviction, il s'agit d'un problème de nature
13:40 du leadership politique.
13:42 Si on prend l'exemple de Narendra Modi
13:44 qui est un menteur fascisant
13:46 corrompu, il n'y a pas lieu de s'étonner
13:48 qu'il annonce des chiffres
13:50 et que la réalité n'a rien à voir avec ces chiffres.
13:52 Donc il y a un problème disons à la fois de
13:54 gouvernance, de structure politique
13:56 et cela, ça n'est pas entre les mains
13:58 des extérieurs. Ce sont
14:00 les populations locales, les sociétés locales
14:02 qui à un moment en ont assez
14:04 d'être dirigées par des gens de cette
14:06 trempe-là, c'est-à-dire
14:08 comme... - D'ailleurs, ce n'est pas précisé dans le documentaire,
14:10 vous avez raison de le faire, Narendra Modi est très contesté
14:12 un dirigeant très contesté au niveau mondial.
14:14 - C'est quelqu'un qui a du sang sur les mains
14:16 qui couvre des corrupteurs,
14:18 des toeurs, des corrompus pardon,
14:20 des toeurs, etc.
14:22 Donc il faut se confronter, enfin en tout cas
14:24 avoir conscience de l'existence
14:26 de ce problème majeur,
14:28 massif, qui n'est pas
14:30 entre nos mains. Cette partie-là du problème
14:32 est entre les mains des sociétés concernées.
14:34 - Et vous parliez d'adaptation,
14:36 de manière plus générale, la façon dont les pays
14:38 riches s'impliquent pour régler
14:40 cette question d'accès aux toilettes dans les pays en développement
14:42 pose pas mal de questions. La démarche
14:44 de Bill Gates par exemple est louable
14:46 mais se trompe-t-il en pensant
14:48 faire cette révolution uniquement
14:50 grâce à la technologie ?
14:52 C'est l'avis de Mr Tollei dans le film.
14:54 Écoutez.
14:58 - On peut comprendre la façon dont Bill Gates
15:00 voit les choses.
15:02 Quand il était jeune,
15:04 il fallait un ordinateur de la taille de plusieurs
15:06 pièces pour traiter de très simples informations.
15:08 Aujourd'hui, la capacité
15:14 de calcul de nos téléphones portables
15:16 permet de faire le même travail que les énormes
15:18 ordinateurs IBM de l'époque.
15:26 Pour cette raison, il considère
15:28 que quand la technologie intervient,
15:30 elle permet de tout réduire.
15:32 Mais il y a une différence
15:34 entre un ordinateur et la merde.
15:36 L'ordinateur fonctionne avec des octets
15:40 que l'on peut démultiplier
15:42 sans augmenter la taille des machines.
15:44 Le caca, lui,
15:48 est constitué d'atomes.
15:50 On ne peut pas numériser la merde.
15:54 - Il le dit de façon crue,
15:56 mais ce passage est intéressant.
15:58 Est-ce que ça veut dire qu'un Bill Gates,
16:00 tout important, tout riche, tout intelligent
16:02 s'y prend bien ?
16:04 Est-ce que les pays occidentaux s'y prennent bien
16:06 pour faire du développement ?
16:08 - Déjà, je crois qu'on n'a absolument pas conscience,
16:10 tous autant qu'on est,
16:12 que tout ce que l'on mange,
16:14 tout ce que l'on prend comme médicament
16:16 et tout ce que l'on va ingérer, nous d'ailleurs,
16:18 ou nos produits ménagers, finit dans nos toilettes.
16:20 C'est l'ensemble de ces eaux usées
16:22 qui vont ensuite tenter d'être traitées,
16:24 mais qui ne seront jamais traitées complètement
16:26 et qui finiront par avoir des résidus en rivière.
16:28 Donc, en fait, tous nos modes de vie
16:30 se retrouvent de toutes les façons dans nos rivières.
16:32 Alors, nous, de manière un peu plus gérée,
16:34 parce qu'on fait partie de ces pays
16:36 avec les meilleurs systèmes d'assainissement au monde,
16:38 mais dans la plupart des pays du monde,
16:40 80% des cours d'eau dans le monde
16:42 voient l'ensemble des déchets
16:44 rejetés directement dans nos rivières.
16:46 Ça veut dire qu'aujourd'hui, par exemple,
16:48 la femme qui a un enfant,
16:50 ça veut dire qu'aujourd'hui, par exemple,
16:52 la femme qui prend la pilule depuis les années 70,
16:54 elle consomme un maximum
16:56 d'hormones féminines,
16:58 d'oestrogènes et de progestérone.
17:00 Et donc, ça, ça se retrouve
17:02 dans nos cours d'eau. Et puis, on se rend
17:04 compte qu'aujourd'hui, on a
17:06 des populations piscicoles de poissons
17:08 qui sont féminisées
17:10 depuis plus de 20 à 30 ans.
17:12 L'ensemble de la faune
17:14 qui se trouve autour du cours d'eau,
17:16 aussi, on a même de plus en plus actuellement...
17:18 Il y a une étude qui vient de sortir
17:20 dernièrement, il me semble, par l'Office
17:22 français de la biodiversité, qui montre
17:24 qu'il y a carrément des poissons transgenres
17:26 et bisexuels, parce que c'est un perturbateur
17:28 endocrinien extrêmement important.
17:30 On voit... Enfin, ça, c'est
17:32 peut-être l'élément
17:34 le plus marquant, mais on voit très bien...
17:36 - Tout a des conséquences. - Une résistance.
17:38 - Tout ce qu'on se fait, nous, nous péris,
17:40 - aux antibiotiques... Et donc,
17:42 il y a des médecins, j'ai été
17:44 sur des territoires, qui décident de changer
17:46 leur ordonnance, parce que ça a une
17:48 conséquence directement sur le milieu, après.
17:50 Donc, ça veut dire que, vraiment,
17:52 si on arrive à avoir cette prise de conscience
17:54 sur ce que l'on consomme avant, il faut
17:56 comprendre qu'à la fin, tout ça se retrouve aussi
17:58 dans nos déchets, et doit être géré,
18:00 et c'est la nature qui doit le gérer, et à un moment donné,
18:02 elle sature complètement, même en France.
18:04 Donc, c'est quelque chose, quand même, qui est important à comprendre.
18:06 - S'interroger sur nos pratiques, et s'interroger sur les
18:08 modèles qu'on propose, et qu'on voudrait exporter, aussi,
18:10 Camille Romain-Débord ? - Oui, et s'interroger
18:12 sur la technologie, comme réponse
18:14 à prix, et je dirais aussi sur le sens,
18:16 dans quel sens ça va,
18:18 et partir, je pense que la réponse,
18:20 elle est aussi de partir d'abord des besoins des populations,
18:22 de partir des gens,
18:24 des spécificités qu'il peut y avoir, des modes de
18:26 consommation, parce qu'effectivement, je dirais
18:28 qu'au fin fond du Bangladesh,
18:30 où j'étais récemment, il y a des gros problèmes
18:32 d'assainissement, et en France, on n'a évidemment pas
18:34 les mêmes sujets,
18:36 en tout cas. Donc, vraiment, partir
18:38 de la base des besoins, pour s'adapter,
18:40 et avoir une réponse qui soit la plus
18:42 efficace, et qui prenne en compte le local,
18:44 et pas faire l'inverse. - Oui, parce que tout n'est pas exportable,
18:46 c'est ce que vous disiez, finalement, c'est une adaptation...
18:48 - C'est une adaptation, effectivement.
18:50 Je reviens sur Bill Gates,
18:52 moi, je trouve que c'est toujours une bonne nouvelle, quand
18:54 une personne de sa notoriété
18:56 met au devant de la scène
18:58 l'assainissement, les problématiques
19:00 de caca. Comme me disait ma fille,
19:02 en regardant le reportage, elle a compris
19:04 quoi ? Elle a compris "Ah, le caca tue".
19:06 Elle a 8 ans. Bon, voilà. Donc, je trouve
19:08 que c'est toujours une victoire, parce que
19:10 ça permet de mettre le sujet au devant
19:12 de la scène. Après, les
19:14 innovations aussi, elles sont toujours
19:16 intéressantes. Il faut toujours
19:18 les prendre. - Parce que son concours n'a pas abouti,
19:20 c'est aussi ce qu'on comprend dans le film, quand même.
19:22 "Réinventer les toilettes", son grand concours mondial,
19:24 finalement, il n'a pas débouché sur des solutions...
19:26 - Parce que, c'est ce qu'on disait,
19:28 pas adapté aux populations
19:30 qu'elles étaient censées
19:32 aider. Et là, effectivement,
19:34 c'est ce qu'on disait, l'eau et l'assainissement,
19:36 c'est un problème local. En revanche,
19:38 il existe des innovations qui sont adaptées.
19:40 Je veux dire, les entreprises que je représente,
19:42 elles ont une série
19:44 d'innovations.
19:46 C'est dans leur ADN. - Elles vont mettre
19:48 la notoriété de Bill Gates, mais finalement,
19:50 les méthodes, elles ont peut-être...
19:52 Elles ont les leurs. - Elles ont déjà
19:54 avancé les enjeux. Et vous parliez
19:56 des micropolluants. Mais les
19:58 enjeux, elles répondent aux enjeux qu'on leur
20:00 pose en France, aujourd'hui.
20:02 On n'est plus sur les mêmes enjeux que
20:04 effectivement, il y a 150 ans,
20:06 où le problème principal,
20:08 c'était de raccorder un assainissement
20:10 dans un
20:12 objectif sanitaire. Aujourd'hui,
20:14 les entreprises
20:16 et les collectivités répondent
20:18 à un enjeu d'innovation face
20:20 ou d'adaptation
20:22 face au changement climatique. C'est ça, aujourd'hui,
20:24 le principal enjeu qui se pose. Et qui se pose
20:26 partout dans le monde, à des degrés différents.
20:28 Et là, effectivement,
20:30 elles répondent présents, et elles sont
20:32 auprès des collectivités et des populations.
20:34 - Rémi Broman.
20:36 - Je voulais surtout
20:38 dire un mot sur Bill Gates.
20:40 Moi, là, je ne partage pas votre
20:42 approbation, disons.
20:44 Je vois,
20:46 notamment, les dégâts que font
20:48 ces philanthropes milliardaires
20:50 dans le domaine de la santé publique, internationale,
20:52 dans le domaine de la santé globale, comme il est
20:54 connu de dire, maintenant,
20:56 en s'antichant de quelques thèmes.
20:58 Par exemple, Bill Gates s'est antiché
21:00 du thème de l'éradication
21:02 de maladies infectieuses,
21:04 la rougeole, le paludisme,
21:06 les parasitaires.
21:08 - Quel problème voyez-vous à cela ?
21:10 - La polio. S'acharner sur un objectif
21:12 qui est à la fois
21:14 flou, probablement
21:16 inatteignable, et qui divertit
21:18 de questions qui sont massives,
21:20 très importantes, des ressources
21:22 qui sont forcément rares, pour les injecter
21:24 là-dedans. Un exemple,
21:26 pour ce qui est de la
21:28 polio, Bill Gates
21:30 veut absolument
21:32 être l'homme qui aura éradiqué
21:34 la polio, un peu comme on a éradiqué
21:36 la variole.
21:38 - Ça relève de la mégalomanie,
21:40 mais ce n'est pas fait. - De la mégalomanie
21:42 totale. - Or, vous admettez qu'en
21:44 soulevant le problème des toilettes, il a fait bouger les lignes.
21:46 En tout cas, il nous... Non ?
21:48 Vous ne croyez pas ? Vous n'êtes pas sûr de ça ?
21:50 - Non, je ne suis pas sûr de ça du tout. Je ne sais pas
21:52 dans quelle mesure Bill Gates peut influencer
21:54 les mentalités à l'échelle globale.
21:56 Il est un homme respecté,
21:58 milliardaire, l'un des
22:00 plus riches de la planète, donc il a une place
22:02 en effet éminente sur la scène internationale.
22:04 Il est reçu comme un chef d'État ici ou là.
22:06 De là à penser que ce qu'il dit
22:08 sur le caca va influencer
22:10 les comportements de gens qui sont
22:12 de toute façon dans une situation matériellement,
22:14 socialement extrêmement difficile,
22:16 il y a un pas que moi je ne franchirai pas.
22:18 Cela étant, ça ne diminue en rien
22:20 l'importance de la question dont on discute.
22:22 Ça ne fait que, disons, nuancer
22:24 l'importance qu'on peut accorder à
22:26 Bill Gates. - Parce qu'il est central quand même
22:28 dans le documentaire. C'est un des personnages centraux
22:30 quand même du documentaire. - Oui, mais pris d'ailleurs,
22:32 j'ai apprécié la chose avec le réalisateur,
22:34 avec recul, qui se moque un peu
22:36 de cela. - Et de son concours qui n'a pas abouti.
22:38 Le sujet n'est pas que sanitaire, culturel
22:40 ou économique, il est aussi évidemment
22:42 écologique. Le modèle
22:44 des toilettes à chasse, majoritaire
22:46 dans les pays développés, pose
22:48 un énorme problème de consommation d'eau.
22:50 Ça aussi c'est très présent dans le film.
22:52 Il n'est donc pas forcément souhaitable et de
22:54 toute façon pas faisable de le
22:56 dupliquer dans tous les pays.
22:58 C'est ce que nous dit cette fois cette intervenante
23:00 dans le film. Écoutez.
23:02 - En Afrique du Sud,
23:04 on n'a ni la place,
23:06 ni les équipements pour installer
23:08 d'énormes stations d'épuration.
23:10 Il est bien plus cohérent du point de vue
23:16 économique, autant qu'environnemental,
23:18 de disposer de petits systèmes
23:20 de traitement décentralisés,
23:22 plutôt que de mettre en place tout un réseau
23:24 d'acheminement des eaux usées vers un complexe
23:26 central.
23:28 Autant les traiter à la source.
23:30 Et si, en plus, on transforme les matières
23:32 collectées en quelque chose d'utile,
23:34 c'est encore mieux.
23:36 - Alors moi je vais poser
23:38 une question un peu provocante. Mais alors
23:40 pourquoi pas des toilettes sèches partout,
23:42 pour tout le monde, dans le monde entier ? Pourquoi ne va-t-on
23:44 pas vers ce modèle-là, puisqu'on
23:46 réalise que les toilettes à chasse sont
23:48 extrêmement consommatrices en eau
23:50 et donc problématiques pour la planète ?
23:52 Évidemment je me tourne d'avant vers vous Emma Ziza, mais je vous laisserai tous réagir.
23:54 - Alors notre ministre de l'écologie
23:56 s'est exprimé,
23:58 Christophe Béchut, sur cette question.
24:00 - On a pris un extrait de son interview, il répond à cette question.
24:02 - Et ce qui est assez intéressant,
24:04 c'est qu'il est sollicité par le journaliste,
24:06 qui lui dit "Mais alors pourquoi pas les toilettes sèches ?"
24:08 Et là il lui dit "En gros, ça va, faut pas aller trop loin."
24:10 - Il dit "Vous allez loin."
24:12 - Voilà, sa réponse c'est "Vous allez loin."
24:14 - On l'a en infographie, absolument.
24:16 - Et c'est vrai que c'est assez intéressant,
24:18 parce qu'en fait il est complètement déconnecté
24:20 de cette solution, alors que c'est une solution qui est quand même en train
24:22 de se déployer en France, contrairement à ce qu'on
24:24 pourrait penser, notamment par exemple dans le milieu
24:26 du spectacle, vous voyez de plus en plus
24:28 en fait des toilettes sèches
24:30 qui sont positionnées pour tenir les
24:32 manifestations diverses et variées.
24:34 Donc on voit qu'il y a en tous
24:36 les cas, notamment dans certaines
24:38 zones en France, on a certains territoires
24:40 très ruraux où beaucoup de gens
24:42 avec de très fortes convictions
24:44 écologiques vont s'installer
24:46 et placent des toilettes sèches,
24:48 donc c'est quelque chose qui est en train de rentrer dans le débat public.
24:50 Mais je crois que, entre
24:52 les toilettes actuelles, l'économie
24:54 d'eau qu'on pourrait avoir en mettant une bouteille
24:56 d'eau tout simplement, ou une brique,
24:58 peu importe, mais en consommant moins d'eau
25:00 à chaque fois qu'on tire sa chasse d'eau,
25:02 les solutions qui existent pour récupérer l'eau de la douche,
25:04 pour la mettre directement dans ses toilettes,
25:06 et puis ensuite d'autres solutions
25:08 qu'on n'a absolument pas développées en France,
25:10 mais qui sont par exemple développées au Luxembourg,
25:12 notamment, vous arrivez au Luxembourg,
25:14 quand vous regardez les toilettes, l'eau est jaune.
25:16 La première fois que je suis arrivée, j'ai regardé,
25:18 j'ai reculé, j'ai été voir
25:20 une autre toilette et je me suis rendue compte que c'était
25:22 partout pareil, et quand vous regardez le panneau,
25:24 on vous explique qu'en fin de compte, c'est l'eau de pluie
25:26 qui alimente l'immeuble,
25:28 qui vient directement être utilisée
25:30 pour les toilettes. - Donc vous dites pas non
25:32 à l'eau, mais avant les toilettes sèches, il y a d'autres possibilités ?
25:34 - En tous les cas, il y a tout un panel qu'il faut aussi
25:36 explorer, et qui est quand même intéressant,
25:38 il faut jamais oublier, et là je pense que
25:40 d'autres seront mieux placés pour moi de le dire, mais
25:42 aller chercher de l'eau, c'est aussi utiliser
25:44 beaucoup d'énergie pour pomper cette eau,
25:46 d'ailleurs on a vu que le prix de l'eau est en train d'évoluer
25:48 d'abord dans un premier temps,
25:50 à cause du coût de l'énergie, et puis ensuite,
25:52 derrière, vous la cheminez, vous la traitez,
25:54 pour qu'elle réponde à toutes les règles de potabilisation,
25:56 pour qu'elle finisse par arriver en l'espace
25:58 de deux secondes dans votre robinet, comme par magie.
26:00 Et donc on a l'impression que c'est absolument normal.
26:02 On a complètement oublié l'époque où,
26:04 dans Paris, on avait les porteurs d'eau,
26:06 on avait ceux qui pouvaient se permettre de payer
26:08 les porteurs, et ceux qui ne pouvaient pas,
26:10 on avait le roi qui récupérait le deux tiers
26:12 de la ressource en eau sur Paris,
26:14 et c'est aussi ce qui a égrené la révolution française,
26:16 et on voit très bien d'ailleurs,
26:18 cet été, là qu'on vient de passer,
26:20 qui derrière montre de nouvelles règles,
26:22 de sorte de guerre de l'eau qui sont en train de naître
26:24 en France, on voit qu'il y a quelque chose qui est
26:26 en train de se jouer dans ces inégalités
26:28 parce que l'eau elle est partout,
26:30 et puis cette eau elle se réduit comme pot de chagrin.
26:32 - Et justement, Béchut a parlé de restrictions
26:34 pour l'été prochain, vu l'été qu'on vient de passer.
26:36 - La fin de l'abondance. - La fin de l'abondance en eau.
26:38 - On vous a annoncé du jour au lendemain qu'il y avait
26:40 la fin de l'abondance de l'électricité, et d'un seul coup,
26:42 de la même manière, ça y est, c'est la fin
26:44 de l'abondance en eau. - On peut imaginer des
26:46 restrictions horaires et pas des restrictions journalières,
26:48 de toute façon il faut s'habituer, comme l'a expliqué
26:50 le président à la fin d'abondance,
26:52 y compris pour l'eau. - Claude Siltéré ?
26:54 - Alors, oui, par rapport
26:56 à cette question des toilettes sèches,
26:58 plutôt que d'opposer un modèle
27:00 à un autre, je pense qu'il y a aussi
27:02 une question, il faut se rappeler à quoi ça sert
27:04 l'assainissement, c'est une question
27:06 de santé, d'hygiène, de protection
27:08 des populations, contre
27:10 des bactéries et
27:12 pollution des eaux, etc.
27:14 Donc, pourquoi pas
27:16 un nouveau système ?
27:18 En revanche, il y a quand même un contrôle sanitaire
27:20 qui doit être fait, il faut vérifier que ce contrôle
27:22 sanitaire, j'insiste là-dessus, parce que
27:24 ok, on met en place de nouvelles choses,
27:26 qui va contrôler ?
27:28 Quelle fréquence ? Comment ?
27:30 - Contrôler quoi ? De quoi parlez-vous exactement ?
27:32 - Les toilettes.
27:34 - Les toilettes sèches.
27:36 - On peut. - Qui viendra vérifier
27:38 qu'elles sont faites correctement.
27:40 - Parce que ça aussi pourrait provoquer,
27:42 vous voulez dire, un manque d'hygiène, des maladies, des choses comme ça.
27:44 - Voilà, si ça n'est pas bien contrôlé.
27:46 - C'est intéressant de le dire, vous avez raison.
27:48 - Il faut quand même savoir aussi que
27:50 l'assainissement et
27:52 les eaux usées derrière
27:54 ont quand même derrière
27:56 une valeur.
27:58 Et ça, on oublie souvent de le dire, il y a une deuxième vie
28:00 à tout ça. C'est-à-dire
28:02 que ça produit
28:04 aussi de l'énergie,
28:06 des gaz,
28:08 des bouts.
28:10 Je vais faire un petit peu de pédagogie,
28:12 je me permets, parce qu'on s'aperçoit qu'un Français
28:14 sur trois connaît, seul un Français
28:16 sur trois connaît ce qui se passe quand
28:18 il tire la chasse.
28:20 Une fois que l'eau arrive à la station d'épuration,
28:22 elle est traitée, et
28:24 on a d'une part les eaux usées,
28:26 traitées, qui retournent au milieu naturel,
28:28 et d'autre part des bouts, pour faire simple.
28:30 Des bouts, de ce qui reste,
28:32 qui sont à 80% utilisés
28:34 en agriculture
28:36 et en compostage et en épandage.
28:38 Donc, on a ces deux
28:40 ressources
28:42 qui pourraient être mieux utilisées.
28:44 La réutilisation des eaux usées traitées...
28:46 Et on n'est pas très bon en France, pardonnez-moi, je peux juste
28:48 donner quelques chiffres. La France est très à la traîne
28:50 sur la réutilisation des eaux usées. Le taux
28:52 de réutilisation des eaux usées traitées en France
28:54 est de moins de 1%.
28:56 Il est d'environ 8% en Italie,
28:58 de 14% en Espagne,
29:00 et de 90% en Israël. Pourquoi sommes-nous
29:02 à la traîne, comme ça ?
29:04 Pourquoi ? Parce qu'il y a
29:06 des... En plus, les Français
29:08 sont prêts à passer
29:10 à son demandeur. Les collectivités,
29:12 on a des collectivités visionnaires
29:14 qui sont prêtes à mettre en place ce système.
29:16 On a une complexité administrative
29:18 et réglementaire qui bloque le système.
29:20 La question, c'est, est-ce qu'on doit exporter notre modèle
29:22 de toilettes à chasse dans des pays
29:24 alors que nous sommes en pleine pénurie d'eau
29:26 et nous allons tout droit vers cela ?
29:28 Ou est-ce qu'au contraire, il faut revoir nos propres modèles
29:30 pour finalement exporter des bons modèles pour la planète ?
29:32 Vous voyez ce que je veux dire ?
29:34 On n'a pas besoin d'exporter notre propre modèle. Je vous reprends l'exemple du Bangladesh.
29:36 C'est un pays où l'eau
29:38 ne manque pas. On parlait de l'eau tout à l'heure
29:40 polluée naturellement à l'arsenic.
29:42 Il y a des énormes enjeux déjà sur l'eau potable
29:44 pour les populations.
29:46 C'est un pays dans lequel
29:48 qui est plat, qui est au niveau de la mer
29:50 quasiment. C'est un pays dans lequel les inondations
29:52 sont très fréquentes.
29:54 Là, l'enjeu, c'est de mettre des toilettes
29:56 qui soient protégées en moyenne
29:58 des catastrophes naturelles. Donc des toilettes qui soient en hauteur,
30:00 qui soient sécurisées pour pas qu'à chaque
30:02 cru, les toilettes soient emportées
30:04 et que de nouveau, on se retrouve avec tous ces
30:06 bouts, ces eaux usées, etc.
30:08 Donc là, le problème,
30:10 c'est la solidité
30:12 des matériaux utilisés,
30:14 de l'endroit choisi, de la pédagogie, de la formation
30:16 et de la construction
30:18 à partir des besoins des populations
30:20 et pas l'exportation d'un modèle...
30:22 Si on doit conclure notre échange,
30:24 c'est quoi ? C'est de dire qu'en fait, il faut un peu décentraliser,
30:26 laisser aussi les pays
30:28 trouver leur propre modèle
30:30 ou est-ce que nous, on doit quand même
30:32 continuer d'influencer, de développer sur ces questions-là
30:34 ou pas ? Je pense que déjà, il n'y a pas de solution magique.
30:36 Donc, les annonces
30:38 notamment faites par le gouvernement,
30:40 préalables à un plan plus large
30:42 qui nous disent "Regardez, Israël
30:44 a une solution extraordinaire,
30:46 elle réutilise ces eaux usées
30:48 comme personne ne sait le faire", on est quand même sur un pays
30:50 aride. Donc, effectivement, on récupère
30:52 derrière la moindre goutte d'eau. Ce qui n'est quand même pas
30:54 le cas de la France. La France qui
30:56 s'appuie sur un modèle d'un pays aride,
30:58 c'est quand même un échec de son propre modèle
31:00 où elle n'a pas été capable de gérer son eau.
31:02 Je voudrais juste revenir sur quelques points.
31:04 Ça fait 30 ans qu'on essaye de faire de la réutilisation des eaux usées
31:06 en France. On a énormément de programmes
31:08 qui ont été testés pour arroser des golfs,
31:10 pour arroser tout un tas de systèmes...
31:12 Et la plupart se sont
31:14 arrêtés pour des problèmes techniques.
31:16 Il y a eu... Il y a pas mal
31:18 de rapports qui ont été émis là-dessus.
31:20 C'est que c'est pas si simple. En fait, on nous vend
31:22 une solution extrêmement simple, parce qu'effectivement,
31:24 il y a un très fort...
31:26 J'ai envie de dire une poussée
31:28 dans cette voie-là, comme la voie
31:30 de la solution. J'ai envie de dire
31:32 c'est intéressant dans certains modèles.
31:34 Il y a des eaux usées
31:36 qu'on peut retraiter, qui sont intéressantes,
31:38 mais parfois, par exemple, si on les retraite
31:40 trop à la fin, on perd nos matières organiques
31:42 et elles ne servent plus ensuite
31:44 derrière à ce que l'on vous souhaitait
31:46 justement sur le plan agricole. Donc, en fait,
31:48 il va falloir un peu regarder la complexité
31:50 et arrêter de croire
31:52 qu'il y a une solution magique... - Oui, et que les systèmes
31:54 sont duplicables d'un pays à un autre.
31:56 - Exactement. - Rony Broman ?
31:58 - Oui. Moi, j'ai écouté avec
32:00 beaucoup d'intérêt, parce que je connais
32:02 peu ces questions sur le plan
32:04 technique. Ce qui
32:06 me rend, je ne dirais
32:08 pas pessimiste, mais disons
32:10 interrogatif, c'est le fait
32:12 que, d'une part,
32:14 les mesures que l'on peut prendre
32:16 sont
32:18 destinées... Enfin...
32:20 ne feront sentir leurs effets
32:22 qu'à moyen terme,
32:24 c'est-à-dire au-delà de la période
32:26 de gouvernement que les gens
32:28 concernés utilisent. C'est-à-dire
32:30 les ministres qui vont prendre
32:32 des mesures aujourd'hui, le Parlement
32:34 qui va les voter, ne seront pas
32:36 ceux qui verront les résultats.
32:38 Et par ailleurs, si j'ose dire, les résultats
32:40 sont négatifs. C'est-à-dire que ce sont des non-événements
32:42 qu'on attend, des non-épidémies,
32:44 des non-pénuries, etc.
32:46 Or, personne n'est crédité d'un événement
32:48 qui ne s'est pas produit.
32:50 Donc, vous avez une sorte de double pénalité,
32:52 celle de ne pas être
32:54 le...
32:56 - Celui qui va vivre la Révolution.
32:58 - Au moment où vous prenez la mesure. Et en plus,
33:00 le peu de crédits qu'il y aura, ce sera
33:02 l'année suivante qu'ils les auront. Et ça,
33:04 c'est difficilement compatible
33:06 avec le fonctionnement démocratique qui,
33:08 par structure, est
33:10 orienté vers la prochaine élection.
33:12 On a un problème, sérieux. - Pour conclure...
33:14 - Pour conclure, en fait, le problème du cycle de l'eau,
33:16 on l'a déréglé massivement partout,
33:18 mais ça n'apporte d'argent à personne de re-rentrer
33:20 cette eau dans les nappes, parce qu'il n'y a pas d'économie derrière.
33:22 Et le vrai problème, il est là. Sauf que ces nappes-là,
33:24 elles alimentent tous les systèmes
33:26 écologiques naturels, les forêts,
33:28 les animaux, parce qu'on oublie quand même
33:30 que tout le monde a besoin d'eau, il n'y a pas que nous.
33:32 Et nous, on a tendance à prendre cette eau que pour nous,
33:34 et puis derrière, à essayer de créer une économie
33:36 sur nos eaux usées.
33:38 Je crois qu'on peut peut-être créer quelque chose de plus beau
33:40 dans notre modèle. - J'allais conclure, mais Clotilde Terrible
33:42 a envie de dire un tout petit mot de conclusion, alors je vous laisse.
33:44 - Je reviens juste sur la réut...
33:46 Pardon. Je jargonne.
33:48 Je jargonne. Voilà. Réutilisation des eaux usées
33:50 traitée. La technique est connue
33:52 et méritrisée. On sait
33:54 le faire vraiment bien.
33:56 Moi, ce que j'insisterais plutôt sur
33:58 le fait que la station
34:00 d'épuration, elle doit être au centre
34:02 d'un projet de ville durable. C'est
34:04 une ressource
34:06 qui doit être mieux utilisée.
34:08 Évidemment, on rejette les eaux usées,
34:10 mais on doit utiliser les ressources énergétiques
34:12 et en eau.
34:14 - Et ce sera le mot de la fin. Cette fois, je conclue.
34:16 Merci infiniment à tous les quatre
34:18 d'avoir participé à cette émission. Merci à vous
34:20 de l'avoir regardée comme chaque semaine et de nous être
34:22 très fidèles sur Public Sénat. À très bientôt.
34:24 - A bientôt.
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