• l’année dernière
Depuis la crise du disque mais aussi pour compenser les bénéfices très disparates du streaming (à ce sujet, voir notre premier épisode), les concerts sont devenus une valeur refuge pour les artistes et les labels. Entre les années 1980 et aujourd’hui, la part du live dans les revenus des musiciens est effectivement passée de 30% à 75% – une source donc vitale. Mais dans cette offre devenue pléthorique et une demande qui l’est tout autant, les tournées déraillent : inflation du prix de certains événements – comme les gros concerts et les festivals – ; pratiques cyniques voire carrément douteuses des multinationales du spectacle ; précarité d’une multitude d’artistes, bien obligés de multiplier les concerts au risque de frôler le burn-out. Alors, il se passe quoi avec les concerts ? Sont-ils destinés à devenir un produit de luxe ? C’est cette épineuse question qu’explore le deuxième épisode de Ca$h Musique, notre émission qui ouvre le portefeuille de l’industrie musicale.

Premier épisode : Comment marche le streaming musical ?
https://www.youtube.com/watch?v=q7xyNZVgVGA&ab_channel=Telerama

#livenation #claraluciani #concerts

ÉCRITURE :
JÉRÉMIE MAIRE
AVEC L’AIDE DU SERVICE MUSIQUES DE TÉLÉRAMA

RÉALISATION
PIERRICK ALLAIN

REMERCIEMENTS
PETIT BAIN



Category

🎵
Musique
Transcription
00:00 Avec la chute des ventes de disques, les revenus issus du streaming vraiment pas foufous,
00:04 que reste-t-il aux artistes pour gagner leur vie ?
00:07 Et bien pas grand chose, mise à part...
00:10 les concerts !
00:12 Le live comme salut financier, si c'est le cas pour les gros artistes et les promoteurs,
00:16 on constate aussi que les concerts déraillent ces derniers temps.
00:20 Surabondance de l'offre, prix de certains événements qui grimpent en flèche,
00:23 mais aussi encore et toujours une précarité de certains artistes,
00:27 y compris quand ils s'engagent dans d'épuisantes tournées.
00:30 Alors, il se passe quoi avec les concerts ?
00:34 C'est la question qu'on se pose dans le deuxième épisode de Cache Musique,
00:37 l'émission qui ouvre le portefeuille de l'industrie musicale.
00:40 Dans les années 80, le live représentait 30% des revenus d'un artiste.
00:47 Aujourd'hui, c'est 75%.
00:50 30 000 spectacles ont eu lieu en France en 2006.
00:53 En 2017, c'était 65 000.
00:57 Cette inflation ne découle pas d'une soudaine passion des artistes
01:00 pour la vie en tourbus et les sandwichs triangle d'air d'autoroute.
01:04 Il y a à la fois beaucoup d'offres pour beaucoup de demandes, comme nous l'explique Odile Deplat,
01:09 chef du service musique à Télérama et spécialiste de l'économie du live.
01:13 Il y a plus de concerts aujourd'hui qu'il y a 20 ans, parce qu'il y a beaucoup plus d'artistes déjà.
01:17 Il y avait des filtres pendant très longtemps, on ne pouvait pas devenir artiste comme ça.
01:20 Il fallait enregistrer un disque, trouver un studio, payer la fabrication du disque.
01:25 Tous ces filtres ont complètement disparu.
01:27 Donc beaucoup plus de concerts, beaucoup plus de festivals.
01:30 Ils se sont énormément développés ces 20 dernières années, beaucoup plus de salles.
01:33 Il existe des Zéniths maintenant dans toutes les villes de province en France.
01:37 Il y a les salles de musiques actuelles aussi.
01:39 Et tous ces endroits ont besoin d'une programmation, ont besoin de concerts.
01:43 Il y a une catégorie de salles ces dernières années qui a beaucoup bénéficié de la multiplication des concerts.
01:49 Ce sont les arénas.
01:50 On sait qu'il y en a de plus en plus aussi dans chaque ville qui en construisent.
01:53 Elles ont capté aussi toute une partie des concerts.
01:56 Les artistes préfèrent aujourd'hui faire un concert dans une aréna
01:59 plutôt que des concerts dans plusieurs Zéniths.
02:01 Faire une aréna plutôt qu'un Zénith, c'est moins fatigant.
02:05 On fait un concert et on touche effectivement 20 000, 40 000, 80 000 personnes.
02:09 C'est mieux qu'une tournée de 100 smacks qui est très fatigante.
02:13 Vous voulez savoir comment j'ai rencontré ma copine ?
02:17 J'ai rencontré aux Zéniths.
02:19 Plus de concerts, c'est donc plus de revenus.
02:22 Depuis 2005, les recettes de billetterie ont plus que doublé.
02:25 Cette augmentation des recettes vient aussi du prix de vente de certains billets en pleine inflation.
02:30 En 2019, le prix moyen du billet s'élève à 35 euros.
02:34 En 2005, c'était 26 euros.
02:36 Ça a pris 30 %.
02:37 Les petits concerts n'ont pas spécialement augmenté.
02:40 Les grandes salles ont eu le billet du concert augmenté.
02:43 Et puis c'est surtout les festivals qui n'étaient pas très chers
02:46 et qui ont tendance à le devenir de plus en plus.
02:48 On a tous vu que nos factures d'énergie avaient augmenté.
02:51 Pour les concerts, c'est pareil.
02:52 Les salles de concert ont dû vendre leur salle plus chère pour rentrer dans leurs frais.
02:57 Donc les producteurs ont augmenté.
02:58 Et puis après, il y a la marge de chacun.
03:00 Pendant le Covid, il n'y a pas eu de concerts.
03:02 Donc les artistes et les producteurs ont quand même cherché à rattraper l'argent perdu.
03:09 Les cachets ont augmenté.
03:11 Pour les festivals aussi, énormément.
03:13 On sait que c'est un gros problème parce qu'il y a des festivals dans le monde entier.
03:17 Aujourd'hui, il n'y a pas des festivals seulement en France.
03:18 Il y a des festivals en Asie, dans l'Europe de l'Est.
03:22 La demande internationale en concerts est devenue énorme.
03:26 Et ça fait grimper les prix des artistes.
03:29 À ça s'ajoutent les coûts de sécurité qui ont grimpé en flèche ces dernières années.
03:33 Et aussi la course au gigantisme pour attirer toujours plus de spectateurs.
03:36 Et ça marche.
03:37 Les arénas et les grands festivals d'été,
03:39 malgré des places avoisinant les deux à 300 euros, se remplissent.
03:43 Pour l'industrie de la musique, le calcul est vite fait.
03:45 Les gros concerts, c'est là où il y a de l'argent à se faire.
03:48 C'est ainsi que depuis une quinzaine d'années,
03:49 on voit les grandes multinationales du spectacle,
03:51 dont les fameuses Live Nation et AEG,
03:54 signer des artistes à 360 degrés comme ils appellent.
03:57 Ils produisent leurs disques, ils montent leurs tournées de concerts,
04:00 qui ont lieu dans leur propre salle ou leur propre festival,
04:03 dont les billets sont vendus par leur propre plateforme de billetterie.
04:07 Avec ce capitalisme appliqué à la musique,
04:10 cette mainmise, voire ce monopole sur le spectacle,
04:13 naissent des dérives plus ou moins légales et une inflation du prix des billets.
04:17 Déjà, il y a le marché noir.
04:19 Il arrive que des robots informatiques achètent en masse des tickets
04:22 pour les vendre bien plus chers ensuite.
04:24 Ils plaignent d'ailleurs de sérieux soupçons de collusion
04:27 entre ces robots et ces multinationales du spectacle,
04:30 accusées d'être en cheville.
04:31 Mais ce n'est pas la seule raison de l'inflation récente.
04:33 C'est la mise en place de nouveaux types de billetteries,
04:36 avec la billetterie électronique, qu'on appelle les prix dynamiques.
04:39 C'est en fonction de la demande.
04:41 Plus il y a de demandes, plus le prix va augmenter.
04:42 Alors on a vu des concerts qui ont atteint des prix astronomiques aux Etats-Unis.
04:46 Bruce Springsteen, c'est monté à 10 000, 39 000 dollars pour Tale of Swift.
04:50 Ticketmaster, qui a carrément arrêté la vente de tickets.
04:52 Une dernière raison à l'augmentation des prix des concerts,
04:56 c'est la mise en place de zones premium, notamment dans les festivals,
05:00 mais aussi dans les arénas.
05:01 Ça se développe vraiment ces dernières années.
05:03 Dans les festivals, ce sont donc les zones premium,
05:06 les golden pits, les zones VIP.
05:08 Alors on en paye plus cher, parfois pas tellement plus cher,
05:12 20 euros, mais parfois ça va jusqu'à 400 euros la place.
05:15 Et là, on a champagne à volonté, on a la meilleure vue sur la scène.
05:19 Ça paraît un peu dingue, mais c'est toujours les places qui partent en premier finalement.
05:23 Donc il y a aussi une demande, et les producteurs de spectacles se disent tous
05:28 "pourquoi est-ce que je ne prendrais pas l'argent ?"
05:29 Et on peut ajouter Beyoncé pour sa tournée 2023,
05:36 avec des billets VIP à près de 2700 euros pour le concert de Londres.
05:42 Et ça s'arrache comme des petits pains.
05:43 On constate surtout que l'argent tombe toujours dans les mêmes poches,
05:46 celles des gros artistes et des grosses entreprises.
05:49 Dans Télérama, Clara Lucchini a déclaré qu'elle n'avait touché
05:53 que 160 euros pour son premier Olympia.
05:55 Un clé finalement très faible qui s'explique par le coût d'un concert,
05:59 pour lequel il faut payer les musiciens sur scène, les techniciens,
06:02 le coût de location de la salle et tous les frais de tournée.
06:05 Et ça c'est le cas pour de nombreux artistes, de son envergure ou en devenir,
06:09 obligés de multiplier les concerts et les tournées à rallonge
06:12 pour gagner leur vie au risque de frôler l'épuisement.
06:15 Ou d'aller chercher des moyens de rémunération ailleurs.
06:18 C'est justement ce portefeuille que l'on va continuer à ouvrir
06:22 dans le prochain épisode de Cash Music.
06:24 [Applaudissements]

Recommandations