Matthieu Valet : «On a aujourd’hui une justice qui déshumanise les victimes»

  • l’année dernière
Le commissaire de police Matthieu Valet explique que la justice française n’accompagne pas autant les victimes que les accusés : «On a aujourd’hui une justice qui déshumanise les victimes» 
Transcript
00:00 Elle est difficile, je sais comment en parler,
00:02 puisqu'il y a l'affaire qui revient de M. Alenau.
00:05 On va en parler juste après.
00:06 Vous savez, derrière ces situations qu'on invoque,
00:08 il y a des vies, il y a des familles, il y a des victimes,
00:11 que moi je rencontre quasiment systématiquement,
00:12 que ce soit des policiers victimes ou même,
00:14 dans le cadre d'Antoine Alenau, avec son père Yannick et sa mère Isabelle,
00:17 où j'aime bien rencontrer...
00:19 On va rappeler qu'Antoine Alenau est mort,
00:22 il était à scooter et un chauffard absolument massacré,
00:26 un homme sous-stupéfiant qui a été remis en liberté.
00:29 Du coup, cette affaire me fait penser à cette affaire-là,
00:31 parce qu'encore une fois, c'est un drame de la route,
00:33 causé par une personne qui conduisait en état d'ébriété sous-stupéfiant,
00:36 là, sur l'affaire Palmat, c'était sous-stupéfiant uniquement,
00:39 ce qui est déjà pas mal.
00:40 Et on est dans une société de symboles et d'images.
00:43 Et souvent, les policiers, lorsqu'ils interpellent des voyous assez costauds,
00:46 assez connus des services de police,
00:48 quand il n'y a pas de détention provisoire,
00:49 quand il n'y a pas d'incarcération à l'issue de l'urgence de comparution,
00:52 ils vivent ça, finalement, comme un désaveu,
00:54 parce que la personne est remise en liberté.
00:55 Même sur le fond, je partage complètement votre analyse, maître du droit français,
00:59 on a des procédures qui permettent d'assurer à chacun, d'assurer sa défense,
01:01 de rassembler les preuves et d'expliquer tout le monde.
01:04 Ce que je regrette, c'est que les victimes, dans la chaîne pénale,
01:06 dans le procès pénal, même si c'est le parquet qui représente les intérêts de la société,
01:09 on n'est pas aux États-Unis, où c'est directement les victimes
01:12 qui, d'une certaine manière, font leur procès,
01:13 on l'a vu avec l'affaire Strauss-Kahn, par exemple,
01:15 où il y a des négociations en amont, etc.,
01:17 c'est que les victimes ont toujours le dernier mot de considération,
01:21 que c'est déshumaniser.
01:22 On a aujourd'hui une procédure pénale, on a une justice qui déshumanise les victimes.
01:26 Il n'y a pas d'accompagnement moral, il n'y a pas d'accompagnement psychologique,
01:28 il n'y a pas d'accompagnement juridique, il n'y a pas d'accompagnement administratif.
01:31 Il y a tout ça pour les auteurs des flottes, on n'est rien pour les victimes.
01:34 Tout à fait. Et le but, ce n'est pas de dire que les personnes mises en cause,
01:36 les prévenus, les accusés lorsqu'ils vont en cour d'assise,
01:38 aient moins de droits que les citoyens français.
01:40 Mais le but, c'est de dire que les victimes ont droit au même accès
01:44 que les personnes qui sont mises en cause,
01:46 ou en tout cas qui sont déférées devant la justice pour répondre à des actes qu'on leur reproche.
01:50 Et vous savez, quand vous êtes comparaissant devant une cour d'assise
01:52 ou devant une chambre correctionnelle, c'est qu'il y a suffisamment d'éléments
01:55 qui motivent la justice ou le juge d'instruction à renvoyer les personnes
01:58 dont il y a eu une longue enquête minutieuse devant la justice.
02:00 Et j'en termine sur ça.
02:01 Le gros problème aussi dans le procédure pénale, c'est les expertises.
02:04 En matière d'accidentologie routière, vous avez énormément d'expertises
02:08 sur l'impact du véhicule lorsqu'il y a eu le choc,
02:10 sur l'état de la personne qui conduisait, sur la vitesse.
02:13 Et ça prend énormément de temps. On peut demander des contre-expertises
02:15 dans un tout autre domaine, dans l'affaire Traoré, avec les gendarmes du Val d'Oise.
02:19 Il y a eu énormément d'expertises demandées,
02:20 ce qui fait que ça peut durer des fois des procédures 3, 4, 5 ans.
02:23 Et malheureusement, au plus l'instruction dure, au plus les personnes ont le sentiment
02:27 que la réponse pénale est distante et ne correspond plus à une situation
02:30 qui était celle au moment des faits.
02:31 Évidemment.
02:33 Sous-titrage Société Radio-Canada
02:36 [SILENCE]

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