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Art et designTranscription
00:00 La pollution a influencé la peinture impressionniste.
00:03 Par exemple, chez Monet, entre ses peintures de jeunesse en Normandie
00:06 et sa série à Londres 50 ans plus tard,
00:08 on remarque des changements pas si anodins dans le contraste, les contours et les couleurs.
00:12 C'est ce que montre une étude de deux chercheurs qui ont observé précisément
00:17 38 tableaux de Monet, 60 de Turner et une poignée de Whistler, Caillebotte et Pissarro.
00:23 Tous ont vécu pendant la révolution industrielle.
00:26 Conclusion ?
00:26 Nous avons l'argument que la pollution de l'air a joué un rôle supplémentaire
00:31 en créant de nouveaux motifs et de nouvelles façons de peindre
00:34 au cours du XIXe siècle à Londres et à Paris.
00:36 La révolution industrielle a transformé Londres et Paris, les villes de Turner et Monet.
00:40 Au XIXe, les usines brûlent du charbon, libérant des particules dans le ciel,
00:44 parmi lesquelles du dioxyde de soufre, SO2.
00:47 C'est ce composé qu'ont retenu les deux chercheurs.
00:49 Et entre 1800 et 1850, le Royaume-Uni en a émis énormément,
00:53 environ la moitié des émissions mondiales.
00:55 Ces particules jouent beaucoup sur la clarté du ciel.
00:58 La méthodologie de l'étude a donc été calibrée à l'aide de photos par temps clair et par temps pollué.
01:02 Et donc, sur un jour pollué à Paris ou ailleurs aujourd'hui,
01:05 quand on regarde les objets à distance, ils sont plus brûlés,
01:09 leurs bords sont moins distincts ou bien définis,
01:12 parce que la pollution de l'air absorbe la lumière
01:15 et la lumière s'écoule de l'objet à l'extrême de la vision.
01:18 C'est ce qui semble se produire dans les tableaux étudiés.
01:22 Pour le mesurer, les deux chercheurs ont utilisé des équations
01:25 pour évaluer le contraste, la netteté des contours et la tonalité des palettes.
01:29 Les bords des peintures deviennent moins distincts,
01:32 ils deviennent plus brûlés et les couleurs changent.
01:35 Chez le peintre français, on passe de couleurs saturées à des tons plus clairs, plus pastels,
01:39 surtout lors de ses visites à Londres à la fin du siècle.
01:42 Le contraste, exemple ici chez Turner, est de moins en moins prononcé.
01:46 61% des baisses de contraste suivent la courbe d'augmentation du SO2.
01:50 On remarque d'ailleurs que les courbes se superposent quasiment.
01:53 La visibilité dans les peintures de Turner a été évaluée à autour de 25 km avant 1830.
01:58 Après cette date, elle descend à une moyenne de 10 km.
02:02 Chez Monet, on passe de 24 km pour le début de sa carrière,
02:06 à 6 pour ses paysages de Londres.
02:08 Il y a donc une corrélation entre les deux qui n'en fait pas pour autant un déterminisme.
02:12 Mais cela dit, on ne veut pas suggérer qu'il y ait une relation trop simpliste.
02:17 On ne peut pas connaître le cœur et la tête d'un artiste.
02:21 Mais il y a un intérêt dans ce qui a inspiré la créativité de ces artistes brillants
02:24 comme Turner et Monet.
02:26 Les auteurs de la recherche insistent sur le fait que la pollution n'est pas la seule influence.
02:30 Les peintres impressionnistes, réputés pour être sensibles aux variations de la lumière,
02:33 se servent de ces changements comme impulsion créative.
02:36 Les gens disent souvent que Turner est né dans l'époque de l'eau et qu'il est mort dans l'époque de la charbonne.
02:41 Et donc sa vie est un lien entre ce moment de changement social et environnemental.
02:46 Il y avait aussi des visiteurs de Paris à Londres au XIXe siècle
02:49 qui disaient des choses comme "Oh, j'ai visité Londres et j'ai vu des peintures de Turner devant mes yeux".
02:55 On retrouve ce goût affirmé du brouillard dans des lettres écrites par Monet à sa femme Alice
02:59 lors de ses trois voyages à Londres.
03:00 Le 4 mars 1900, il raconte
03:03 "En me levant, j'étais terrifié de voir qu'il n'y avait aucun brouillard, pas même l'ombre de brume.
03:07 J'étais anéanti et voyais déjà toutes mes toiles fichues."
03:10 On évoque souvent ses problèmes de vue pour expliquer le fait qu'il se mette à peindre de manière plus floue à la fin de sa vie.
03:15 Mais c'est 7 ans après ses voyages à Londres qu'il apprend qu'il est atteint de la cataracte
03:19 et il ne se fait opérer qu'en 1922.
03:21 "Même plus tard dans leur carrière, Turner et Monet
03:24 inclusent toujours des détails au fond de leurs peintures
03:28 suggérant que ce n'est pas un manque de visualité
03:32 qui fait que les effets sont plus bruyants et plus blancs."
03:35 Cette étude apporte une base scientifique à une hypothèse étudiée depuis longtemps,
03:39 qui faisait déjà l'objet d'une exposition conjointe à Paris, Londres et Toronto en 2004 et 2005.
03:44 Elle dresse aussi un pont entre deux disciplines bien différentes,
03:47 la météorologie dynamique et l'histoire de l'art.
03:49 Une approche qui permet de lier art et science
03:52 et de comprendre que la peinture permet de capter l'air du temps.
03:56 Sous-titrage Société Radio-Canada
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