Le cinéma peut-il être plus fort que le journalisme ?

  • l’année dernière

Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce jeudi, elle s'intéresse au traiement médiatique de l'affaire Maureen Kearney, une syndicaliste qui a été ligotée, violée et scarifiée dont l'histoire a fait l'objet d'un film.

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Transcript
00:00 Et maintenant, tout de suite, 9h40, c'est l'heure des télescopages de Bruno Donnet.
00:03 Bonjour Bruno !
00:04 Bonjour Philippe !
00:04 Tous les jours Bruno, vous observez ici la fabrique médiatique.
00:07 Et ce matin, vous vous êtes posé cette grande question.
00:09 Le cinéma peut-il être plus fort que le journalisme ?
00:12 Oui, et si je me suis posé cette question-là Philippe,
00:14 c'est parce que j'ai entendu hier soir dans l'émission "C'est à vous"
00:17 la journaliste de L'Obs, Caroline Michel-Aguirre, nous dire ça.
00:21 Il a fallu la magie du cinéma pour que tout ça explose.
00:25 Alors Caroline Michel-Aguirre, c'est la personne qui, la première,
00:28 a révélé l'histoire vraie de Maureen Kearney,
00:31 cette femme qui a inspiré le film de Jean-Paul Salomé,
00:33 "La syndicaliste" avec Isabelle Huppert, un film qui est en salle depuis hier.
00:37 Maureen Kearney s'est fait agresser chez elle, c'est quoi cette histoire ?
00:40 L'histoire, je vous la résume brièvement,
00:42 c'est celle d'une syndicaliste du géant du nucléaire Areva
00:45 qui a tenté de s'opposer à la signature d'un contrat tripartite secret
00:49 entre le groupe qu'il employait, EDF, et les Chinois.
00:52 Vous avez des ennemis ?
00:53 Depuis un an, je travaille sur un dossier sensible chez Areva.
00:56 Vous pouvez nous en dire plus ?
00:58 Maureen Kearney a vécu l'enfer.
01:00 Elle a été longuement intimidée avant d'être retrouvée le 17 décembre 2012,
01:05 ligotée, violée et scarifiée par un agresseur qui lui a simplement dit ceci.
01:10 C'était le deuxième avertissement, il n'y aurait pas de troisième.
01:14 Quand c'est la seule chose qu'il m'a dit,
01:17 c'était le deuxième avertissement, il n'y aurait pas de troisième.
01:20 Et son agression a fait l'objet d'un traitement délirant.
01:23 Au commissariat, son dossier a été perdu.
01:26 Au parquet de Versailles, il a probablement été détruit.
01:28 Il n'y a pratiquement pas eu d'investigation.
01:31 Et Maureen Kearney a même été condamnée par la justice en 2017
01:34 pour avoir inventé l'affaire avant d'être finalement relaxée en 2018.
01:39 Voilà, c'est donc ça que révèle le film "La syndicaliste".
01:42 Alors, ce film, une députée, elle effie la vue en avant-première.
01:45 Elle s'appelle Clémentine Autain et voici ce qu'elle a réclamé avant-hier à l'Assemblée nationale.
01:50 "Il nous semble qu'une commission d'enquête est indispensable et indispensable à l'heure où le film va être sort demain dans 400 salles."
01:59 Elle a demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire
02:03 parce qu'elle a perçu dans cette affaire ce qu'elle appelait un potentiel scandale d'Etat.
02:07 Alors j'ai été très intéressé par cette initiative, Philippe,
02:10 car c'est la toute première fois qu'une élue de la nation réagit à ce dossier.
02:15 Et pourtant, comme l'a souligné hier soir Caroline Michel-Aguillard sur France 5.
02:19 "Les gens aujourd'hui me disent mais pourquoi j'en ai jamais entendu parler ?"
02:22 Elle a très longuement enquêté sur cette affaire et publié un travail journalistique colossal.
02:27 "Mais j'ai écrit un livre, j'ai répondu à toutes les questions, toutes les interviews,
02:31 pour qu'on en parle, pour que...
02:33 Et mais il y avait un déni absolument incroyable,
02:38 on ne pouvait pas imaginer que c'était possible et c'est possible !"
02:41 Seulement voilà, jusqu'ici, ces publications n'avaient pas suscité le plus petit témoin,
02:45 d'où ma question liminaire, le cinéma peut-il être plus fort que le journalisme ?
02:49 Et cette question Bruno est aujourd'hui d'une actualité brûlante,
02:52 car la journaliste de L'Obs dont vous parliez vient de publier de toutes nouvelles révélations.
02:56 Oui, son article vient tout juste de paraître, là, ce matin, dans les colonnes du magazine.
02:59 C'est une somme remarquable que j'ai lue d'un bout à l'autre,
03:02 tant ce que notre consoeur y révèle et fait froid dans le dos.
03:06 Elle écrit qu'elle a été contactée par une femme, Marie-Lauren Boket-Petit,
03:10 qui témoigne d'ailleurs à visage découvert, et dont vous pourrez voir la photo pleine page.
03:15 Cette femme raconte que, comme Maureen Kierney,
03:17 elle a été ligotée, violée et scarifiée à son domicile et que,
03:22 comme pour Maureen Kierney, son dossier a étrangement été égaré par la justice
03:27 et qu'il n'a donné lieu à aucune poursuite.
03:30 Mais ce qu'il y a de plus troublant, c'est une autre similitude,
03:32 car Caroline Michel-Aguirre révèle que lorsque Maureen Kierney a été sauvagement agressée pour la faire taire,
03:38 le patron d'EDF s'appelait alors Henri Proglio et qu'il travaillait avec un intermédiaire nommé Alexandre Jory.
03:44 Eh bien, figurez-vous que lorsqu'elle a été attaquée avec le même mode opératoire,
03:48 six ans plus tôt, Marie-Lauren Boket-Petit était mariée à un haut responsable de Veolia,
03:52 une entreprise qui, à l'époque, était dirigée par Henri Proglio
03:56 et que son époux a eu mal à partir avec un certain Alexandre Jory.
04:00 On ignore, Philippe, s'il faudra attendre un nouveau film au cinéma
04:04 pour que cette affaire révélée par la presse suscite la curiosité en haut lieu.
04:08 Merci beaucoup Bruno Donnet, à demain !

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