French Tech : comment Jungle veut faire décoller les fermes verticales en Europe

  • l’année dernière
Face à une population mondiale qui ne cesse de grossir, l'agriculture verticale apparaît comme une solution pour la nourrir. Avec une approche de type Farming-as-a-Service (FaaS), la start-up française Jungle veut devenir le fer de lance européen du secteur. La société figure au sein de l'indice Agri20, lancé l'an passé par le gouvernement.

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00:00 Bienvenue sur Les Numériques pour un nouveau numéro de Jeudi Pro.
00:04 Aujourd'hui c'est un numéro un petit peu spécial puisqu'on va parler de l'agriculture
00:08 connectée.
00:09 Nous sommes en plein dans le salon de l'agriculture à Paris et pour évoquer ce sujet on accueille
00:13 une des start-up qui a intégré l'agri-vin.
00:15 C'est un indice de la French Tech lancé il y a quelques mois maintenant et pour cela
00:20 nous sommes avec aujourd'hui Gilles Dreyfus, le président et cofondateur de Jingle.
00:23 Bonjour Gilles.
00:24 Bonjour Maxence.
00:25 Alors Gilles ce qui est assez drôle c'est qu'à la base tu n'es pas du tout originaire
00:30 du monde agricole mais plutôt de la finance puisque vous étiez un ancien banquier privé.
00:35 Alors justement quand vous en êtes arrivé, quittez la finance pour être dans le secteur
00:38 agricole et c'est un projet qui remonte je crois à 2015 dans ces eaux là.
00:41 Absolument.
00:42 Moi j'ai travaillé pendant 10 ans dans la finance, j'ai commencé ma carrière dans
00:45 les énergies renouvelables donc tout ce qui était investissement dans le solaire, dans
00:49 l'éolien, traitement de l'eau, traitement des déchets et j'ai travaillé ensuite dans
00:54 une boîte à Londres qui était une boîte obligataire, qui était un peu plus institutionnelle
00:59 et ensuite dans une maison de gestion parisienne et un matin de janvier 2015 je suis tombé
01:05 sur un article dans le Financial Times sur la food crisis et comment est-ce qu'on allait
01:08 nourrir la planète d'ici 2050 avec l'augmentation de la population et c'était un article qui
01:14 était assez fascinant et qui relatait surtout de l'aberration du transport alimentaire.
01:17 Et à la fin de cet article il y avait trois lignes sur l'agriculture verticale qui étaient
01:22 comme une solution, une réponse, une promesse et j'ai eu un choc, j'ai commencé à rechercher
01:27 sur le sujet, j'ai été rencontrer les pionniers et les experts aux Etats-Unis, j'ai passé
01:33 du temps au Texas parce que tout ce qui est tech dans le vertical farming est né là-bas.
01:37 Il faut savoir que d'une manière amusante les LED articles qu'on utilise en environnement
01:42 contrôlé pour reproduire la photosynthèse, c'est 40 ans de recherche de la NASA qui
01:45 voulait faire pousser des plantes dans la station spatiale internationale et beaucoup
01:49 de temps à New York où j'ai rencontré mon associé et en 2015-2016 l'industrie était
01:56 très jeune donc Nicolas Séguy mon associé, lui il habitait à Lisbonne, moi à Paris
02:01 et son idée était de fournir la technologie en one stop shop à des entrepreneurs comme
02:06 moi donc hardware et software et moi je voulais construire une ferme verticale à grande échelle
02:10 parce que c'est le seul modèle économique qui fonctionne à Paris pour la grande distribution
02:15 et le food service et comme l'industrie était assez jeune à l'époque on a décidé d'assembler
02:19 nos forces et c'est comme ça qu'est né Jungle en mars 2016.
02:22 Alors vous l'avez dit c'est l'agriculture verticale mais à la sauce tech, il s'agit
02:26 pas juste d'empiler des cultures pour que ça fonctionne, justement ça ressemble à
02:29 quoi du coup l'approche de Jungle dans ce cadre là ?
02:31 Alors l'agriculture verticale peut-être on va définir ce que c'est, c'est qu'on
02:35 est à la périphérie des villes, c'est pas de l'agriculture urbaine donc on est
02:38 à l'intérieur de bâtiments industriels, c'est vraiment à grande échelle et on
02:43 superpose des niveaux culture les uns au dessus des autres pour activer, pour rentabiliser
02:48 un mètre carré qui est cher finalement dans un hangar et on est en environnement contrôlé,
02:55 c'est-à-dire qu'on introduit tous les paramètres naturels extérieurs à l'intérieur
03:00 avec trois recettes de culture principale, les recettes nutritives, l'équivalent de
03:03 ce que les racines vont chercher dans la terre, en fait nous on leur apporte.
03:05 La photosynthèse donc spectre et intensité, chaque plante, chaque variété végétale
03:13 va avoir besoin d'un spectre et d'une intensité différentes selon les différentes
03:20 périodes de sa vie, donc on reproduit la lumière du soleil très simplement et le
03:26 troisième élément qui est le climat, donc là température, humidité, circulation de
03:30 l'air comme dans un avion et simulation du vent.
03:33 Alors chacun de ces trois paramètres de culture a des myriades de ramifications, là je vous
03:39 ai expliqué rapidement de quoi il s'agissait, mais notre travail dans une ferme verticale
03:43 c'est d'optimiser l'ensemble de ces trois familles de paramètres de culture pour que
03:49 la plante puisse s'exprimer de la meilleure manière possible.
03:52 Évidemment l'ensemble de ces fermes sont connectées, donc l'ensemble des paramètres
03:58 de culture, donc nutritif, photosynthèse et climat sont liés à un logiciel, donc
04:04 on va rentrer les paramètres qu'on souhaite, donc qu'il y a un cycle jour et nuit, on
04:08 allume la lumière, c'est pas la lumière qui s'allume d'un coup comme quand on rentre
04:12 dans un bâtiment, mais le soleil va progressivement se lever et par rapport à tout ça on va
04:16 avoir des capteurs qui vont, ça dissipe de la chaleur, donc on va devoir adapter la température,
04:22 l'humidité, l'humidité relative, on va devoir nourrir les plantes entre une et dix
04:27 fois par jour, ça peut durer entre cinq minutes et une demi-heure, et en fait tout ça est
04:31 impulsé par le cerveau humain, mais qui va le rentrer dans un logiciel pour que tout
04:35 ça soit fait automatiquement.
04:36 Après, dans des tours de culture chez nous, on a des robots, donc qui vont nous permettre
04:42 de charger, décharger les bacs de culture, parce que c'est trop lourd pour le faire
04:45 avec la main humaine, ça va permettre de nourrir les plantes, mais aussi il y a des
04:50 caméras NDVI, donc une forme d'infrarouge un peu poussée, qui va pouvoir étudier comment
04:55 est-ce que la plante grandit.
04:56 On va déterminer si elle grandit de la bonne manière, s'il y a des problèmes, s'il
05:01 y a un tuyau qui est cassé, s'il y a une lampe qui marche pas, s'il y a un pathogène
05:06 dans l'air et dans l'eau, s'il y a une zone de culture qui pousse pas assez bien
05:10 qu'une autre.
05:11 Donc on a à peu près 100 paramètres qui sont captés à chaque instant.
05:17 Et évidemment, derrière ce logiciel, il y a un module d'intelligence artificielle
05:22 qui va étudier et qui va emmagasiner des informations sur les plantes.
05:28 Donc en fait, chaque cycle de culture va être amélioré.
05:30 Parce qu'on a toujours des différences entre différents types de cultures, un problème
05:35 qui n'a pas été le cas sur une culture précédente.
05:38 Donc forcément, ça optimise de plus en plus.
05:39 Bien sûr.
05:40 Et puis, il y a une grosse composante R&D chez nous.
05:43 Donc en fait, on va faire des dizaines de milliers de tests.
05:46 Et ces dizaines de milliers de tests, parce que l'intelligence artificielle ne fonctionne
05:49 que s'il y a énormément de data.
05:50 Et donc là, on emmagasine la data depuis 7 ans.
05:53 Ça fait depuis qu'on est actif, on produit tous les jours, 305 jours par an, depuis
05:58 7 ans.
05:59 Donc on va emmagasiner quand même de la data d'une manière assez importante.
06:02 Il y a beaucoup d'optimisation à faire, on n'y est pas encore.
06:06 Mais globalement, on sait que telle nutrition, tel climat, telle photosynthèse peut être
06:12 optimisé pour que la plante ait une forme, une morphologie, une odeur, une texture, un
06:18 goût, une couleur.
06:20 Et on va pouvoir, grâce à ces paramètres et grâce à la technologie, améliorer ça
06:24 constamment.
06:25 Donc on l'a dit, ça nécessite beaucoup d'investissement en recherche et développement.
06:28 C'est ce qui est normal pour développer ces technologies.
06:30 Donc ça nécessite pas mal d'investissement.
06:32 Du coup, ma question est assez simple.
06:34 Est-ce que justement cette approche est rentable, sachant que dans ce secteur-là, il y a beaucoup
06:38 d'acteurs qui s'y sont frottés, qui sont un peu cassés.
06:40 Je pense à Agricool notamment, qui était un peu un fer de lance de la tech française,
06:43 qui était malheureusement placé en redressement judiciaire l'année dernière.
06:45 Du coup, du côté de Jungle, est-ce que pour l'instant c'est rentable ou est-ce que
06:49 ça a plus long terme ?
06:50 C'est une nouvelle industrie qui existe depuis même pas 10 ans.
06:52 Donc il y a de l'agronomie, de la tech, donc hardware, software, intelligence artificielle,
06:57 des nouveaux métiers et de la modélisation financière.
06:59 Il n'existait rien il y a 10 ans.
07:01 Donc forcément, chacun de ces quatre pôles que je viens de citer, donc agro, tech, nouveau
07:07 métier et modélisation financière, dans le vertical farming, il y a déjà un bon
07:11 moyen de se casser la figure dans chacun des quatre.
07:13 Donc de faire danser les quatre ensemble, c'est très difficile parce qu'il s'agit
07:17 de vie végétale et on essaye de reproduire ce qui se passe à l'extérieur.
07:21 Donc il faut être très humble.
07:22 Et oui, ça coûte extrêmement cher, mais ça coûte extrêmement cher parce qu'il
07:26 faut organiser ces quatre piliers.
07:27 Alors aujourd'hui, si on dresse un panel de ce qui se passe dans le vertical farming,
07:32 il y a deux types d'acteurs.
07:34 Il y a des growers, donc des agriculteurs 3.0, donc modernes, dont le business model
07:40 est de vendre du kilogramme de biomasse.
07:41 Donc ils vendent des plantes.
07:42 Ou alors il y a les tech providers.
07:43 Alors eux, c'est un peu les magiciens de l'histoire.
07:46 Ils te disent que tu mets une graine dans la machine, tu appuies sur un bouton et ça
07:50 pousse.
07:51 Bon, la vie végétale, c'est un peu plus compliqué que ça.
07:52 Donc en fait, est-ce que dans ces deux business model, il n'y a pas quelque chose d'un
07:58 petit peu différent et d'un petit peu intéressant ?
08:00 Donc oui, il y a des sociétés, donc beaucoup d'investissements parce que c'est intense
08:05 en CapEx.
08:06 Il y a des sociétés qui ont levé des centaines de millions d'euros qui ne sont pas rentables
08:11 aujourd'hui.
08:12 Il y en a qui ont disparu, comme tu l'as cité.
08:13 Mais c'est normal dans les nouvelles industries.
08:15 Tu regardes tout ce qui s'est passé dans le solaire au début des années 2000, c'est
08:18 pareil.
08:19 Toutes les industries qui émergent, il y a des gagnants, des perdants.
08:20 Il y a des gagnants, des perdants.
08:22 Et d'ailleurs, la crise énergétique va être extrêmement intéressante pour voir qui va
08:30 survivre parce que le coût de l'énergie a un impact fort sur les exploitations et
08:34 surtout le marché est en pleine consolidation aujourd'hui.
08:36 Beaucoup d'acteurs ont levé de l'argent.
08:38 C'est plus difficile de lever de l'argent parce qu'évidemment, maintenant, tout le
08:42 monde veut de la rentabilité, des contrats et moins de la tech pour de la tech.
08:45 Donc là, on est face au mur.
08:48 Justement, est-ce que Jungle est plutôt dans la peau de consolidateur ou de l'absorber
08:52 dans les prochains mois ?
08:53 Pour l'instant, ni l'un ni l'autre.
08:56 On se concentre sur notre chemin qu'on a tracé.
08:59 Donc moi, ce que je te disais, c'est qu'il y a soit des gens dont le business model
09:02 est de vendre du kilogramme de biomasse ou de vendre de l'équipement.
09:05 Nous, on a une approche qui est un petit peu différente et on a créé un business model
09:08 qui s'appelle le FAS, qui veut dire « Farming as a Service » comme le SAS.
09:12 Et donc là, en fait, nous, on a une approche qui est un peu différente.
09:16 On se dit que le temps des levées de fonds, la temporalité des fonds d'investissement,
09:22 des VC et d'aller prendre des parts de marché dans la grande distribution et de vendre du
09:26 végétal n'est pas en accord.
09:28 Donc, d'aller lever du CAPEX pour construire des fermes et aller sécuriser des parts de
09:35 marché, c'est quelque chose pour nous qui ne marche pas.
09:36 Et donc, en fait, nous, ce qu'on veut chez Jungle, c'est donner l'outil à ces industriels
09:42 qui sont déjà « in the market », donc qui ont les parts de marché.
09:47 Et en fait, on veut leur donner l'outil pour qu'ils sécurisent l'approvisionnement.
09:51 Merci beaucoup Gilles.
09:52 Merci Maxence.
09:53 Merci à vous de nous avoir suivis et on se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau
09:56 numéro de Jeudi Pro.
09:57 [Musique]

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