Emmanuel Macron est en Afrique, et jeudi, depuis Libreville, le président de la République a affirmé que "l'âge de la Françafrique est révolu". Mais qu'en est-il vraiment? Les explications de l'éditorialiste politique Matthieu Croissandeau.
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00:00 La politique, Mathieu Croissando. Emmanuel Macron a donc entamé mercredi une tournée africaine.
00:05 Et hier, il a prôné depuis Libreville au Gabon un nouveau positionnement de la France en Afrique. On l'écoute d'abord.
00:12 « Notre histoire commune ici au Gabon, ne nous le cachons pas, c'est aussi celle de la France-Afrique.
00:18 Et cet âge de la France-Afrique est bien révolu.
00:22 Mais j'ai parfois le sentiment que les mentalités n'évoluent pas au même rythme que nous.
00:26 Quand je lis, j'entends, je vois qu'on prête encore à la France des intentions qu'elle n'a pas, qu'elle n'a plus. »
00:31 La France-Afrique, c'est bel et bien fini, Mathieu ?
00:34 Dans les intentions, en tout cas, même s'il faut le reconnaître, ce n'est pas le premier président français à le dire.
00:39 Depuis la fin du quinquennat, le dernier quinquennat de Jacques Chirac, tous ses successeurs ont affiché
00:44 leur volonté d'en finir avec cette politique africaine qui a fait primer depuis les années 60
00:50 les intérêts géopolitiques, militaires, économiques de la France,
00:54 sur fond de néocolonialisme et souvent au détriment de la démocratie et de nos grands principes dans les pays concernés.
00:59 En 2007 déjà, Nicolas Sarkozy, à côté de nous au Bénin, avait annoncé une relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé.
01:06 Son ministre de la Coopération de l'époque, Jean-Marie Bockel, avait même annoncé l'acte de décès de la France-Afrique
01:13 avant de se faire débarquer de son ministère.
01:16 En 2012, François Hollande à Dakar avait lui aussi affiché ses bonnes intentions.
01:20 « Le temps de la France-Afrique est révolu », il le disait lui-même.
01:22 Voilà, la même phrase, il y a la France, il y a l'Afrique, tout doit se fonder maintenant sur le respect, la clarté et la solidarité.
01:28 Puis en 2017, Emmanuel Macron lui-même avait promis d'ouvrir une nouvelle page des relations entre la France et l'Afrique.
01:34 Rien ne change donc ?
01:35 Si, parce qu'en fait le contexte géopolitique a changé et pour dire la vérité, cette fin de la France-Afrique, elle est tout aussi bien, voire plus subie qu'orchestrée.
01:44 Et le plus visible, le plus symbolique, c'est la présence militaire française sur le continent africain.
01:49 Après le retrait des troupes au Mali, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de réduire le nombre de soldats français déployés là-bas,
01:55 notamment sur les bases de Côte d'Ivoire ou du Sénégal ou du Gabon.
01:58 Ce changement stratégique qui s'opère à un moment où la présence militaire française est de plus en plus critiquée par les opinions publiques africaines
02:05 et de plus en plus bousculée sur le terrain par la présence notamment de la milice Wagner, on le sait.
02:10 Sur le plan économique, la France qui bénéficiait de liens privilégiés avec certains régimes,
02:14 elle est aujourd'hui concurrencée par la Chine qui se déploie de plus en plus.
02:18 Et puis même sur le plan culturel, j'allais dire, l'influence de la France palie le Togo, le Gabon,
02:23 deux anciennes colonies françaises viennent ainsi de rejoindre le Commonwealth pour s'ouvrir au monde et aux marchés plus anglophones.
02:29 Hier par exemple, tient Ali Bongo, le président gabonais qui avait entamé son discours en français,
02:33 l'a ensuite longuement poursuivi en anglais.
02:35 Et sur le plan démocratique, c'est aussi la fin de la France africaine ?
02:38 Là c'est beaucoup plus compliqué parce que la tournée africaine d'Emmanuel Macron,
02:43 elle est mal vécue par les oppositions aux régimes en place dans les pays concernés.
02:48 Emmanuel Macron a beau vouloir la fin des interférences dans la politique intérieure africaine
02:52 et clamer une neutralité politique absolue,
02:55 il va quand même s'afficher aux côtés de leaders africains autoritaires et bien peu démocrates que la France a toujours soutenu.
03:01 C'est le cas d'Ali Bongo, dont la famille règne sur le pays depuis 1967,
03:06 ou dans les jours prochains de Sassou Nguesso qui lui régit le Congo depuis 43 ans.
03:11 Tout un symbole.
03:13 Merci Mathieu.