LA VÉRIF' - Une grève reconductible peut-elle faire céder le gouvernement?

  • l’année dernière
Comme chaque semaine dans "À l'épreuve des faits", notre journaliste Céline Pitelet tente de démêler le vrai du faux dans l'actualité de la semaine. 
Transcript
00:00 Est-ce que vraiment il peut faire plier le gouvernement ?
00:01 Alors on va jeter un coup d'œil dans le rétro.
00:03 Ces 30 dernières années, quand on regarde l'histoire des mouvements sociaux de salariés
00:07 face à des réformes de retraite, ce qui a fait céder le pouvoir politique,
00:11 ce sont des grèves reconductibles.
00:12 Ces grèves qui impactent le quotidien et qui impactent l'économie du pays.
00:16 Écoutez Stéphane Sirot, il est historien des mouvements sociaux.
00:20 Le seul mouvement qui est parvenu à ses fins, c'est-à-dire au fond,
00:24 obtenir satisfaction, obtenir le retrait d'une réforme gouvernementale,
00:28 c'est effectivement le mouvement social de novembre-décembre 1995
00:32 contre la réforme des régimes spéciaux de retraite
00:35 et contre l'allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires.
00:38 Et en effet, ce mouvement s'est vite transformé en mouvement
00:44 qui a été centré sur des grèves reconductibles
00:46 qui ont duré quelque chose comme trois semaines à la SNCF, à la RATP.
00:51 Et ce mouvement reconductible est en effet parvenu à ses fins.
00:55 Mais des grèves reconductibles, ce n'est pas pour autant une garantie de succès.
00:58 Exemple en 2010.
01:01 C'est vrai qu'en 2010, il y a eu principalement un mouvement
01:03 qui s'est développé via des journées d'action.
01:06 Mais il y a eu, au mois d'octobre, des tentatives de reconduction des conflits,
01:11 notamment à l'époque déjà dans les secteurs dits stratégiques,
01:14 que sont les transports publics, que sont également les raffineries.
01:19 Et pour autant, ces mouvements n'avaient pas réussi à s'étendre davantage.
01:26 Et par ailleurs, on avait eu dans les raffineries, par exemple,
01:29 l'envoi des forces de l'ordre pour dégager l'accès à ces raffineries.
01:34 Et au bout de quelques jours, ces tentatives de mouvements reconductibles
01:40 ont dû cesser et la réforme était passée.
01:43 – Est-ce qu'ils peuvent vraiment faire reculer le gouvernement, les syndicats ?
01:47 – Alors, pour éviter de tomber dans le scénario de 2010
01:50 où les grèves reconductibles n'avaient pas fait bouger le gouvernement,
01:52 il faut cocher plusieurs cases.
01:54 Et c'est Stéphane Thiraud qui nous explique.
01:57 – Il faut déjà que la journée du 7 mars soit une journée réussie.
02:00 Il est évident que pour qu'il y ait une dynamique
02:03 qui s'engage de grèves reconductibles,
02:06 il faut qu'il y ait un point de départ qui soit un point de départ fort.
02:09 Et donc la journée du 7 mars, de ce point de vue-là, sera absolument décisive.
02:12 Parce que si elle est à un niveau moindre que les précédentes journées,
02:17 il est évident qu'on peut difficilement imaginer
02:20 que s'engagera une dynamique de grèves reconductibles.
02:23 En revanche, si le 7 mars se révèle encore plus puissant
02:26 que les premières journées d'action, là on peut avoir une base, je dirais,
02:31 pour l'engagement vers des conflits qui s'étaleraient dans la durée
02:35 et qui seraient reconduits de jour en jour.
02:38 – Donc d'abord, une mobilisation puissante le premier jour, le 7 mars.
02:41 L'autre enjeu pour les syndicats, c'est d'arriver à étendre
02:44 le mouvement de grèves reconductibles au-delà des transports,
02:47 au-delà des raffineries, au-delà de l'énergie,
02:49 pour éviter que ces secteurs-là ne se retrouvent seuls
02:52 à construire un mouvement de grèves reconductibles.
02:55 Etendre par exemple au système éducatif,
02:57 parce qu'une grève reconductible dans les écoles,
02:59 ce serait bien embêtant pour la vie quotidienne des Français,
03:03 et par ricochet pour l'économie du pays.
03:06 Mais pas seulement, pour Stéphane Sirot, le défi des syndicats,
03:09 ça va être de dépasser le périmètre de la fonction publique
03:12 et des entreprises de services publics,
03:14 de parvenir en fait à davantage mobiliser dans le secteur privé.
03:19 On l'écoute.
03:20 – Ça peut se faire sous différentes modalités d'ailleurs,
03:23 qu'évoquent les syndicalistes eux-mêmes,
03:25 c'est-à-dire tout simplement, ça peut être des débrayages ponctuels
03:29 dans telle ou telle entreprise, répétés,
03:31 qui peuvent aussi perturber son fonctionnement.
03:34 L'idée générale étant, à mon sens, dans la construction de ce type de mouvement,
03:38 de faire pression non seulement sur le gouvernement,
03:41 mais de faire pression également sur les entreprises,
03:43 sur le patronat qui peut inciter celui-ci, d'une certaine façon,
03:47 à faire lui aussi pression sur le gouvernement,
03:49 dans la mesure où il perdrait davantage qu'il ne gagnerait
03:53 face à une réforme des retraites qui passerait au Parlement.
03:56 – Et puis enfin, le défi, ça va être pour les grévistes
03:58 de pouvoir tenir sur la durée financièrement,
04:01 parce que les journées de grève, ce sont des centaines d'euros en moins
04:04 sur la paye en fin de mois.
04:06 Écoutez ce qu'a confié un syndicaliste à Bruno Jeudy cette semaine.
04:09 – La plupart de ceux qui se dirigent vers des grèves reconductibles,
04:13 c'est-à-dire 7, 8, 9, notamment dans le secteur des transports,
04:16 après, là ils ont prévu un peu, ils ont un peu prévu,
04:19 j'allais dire les caisses de grève, elles sont un peu prévues pour 2-3 jours,
04:22 mais au-delà, en gros, c'est 110 euros par jour,
04:25 notamment dans le secteur du rail, c'est ce que disent certains syndicalistes,
04:30 donc effectivement, ça va beaucoup peser,
04:32 et ça pèsera au moment des assemblées générales,
04:36 le soir, lorsqu'ils décideront ou pas de reconduire les grèves.
04:40 – Le conseil qu'il faut faire, Jérémy, c'est qu'il y a un statu quo total,
04:45 c'est-à-dire que le gouvernement ne bouge pas,
04:46 les syndicalistes maintiennent la détermination et leur front unit aussi.
04:50 – Oui, en fait, cette semaine sera une semaine test,
04:52 c'est-à-dire qu'en fonction de la participation le 7
04:55 et aussi de la suite du mouvement, si vraiment cette grève est reconductible
04:59 et qu'on arrive à un blocage d'un certain nombre de secteurs,
05:02 au-delà des transports du secteur privé,
05:05 dans ces cas-là, le gouvernement ne pourra pas faire ce qu'il a fait
05:08 pendant la première séquence de ce conflit,
05:10 c'est-à-dire un petit peu la sourde oreille,
05:12 c'est-à-dire que pendant toute la première partie,
05:14 le gouvernement n'a eu de cesse de répéter,
05:16 le débat se fait au Parlement, se fait à l'Assemblée nationale,
05:20 nous ne débattons plus avec les syndicats,
05:22 nous avons négocié avec eux au préalable.
05:24 Si le mouvement prend de l'ampleur et on arrive à une situation de blocage,
05:28 il sera de plus en plus difficile pour l'exécutif d'adopter la même stratégie,
05:33 c'est-à-dire qu'ils auront beau essayer de renvoyer le débat au Sénat,
05:36 alors c'est vrai qu'au Sénat, ce sera moins spectaculaire,
05:39 mais ce sera tellement pas spectaculaire qu'en réalité,
05:41 ils risquent de ne pas passer le mur du son médiatique les sénateurs.
05:44 Donc obligatoirement, le match, si en tout cas cette grève reconductible
05:50 est fortement appliquée, le match va rapidement assister à un match
05:55 entre les syndicats et le gouvernement direct.

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