Comme chaque semaine dans "À l'épreuve des faits", notre journaliste Céline Pitelet tente de démêler le vrai du faux dans l'actualité de la semaine.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Y a-t-il dans les prisons françaises, Céline, des services qui sont à même de prendre en charge ces détenus qui sont victimes d'addiction ?
00:06 Alors d'abord voici ce que l'on peut lire sur le site internet du ministère de la Santé.
00:09 Les personnes placées sous main de justice, dont les personnes détenues, doivent avoir accès à une qualité et une continuité de soins identiques à celles de la population.
00:20 Depuis 1994 et la réforme du système de soins en milieu pénitentiaire,
00:25 la prise en charge médicale des détenus est assurée quasi exclusivement par le service public hospitalier.
00:31 Alors y a-t-il dans les prisons des services qui peuvent prendre en charge des détenus addicts ?
00:36 J'ai posé la question à Laure Westphal. Elle est psychologue, clinicienne et chercheuse dans le domaine de la prise en charge carcérale.
00:44 Alors tout dépend des prisons, mais un certain nombre de prisons depuis 1994 bénéficient en fait d'une attention pour les enjeux sanitaires.
00:54 Il y a la psychiatrie qui s'est installée en prison, c'est-à-dire qu'il y a des services de psychiatrie au sein même des murs permettant des consultations,
01:02 voire même des hospitalisations. Et parmi les consultations possibles, il y a des consultations en addictologie.
01:09 Alors comment se déroulent les séances ? Comment les détenus addicts sont-ils pris en charge ? Réponse de Laure Westphal.
01:15 La prise en charge psychothérapeutique qui va permettre aux patients de surmonter par exemple le phénomène de crévignes, de manque d'appétence à reconsommer,
01:25 le manque, la nostalgie du produit. Elle dure des semaines, des mois, des années en réalité.
01:31 Mais le problème en prison, c'est le manque de moyens, le manque de psychiatres.
01:35 Écoutez le coup de gueule cette semaine sur notre antenne de maître Margot Bourbier, avocate pénaliste.
01:41 Allez voir les rapports de l'Observatoire international des prisons sur la santé en prison, c'est vraiment effarant.
01:47 Actuellement, il y a 3,5 équivalents temps plein, c'est-à-dire de temps plein psychiatre pour 1000 détenus.
01:55 Mais comment vous voulez réussir à donner des soins pour la psychiatrie ? Il y a 10 fois plus de stupéfiants et il y a 6 fois plus de suicides que d'hommes.
02:01 Moi, ce qui m'interroge, c'est comment quelqu'un qui a des problèmes psychiatriques et un besoin de soins va pouvoir être géré en détention.
02:09 Ça me paraît, au vu des moyens qui sont mis pour la santé en prison, complètement aberrant.
02:14 Vous avez regardé ces chiffres Céline ? Il y a vraiment un manque cruel de psychiatres, de psychologues en prison ?
02:18 Oui, effectivement, j'ai retrouvé ce rapport de l'Observatoire international des prisons qui nous dit qu'il y a moins de 3,5 équivalents temps plein de psychiatres pour 1000 détenus
02:26 et 5 équivalents temps plein de psychologues pour 1000 détenus.
02:30 Et effectivement, tous les professionnels que nous avons interrogés dénoncent ce manque de moyens qui ont de lourdes conséquences sur la prise en charge des détenus addicts.
02:39 Écoutez Laurent Gouharié, il est psychiatre addictologue.
02:43 Les soins dans les prisons, ce n'est pas pareil.
02:47 Pour ce qui me concerne, il y a une chose qui s'appelle la confidentialité, qui permet aux gens de s'investir dans leurs soins,
02:54 c'est-à-dire d'être là devant le psy qui éventuellement sera disponible.
02:58 Là, il y aura vraisemblablement un psy qui ne sera pas disponible parce qu'il aura une feuille de route monstrueuse.
03:04 Et lui, il aura 5 minutes pour parler et ce sera difficile pour lui de déclencher quelque chose de thérapeutique.
03:12 C'est pour dire que les conditions de soins dans les prisons ne sont pas celles des hôpitaux.
03:17 Jamais. Pas plus pour Pierre Palmade que pour personne d'autre.
03:21 Et l'Observatoire international des prisons dénonce d'ailleurs des délais d'attente exorbitants, jusqu'à 8 mois par exemple, pour entamer un suivi avec un psychologue, dit Loï P.
03:30 Des délais d'attente aussi pour pouvoir consulter un psychiatre. Et c'est extrêmement problématique, nous explique Laure Vesphal.
03:37 Les listes d'attente sont énormes et ne peuvent pas absorber toutes les demandes.
03:42 C'est très problématique parce qu'un patient qui souhaite se sevrer ne souhaite pas se sevrer tout le temps.
03:49 C'est une demande oscillatoire. Donc c'est très problématique de ne pas pouvoir prendre en compte une demande lorsqu'elle se formule.
03:55 Après, un autre problème, c'est de ne pas pouvoir donner autant de rendez-vous qu'on le voudrait ou que la situation le nécessiterait.
04:02 Et je terminerai avec le constat de l'Observatoire international des prisons.
04:06 En vertu de la loi du 18 janvier 1994, les personnes incarcérées devraient se voir garantir un accès aux soins équivalent à celui disponible en milieu libre.
04:17 C'est loin d'être le cas.