Ça vous regarde - Retraites : comment ça va se terminer ?

  • l’année dernière
- Grand témoin : Gérald Bronner, sociologue et auteur de « Les origines » (éditions Autrement)

LE GRAND DÉBAT / Retraites : comment ça va se terminer ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Le jeudi 9 mars, après des débats houleux, le Sénat a adopté l'article 7 du texte de la réforme des retraites. Article crucial, il prévoit notamment le report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Quel avenir maintenant pour ce texte ? Certains élus de la majorité confient que cela « pourrait se jouer à dix voix près » pour qu'il soit adopté à l'Assemblée. Ce sont les députés Les Républicains qui devraient faire pencher la balance dans un sens ou dans l'autre. Le gouvernement prendra-t-il le risque d'aller jusqu'au vote ? L'ombre du 49.3 plane sur l'hémicycle...

Invités :
- Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP
- Dominique Chagnollaud, Président du cercle des constitutionnalistes
- Jean-Claude Mailly, ancien secrétaire général de Force Ouvrière
- Jean-Rémi Baudot, journaliste politique à FranceInfo

LE GRAND ENTRETIEN / Gérald Bronner : le nomade social
Dans « Les origines », le sociologue Gérald Bronner interroge la notion de « transclasse » et rejette celle du « dolorisme ». Comme le dit l'adage, faut-il forcément savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va ?

- Grand témoin : Gérald Bronner, sociologue et auteur de « Les origines » (éditions Autrement)

LES AFFRANCHIS :
- Iannis Roder, professeur d'histoire-géographie en Seine-Saint-Denis
- Isabelle Lasserre, journaliste au Figaro
- Chloé Ridel, directrice adjointe de l'Institut Rousseau

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP - Assemblée nationale : https://bit.ly/2XGSAH5

Suivez-nous sur les réseaux !

Twitter : https://twitter.com/lcp
Facebook : https://fr-fr.facebook.com/LCP
Instagram : https://www.instagram.com/lcp_an/

Retrouvez nous sur notre site : https://www.lcp.fr/

#LCP #assembleenationale #CaVousRegarde

Category

🗞
News
Transcript
00:00 [Musique]
00:06 Bonsoir et bienvenue sur "Vous Regardez en Direct".
00:08 Notre grand témoin ce soir, c'est vous Gérald Brenner.
00:10 Bonsoir.
00:11 Vous êtes sociologue, grand spécialiste des croyances collectives,
00:14 et dans votre dernier livre, vous mélangez parcours personnel et réflexion théorique
00:18 autour d'une grande question.
00:21 C'est le moins que l'on puisse dire.
00:23 Pourquoi devient-on qui l'on est ?
00:25 Vaste programme.
00:27 C'est un plaidoyer pour la complexité des origines
00:30 qui interroge à la fois les déterminismes, l'héritage familial,
00:33 mais aussi le mérite et les mythes personnels.
00:36 C'est passionnant, ça fait écho au débat sur le travail et sur les retraites.
00:39 On en parle tout à l'heure.
00:40 Mais on va commencer avec la séquence qui s'ouvre justement sur la réforme des retraites.
00:45 D'un côté, le mouvement social se durcit.
00:47 De l'autre, le Sénat adopte la mesure phare,
00:50 le recul de l'âge à 64 ans, la course contre la montre est donc lancée.
00:54 Les députés pourraient même voter jeudi prochain
00:57 à condition d'avoir une majorité retraite.
01:00 Comment ça va se terminer ?
01:01 Grand décryptage dans un instant avec nos invités.
01:03 Avant de retrouver bien sûr aux alentours de 20h20
01:06 nos affranchis pour leur parti pris.
01:09 Ils vont vous interpeller Gérald Brunner.
01:11 Vous me suivez, ça vous regarde, c'est parti.
01:13 *Musique*
01:24 C'est donc la semaine de tous les dangers sur la réforme des retraites.
01:27 Le vote solennel sur le texte pourrait même intervenir jeudi au Parlement.
01:32 Mais d'ici là, vous le savez, il peut se passer beaucoup de choses
01:35 à la fois dans la rue et à l'Assemblée.
01:37 Alors on va faire le point sur les scénarii possibles
01:39 et tout vous expliquer des rapports de force au Palais Bourbon
01:42 avec deux journalistes d'abord.
01:43 Elsa Bonengava, bonsoir.
01:44 Vous suivez évidemment de près pour LCP cette réforme.
01:47 Jean-Rémi Baudot, bonsoir.
01:49 Bonsoir Myam.
01:50 De France Info, le brief politique tous les matins 7h24.
01:53 Et puis avec un constitutionnaliste.
01:55 Bonsoir Dominique Chagnolot.
01:56 Bienvenue, président du cercle des constitutionnalistes
01:59 et un syndicaliste dans l'âme, bien sûr, Jean-Claude Mailly,
02:03 ancien secrétaire général de force ouvrière.
02:06 Alors qui de la rue ou du Parlement aura le dernier mot ?
02:10 Votre regard de sociologue nous intéresse.
02:12 Forcément, Gérald Bronner sur la question.
02:14 Mais d'abord, on va parler du calendrier.
02:16 Le calendrier social et politique s'aligne dans cette dernière ligne droite,
02:20 comme nous l'explique Stéphane Blakowski, le chrono de Blakow.
02:24 C'est parti.
02:25 Et je me retourne pour vous accueillir comme chaque soir.
02:29 Stéphane, bienvenue.
02:30 Bonsoir Myam.
02:31 Salut Elsa.
02:32 Bonsoir messieurs.
02:34 Alors, que va-t-il se passer dans cette dernière ligne droite ?
02:37 C'est fou comme le temps passe vite.
02:38 Vous vous rendez compte, jeudi prochain, dans huit jours,
02:41 la réforme des retraites pourrait être votée le matin au Sénat,
02:44 votée l'après-midi à l'Assemblée,
02:45 ce qui fait qu'à la fin de la journée, le texte serait adopté.
02:49 Donc, huit jours décisifs où intersyndicales et gouvernements
02:53 ont chacun sorti leur agenda pour cocher les cages décisives.
02:57 Donc, on va commencer par l'agenda de l'intersyndicale.
02:59 Première date cochée par l'intersyndicale, dans deux jours, samedi,
03:04 grosse manif prévue, les gens ne travaillent pas,
03:06 il y aura peut-être encore plus de monde.
03:08 Alors, quel sera le chiffre ? Je ne sais pas.
03:09 Je vous rappelle simplement que quand le ministère de l'Intérieur
03:12 dit qu'il y a eu 1 272 000 manifestants,
03:15 les syndicats disent que c'était beaucoup plus.
03:17 Peut-être. Ce qui est sûr, c'est que ce chiffre n'a jamais été atteint.
03:20 C'est le record absolu au niveau du ministère
03:22 pour une manifestation de syndicats protestants contre une réforme,
03:26 comme quoi il y a une vraie mobilisation.
03:29 Mais côté gouvernement, si on change d'agenda,
03:31 ce n'est pas la date du 11 qui a été cochée en premier.
03:34 En revanche, c'est celle du 12, le lendemain.
03:36 On voit qu'il y a marqué "adoption du texte Sénat",
03:38 c'est ce qu'espère le gouvernement, évidemment.
03:40 Ce qui veut dire que les sénateurs auront jusqu'à dimanche 12,
03:42 minuit, pour examiner cet article.
03:45 Vous savez qu'ils ont déjà voté cette nuit l'article 7
03:47 sur la prolongation progressive jusqu'à 64 ans.
03:50 Il y a quand même 20 articles au total à examiner.
03:53 Est-ce qu'ils auront le temps de le faire ?
03:54 A l'Assemblée, on n'a pas été plus loin que 3 articles.
03:56 Donc Olivier Dussopt, lui, croise les droits.
03:58 - A l'Assemblée nationale, seuls les 2 premiers articles ont été examinés.
04:02 Ils n'ont pas pu aller jusqu'à l'article 7.
04:04 - Là, nous en sommes à l'article 7 et nous allons continuer à débattre
04:06 avec l'espoir pour le gouvernement
04:08 que nous puissions débattre de tous les articles du texte
04:10 d'ici à dimanche soir.
04:12 - L'espoir du gouvernement.
04:14 Donc on dit si le texte est adopté, mais c'est probable.
04:16 Ensuite, il y a une date qui a été cochée,
04:18 vous voyez que c'est la même chose de part et d'autre,
04:20 le mercredi 15.
04:22 Donc manif TTG, ça veut dire manif très très grosse.
04:25 Ça, c'est ce qu'espère l'intersyndical.
04:27 Côté gouvernement, un autre code,
04:29 CMP, ça veut dire commission mixte paritaire.
04:32 C'est une commission qui réunit 7 députés et 7 sénateurs
04:35 et qu'on réunit quand le Sénat et l'Assemblée
04:37 n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un texte.
04:39 Généralement, ils trouvent assez facilement un compromis.
04:41 Là, c'est un peu particulier parce qu'en fait,
04:43 il n'y aura pas de texte proposé par l'Assemblée
04:45 puisqu'ils n'ont pas été au bout de l'examen.
04:47 Donc la commission va simplement examiner
04:49 la version du Sénat
04:51 en espérant, pour le gouvernement bien sûr,
04:53 la faire adopter.
04:55 Est-ce que ça sera adopté ? On peut regarder.
04:57 On ne sait pas encore la composition. Ce sont les présidents du Sénat
04:59 et de l'Assemblée qui vont désigner les gens.
05:01 Mais la dernière fois qu'on a réuni une commission mixte paritaire,
05:03 il y avait 4 Renaissance,
05:05 4 Républicains.
05:07 On est déjà à 8, la majorité est à 7.
05:09 Donc voilà, c'est l'espoir du gouvernement
05:11 de pouvoir faire accepter cette réforme.
05:13 Alors bien sûr, on revient à notre agenda.
05:15 Et vous voyez que le gouvernement là
05:17 espère évidemment le 16, le jour du vote,
05:19 une adoption. Mais ça va être un peu bizarre quand même
05:21 parce que la veille, il y aura eu combien ?
05:23 1 million, 1 million et demi ?
05:25 S'il y a 2 millions, on dira plusieurs millions
05:27 de Français dans la rue et finalement
05:29 la réforme, elle, aura été
05:31 décidée par 14 personnes,
05:33 en fermant 8 clous dans l'Assemblée.
05:35 Est-ce que les syndicats vont accepter ça ?
05:37 On a demandé à Philippe Martinez. Devinez ce qu'il a répondu.
05:39 Adopter une telle réforme
05:41 qui touche au quotidien des citoyens
05:43 de cette façon-là,
05:45 je pense que c'est déjà
05:47 assez compliqué, mais ça peut mettre
05:49 le feu aux poudres.
05:51 Ah, le feu aux poudres, on sait ce que ça fait. Ça fait boum !
05:53 C'est un peu comme la réforme sociale
05:55 que pronostique éventuellement Philippe Martinez.
05:57 On regardera dans l'agenda. Il y a encore pas mal de cases de libres.
05:59 Donc, ce qui est possible, c'est que comme les syndicats
06:01 demandent un rendez-vous à Emmanuel Macron,
06:03 s'ils pouvaient caser peut-être un rendez-vous dans l'agenda,
06:05 ça ferait baisser la tension, je ne sais pas.
06:07 En tout cas, l'appel est lancé, on va y revenir.
06:09 Jean-Claude Mailly, déjà sur le moment
06:11 social qu'on traverse
06:13 après un succès, un nouveau succès
06:15 de la 6e journée d'action,
06:17 est-ce qu'on rentre dans
06:19 un début de radicalisation, selon vous ?
06:21 Il y a eu des débordements,
06:23 des coupures de courant
06:25 au village olympique autour du stade de France.
06:27 C'était la CGT.
06:29 Il y a des blocages dans les raffineries, même s'il n'y a pas de pénurie d'essence.
06:31 Pour le moment, il y a des perturbations dans les transports.
06:33 Est-ce que vous avez le sentiment
06:35 que l'intersyndicale est dépassée par sa base ou pas ?
06:37 - Non, je ne pense pas
06:39 qu'elle soit dépassée. Il peut y avoir ici ou là
06:41 quelques actions qui ne correspondent pas
06:43 obligatoirement à ce que souhaitent les confédérations.
06:45 Mais vous savez, ça a toujours été comme ça
06:47 dans les mouvements sociaux.
06:49 Non, mais on rentre dans une période
06:51 compliquée parce que,
06:53 si on suit le raisonnement, imaginons
06:55 que le texte soit voté.
06:57 Ou parce qu'ils ont une majorité,
06:59 ou au 49-3.
07:01 Ce n'est pas fini pour autant.
07:03 Au moins pour deux raisons.
07:05 A la fois, d'une certaine manière,
07:07 je considère que le président est lui-même
07:09 piégé dans son système.
07:11 En ce sens où c'est lui qui annonce
07:13 la réforme au départ, 65,
07:15 et après, 64. Donc il est porteur
07:17 de la réforme. Après, il est en recul
07:19 depuis le début. - Vous pensez
07:21 que les Français ne passeront pas autre chose ?
07:23 Il y aura toujours des mouvements ? - Je sais pas.
07:25 Mais ce n'est pas exclu.
07:27 Voilà ce que je peux dire. Je ne suis pas
07:29 en situation de décider.
07:31 Ce qui fait regarder
07:33 dans les manifestations,
07:35 les gens ne disent rien sur la première ministre.
07:37 Ils ne disent pas sur le ministre du Travail,
07:39 y compris quand il dit des bêtises.
07:41 Par contre, c'est le président de la République
07:43 qui est visé, parce que c'est lui qui a annoncé
07:45 ça, à un moment donné. Là, il ne veut pas recevoir,
07:47 donc il est un peu piégé. - Thiby Martinez
07:49 et Laurent Berger, qui demandent à être reçus,
07:51 qui l'ont même écrit au président de la République,
07:53 il y a cette phrase dans la lettre
07:55 au président.
07:57 "Pour nos organisations, cette absence de réponse,
07:59 "constitue un grave problème démocratique.
08:01 "Il conduit immanquablement
08:03 "à une situation qui pourrait
08:05 "devenir explosive." - Oui, mais ça...
08:07 - D'accord avec ça ? - Non, je ne suis pas
08:09 d'accord avec ça, mais ça peut vouloir dire,
08:11 à un moment donné, quand vous faites
08:13 ce qu'ils ont fait depuis le début, les syndicats,
08:15 ensemble, tous unis, des manifestations,
08:17 sans gros problème, il y a des petits incidents,
08:19 mais sans problème, toute une série de manifestations,
08:21 qu'ils ont un mur en face d'eux.
08:23 À un moment donné, vous ne pouvez pas
08:25 vous arrêter comme ça, c'est pas possible.
08:27 Et même s'ils s'arrêtaient comme ça,
08:29 je vous garantis, dans la foulée, je ne sais pas,
08:31 mais il y aura un effet boomerang.
08:33 - On va en reparler. Quelle nature,
08:35 l'effet boomerang, c'est important. - Il peut être politique.
08:37 - Jean-Rémi Baudot, vous qui suivez l'Elysée,
08:39 notamment, qu'est-ce qu'on dit à l'Elysée ?
08:41 Est-ce qu'ils vont être reçus, finalement,
08:43 ou pas Laurent Berger et Philippe Martinez ?
08:45 - Pour l'instant, vous avez noté la phrase de l'Elysée,
08:47 la réponse au soir de la manifestation
08:49 de mercredi, de mardi,
08:51 c'était "la porte de l'exécutif
08:53 est toujours restée ouverte".
08:55 C'est pas la porte de l'Elysée.
08:57 Et donc, manifestement, pour l'instant,
08:59 le président de la République n'a pas prévu de se mettre en scène
09:01 avec les syndicats.
09:03 Ce qui est quand même incroyable, effectivement,
09:05 comme le dit Jean-Claude, à l'instant,
09:07 c'est que dans la plupart des conflits sociaux
09:09 des dernières années,
09:11 à chaque fois, le contact est resté.
09:13 En 2019, les syndicats étaient toujours
09:15 reçus par Edouard Philippe.
09:17 Parfois, ça durait 10 minutes
09:19 avec Philippe Martinez,
09:21 mais il était reçu.
09:23 La loi El Khomri, pareil,
09:25 même à l'époque de Nicolas Sarkozy,
09:27 soubit discuter avec les syndicats.
09:29 Là, on est vraiment dans une situation
09:31 très particulière où le gouvernement
09:33 discute avec la droite,
09:35 exclusivement avec la droite,
09:37 et en réalité, la droite sénatoriale,
09:39 et ne discute pas avec
09:41 les corps intermédiaires.
09:43 En réalité, c'est tout à fait à l'image
09:45 du macronisme tel qu'on le connaît depuis le début,
09:47 de se passer des corps intermédiaires.
09:49 Le problème, c'est quelles conséquences sociales ?
09:51 C'est la sénatrice Rossignol
09:53 qui posait la question cette semaine
09:55 au ministre du Travail, qui disait
09:57 "En quel état allez-vous laisser le pays ?"
09:59 Cette question, malgré tout, se pose,
10:01 puisque s'il n'y a pas de discussion,
10:03 quand il n'y a pas de discussion,
10:05 il se passe quand même quelque chose.
10:07 - Elsa Mondingava, l'opinion pour l'instant
10:09 soutient majoritairement le mouvement,
10:11 même s'il y a un peu de résignation,
10:13 parce que les Français pensent qu'in fine
10:15 elle sera adoptée, cette réforme,
10:17 si le pays commence à connaître
10:19 des blocages, elle peut se retourner ?
10:21 C'est le pari de l'exécutif ?
10:23 - Justement, c'est vraiment sur ces chiffres
10:25 que s'appuie la majorité. La réforme est impopulaire,
10:27 on le sait, mais il y a une résignation.
10:29 Il y a deux tiers des Français qui pensent
10:31 qu'elle sera adoptée, ce qui fait penser
10:33 à l'autorité au gouvernement, que finalement,
10:35 une fois qu'elle sera votée, la résignation,
10:37 elle est là, et ils ne pensent pas que dans un temps
10:39 court, ils puissent y avoir...
10:41 Ils pensent que le mouvement va s'essouffler.
10:43 En revanche, je rejoins ce que vous disiez,
10:45 ils pensent que cette réforme va laisser un goût amer
10:47 aux Français, et ça, pour l'instant,
10:49 ils ne peuvent absolument pas en mesurer les conséquences,
10:51 mais sur le mouvement social,
10:53 ils tablent aussi peut-être sur une division
10:55 de l'intersyndical, qui ne va pas avoir forcément
10:57 la même volonté de grève dure, de grève
10:59 reconductible, et c'est vrai que j'ai
11:01 l'impression qu'ils n'ont pas
11:03 peur du mouvement social
11:05 aujourd'hui. - Alors, Dominique
11:07 Chagnoleau, ce n'est pas une question de constitutionnalité,
11:09 mais la démocratie sociale,
11:11 ça existe, tout de même.
11:13 Il ne reçoit pas
11:15 le président de la République, l'intersyndical,
11:17 à ce stade
11:19 du bras de fer ?
11:21 On a déjà vu ça ? Est-ce que c'est normal ?
11:23 - En 1995, je ne crois pas que Jacques Chirac,
11:25 qui était parti d'ailleurs à l'étranger
11:27 au moment des grands mouvements, avait reçu
11:29 ceci ou ceci, il avait laissé ça au Premier ministre.
11:31 Après, c'est une appréciation,
11:33 je crois, purement de nature politique.
11:35 Ce qui frappe d'abord, si vous voulez,
11:37 alors je reviens au droit un peu, c'est la procédure.
11:39 Parce qu'à ce rythme-là,
11:41 d'ailleurs, les étudiants commencent à connaître
11:43 aussi bien l'article 49.3
11:45 que l'article 47.1, c'est bon ou
11:47 mauvais signe. Dans ma génération, c'était
11:49 l'article 16, vous voyez, enfin, qu'on l'apprenait.
11:51 - Les pleins pouvoirs, l'article 16.
11:53 On n'y est pas.
11:55 - Pour l'avantage, le premier, c'est que
11:57 d'abord, il n'y a pas d'évaluation réelle,
11:59 officielle, c'est pas la réforme Baladur.
12:01 Il n'y a pas d'avis du Conseil d'Etat complet,
12:03 il est secret, d'ailleurs, encore.
12:05 Enfin, il est à moitié secret, maintenant, il est fluide partout.
12:07 Il y a un débat qui est contraint,
12:09 donc c'est quand même très rare,
12:11 même s'il peut y avoir un ton législatif programmé
12:13 à l'Assemblée nationale, ici.
12:15 Et puis, enfin,
12:17 on peut utiliser l'article 49.3
12:19 à répétition, dans les projets de finance.
12:21 Et puis, enfin, on peut même,
12:23 si ça va pas, utiliser
12:25 les ordonnances. - Alors, on va y venir
12:27 dans le détail. Gérald Brunner,
12:29 le regard du sociologue m'intéresse
12:31 parce qu'on a l'impression qu'il y aura
12:33 un débouché,
12:35 quelle que soit l'issue, c'est-à-dire
12:37 une issue favorable, forcément,
12:39 les syndicats seraient contents, mais si le texte
12:41 est voté, cette colère peut se transformer,
12:43 elle va forcément déboucher
12:45 sur quelque chose, mais on ne sait pas quoi.
12:47 - En tant que sociologue, je me garderais bien de faire
12:49 des prévisions de ce genre. Je me méfie aussi
12:51 un peu des approches du monde social
12:53 en termes de métaphores,
12:55 la cocotte minute, etc., on a tous ce sentiment-là,
12:57 mais ça veut pas dire grand-chose
12:59 en réalité. Je crois quand même que
13:01 dans la séquence qu'on vient de vivre,
13:03 et qu'on n'a pas encore fini de vivre,
13:05 les syndicats en ressortent
13:07 assez renforcés. C'était un des enjeux
13:09 qu'on pouvait interroger au départ,
13:11 qui allait gagner, qui allait perdre,
13:13 beaucoup jouait beaucoup dans cette affaire,
13:15 que ce soit le gouvernement, l'opposition,
13:17 qui allait incarner l'opposition politique,
13:19 et les syndicats qui avaient été débordés
13:21 par des entreprises, par des mouvements
13:23 non pas spontanés, mais qui trouvaient leur niche
13:25 dans les réseaux sociaux, et qui ne voyaient pas apparaître,
13:27 comme par exemple le mouvement social
13:29 des contrôleurs aériens,
13:31 si je me rappelle bien,
13:33 et ensuite, les syndicats ont beaucoup de mal à contrôler ça.
13:35 - Là, ils ont organisé un mouvement national massif,
13:37 et de façon unie.
13:39 - C'est une réussite incontestable,
13:41 avec un front syndical.
13:43 Il n'est pas certain qu'ils puissent,
13:45 mais le contraire n'est pas certain non plus,
13:47 qu'ils puissent bénéficier du sentiment
13:49 de dégoût qui va peut-être naître
13:51 suite à l'adoption
13:53 de ce texte,
13:55 de cette réforme.
13:57 Ce qui est très intéressant, c'est qu'on s'est inquiétés
13:59 de savoir si Emmanuel Macron
14:01 allait recevoir les syndicats,
14:03 ce qui n'a pas été le cas du précédent
14:05 président de la République, donc on voit bien
14:07 que c'est lui qui incarne individuellement.
14:09 C'est ça qui est intéressant aussi, en termes de narration,
14:11 parce que, par exemple, la loi El Khomri,
14:13 c'était la loi El Khomri,
14:15 et puis on a beaucoup d'autres exemples de cette nature.
14:17 Donc on voit qu'il y a un clivage.
14:19 Ensuite, en effet, comment va s'incarner
14:21 ce ressentiment ?
14:23 En fait, ça dépend des narrations qui vont être proposées.
14:25 - Débouchés politiques ? Débouchés violents ?
14:27 - Pas forcément débouchés...
14:29 Enfin, politiques dans le sens large du terme,
14:31 mais pas forcément débouchés politiques dans le sens répartition du pouvoir
14:33 par les partis ou par les incarnations.
14:35 C'est-à-dire qu'on vit quand même une désintermédiation
14:37 dont les réseaux sociaux
14:39 sont une incarnation, mais il y a aujourd'hui
14:41 des offres politiques, qui sont souvent
14:43 caractérisées par le populisme, qui précisément
14:45 jouent sur cette désintermédiation.
14:47 Par exemple, on se passe des journalistes,
14:49 on communique directement par Twitter pour parler
14:51 de certains leaders étatsuniens qu'on a encore
14:53 en mémoire, et cette désintermédiation,
14:55 elle fait des offres narratives
14:57 qui vont dans le sens des attentes,
14:59 je dirais, intuitives
15:01 de ce que nous sommes, moi y compris,
15:03 en tant qu'individu et en tant qu'électeur.
15:05 Et ces formes intuitives, elles prênent des formes politiques
15:07 qui ne s'incarnent pas forcément
15:09 dans les urnes. On l'a vu, un des plus
15:11 manifestes exemples, c'est le mouvement
15:13 des Gilets jaunes, que personne n'avait vu
15:15 venir, qui est né par des groupes Facebook
15:17 privés, colères, départementales, etc.
15:19 Et qui tout à coup
15:21 est devenu un peu incontrôlable, parce qu'il ne pouvait
15:23 pas désigner de leader. - C'est ça le gouvernement
15:25 en tête, Jean-Rémi Baudot. Les Gilets jaunes
15:27 ont obtenu ce qu'ils voulaient
15:29 sur la taxe carbone, par
15:31 quand même de la radicalité et de la violence.
15:33 - Ils l'ont obtenu par de la violence, parce que
15:35 je ne sais pas si le chiffre est exact, mais j'ai en tête
15:37 la plus grosse journée de mobilisation, c'est 200 ou 250 000
15:39 manifestants, et ils ont obtenu
15:41 presque 20 milliards, donc le ratio est quand même
15:43 assez
15:45 important, alors que
15:47 là, on voit 1,2 million
15:49 dans la rue. Certes, le pays n'était pas bloqué,
15:51 et là encore, le narratif
15:53 syndical est un peu tombé à plat, parce qu'ils
15:55 avaient dit "ce sera une journée où
15:57 le pays va être à l'arrêt", etc. Bah non,
15:59 dans les rues,
16:01 ça n'était pas la grève générale, en tout cas,
16:03 ce qui ne veut pas dire que ce n'était pas un mouvement important
16:05 et massif, mais ça n'était pas la grève générale.
16:07 Donc, d'une certaine manière, là-dessus, le gouvernement,
16:09 à l'issue de cette soirée-là,
16:11 j'ai eu plusieurs ministres au téléphone, ils me disent
16:13 "c'était pas le grand soir", et donc, ils sont un peu restés
16:15 là-dessus, en disant "bon, bah voilà, la France se
16:17 mobilise, mais on continue".
16:19 - Ça peut donner des crédits
16:21 à l'action plus violente.
16:23 - Il faut comparer ce qui est comparable,
16:25 c'est-à-dire que quand vous avez des mouvements sociaux,
16:27 souvenez-vous les portiques de Mme Segrène-Royal,
16:29 au bout d'un certain moment,
16:31 elle a réussi, elle a fini par les enlever.
16:33 Ce que je veux dire, c'est que quand c'est un mouvement social
16:35 qui est lié à un projet de loi,
16:37 il est assez rare qu'un gouvernement recule,
16:39 c'est arrivé une fois en 95,
16:41 mais quand... - En 86.
16:43 - Oui, en 86. Et quand c'est délié,
16:45 si je puis dire, ou à une mesure ou à un décret,
16:47 mais quand c'est lié à une mesure gouvernementale
16:49 simple, j'allais dire, c'est plus facile
16:51 de faire subir sur un domaine sectoriel,
16:53 vous voyez, par exemple. - Est-ce qu'il y a un problème
16:55 de majorité ? On en parlera certainement, mais il y a la question de savoir
16:57 est-ce qu'à la fin, in fine, le gouvernement a la légitimité
16:59 du Parlement ? - Alors, on y vient, côté Parlement.
17:01 Comment le gouvernement va chercher
17:03 les voies à droite ? Eh bien, c'est simple,
17:05 une à une, confiance ou inquiétude,
17:07 quel est l'état d'esprit en coulisses dans la majorité ?
17:09 Thibault Hénocq a mené l'enquête à l'Assemblée nationale.
17:11 C'est une histoire de calcul.
17:19 Avec une majorité absolue actuellement
17:21 fixée à 287 voix
17:23 à l'Assemblée et des troupes macronistes
17:25 au nombre de 250,
17:27 il faut en théorie 37 voix
17:29 venues d'autres groupes pour être certains
17:31 d'adopter la réforme des retraites jeudi prochain
17:33 dans l'hémicycle.
17:35 Une équation simple sur le papier,
17:37 mais très mouvante dans la réalité
17:39 et à laquelle s'attellent les négociateurs
17:41 du gouvernement et de la majorité.
17:43 La première ministre Elisabeth Borne,
17:45 le ministre du Travail Olivier Dussopt,
17:47 celui des relations avec le Parlement
17:49 Franck Riester et la présidente
17:51 du groupe Renaissance Aurore Berger
17:53 sont à la manœuvre.
17:55 Message, coup de fil, comptage quotidien,
17:57 ils savent que chaque suffrage
17:59 pourrait être décisif, il faut s'en assurer,
18:01 un à un.
18:03 Premier enjeu, les 250 voix
18:05 de la majorité seront-elles bien 250 ?
18:07 Depuis le début des débats,
18:09 une poignée de députés macronistes
18:11 menacent de faire défaut,
18:13 il faut donc déjà resserrer les rangs.
18:15 Le groupe Renaissance pourrait-il exclure
18:17 les députés qui ne voteraient pas en faveur
18:19 de la réforme ? La question fait débat
18:21 au sein de ces rangs.
18:23 Deuxième enjeu, le vote des oppositions.
18:25 Tous les groupes sauf les républicains
18:27 sont opposés à la réforme.
18:29 Au maximum, cela pourrait se traduire
18:31 par 270 à 280 voix
18:33 contre la loi jeudi prochain.
18:35 Reste, les députés LR
18:37 sont 61, c'est eux
18:39 qui pourraient faire pencher la balance.
18:41 L'exécutif a fait beaucoup
18:43 ces dernières semaines pour s'attirer leur faveur,
18:45 donnant le feu vert à plusieurs de leurs demandes.
18:47 Mais rien n'est acquis.
18:49 D'après les derniers comptages, 30 à 40 députés LR
18:51 devraient voter pour la réforme,
18:53 une dizaine pencherait pour l'abstention
18:55 et une quinzaine envisagerait
18:57 de voter contre. Des voix que la majorité
18:59 espère encore pouvoir aller chercher,
19:01 mais qui restent rétives. Hier,
19:03 le député Aurélien Pradier a rencontré
19:05 le patron de la CFDT, Laurent Berger,
19:07 en compagnie d'une quinzaine de ses collègues,
19:09 et fait passer un message au gouvernement.
19:11 - Nous sommes favorables à une réforme,
19:13 mais pas n'importe quelle réforme.
19:15 On n'est pas dans une caserne,
19:17 on n'est pas des députés dociles
19:19 et soumis aux ordres des uns et des autres.
19:21 On est des députés qui assument nos missions
19:23 en réfléchissant et en pensant chacun librement.
19:25 - L'enjeu pour le gouvernement pourrait être
19:27 d'obtenir au moins une abstention de la part
19:29 de ses récalcitrants. Une abstention
19:31 qui permettrait de faire baisser le seuil
19:33 de la majorité et donc le nombre de voix
19:35 pour nécessaires à l'adoption de la loi.
19:37 Autant d'équations déterminantes,
19:39 car elles vont influer sur le choix
19:41 de l'exécutif. S'il n'est pas certain
19:43 d'avoir une majorité, c'est un autre
19:45 chiffre qui pourrait sortir de sa calculette,
19:47 le 49-3.
19:49 - Elsa Mondagava,
19:51 vous qui suivez tout cela de près
19:53 et en coulisses, l'état d'esprit de la majorité
19:55 à huit jours d'un vote possible,
19:57 c'est quoi ? Confiant, fébrile ?
19:59 - Un peu confiant, quand on leur pose
20:01 la question. Certains nous disent "on fait des tableaux,
20:03 on calcule et pour nous ça passe",
20:05 mais tout de suite après, ils s'inquiètent.
20:07 Pourquoi ? Parce que vous, vous pensez
20:09 que ça passera pas, qu'est-ce qu'on vous raconte,
20:11 etc. Donc on voit que ça dénote une certaine fébrilité.
20:13 - C'est toujours comme ça.
20:15 - Moi je pense que c'est très compliqué. J'ai eu des députés
20:17 les Républicains au téléphone tout à l'heure et ils me disent
20:19 qu'ils ne savent pas ce qu'ils vont faire. Donc je vois pas comment
20:21 la majorité aurait pu les classer
20:23 dans une case pour, contre ou abstention.
20:25 Et ça je sais qu'il y en a plusieurs.
20:27 Donc je pense qu'il va y avoir des calculs qui vont
20:29 être faits, on se souvient, pendant la loi travail
20:31 d'Emmanuel Macron, c'était une heure avant,
20:33 une demi-heure avant, on était en train de calculer si ça passait
20:35 ou pas. - Oui, Emmanuel Macron connaît le 49-3,
20:37 il l'a subi sur un texte qu'il avait porté
20:39 et c'est Emmanuel Valls qui l'a dégainé.
20:41 - C'est de savoir à partir de quelle marge de manœuvre
20:43 on peut considérer qu'on peut aller au vote.
20:45 Parce que si c'est à une voix près, deux voix près,
20:47 est-ce qu'on peut prendre le risque d'y aller
20:49 et ça risque de se jouer, on l'a vu
20:51 sur les différents calculs, à vraiment
20:53 très très peu de voix.
20:55 - D'ailleurs, on a parlé d'une éventuelle exclusion
20:57 des députés de la majorité
20:59 qui ne voteraient pas. Bon, finalement,
21:01 cette information a été
21:03 corrigée, manifestement, mais ça en dit long
21:05 sur la fébrilité au sein des troupes renaissances,
21:07 Jean Rémy. - C'est d'ailleurs comme ça que c'est aussi
21:09 perçu à droite. C'est intéressant, j'ai discuté avec
21:11 un baron de la droite, comment on dit,
21:13 un des cadres de chez LR, qui me disait
21:15 en gros ils nous mettent la pression, mais ce serait
21:17 bien aussi que chez eux, en fait, ils fassent
21:19 aussi le ménage, parce que s'il manque des voix,
21:21 il manquera peut-être des voix chez eux. Donc ça, c'est quand même
21:23 un point. Après, c'est quand même
21:25 un samtout assez classique,
21:27 à n'importe quel moment,
21:29 quand il y a un texte financier, en général,
21:31 si on ne vote pas un texte financier,
21:33 c'est qu'on se place de facto dans l'opposition.
21:35 Cette réforme passant par un texte
21:37 financier, d'un point de vue très classique...
21:39 - Mais comment ça se passe en colis ? On négocie ?
21:41 - Oui, on négocie. - Par exemple,
21:43 on promet des choses en retour, des textes
21:45 de loi ? Comment ça se passe ? - C'est exactement
21:47 ce qui était dit dans le reportage, juste un instant.
21:49 SMS, rencontres,
21:51 il y a un certain nombre de conseillers
21:53 du gouvernement, et puis il y a les ministres,
21:55 du SOPT, qui sont quand même spécialistes de ce genre de questions,
21:57 qui sont rompus aux questions
21:59 de négociations au Parlement,
22:01 et puis c'est "toi, tu penses quoi ?"
22:03 "Et un tel, tu crois qu'il pense quoi ?"
22:05 - Sur autre chose ? - Bien sûr !
22:07 - Et t'as besoin de pas d'entachement ?
22:09 - Bien sûr, et donc c'est un peu du donnant-donnant,
22:11 et à la fin, ça remonte à Matignon, qui est censé faire les arbitrages.
22:13 - Jean-Claude Mailly, vous avez vécu
22:15 comme syndicaliste des périodes comme ça ?
22:17 Vous avez des souvenirs ? - Là, dans la phase actuelle,
22:19 depuis le début, le gouvernement
22:21 négocie avec les Républicains
22:23 et consulte les syndicats, voilà.
22:25 Et, enfin,
22:27 fondamentalement, on ne gagne rien,
22:29 un pouvoir, quel qu'il soit,
22:31 ne gagne rien à squeezer
22:33 les confédérations syndicales,
22:35 quelles qu'elles soient, et les confédérations patronales.
22:37 - Il y a eu quand même une phase de consultation,
22:39 même Elisabeth Borne a repris le flambeau...
22:41 - Je vais vous consulter, vous me dites ce que vous voulez,
22:43 puis j'en ai rien à foutre, enfin, excusez-moi,
22:45 mais je simplifie... - Mais vous savez ce que pense le gouvernement ?
22:47 Il dit qu'il n'y a rien à consulter,
22:49 puisque les syndicats veulent le retrait.
22:51 - Oui, mais quand vous concertez...
22:53 - Donc, il n'y a plus de gras à moudre.
22:55 - Moi, je me souviens de la discussion avec, y compris Emmanuel Macron,
22:57 sur les ordonnances travail au début, je lui ai dit
22:59 "Si vous avez une ligne rouge, vous, en nous disant ça,
23:01 on n'y touchera pas, on arrête tout de suite.
23:03 Quand on concerte, on n'a pas de ligne rouge."
23:05 - Oui, il y a eu une ligne rouge dès le départ, les 64 ans.
23:07 - Les 64 ans, c'est la ligne rouge.
23:09 - Ils ont cru, je pense, que certains syndicats allaient pas suivre, etc.
23:11 Bon, ça veut dire qu'ils ont une mauvaise analyse
23:13 du climat social et de la situation.
23:15 Non, je trouve qu'ils jouent, moi, franchement,
23:17 alors, quoi qu'il arrive,
23:19 ils jouent avec le feu.
23:21 J'en suis conscient, parce qu'il y aura un moment donné,
23:23 je ne sais pas quand, je ne sais pas comment.
23:25 - Et c'est pas complètement garanti, on peut dire ça à une semaine.
23:27 Dominique Chignolo, à 49,3,
23:29 on le comprend, c'est pas le souhait du gouvernement,
23:31 mais l'option, elle est clairement sur la table.
23:33 Un 49,3 sur une commission mixte paritaire,
23:35 c'est déjà vu dans l'histoire ?
23:37 - C'est pas un mauvais genre,
23:39 mais c'est pas le problème.
23:41 - Ce sera inédit.
23:43 - Oui, ce qui va se passer, probablement,
23:45 le texte va pas être voté complètement,
23:47 ou complètement, c'est pas grave.
23:49 CMP, paritaire, j'insiste là-dessus,
23:51 c'est pas la majorité, c'est la majorité des sénateurs
23:53 et la majorité des députés.
23:55 Donc, ça veut dire la majorité des députés LR,
23:57 des sénateurs LR et centristes,
23:59 et la majorité des députés Renaissance, c'est ça ?
24:03 - Absolument.
24:05 - Donc, là, ils ont la majorité,
24:07 mais chacun de leur côté.
24:09 Si on trouve un compromis, ensuite, ça va aller.
24:11 - Mais ça, on imagine que c'est possible.
24:13 - C'est possible.
24:15 - L'opposition de droite au Sénat est plutôt alliée sur ce texte.
24:17 - Donc, c'est soit en discussion,
24:19 le projet va retourner devant l'Assemblée nationale,
24:21 le gouvernement va accepter un certain nombre d'amendements,
24:23 si vous voyez ce que je veux dire,
24:25 qui ont été négociés par...
24:27 - L'exparateur de l'accord ?
24:29 - Non, au sein de l'Assemblée, il pourrait y avoir d'autres amendements,
24:31 mais pas du gouvernement, de députés,
24:33 qui vont accepter pour corriger tel ou tel point de détail.
24:35 On va trouver un accord, ça va passer à l'Assemblée,
24:37 ça va être voté ou pas.
24:39 Bon, si c'est pas voté, c'est 49-3,
24:41 ou l'ordonnance.
24:43 Les ordonnances, là, vraiment, ça serait un défi.
24:45 - C'est encore la deuxième phase.
24:47 - Et puis enfin, surtout, n'oubliez pas,
24:49 le Conseil constitutionnel.
24:51 Et c'est pour ça que je pense, moi, c'est mon pari,
24:53 c'est qu'il y aura deux lois.
24:55 Cette loi, si elle passe, il y aura une deuxième loi derrière,
24:57 parce que le Conseil constitutionnel,
24:59 sans être grand devin,
25:01 va censurer un certain nombre de cavaliers sociaux,
25:03 de dispositions,
25:05 va faire appel, ce qu'il ne fait rarement,
25:07 il l'a fait deux fois ou trois fois,
25:09 au principe de sincérité et de clarté.
25:11 C'est un peu une auberge espagnole, la clarté et la sincérité
25:13 du débat, parce que, bon,
25:15 vous pouvez me voir ce que vous voulez,
25:17 mais s'il a envie de charger la barque, il pourra le faire.
25:19 Donc vous aurez tout de suite après, ou pas tout de suite,
25:21 mais peu de temps après, une deuxième loi.
25:23 - C'est pour ça qu'on parle déjà d'un texte sur le travail,
25:25 sur l'emploi des seniors, sur la pénibilité.
25:27 - Et voilà, et donc là, avec des accords,
25:29 et là, je ne sais pas s'il y a un accord
25:31 entre les Républicains et l'RM.
25:33 - Le 49-3, c'est quoi ? C'est le cauchemar
25:35 pour le gouvernement, ou au contraire,
25:37 on assume déjà cette arme comme possible ?
25:39 - Alors, on a senti au début que c'était
25:41 exclu, et puis en fait,
25:43 ça devient de plus en plus, ça revient sur la table.
25:45 Là, quand on demande, c'est
25:47 risque faible, mais risque quand même,
25:49 et la question, c'est qu'est-ce qui est pire ?
25:51 Est-ce que c'est un 49-3, ou est-ce que
25:53 c'est de risquer que le texte soit...
25:55 que les conclusions de la commission mixte paritaire
25:57 ne soient pas adoptées, donc ensuite,
25:59 il pourrait y avoir une nouvelle lecture,
26:01 mais ce serait quand même très compliqué pour le gouvernement.
26:03 Donc l'arbitrage, il est sur des mauvaises
26:05 solutions, mais le 49-3,
26:07 alors qu'on en parlait moins au tout début
26:09 de la réforme des retraites, on en reparle beaucoup aujourd'hui.
26:11 - Ça pose quand même la question de...
26:13 Et c'est un peu ce que disait Pradié, sans vouloir
26:15 mettre de l'eau à son moulin, est-ce que c'est le bon texte ?
26:17 Et ça, c'est une petite musique
26:19 qu'on commence à entendre, qu'on entend effectivement à droite,
26:21 il dit "je ne vais pas voter n'importe quel texte".
26:23 Ça, c'est Pradié. Mais au sein
26:25 de la majorité, on commence aussi à l'entendre.
26:27 Alors d'accord, c'est plutôt chez les proches d'Édouard Philippe
26:29 qui commencent à dire "nous aussi,
26:31 on veut réformer les retraites, nous aussi, on pense que
26:33 c'est important, mais est-ce que finalement, on s'est pas planté
26:35 avec ce texte ?" Pour tout vous dire, j'en ai parlé au ministre
26:37 du Travail l'autre jour,
26:39 qui s'est un peu braqué, et qui m'a dit
26:41 "c'est le bon texte, c'est moi qui l'ai écrit".
26:43 Comme ça, c'est fait, au moins, il considère
26:45 que c'est le bon texte, mais
26:47 quoi qu'il en soit, il y a quand même ce truc-là qui commence
26:49 à monter aussi, de dire "on est en train quand même de
26:51 cramer un capital politique
26:53 très grand, il reste
26:55 4 ans pour Emmanuel Macron au pouvoir,
26:57 qu'est-ce qui va se passer socialement et politiquement après ?
26:59 Tout ça pour une réforme des retraites,
27:01 je ne dis pas qu'elle n'est pas importante,
27:03 c'est pas le sens de mon point, mais
27:05 politiquement, il y a quelque chose quand même de très lourd
27:07 à porter par la suite. - Jean-Claude Mey.
27:09 - J'ajoute en plus que l'un des arguments
27:11 présentés par le gouvernement, c'est qu'il faut absolument la faire,
27:13 il y a un problème de déficit, je n'y pas,
27:15 qui est des problèmes financiers et qu'il faille faire quelque chose.
27:17 Et 17 milliards d'économies,
27:19 mais là, avec ce qui est déjà engagé,
27:21 il y a 6 milliards, grosso modo,
27:23 de mesures nouvelles, qui viennent en déduction
27:25 des 17, et vous rajoutez 4 milliards,
27:27 à peu près, de dépenses
27:29 nouvelles, assurances chômage, RSA,
27:31 etc. Donc, le 17,
27:33 on est passé à 7. - Donc ça fait cher
27:35 les 64 ans. - Ça fait un beau gâchis.
27:37 - Bon, on comprend
27:39 que là, on est dans des scénaris,
27:41 que c'est ou ça passe,
27:43 de justesse, ou 49-3.
27:45 Gérald Bourdin, vous pensez
27:47 que les Français pourront passer à autre chose ?
27:49 Après tout, il y a deux légitimités,
27:51 celle du Parlement, démocratique,
27:53 elle doit prévaloir sur
27:55 celle de la rue. Est-ce que ça,
27:57 les Français vont l'entendre ? - C'est un problème économique,
27:59 a priori. Non, mais tout à fait,
28:01 mais il y a une confusion permanente et tout à fait légitime,
28:03 d'ailleurs, en démocratie, de ces deux scènes
28:05 sociales, ce que je crois
28:07 qu'il va en résulter, sans prendre
28:09 beaucoup de risques, c'est par contre
28:11 une affectation négative de la perception
28:13 des Français de la vie parlementaire.
28:15 C'est-à-dire que ça soit par les
28:17 mesures carnavalesques qu'on a vues
28:19 pour une certaine opposition,
28:21 ou même les recours, on va dire,
28:23 procéduraux qu'on a vus encore, d'ailleurs,
28:25 même au Sénat, ça donne l'impression,
28:27 ça met en scène ce que l'on sait un peu,
28:29 mais ce que l'on n'a pas envie de savoir véritablement,
28:31 c'est que la démocratie délibérative dans le Parlement,
28:33 elle est un peu artefactuelle, et cela dévoile
28:35 le caractère artificiel
28:37 de cette délibération. Je ne pense pas que ce soit bon pour les institutions.
28:39 Alors que les Français ont demandé
28:41 de nouvelles règles du jeu en ne donnant pas la majorité
28:43 absolue au président, c'est peut-être
28:45 l'effet inverse qui se produit.
28:47 Jean-Rémi Baudot, il y a encore du grain à moudre,
28:49 où on sait à peu près
28:51 comment va arriver
28:53 le texte, on sait que les mesures
28:55 sur les femmes ont été adoptées au Sénat,
28:57 qu'a priori, le gouvernement
28:59 et la majorité y sont favorables. Est-ce qu'il pourrait y avoir,
29:01 sans parler du retrait, encore
29:03 des modifications substantielles ?
29:05 C'est une bonne question. Honnêtement, je ne sais pas
29:07 forcément répondre à ça. Je ne sais pas si
29:09 Elsa a plus d'idées sur les différents
29:11 points, les différents curseurs qui peuvent encore
29:13 être bougés. L'extinction
29:15 plus rapide des régimes spéciaux, c'est non ?
29:17 Non, ça c'est non, et ça a été refusé.
29:19 Moi, si on prend
29:21 un peu de hauteur par rapport à tout ça, moi, ce qui
29:23 m'étonne quand même, c'est cette capacité
29:25 de la Macronie et d'Emmanuel Macron et de l'Elysée
29:27 de dire "Emmanuel Macron a été élu
29:29 sur ce projet-là, et donc, fermez le banc".
29:31 Il me semble quand même, malgré tout, que
29:33 on parlait de l'écoute des Français
29:35 tout à l'heure, il y a quand même une question qui se pose
29:37 sur... voilà, il a été
29:39 élu, mais dans un contexte très particulier,
29:41 avec une absence de campagne, etc.
29:43 Et là aussi, il y a une question d'écoute,
29:45 écoute des syndicats, mais en réalité, écoute des Français.
29:47 Ce qui me manque, Paxel, quand on sait qu'il y a 5 ans, c'était pas cette
29:49 réforme des retraites qui était dans son programme.
29:51 C'est pour ça qu'il y a une réflexion au sein
29:53 de la majorité sur l'après.
29:55 Il y avait le texte "immigration" qui devait arriver.
29:57 Les députés de la majorité ont dit
29:59 "surtout pas un texte aussi crispant,
30:01 essayons d'aller dans des mesures
30:03 qui soient..." - Je pense que la droite n'en veut pas.
30:05 - Exactement, de toute façon, ils n'ont pas la majorité, mais sur des textes
30:07 qui fassent un peu plus consensus, donc on annonce un texte
30:09 sur le travail, pour avoir la réflexion sur le travail,
30:11 que beaucoup demandaient d'avoir
30:13 avant la réflexion sur les retraites.
30:15 Mais effectivement, on sent bien
30:17 qu'il va falloir penser les
30:19 plaies de ce moment avec un texte
30:21 qui, voilà, peut-être fait du bien,
30:23 fait un peu plus de consensus,
30:25 donc on pousse en tout cas pour des
30:27 mesures qui soient un petit peu plus acceptées par les Français.
30:29 - L'enjeu aussi autour de cette réforme,
30:31 c'est l'après Macron.
30:33 Il y a beaucoup de députés qui vous disent
30:35 "attention, c'est Marine Le Pen
30:37 qui récupère
30:39 et qui profite de cette crise".
30:41 - Je pense qu'ils ont raison de s'inquiéter,
30:43 si vous voulez, moi je considère que
30:45 le Rassemblement national, aujourd'hui,
30:47 bénéficie d'une double poussée.
30:49 A la fois des erreurs, selon moi,
30:51 faites par la majorité, y compris sur les retraites,
30:53 et de l'autre côté, le comportement de LFI.
30:55 Ça fait une double poussée pour Marine Le Pen
30:57 la prochaine fois.
30:59 - Dominique Segnolo ?
31:01 - Je suis pas politologue, mais en tout cas, dans 4 ans,
31:03 on verra, on a déjà dit ça.
31:05 Mais la vraie difficulté, c'est que 4 ans, c'est long.
31:07 C'est-à-dire que ce que ça se passe
31:09 plutôt bien ou plutôt mal,
31:11 dans tous les cas,
31:13 ça va laisser un vide et des conséquences
31:15 constitutionnelles. Moi, j'attends vraiment avec impatience
31:17 la décision du Conseil constitutionnel
31:19 qui pourrait d'ailleurs réconcilier
31:21 tout le monde, si je puis dire.
31:23 - Vous pensez ?
31:25 - Oui, parce que ça pourrait sabrer
31:27 un certain nombre de dispositifs
31:29 de la loi, donc pas les 64 ans.
31:31 - Ah oui ?
31:33 - Non, mais même les régimes spéciaux,
31:35 pareil. L'index senior,
31:37 les mesures de pénibilité,
31:39 pareil.
31:41 On pourrait faire une liste qui est relativement extensible.
31:43 - Mais il reste quand même...
31:45 - Les traces politiques seront toujours là.
31:47 - Pour vous, les Français,
31:49 même adoptés, on verra comment,
31:51 ne passeront pas à autre chose.
31:53 Il y aura quelque chose qui restera.
31:55 - Juste d'un mot,
31:57 il y a un petit scénario qui monte aussi en ma chronique,
31:59 sur une fois qu'on aura fait passer la réforme des retraites,
32:01 comme de toute façon ce sera vraiment dur,
32:03 on pourra peut-être aller sur d'autres trucs aussi très durs,
32:05 quitte à être un peu sur la lancée, réformer le RSA,
32:07 etc. Je ne sais pas si c'est une opération kamikaze,
32:09 mais il y en a quand même un certain nombre qui se disent
32:11 "On sera sur notre lancée, allons-y".
32:13 - En tout cas, merci.
32:15 - C'est soit le quinquennat qui commence,
32:17 soit le quinquennat qui finit.
32:19 - Je pense qu'il parlait en cas d'échec ou pas d'échec
32:21 de la réforme des retraites, mais on peut même parler
32:23 en cas d'atmosphère générale pour Emmanuel Macron,
32:25 soit ça commence, soit c'est compliqué pour la suite.
32:27 - Merci pour ce décryptage.
32:29 On a une semaine, on va observer ça forcément
32:31 sur LCP de très très près.
32:33 49-3 ou pas, adoption ou pas,
32:35 et que va devenir ce mouvement social ?
32:39 Elles sont là, les questions. Merci.
32:41 Merci d'avoir participé à ce débat.
32:43 Dans une dizaine de minutes, Gérald Brunner,
32:45 on va parler de votre livre dans un instant,
32:47 mais pour le moment, nos affrochis sont déjà prêts.
32:49 Vous les voyez, d'abord Yannis Roder,
32:51 au centre, bien entouré,
32:53 qui va revenir sur l'autocensure grandissante
32:55 des chefs d'établissement sur les attentes
32:57 à la laïcité, nouvelle histoire d'école à venir.
32:59 Et puis Chloé Riddell de l'Institut Rousseau
33:01 revient sur les reculs terribles des droits
33:03 des femmes dans le monde, pointé par l'ONU.
33:05 Enfin, Isabelle Lasserre va nous parler
33:07 de la situation en Géorgie
33:09 entre loi liberticide,
33:11 manifestations pro-européennes et influence russe.
33:13 Mais d'abord, comme prévu,
33:15 on se plonge dans votre livre, Gérald Brunner,
33:17 je le disais, essai personnel et réflexion théorique
33:19 sur la question des origines, au pluriel.
33:23 Pourquoi devient-on qui l'on est ?
33:25 On en parle juste après l'invitation
33:27 signée ce soir par Marco Pomier.
33:29 Si on vous invite, Gérald Brunner,
33:33 c'est parce que vous posez une question existentielle.
33:35 Pourquoi devient-on qui l'on est ?
33:37 Dans votre dernier livre,
33:39 vous interrogez vos origines.
33:41 Pour mieux comprendre votre identité,
33:43 faisons de vous l'objet d'études
33:45 de votre propre réflexion sociologique.
33:47 "Longtemps, je n'ai pas su de quel milieu je venais.
33:49 À un moment, j'ai compris,
33:51 ma famille et moi, nous étions pauvres."
33:53 Pauvres, mais pas malheureux.
33:55 Vous, le fils d'une femme de ménage
33:57 qui avait grandi dans une cité HLM de Nancy.
33:59 Adolescents, la culture, c'était la télévision, dites-vous.
34:01 Au cinéma, comme en littérature,
34:03 vos références sont populaires.
34:05 Excalibur, le seigneur des anneaux de Tolkien.
34:07 Vous, le fils d'une femme de ménage
34:09 qui avait grandi dans une cité HLM de Nancy.
34:11 Excalibur, le seigneur des anneaux de Tolkien.
34:13 De quoi expliquer peut-être
34:15 votre penchant pour le mystique.
34:17 "C'est pas quelque chose qui est totalement déraisonnable."
34:19 Que de chemins parcourus,
34:21 Gérald de Bronneur,
34:23 aujourd'hui sociologue, professeur à la Sorbonne,
34:25 membre de l'Académie nationale de médecine.
34:27 Les postes s'enchaînent,
34:29 les livres à succès aussi.
34:31 Une trajectoire
34:33 qui vous mènera jusqu'à l'Élysée,
34:35 enfin presque.
34:37 Spécialiste des phénomènes d'opinion,
34:39 vous avez présidé en 2021
34:41 une commission sur la désinformation
34:43 et le complotisme.
34:45 Ascension sociale fulgurante donc,
34:47 ce qui fait de vous un transclasse.
34:49 "Je me définis plutôt comme un
34:51 nomade social, tout simplement
34:53 parce que j'ai pas l'impression ni d'avoir trahi mon milieu d'origine."
34:55 Point de trahison,
34:57 ni de honte, pas de dolorisme
34:59 non plus, car ça vous irrite.
35:01 Dans votre bouche, aucun étalage
35:03 de douleur, de tristesse sur votre passé.
35:05 Quant au futur,
35:07 il ne peut se résumer
35:09 à nos origines sociales, dites-vous.
35:11 La biologie, notre socialisation
35:13 comptent aussi.
35:15 Sans oublier une part de mystère,
35:17 c'est votre thèse. Alors Gérald Debronner,
35:19 une question nous taraude ce soir.
35:21 Avez-vous enfin compris
35:23 pourquoi vous êtes devenu
35:25 ce que vous êtes ?
35:27 Réponse, Gérald Bronner.
35:29 - J'ai pas eu le choix de spoiler un peu le livre,
35:31 comme on dit, mais non, parce que c'est
35:33 évidemment toujours une quête qu'on cherche tous à mener.
35:35 Et...
35:37 qui nous conduit toujours à une forme d'échec.
35:39 La vraie question, c'est comment échouer
35:41 pas trop mal ? Je vais jamais
35:43 réussir vraiment à me rencontrer moi-même
35:45 parce que tout ce que je vais dire
35:47 de moi-même relève d'une fiction.
35:49 Je vais reconstruire un certain nombre d'éléments
35:51 et puis je vais choisir des éléments dans mon passé
35:53 pour me raconter une histoire. Seulement, il y a des histoires
35:55 plus fautives que d'autres. Ce que j'essaie
35:57 modestement de faire dans ce livre,
35:59 c'est de discuter
36:01 avec le lecteur, de savoir quels sont
36:03 les grands pièges narratifs qu'il faut éviter.
36:05 - On va y venir, mais cette question des origines,
36:07 elle n'avait pas de soi pour vous au début.
36:09 Elle s'est pas posée. Vous vous l'êtes pas posée.
36:11 Comment elle est venue ? Et comment vous avez
36:13 décidé finalement d'écrire ce livre ?
36:15 - Tout simplement, c'est la proposition d'un éditeur.
36:17 Jamais j'aurais écrit ce livre sans qu'Alexandre Lacroix,
36:19 qui est responsable de cette collection
36:21 et qui dirige aussi "Philosophie" magazine, vous savez,
36:23 me l'ait tout simplement
36:25 proposé. D'abord, au début, j'avais dit non
36:27 parce qu'on n'avait pas fixé un thème.
36:29 Et la spécificité de la collection, c'est d'abord
36:31 d'écrire un thème en se dévoilant un peu soi-même.
36:33 Un peu d'analytique, un peu d'autobiographie.
36:35 J'étais pas tellement chaud,
36:37 comme on dit, pour le faire. - Mais vous dites que c'est
36:39 la question de la destination qui vous habitait
36:41 davantage. Qu'est-ce que je vais
36:43 devenir ? Où je vais aller ? Plus
36:45 que la question de "Où je viens ?"
36:47 - Tout à fait. - Au fond, vous dites même
36:49 que vous êtes dans un milieu
36:51 très modeste, vous êtes
36:53 fils de femme de ménage, vous avez grandi
36:55 dans un HLM près de Nancy,
36:57 mais que vous étiez dans un environnement
36:59 joyeux, plutôt heureux,
37:01 et qu'au fond, vous avez découvert
37:03 par les autres que vous étiez pauvre.
37:05 - Oui, mais comme beaucoup, d'ailleurs, parce qu'on ne se comprend
37:07 soi-même qu'en se comparant aux autres.
37:09 Quand vous fréquentez des enfants de milieux très
37:11 modestes comme vous, vous imaginez pas d'abord
37:13 que vous êtes pauvre. Cette
37:15 constatation, elle vient progressivement
37:17 quand vous accédez au lycée,
37:19 ce qui n'était pas encore si fréquent à mon époque,
37:21 que vous allez vers le baccalauréat,
37:23 vous rencontrez des enfants
37:25 dont les parents sont médecins,
37:27 ingénieurs, ils partent en vacances
37:29 au sport d'hiver, par exemple,
37:31 ils reviennent bronzés, ça, je me souviens.
37:33 Ils avaient des marques blanches, je ne comprenais pas
37:35 exactement à quoi ça correspondait, et les vêtements de marque,
37:37 ça compte beaucoup quand on est adolescent,
37:39 en termes de distinction, tout ça,
37:41 je l'ai appris progressivement, et a fortiori,
37:43 quand je suis devenu professeur d'université,
37:45 il y a pas mal d'universitaires qui viennent de milieux
37:47 plutôt aisés, j'ai découvert
37:49 d'autres mondes sociaux, mais sans, en effet,
37:51 chercher à faire avouer
37:53 au passé un certain
37:55 nombre de choses. -La question des transclasses
37:57 est très présente, vous dites "nobelle sociale",
37:59 mais pas trop, cette expression,
38:01 elle est présente dans les récits littéraires,
38:03 elle est présente au cinéma, celle
38:05 qui, au fond, la représente
38:07 le mieux, cette question, c'est Annie Ernaux,
38:09 prix Nobel de littérature, il y a d'autres écrivains,
38:11 on pense à Didier Ribond aussi, Édouard Louis,
38:13 leur récit traduit
38:15 au fond ce que vous appelez
38:17 l'obsession narrative doloriste.
38:19 Qu'est-ce que c'est ? -C'est ce qui m'a frappé
38:21 quand je me suis mis à écrire ce livre,
38:23 plongeant cette littérature, et ça a été tout à fait frappant,
38:25 ce doloriste, c'est-à-dire
38:27 une forme d'exaltation de la douleur,
38:29 c'est-à-dire qu'on ne se raconte soi-même
38:31 qu'en mettant en avant un certain nombre
38:33 d'éléments, dont je ne conteste pas la réalité,
38:35 ni même les affects, c'est pas ça
38:37 qui m'intéresse, mais en tant que sociologue,
38:39 et en particulier sociologue des croyances,
38:41 et donc des fictions, des narrations,
38:43 je me suis demandé comment se fait-il
38:45 que cette littérature,
38:47 finalement, qui décrit des ascensions sociales,
38:49 elle existe depuis
38:51 le XIXe siècle, et on a des figures
38:53 au XXe siècle, songeant à Albert Camus,
38:55 tout simplement, et il y en a beaucoup d'autres,
38:57 et comment se fait-il que cette littérature-là
38:59 n'ait pas mis en avant ses affects et que tout à coup,
39:01 il y a une forme de mode qui surgisse
39:03 et qui évoque
39:05 sans cesse... -La honte.
39:07 -Le terme revient sans cesse,
39:09 d'ailleurs, même à un roman, Daniel Hernon,
39:11 qui s'appelle "La honte", et quand Chantal Jacquet,
39:13 qui est d'ailleurs celle qui a inventé le terme
39:15 "transclasse", réunit un certain nombre de personnes
39:17 dans un livre collectif paru au Presse-Universitaire de France,
39:19 que je me suis empressé de lire,
39:21 eh bien, pour parler
39:23 des transclasses, ce sont des transclasses
39:25 qui parlent d'eux-mêmes, souvent des universitaires, des chercheurs,
39:27 le terme de "honte" revient sans cesse.
39:29 -Honte et culpabilité. -Absolument.
39:31 Or, moi, je ne ressentais pas du tout cela,
39:33 personnellement, plutôt de la fierté,
39:35 ce qui peut paraître
39:37 très banal, mais j'essaye d'être sincère,
39:39 c'est pour ça que j'ai failli renoncer à écrire ce livre,
39:41 parce que tout au long de l'écriture, je me demandais
39:43 est-ce que j'arriverais à être sincère jusqu'au bout ?
39:45 Alors, c'est pas à moi de le dire, mais je suis allé jusqu'au bout de ce livre,
39:49 et je me suis dit que cette mode narrative,
39:51 cette obsession narrative,
39:53 elle avait un sens,
39:55 en réalité, elle ne vient pas de n'importe où,
39:57 ce sont tous les gens
39:59 que vous avez évoqués, Ribon,
40:01 Édouard Louis, et en particulier Annie Arnault,
40:03 sont des lecteurs de Pierre Bourdieu,
40:05 des électeurs, des admirateurs,
40:07 moi aussi, j'admire une partie, en tout cas,
40:09 de son oeuvre, c'est un très grand sociologue,
40:11 et effectivement, elle parle
40:13 de révélations ontologiques,
40:15 de chocs ontologiques, Annie Arnault,
40:17 en lisant Bourdieu,
40:19 et du coup, effectivement,
40:21 quand vous changez de classe sociale,
40:23 c'est un peu, par votre expérience,
40:25 une négation, ou moins une altération
40:27 de la grande thèse de Bourdieu
40:29 de la reproduction sociale, qui reste vraie statistiquement,
40:31 bien entendu, vous avez moins de chances de réussir
40:33 dans la vie, professionnellement,
40:35 si vous venez d'un milieu modeste que si vous venez d'un milieu favorisé.
40:37 Et on a l'impression qu'il cherche
40:39 à s'excuser d'apporter une contradiction
40:41 à cette thèse, alors donc, oui,
40:43 ils ont traversé les mondes sociaux, mais ils s'en excusent,
40:45 en quelque sorte, et ils s'en excusent
40:47 en exhibant une forme de douleur.
40:49 -Mais qu'est-ce que ce récit,
40:51 alors doloriste, que vous décrivez,
40:53 cette obsession des doloristes, dit de l'époque ?
40:55 Vous dites même que c'est le discours,
40:57 le récit dominant, aujourd'hui.
40:59 -C'est un récit dominant par sa visibilité,
41:01 mais il est certainement, par mon avis,
41:03 représentatif de la part des transclasses.
41:05 Oui, il est dominant par la notoriété
41:07 de ceux qui le servent, jusqu'à un prix Nobel,
41:09 mais ça ne touche pas du tout de la qualité littéraire.
41:11 Je ne suis pas apte à faire cela.
41:13 Mais en effet, on a l'impression qu'aujourd'hui,
41:15 j'espère jusqu'à mon livre, en tout cas,
41:17 les transclasses, pour prendre la parole
41:19 dans l'espace public, se sentaient obligées
41:21 d'exhiber cette honte, sinon, ils n'étaient pas légitimes.
41:23 Depuis que j'ai publié ce livre,
41:25 j'ai reçu des centaines de témoignages,
41:27 parce que je ne porte pas la parole
41:29 de personne, je ne porte pas la parole
41:31 des transclasses, certainement pas,
41:33 mais de gens qui se prétendent des transclasses,
41:35 qui me racontent leur vie, c'est assez émouvant,
41:37 tout à fait, bien plus que le mien,
41:39 et qui me disent "merci",
41:41 tout simplement, parce que
41:43 votre parole m'a soulagé,
41:45 en fait. Ça pesait
41:47 sur leurs épaules, en fait, comme un couvercle
41:49 lourd, ce récit doloriste.
41:51 - Donc, il y a, vous m'avez dit,
41:53 vous donnez un petit coup de pied
41:55 à cette façon de... Ce récit,
41:57 ce narratif-là.
41:59 Freud, aussi,
42:01 vous considérez qu'on a quelque chose
42:03 un peu d'obsédé,
42:05 d'obsessionnel, avec l'idée
42:07 qu'on ramènerait tout
42:09 à notre histoire familiale,
42:11 aux injonctions parentales...
42:13 - Oui, mais ça met en scène, que ce soit
42:15 la psychanalyse, encore une fois, c'est pas une attaque réglée
42:17 contre la psychanalyse, mais en termes narratifs,
42:19 ça met en scène la grande erreur qu'il ne faut pas commettre.
42:21 Et parlons-en, quelle est
42:23 cette grande erreur narrative qu'il ne faut pas commettre
42:25 quand on cherche à se rencontrer soi-même ?
42:27 C'est d'indexer l'intégralité
42:29 de sa personnalité sur une seule variable,
42:31 de faire tenir la complexité de ce que nous sommes,
42:33 de ce que nous sommes devenus...
42:35 - Le principe moteur qui expliquerait tout.
42:37 - C'est normal de le faire. On va chercher,
42:39 par exemple, dans la psychanalyse,
42:41 quelques traumas qui expliqueraient
42:43 l'intégralité de notre vie.
42:45 Mais seulement dans la vraie vie. Ça arrive dans les fictions.
42:47 Toutes les fictions sont basées là-dessus.
42:49 Quand vous avez le héros d'une série télé ou d'un film,
42:51 s'il a une personnalité un petit peu
42:53 fragile ou bancale,
42:55 on cherche à l'élucider... - Ça vient de l'enfance.
42:57 - Ça vient toujours d'un trauma.
42:59 C'est le côté "Rosbud", vous savez, on voit déjà ça.
43:01 - Ça vient de la mère, ça vient du père, alors que vous,
43:03 vous dites "attention, on doit beaucoup
43:05 aussi à nos pères, P-A-I-R-S".
43:07 - Ce que nous sommes, c'est éminemment multifactoriel.
43:09 Bien sûr que nos parents,
43:11 leur catégorie sociale, ça a une influence
43:13 sur ce que nous allons devenir en termes de statistiques
43:15 et de probabilités, mais les études
43:17 le montrent, les amis,
43:19 les premiers sers que nous rencontrons
43:21 au bas de nos immeubles, pour moi,
43:23 ou même dans les collèges, dans les lycées,
43:25 notre groupe de pères, P-A-I-R-S,
43:27 a une énorme influence.
43:29 On le sait, par exemple, parce que,
43:31 tout simplement, les accents,
43:33 on peut conserver l'accent de ses parents,
43:35 c'est le cas chez les hispanophones aux Etats-Unis,
43:37 on conserve l'accent hispanophone,
43:39 mais pas chez les russophones.
43:41 Pourtant, eux aussi ont des parents qui ont un accent,
43:43 mais simplement parce que les russophones
43:45 fréquentent moins de russophones que les hispanophones
43:47 de fréquentent d'hispanophones.
43:49 Voilà comment on reproduit un certain nombre d'éléments.
43:51 - Je voudrais qu'on parle du mérite,
43:53 parce que cette question, au fond,
43:55 on est des efforts,
43:57 du travail,
43:59 de ce qu'on a accompli.
44:01 Vous le battez en brèche, vous dites que la méritocratie
44:03 n'a pas tenu ses promesses,
44:05 que c'est une fiction.
44:07 On le voit bien, la France produit des inégalités,
44:09 et c'est un record en Europe,
44:11 mais en même temps, vous dites
44:13 que cette fiction, il faut la conserver
44:15 parce qu'elle est utile. Pourquoi ?
44:17 - C'est une fiction utile, comme toute chose,
44:19 il faut voir les alternatives.
44:21 Les alternatives à cette fiction,
44:23 ce sont d'autres fictions,
44:25 comme le fatalisme social,
44:27 c'est-à-dire que tu n'as aucune chance de réussir,
44:29 qui imprègne aussi un certain nombre
44:31 notamment de jeunes
44:33 de quartiers modestes,
44:35 on le voit dans le rap, j'en donne quelques exemples,
44:37 et là, ça, c'est assez terrible
44:39 parce que ça peut devenir des prophéties
44:41 autoréalisatrices. Je donne un exemple
44:43 qui est issu des travaux d'un anthropologue
44:45 sur les achantis du Ghana,
44:47 c'est une population
44:49 qui croit que
44:51 les gens sont déterminés par leur jour de naissance,
44:53 ils leur donnent un prénom particulier,
44:55 ils disent que ceux qui sont nés le lundi
44:57 sont plus vertueux que ceux qui sont nés le vendredi.
44:59 Or, dans les statistiques des tribunaux,
45:01 cette croyance est confirmée, on trouve beaucoup plus de gens
45:03 qui ont ce prénom et qui sont nés le vendredi.
45:05 Sauf si vous croyez à la puissance des prénoms,
45:07 ce qui n'est pas mon cas, vous ne pouvez pas imaginer
45:09 autre chose que le fait d'un certain fatalisme
45:11 social, il va devenir
45:13 une forme de prophétie autoréalisatrice.
45:15 Je pense qu'il ne faut pas prendre les gens
45:17 pour des idiots, la statistique est
45:19 comme une mère cruelle, mais qu'il faut écouter.
45:21 En effet, il y a une reproduction
45:23 des inégalités dans notre pays,
45:25 comme dans beaucoup d'autres pays, mais cependant,
45:27 les alternatives
45:29 narratives sont bien pires.
45:31 Quand je parle de fiction
45:33 pour l'améritocratie, c'est pas moi qui le dis,
45:35 c'est François Dubé, un meilleur spécialiste de moi
45:37 de ces questions, il parle de fiction nécessaire.
45:39 Je lui reprends cette expression.
45:41 -En tout cas, c'est passionnant,
45:43 cette question des origines.
45:45 Il y a beaucoup de choses à dire aussi sur l'école.
45:47 Malheureusement, on n'a pas le temps, je vais renvoyer les lecteurs.
45:49 Vous parlez de diplômanie,
45:51 l'obsession de la reconnaissance par le diplôme.
45:53 Il y a tout à changer là-dessus.
45:55 Pourquoi devient-on qui l'on est ?
45:57 C'est donc aux éditions
45:59 "Les grands mots autrement" et c'est signé
46:01 Gérald Brunner. Vous restez avec moi ?
46:03 -Volontiers. -On va accueillir nos affranchis
46:05 à présent, leur partie prête tout de suite.
46:07 C'est à vous.
46:09 (Musique)
46:11 Alors, trois affranchis ce soir.
46:13 Yannick Frobert, "Une nouvelle histoire d'école",
46:15 on y vient dans un instant.
46:17 Et puis, mademoiselle Chloé Riddell,
46:19 qu'on est ravis de retrouver de l'Institut Rousseau
46:21 qui nous parle du droit des femmes
46:23 et la situation en Georgie ce soir
46:25 avec Isabelle Lasserre. Yannis, on commence par vous.
46:27 Vous revenez sur une étude
46:29 sortie hier sur la laïcité
46:31 qui vous a particulièrement interpellée.
46:33 -Oui, Myriam.
46:35 L'information la plus saisissante du sondage
46:37 du SNPDEN, le principal syndicat
46:39 des chefs d'établissement,
46:41 nous montre que les chefs d'établissement sont
46:43 42 % à avoir constaté le port
46:45 de tenues religieuses au sein de leur établissement
46:47 mais qu'ils sont 43 %, donc
46:49 près d'un sur deux, à ne pas les
46:51 signaler. Ces atteintes à la laïcité
46:53 passent donc sous les radars du
46:55 ministère. Selon l'étude,
46:57 les chefs d'établissement manquent de temps
46:59 mais se méfient aussi des réactions de leur hiérarchie,
47:01 le fameux "pas de vague", si vous voulez,
47:03 régulièrement dénoncés. Ils sont
47:05 également 37 % à ne pas
47:07 signaler les contestations de cours au nom de
47:09 vérités religieuses et 71 %,
47:11 chiffre impressionnant, à ne pas
47:13 signaler des évitements par les élèves de
47:15 cours d'EPS et notamment de natation
47:17 pour des raisons également religieuses.
47:19 Cela signifie en réalité que les chiffres
47:21 du ministère, qui, rappelons-le
47:23 et le ministre le dit lui-même, ne sont
47:25 pas des statistiques car ils sont basés sur des
47:27 déclarations, ne nous donnent que des tendances
47:29 et non pas un état des lieux. - Alors, quel est-il
47:31 cet état des lieux selon vous, réellement ?
47:33 - Il est plutôt inquiétant, Myriam, car
47:35 ces questions, si elles restent concentrées
47:37 dans les métropoles et leurs banlieues et davantage,
47:39 bien sûr, dans les établissements en réseau d'éducation
47:41 prioritaire, et les fameux REP qu'ailleurs,
47:43 prennent de l'ampleur et s'étendent.
47:45 De plus, ce sondage, issu de l'intérieur
47:47 même de l'Éducation nationale,
47:49 puisque ce sont les chefs d'établissement, vient corroborer
47:51 d'autres études qui, depuis 2018,
47:53 vont toutes dans le même sens et montrent
47:55 une aggravation de la situation sur le terrain.
47:57 La dernière enquête IFOP, sortie lundi
47:59 6 mars, donc il y a quelques jours, nous apprend par exemple
48:01 que 44 % des enseignants ont déjà observé
48:03 un problème lié à une question
48:05 religieuse depuis septembre 2021
48:07 et 30 % des
48:09 enseignants de REP disent avoir été
48:11 victimes d'une agression physique liée à
48:13 des tensions de nature religieuse ou identitaire au coup de
48:15 leur carrière. Un taux ahurissant.
48:17 Et que fait le gouvernement ? Le ministère de l'Éducation
48:19 nationale a pris l'ampleur
48:21 du phénomène. Il me semble, le ministre a
48:23 pris une circulaire le 9 novembre dernier pour venir
48:25 au soutien des chefs d'établissement, mais aussi pour
48:27 insister sur la nécessité de
48:29 former et former en priorité
48:31 les personnels de direction à ces questions de laïcité.
48:33 Bon, alors, vous,
48:35 vous en pensez quoi, Yanis ? Moi, je pense, Myriam,
48:37 que cette mesure, cette circulaire
48:39 du 9 novembre, elle est très importante, mais que le problème
48:41 est profond. Et que si former tous les personnels
48:43 est essentiel, évidemment, il faut aussi
48:45 redonner à l'école et aux métiers d'enseignants
48:47 toute leur dimension. Il faut
48:49 dire que l'école n'est pas seulement le lieu de l'instruction,
48:51 mais qu'elle est aussi le lieu de la
48:53 construction républicaine. Il faut donc
48:55 repolitiser, au sens noble et non
48:57 partisan du terme, évidemment, la mission
48:59 enseignante, pour voir à nouveau répondre
49:01 à ce que nous disait le grand
49:03 pédagogue et homme politique Ferdinand Buisson,
49:05 "Le rôle de la République,
49:07 c'est de faire des Républicains."
49:09 Merci. Il reste optimiste, Yanis Roder,
49:11 vous l'êtes, vous ? Je suis inquiétant.
49:13 Quand vous voyez cette autocensure sur les signalements
49:15 à la laïcité, aux atteintes ?
49:17 C'est très inquiétant, en effet.
49:19 Il y a probablement un effet de sous-déclaration
49:21 qui vient montrer dans cette enquête. Il y a d'autres
49:23 enquêtes qui montrent, par exemple, que la contestation
49:25 de la théorie de l'évolution, à laquelle je suis très
49:27 attaché, elle est très
49:29 prédite aussi par des variables religieuses,
49:31 tout simplement, sur les déclarations des élèves,
49:33 qui ont un attachement à tel ou tel type de religion.
49:35 Cela prédit, avec des écarts statistiques
49:37 extrêmement significatifs,
49:39 la contestation d'un certain nombre de vérités
49:41 scientifiques. Il ne s'agit pas de théorie,
49:43 il s'agit de vérités scientifiques.
49:45 Ça pose problème, parce qu'il y a non seulement
49:47 des ruptures de type économique,
49:49 mais ça peut être aussi des ruptures cognitives.
49:51 C'est-à-dire qu'on peut finir par vivre dans la même
49:53 société, mais pas tout à fait dans le même monde.
49:55 Bon. Allez, on va
49:57 y croire, quand même. Chloé,
49:59 vous vouliez nous parler de la déclaration
50:01 du chef de l'ONU
50:03 et de ce rapport sur l'égalité entre
50:05 les femmes et les hommes, entre
50:07 les genres, à l'occasion
50:09 de la journée de la femme. Absolument.
50:11 C'est l'organisation ONU Femmes qui a publié hier
50:13 un rapport qui est assez alarmant, puisqu'il estime
50:15 que l'objectif d'égalité entre les femmes et les hommes
50:17 dans le monde s'éloigne de plus en plus.
50:19 Et Antonio Guterres, qui est secrétaire général
50:21 des Nations Unies, parle même de régression.
50:23 Il dit que le progrès effectué depuis des
50:25 décennies disparaît sous nos yeux.
50:27 Et il donne ce chiffre, un peu étrange.
50:29 Il dit qu'au rythme actuel, l'égalité entre
50:31 les femmes et les hommes ne sera pas atteinte avant
50:33 300 ans. Alors, pour l'ONU,
50:35 cela constitue une menace pour le développement humain,
50:37 évidemment, pour l'écologie
50:39 et pour la sécurité.
50:41 Oui, parce que l'égalité des genres, ce n'est
50:43 pas seulement un droit fondamental, ce n'est pas seulement
50:45 un impératif de justice, c'est aussi
50:47 un principe nécessaire pour l'instauration
50:49 d'un monde prospère, pacifique
50:51 et durable. Ce sont les termes de l'ONU.
50:53 Prospère, parce qu'il est largement démontré que l'égalité
50:55 d'accès aux fonctions économiques,
50:57 professionnelle entre les femmes et les hommes,
50:59 favorise le développement d'une société, améliore
51:01 le taux d'emploi et aussi la productivité.
51:03 Mais aussi, le machisme,
51:05 l'absence d'égalité entre les
51:07 femmes et les hommes, en plus d'être révoltante, c'est quelque chose
51:09 qui coûte énormément à la société,
51:11 aux finances publiques, aux systèmes de santé,
51:13 de police, de justice. Et rien qu'en France,
51:15 l'ONU estime que
51:17 les inégalités entre les femmes et les hommes coûtent
51:19 118 milliards d'euros chaque année.
51:21 L'égalité entre les femmes et les hommes,
51:23 c'est aussi le gage d'un monde plus écologique
51:25 et il y a eu cette étude publiée cette semaine
51:27 par la Banque de France,
51:29 qui montre notamment que les femmes sont moins
51:31 consommatrices de viande, de carburant,
51:33 qui sont deux sources de pollution majeures,
51:35 et qu'elles sont plus sensibles aux partices écolos.
51:37 Ça se remarque dans la sphère privée,
51:39 que ce soit au niveau du régime alimentaire,
51:41 des loisirs ou encore du mode de transport.
51:43 Les femmes génèrent généralement moins de gaz
51:45 à effet de serre que les hommes, mais c'est aussi vrai
51:47 en entreprise, puisque quand les femmes accèdent
51:49 aux responsabilités, elles vont plus souvent
51:51 mener l'entreprise vers des pratiques environnementales
51:53 plus vertueuses. - Et l'égalité entre les femmes
51:55 et les hommes garantit aussi la paix dans le monde ?
51:57 - Je voudrais insister sur ce point,
51:59 parce que je crois qu'on en parle encore trop peu,
52:01 pourtant, alors que l'Europe est le théâtre d'une guerre,
52:03 il devrait nous intéresser ce point-là,
52:05 parce qu'on voit bien qu'il existe un continuum
52:07 entre la violence patriarcale et la violence
52:09 des relations internationales, entre le virilisme
52:11 et la guerre comme moyen de parvenir
52:13 à ses fins. Il y a bien évidemment
52:15 sous nos yeux l'exemple de Vladimir Poutine
52:17 qui mobilise une rhétorique
52:19 masculiniste vis-à-vis de l'Ukraine.
52:21 Il avait parlé de l'Ukraine en ces termes
52:23 en disant que tu le veuilles ou non, ma jolie,
52:25 tu devras t'y faire. Donc c'est une sorte
52:27 de logique, l'Ukraine se détourne de moi,
52:29 choisit l'Europe, donc je la tue.
52:31 À ce propos, hier, une diplomate française
52:33 qui est ambassadrice de France auprès
52:35 de l'OTAN, parlait d'une
52:37 culture géopolitique du viol.
52:39 Et je crois qu'elle a parfaitement raison,
52:41 puisque la culture du viol, dont on parle beaucoup,
52:43 existe aussi dans les relations entre
52:45 pays. Alors en mettant fin
52:47 au virilisme, au patriarcat, en arrivant
52:49 à l'égalité des droits entre les genres
52:51 à l'échelle mondiale, en faisant en sorte que les femmes
52:53 accèdent aux responsabilités politiques partout dans le monde,
52:55 on contribuera, oui, à pacifier
52:57 les relations internationales, et nous en avons
52:59 tellement besoin pour lutter contre le
53:01 réchauffement climatique, là aussi.
53:03 Les chiffres de l'organisation ONU Femmes
53:05 sont assez éclairants, puisqu'il est prouvé
53:07 que la participation des femmes aux négociations
53:09 de paix aboutit à des paix plus
53:11 stables, plus durables.
53:13 On a aussi remarqué, en étudiant les données de
53:15 153 pays de 1990 à 2019,
53:17 qu'il existait un lien fort
53:19 entre la militarisation d'une société
53:21 et les inégalités de genre.
53:23 Donc, pour résumer, climat,
53:25 paix, féminisme, tout cela est lié.
53:27 Et l'égalité de droits entre les femmes
53:29 et les hommes, partout dans le monde, ça n'est pas seulement
53:31 un impératif de justice, une vertu économique
53:33 ou encore un intérêt écologique. - C'est l'intérêt de tout.
53:35 - C'est aussi une de nos meilleures garanties de sécurité.
53:37 - Un commentaire, une réaction.
53:39 Qu'est-ce qu'on attend pour
53:41 mettre des femmes partout ?
53:43 - Oui, enfin, il faudrait regarder tous
53:45 ces chiffres en détail, pour être tout à fait honnête,
53:47 parce que corrélation n'est pas causalité,
53:49 mais oui, en tout cas, c'est un combat
53:51 absolument essentiel pour l'avenir de notre
53:53 espèce, tout simplement.
53:55 - Notre espèce, à un moment où, dans le monde,
53:57 elle recule terriblement. Iran,
53:59 Afghanistan, et j'en passe. Merci, Chloé.
54:01 Isabelle, direction
54:03 la Géorgie. Que pays que vous
54:05 connaissez bien. Il y a
54:07 des grosses manifestations,
54:09 il y a une loi liberticide qui a failli
54:11 être
54:13 adoptée, mais qui a été
54:15 retirée. Qu'est-ce qui se passe
54:17 dans ce pays qui s'enflamme à nouveau ?
54:19 - Écoutez, il pourrait se passer
54:21 la même chose qu'en Ukraine. Vous vous souvenez,
54:23 Myriam, en 2014, à Maïdan,
54:25 c'était l'association avec l'Union
54:27 européenne qui avait provoqué ces
54:29 énormes manifestations et qui avait chassé
54:31 le pouvoir prorusse de Kiev.
54:33 Et bien, Adbilissis et autre chose,
54:35 c'est une loi qui s'appelle la loi
54:37 contre les agents étrangers, qui a précipité
54:39 dans la rue des dizaines de milliers
54:41 de manifestants. Ils ont été assez
54:43 violemment réprimés par la police.
54:45 Alors, qu'est-ce qu'elle dit, cette loi ? Elle dit que
54:47 toutes les organisations, toutes les ONG
54:49 financées à au moins 20%
54:51 par des fonds étrangers
54:53 doivent s'inscrire comme étant
54:55 une organisation
54:57 des agents de l'étranger.
54:59 Alors, concrètement, ça veut dire qu'on peut
55:01 les fermer, les faire
55:03 taire, et puis concrètement, aussi,
55:05 ça permet d'empêcher
55:07 de manière préventive le rapprochement
55:09 de la Georgie à l'Union européenne.
55:11 - Donc, ils sont descendus dans la rue,
55:13 on a vu des drapeaux européens, les Georgiens.
55:15 Le pouvoir a retiré cette loi. La crise,
55:17 elle, n'est pas terminée. - Elle n'est pas terminée
55:19 parce que les revendications des manifestants
55:21 sont en fait beaucoup plus larges,
55:23 c'est-à-dire qu'ils protestent contre la politique
55:25 prorusse menée par
55:27 le pouvoir georgien depuis
55:29 plusieurs années, depuis que le parti
55:31 Le rêve georgien a gagné les élections
55:33 en 2012.
55:35 Elle est orchestrée dans l'ombre,
55:37 cette politique prorusse, par un oligarque
55:39 qui s'appelle Bidzina Ivanichvili,
55:41 qui est un oligarque proche du Kremlin
55:43 et qui possède à peu près 40%
55:45 du PIB de la Georgie.
55:47 Il tient dans sa main tous les responsables politiques,
55:49 y compris la présidente Salome Zorabichvili,
55:51 qui a d'ailleurs un passeport français
55:53 puisque c'est une ancienne diplomate
55:55 française, et qui est devenue sa marionnette.
55:57 Alors, depuis qu'il est arrivé au pouvoir,
55:59 Le rêve georgien
56:01 a remis en cause la plupart
56:03 des réformes pro-européennes
56:05 et pro-démocratiques qui avaient été
56:07 mises en place par l'ancien président
56:09 Misha Sakhajvili,
56:11 qui avait été élu à la suite
56:13 déjà d'une première révolution, la révolution
56:15 des roses,
56:17 en 2003. Et depuis,
56:19 on voit aussi que depuis
56:21 le début de la guerre en Ukraine, en fait, la Georgie
56:23 ne soutient absolument pas l'Ukraine.
56:25 Elle n'a pas appliqué
56:27 les sanctions
56:29 décidées par l'Occident
56:31 contre la Russie. Elle jette
56:33 ses opposants et les dissidents en prison.
56:35 D'ailleurs, l'ancien président Misha Sakhajvili,
56:37 il croupit depuis octobre
56:39 2021, et aujourd'hui, sa santé est tellement
56:41 mauvaise qu'on craint d'ailleurs pour sa vie.
56:43 Oui, alors, ça veut dire quoi
56:45 pour la suite ? La Georgie pourrait connaître le même sort
56:47 que l'Ukraine ? Alors, peut-être,
56:49 oui. C'est-à-dire que comme l'Ukraine,
56:51 la Georgie est occupée, 20 % de son
56:53 territoire, à peu près, est occupée
56:55 par les forces russes, et comme
56:57 en Ukraine, en fait, la population
56:59 est majoritairement pro-européenne.
57:01 Les sondages la donnent à
57:03 85 % pro-européenne.
57:05 Alors, elle voit, cette population, petit
57:07 à petit, ses rêves de démocratie
57:09 et de rapprochement avec l'Union européenne
57:11 s'évaporer sous la pression du
57:13 pouvoir pro-russe, parce que
57:15 en juin 2022,
57:17 les trois pays qui avaient
57:19 fait acte de candidature
57:21 à l'Union européenne, c'est-à-dire la Moldavie,
57:23 l'Ukraine et la Georgie,
57:25 eh bien, l'Ukraine
57:27 et la Moldavie ont eu
57:29 un oui de l'Union européenne, et la Georgie
57:31 un non, parce que
57:33 l'Europe a constaté ses reculs
57:35 démocratiques. Alors, depuis,
57:37 comme en Ukraine, d'ailleurs,
57:39 comme à Maïdan, depuis le début de la semaine,
57:41 les manifestants, quand ils manifestent,
57:43 brandissent à la fois des drapeaux georgiens,
57:45 des drapeaux ukrainiens, ça, c'est nouveau,
57:47 mais aussi des drapeaux avec
57:49 les étoiles de l'Europe.
57:51 Ils aimeraient suivre l'exemple
57:53 de l'Ukraine. Alors, on verra dans les prochains jours,
57:55 parce que, et là, c'est vraiment
57:57 un problème pour la Georgie,
57:59 mais l'opposition georgienne est
58:01 extrêmement divisée. Alors, on va voir
58:03 si elle va avoir le courage des Ukrainiens
58:05 et manifester pendant plusieurs mois,
58:07 ou si cette révolte,
58:09 au lieu d'être une révolution, ne sera
58:11 qu'un feu de paille.
58:13 - Gérald Brunner, vous pensez que
58:15 l'exemple ukrainien peut
58:17 essaimer dans d'autres
58:19 pays, comme la Georgie, qui avait, avec sa
58:21 cacheville, on s'en souvient, déjà fait sa
58:23 propre révolution ? - Les deux sont peut-être
58:25 pas décorrélées. Ce qu'on espère
58:27 pour la Georgie, c'est que l'exemple ukrainien
58:29 la protégera, en quelque sorte, parce que
58:31 ce serait une drôle d'aventure de
58:33 recommencer les choses ou de la mener en parallèle,
58:35 par exemple, pour la Russie.
58:37 Mais j'avoue que j'écoute avec intérêt et
58:39 avec grande incompétence ce que
58:41 a dit votre experte sur le sujet.
58:43 - Isabelle Lassère, du Figaro, correspondante
58:45 diplomatique du Figaro,
58:47 Yanis Roder et ses histoires d'école,
58:49 enseignant en Seine-Saint-Denis, en histoire,
58:51 et Chloé Riddel, de l'Institut Roceau.
58:53 Merci à vous. Merci, Gérald Bronner,
58:55 de nous avoir accompagnés ce soir.
58:57 Les origines, pourquoi devient-on qui l'on est ?
58:59 C'est à lire dans la collection
59:01 "Les grands mots autrement".
59:03 Très belle soirée documentaire qui commence maintenant
59:05 avec Jean-Pierre Gratien. A demain.
59:07 (Générique)
59:09 ---

Recommandée