État de santé - Handicap : la France est-elle validiste ?

  • l’année dernière
Invisibilisées, présentées comme des causes caritatives ou, au contraire, des héros inspirants, les personnes en situation de handicap dénoncent de plus en plus le "validisme" de la société française. Ce terme, connu des universitaires et des militants depuis plusieurs décennies, a récemment fait son apparition dans le débat public. Il désigne un rapport de domination qui discrimine tout ce qui contrevient à la norme du sain, de l'absence de maladie ou d'infirmité.
Des associations prennent la parole pour réclamer un changement de paradigme, vers une société plus adaptée à la différence. En effet, moins de 1% des personnes passées à la télévision en 2020 étaient perçues comme handicapées. Pourtant, près de 20% de la population française est en situation de handicap. Et malgré une augmentation de la scolarisation des enfants concernés en milieu ordinaire, en 2021, 20% des saisines de la Défenseure des droits relatives aux droits de l'enfant concernaient des difficultés d'accès à l'éducation d'élèves en situation de handicap.
Alors, le regard sur le handicap a-t-il vraiment changé ? Comment rendre à ces personnes leur droit à l'autonomie ? Nous poserons ces questions à Céline Extenso, cofondatrice du collectif handi-féministe Les Dévalideuses.

La santé figure au premier rang des préoccupations des Français et au coeur de tous les grands débats politiques et sociétaux.

L'organisation des soins, le service public hospitalier, mais aussi le mal de dos, les allergies, la bioéthique ou encore la nutrition... Sur LCP, Elizabeth Martichoux explore chaque mois un thème de santé publique.

Entre reportages, interviews de professionnels de santé, de personnalités politiques mais aussi de patients, ce rendez-vous aborde tous les maux d'une problématique de santé, ses enjeux, les avancées et les nouveaux défis pour mieux vivre demain !

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Transcription
00:00 LCP Assemblée nationale, en partenariat avec MGEN Mutuelle Santé Prévoyance présente État de Santé
00:10 Musique de générique
00:38 Près de 20% de la population française est en situation de handicap.
00:42 Mais la société peine à inclure ces personnes qui vivent de nombreuses discriminations au quotidien par rapport aux personnes valides.
00:49 C'est ce qu'on appelle le validisme.
00:52 Exemple le plus flagrant, la scolarisation, un véritable parcours du combattant.
01:01 On a même peur d'avoir absolument personne pendant les premiers mois de l'année et donc de se retrouver dans une situation où Martin ne serait pas accompagné du tout.
01:08 Même difficulté du côté du logement. L'accueil en institution collective est encore trop souvent le modèle dominant.
01:16 Les associations voudraient davantage de choix et reprochent à ces structures d'isoler plutôt qu'inclure.
01:22 Mais des alternatives comme l'habit à partager commencent à voir le jour.
01:28 Je reprends aussi vraiment cette notion de vraiment être chez moi et pouvoir entrer et sortir comme bon me semble.
01:37 Alors comment faire pour que les personnes en situation de handicap puissent participer sans barrière à la vie sociale ?
01:45 La France est-elle validiste ? C'est le thème de ce numéro d'État de Santé.
01:49 Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau numéro d'État de Santé.
01:57 Je pense que vous avez déjà entendu parler du validisme.
02:00 Non, c'est normal. C'est un terme encore très peu connu, très peu répandu, mais qui va progressivement s'imposer dans le débat public.
02:08 Pour faire court, le validisme c'est la conception qui consiste à penser que le handicap ne permet pas de vivre par nature comme les autres.
02:19 Bonjour Céline Extensaud, merci beaucoup d'être avec nous.
02:23 Nous allons beaucoup s'arrêter sur cette notion parce qu'elle est très intéressante.
02:27 Elle bouscule vraiment la façon dont on pense le handicap.
02:32 Le validisme, vous, quelle est votre définition ?
02:35 C'est l'idée qu'une vie avec un handicap a moins de valeur qu'une vie sans handicap.
02:41 Et c'est quelque chose qui façonne toute la société en fait.
02:44 Le handicap est souvent conçu sous l'angle individuel uniquement.
02:52 C'est un problème qu'on porterait en nous et qui ne nous concerne quasiment que nous, qu'on devrait corriger, rééduquer, soigner.
03:01 Alors que ça nécessite d'être pris en compte comme un vrai sujet social et en effet comme une oppression.
03:09 En tout cas, on a l'impression qu'on en parle de plus en plus.
03:12 On est très loin du compte, mais avant d'aller dans les détails, on regarde votre portrait.
03:17 Céline Extenso est la cofondatrice du collectif Les Dévalideuses, qui milite contre le validisme et le sexisme, qui selon elle, sont deux systèmes d'oppression liés.
03:32 Tétraplégique à cause d'une maladie génétique rare, Céline Extenso témoigne du validisme de la société dans son blog.
03:40 Sous sa plume acérée, défilent des sujets aussi divers que l'accessibilité des logements, la parentalité des personnes en situation de handicap et la question des assistantes sexuelles.
03:51 Est-ce que le fait d'être une femme quand on est handicapé, c'est une discrimination qui s'ajoute au handicap ?
04:03 Exactement. Parfois, le handicap efface le genre. On nous asexualise, on nous considère comme des enfants et donc dénués de plaisir, de désir, de vie sexuelle, de vie amoureuse.
04:20 On prend conscience dès l'enfance parce qu'on n'est pas projeté dans une vie amoureuse. On ne nous dit pas "t'as un petit amoureux, une petite amoureuse". On ne nous projette pas dans une vie de parent, d'époux, d'épouse.
04:35 Alors que vous avez exactement les mêmes envies que les autres.
04:38 Absolument. Ma vie sociale et amoureuse est très riche et va bien. Mais on sent ça très jeune.
04:45 Donc dégenré, comme on dit maintenant, dans le regard des autres. Mais le regard des autres, justement, le regard de la société, il n'a pas évolué quand même ?
04:52 On est de plus en plus présent dans la vie ordinaire, dans la société, dans les villes, dans les écoles.
05:01 Et le simple fait de cohabiter force les gens à ouvrir un peu les yeux sur la réalité de nos vies, loin des fantasmes validistes véhiculés.
05:14 Mais ces préjugés-là s'accrochent et mettent beaucoup de temps à se défaire.
05:22 On va aller voir quelle était la situation de la représentation du handicap dans les médias, d'une façon générale, à la télévision en particulier. Infographie.
05:32 Lorsque vous allumez votre télévision, qui voyez-vous ? Dans 94% des cas, une personne valide.
05:43 Pourtant, près de 20% de la population française est en situation de handicap.
05:48 À l'écran, l'un des grands moments de la médiatisation du handicap, c'est bien sûr lors des Jeux paralympiques.
05:56 Ils existent depuis 1960, mais il a fallu attendre 2016 et les Jeux de Rio pour qu'ils soient retransmis en direct à la télévision française.
06:04 Et les athlètes paralympiques font souvent partie de ces personnalités en situation de handicap, présentées comme inspirantes et héroïques, dont on attend des leçons de vie.
06:15 C'est ce que les activistes anti-validistes appellent l'inspiration porn.
06:21 D'abord, les personnes handicapées doivent-elles remporter une médaille ou traverser la manche à la nage pour avoir leur place dans les médias ?
06:28 Peut-être pas du côté de la fiction, où les personnes perçues comme handicapées sont mieux représentées.
06:34 Mais elles sont encore trop souvent jouées par des acteurs valides.
06:38 Afin qu'elles soient vues telles qu'elles sont, sans doute faudrait-il commencer par les inclure de l'autre côté de la caméra.
06:45 En 2021, c'est dans le secteur de l'information et de la communication que le taux d'emploi des travailleurs handicapés était le plus bas.
06:53 Tout secteur confondu, le taux de chômage des personnes en situation de handicap est de 14%, presque le double de celui de la population générale.
07:02 La télé représente mal les personnes handicapées, mais elle reflète très bien le manque d'inclusion de notre société.
07:14 Celle de l'extension, une chose qui m'intéresse beaucoup, c'est que vous dites que le téléton, qui est le moment fort,
07:20 on va parler des maladies rares et aussi du handicap, finalement la façon dont on parle de nous, ce n'est pas terrible. Pourquoi ?
07:30 C'est une communication uniquement tournée vers la charité, vers cette idée que nos vies ne pourront avoir de salut et ne pourront être valables que dans la guérison.
07:44 Le rêve suprême de chaque enfant handicapé doit être de marcher.
07:49 On n'est pas contre la médecine, la recherche, on est ok pour mieux vivre, on veut des traitements qui nous permettent de vivre plus longtemps et dans de meilleures conditions.
08:02 Mais le téléton véhicule vraiment cette idée d'une normalisation à tout prix.
08:08 C'est le but de la médecine, par nature aussi.
08:12 La médecine devrait viser une qualité de vie et pas une normalisation à tout prix.
08:17 Et vous dites aussi la bienveillance des gens. C'est vrai qu'on est porté à porter un regard bienveillant, à aider.
08:23 Avoir un peu peut-être de condescendance, de commisération. La bienveillance pour vous, ce n'est pas ce que vous attendez.
08:31 On parle de validisme bienveillant. Il y a une forme de validisme qui va être un rejet assez frontal, un peu hostile, d'exclusion.
08:41 Mais il y a aussi énormément de validisme bienveillant qui nous pèse au moins autant et qui est encore moins reconnu.
08:49 Et ça va être de l'aide non sollicitée, ça va être venir pousser dans la rue une personne en fauteuil ou aider à traverser une personne aveugle, mais sans nous demander si on a besoin.
09:02 C'est considéré que seul, on n'est pas capable. Les gens paniquent de nous voir seuls dans l'espace public.
09:11 – Ils pensent qu'ils sont perdus. – C'est ça, comme un enfant.
09:15 – Vous le ressentez comme ça ? – C'est super violent en fait.
09:18 Et les gens viennent nous dire spontanément qu'on est courageux, que c'est triste.
09:25 – C'est triste que vous vivez, Madame Espanto. – Oui, c'est ça.
09:30 – Vous êtes allée à l'école ? – Je suis allée à l'école en maternelle et primaire, ça s'est très bien passé, j'ai été intégrée.
09:37 Et au moment du collège, j'ai dû être institutionnalisée parce que c'était en 90 et les établissements scolaires de ma petite ville n'étaient pas accessibles.
09:48 – Institutionnalisée, on va en parler tout à l'heure, c'est fondamental dans votre combat, c'est le fait d'entrer dans une institution.
09:54 Faut-il fermer les institutions ? On aborde ça tout à l'heure.
09:58 – Un nouveau journaliste d'État de santé est allé constater comment se passait l'inclusion dans une école à la Rochelle.
10:05 On a beaucoup parlé de l'inclusion, il y a eu beaucoup de discours politiques autour de l'amélioration de l'inclusion scolaire.
10:11 Ça ne semble pas évidemment encore totalement satisfaisant, on regarde ce reportage signé Marianne Cazot.
10:18 [Musique]
10:25 – Delfine Gann avait un rêve, voir son fils suivre une scolarité ordinaire avec tous ses camarades.
10:31 Mais chaque midi, la réalité se rappelle à elle.
10:35 Martin n'est pas accepté à la cantine sans une aide humaine.
10:39 Il souffre d'une paralysie cérébrale qui le handicap dans certains mouvements et apprentissages.
10:45 Mais pour sa mère, Martin a toute sa place dans une école ordinaire.
10:50 – C'est ça qui est important pour moi, c'est qu'il puisse avoir des copains comme tout le monde,
10:54 qu'il puisse avoir une sociabilisation comme tout le monde,
10:57 et qu'il rencontre effectivement pas forcément que des copains handicapés comme lui, en effet,
11:02 parce que je veux qu'il puisse avoir juste une grande ouverture d'esprit vis-à-vis de tout.
11:08 – Le rêve de Delphine n'est pourtant pas utopique.
11:12 Dans cette école de la Rochelle, la révolution de l'inclusion a bien lieu dans la cour de récré, comme en classe.
11:20 Pour faire les exercices de mathématiques comme tous ses camarades,
11:23 Oscar a besoin de quelques aménagements et de l'aide de Pascal.
11:27 Il est AESH, accompagnant d'élèves en situation de handicap.
11:32 – Donc là ici, tu vas voir ce qu'on appelle le reste, ça va être combien ?
11:36 Bien, parfait.
11:41 Comme ton logiciel ne te permet pas de le faire...
11:44 67...
11:48 2, 3, 4...
11:49 Ça fait 4.
11:54 D'accord.
11:57 Donc ton résultat, tu vas l'écrire ici.
12:00 Sur cette colonne-là.
12:04 – Et en parallèle des classes ordinaires,
12:07 les élèves bénéficient aussi d'enseignements plus personnalisés,
12:11 les aidant s'adaptent aux difficultés et au rythme de chacun.
12:16 Les moyens humains sont renforcés,
12:17 avec 5 accompagnants et une enseignante spécialisée pour 8 enfants.
12:22 – Très bien, voilà notre premier mot.
12:25 – Il faut plusieurs signes pour former les mots, alors quel mot tu préfères ?
12:30 Ça, ça fait quoi ?
12:35 Est-ce que ça, ça fait un mot ?
12:38 Tu les connais, ces mots ? – Ouais.
12:45 – Jessica Audito accompagne Rosario depuis 2 ans.
12:48 – Ouais...
12:50 À Western.
12:52 Tu sais ce que c'est à Western ?
12:54 Oui, non ?
12:56 Ok. C'est avec des danseurs ou avec des cow-boys ?
13:01 Avec des danseurs ?
13:03 Non, c'est avec des cow-boys.
13:06 – Elle a appris à le connaître et à le comprendre,
13:09 grâce aux ergothérapeutes, kinés et psychologues
13:12 qui viennent sur place chaque semaine.
13:14 Mais surtout, grâce au temps.
13:16 – Le petit garçon que j'accompagne est en train de faire des progrès,
13:21 mais c'est même vertigineux en fait, c'est impressionnant.
13:26 On se rend compte au fil des jours, depuis quelques mois,
13:31 qu'en fait il en sait beaucoup plus que ce qu'on pensait.
13:34 Et tout ça c'est à force d'observations, d'écoutes, de patience.
13:42 Ces enfants-là, pour moi c'est essentiel de les accompagner sur le long terme.
13:46 Ils ont vraiment besoin, eux aussi, de nous connaître et de nous faire confiance.
13:51 – Malheureusement, cet accompagnement pérenne n'existe pas dans toutes les écoles.
13:56 Dans certaines académies, les AESH manquent à l'appel.
14:01 D'après ce rapport, les réclamations relatives à des difficultés d'accès
14:06 à l'éducation d'enfants en situation de handicap
14:09 représentent en 2021 près de 20% des saisines
14:13 adressées à la défenseur des droits dans le domaine des droits de l'enfant.
14:17 Ils pointent les difficultés de recrutement des AESH
14:20 en raison d'un statut peu attractif, avec notamment des temps partiels contraints
14:24 et des salaires de 800 euros par mois en moyenne.
14:27 Pour les parents, c'est une source d'angoisse.
14:30 Chaque année, Delphine remplit un dossier comme celui-ci.
14:35 – Notre quatrième dossier MDPH, d'orientation scolaire et de demande d'AESH pour l'école.
14:40 – Malgré la notification de la maison départementale des personnes handicapées
14:45 lui accordant une aide, Delphine Gann a vu passer 5 AESH différents
14:49 en 4 ans de scolarité de Martin.
14:52 Et la plupart ne sont restés que quelques mois.
14:55 – On a même peur d'avoir absolument personne pendant les premiers mois de l'année
14:59 et donc de se retrouver dans une situation où Martin ne serait pas accompagné du tout.
15:04 Et là finalement c'est catastrophique parce que ça veut dire qu'il n'avance pas du tout
15:08 comme il pourrait avancer avec l'aide d'une AESH en classe.
15:11 – Malgré cette désillusion, elle ne perd pas espoir.
15:18 – Mais regarde, regarde comment je fais. Il est plus grand.
15:21 – L'année prochaine, elle demandera que Martin soit orienté
15:24 vers un dispositif inclusif, comme celui de la Rochelle.
15:27 [Musique]
15:32 – Alors évidemment, Céline Extensaud, quand on voit ce reportage,
15:35 je dis quand même, ça avance.
15:37 – Alors ici ce qu'on voit c'est une forme de classe Ulysse
15:42 qui est pour moi une semi-inclusion.
15:45 Mais en fait c'est une inclusion d'un groupe d'enfants handicapés
15:49 dans un endroit de l'école.
15:52 – Ils vont à l'école, mais ils restent entre eux.
15:55 – C'est ça, spatialement ils restent dans un coin de l'école
15:58 et les interactions…
16:01 – Alors le progrès c'est qu'ils sont à l'école,
16:03 ils ne sont pas en dehors de l'école, donc c'est une demi-inclusion.
16:07 C'est une semi-inclusion. Encore un petit effort, s'il vous plaît.
16:11 Je voudrais parler de l'accessibilité des bâtiments.
16:16 Sur 100% de vos amis, chez combien vous pouvez aller passer une soirée ?
16:20 – Moins de 10%, c'est moi qui invite.
16:22 – Parce que vous ne pouvez pas aller chez eux.
16:24 – Je ne peux pas aller chez eux.
16:26 – 10% de vos amis. Donc tout est dit.
16:29 Ça modifie complètement la vie sociale.
16:31 C'est super important de pouvoir se rendre chez des amis.
16:34 Ce n'est pas seulement être invité à manger, c'est pouvoir passer à l'improviste,
16:38 c'est pouvoir venir aider à garder les enfants,
16:41 déposer des courses quand on a un ami malade.
16:43 Ça fait partie de toutes ces choses qui font une vie, une relation.
16:49 – Tout le monde peut le comprendre en vous entendant.
16:51 Il y a eu une loi en 2019, c'est la loi Elan,
16:55 qui a proposé une reconstruction 20% minimum d'accessibilité aux handicapés.
17:00 – Avant, depuis la loi 2005, l'objectif affiché était 100%.
17:05 Cette loi Elan a fait reculer à 20%. C'est un recul.
17:10 – Qui a été justifié par une forme, j'imagine, de réalisme,
17:14 "mais non, il vaut mieux imposer 20% pour que ce soit appliqué,
17:18 que 100% qui ne le sont pas".
17:20 C'était ça la logique, j'imagine.
17:24 – Pour vous, ça a été une régression ?
17:25 – C'est une catastrophe, vraiment.
17:27 Il y a constamment des dérogations, des reports,
17:30 et énormément d'établissements arrivent à se soustraire à l'obligation.
17:36 – Alors évidemment, ça nuit globalement à l'autonomisation,
17:39 la difficulté de trouver des logements accessibles.
17:43 Alors il y a des solutions qui émergent.
17:46 Marianne Cazot s'est rendue dans une colocation
17:50 qui est entièrement accessible, qui permet aussi à des jeunes adultes
17:54 en situation de handicap de prendre leur indépendance.
17:58 On regarde ce que ça donne et on en parle juste après.
18:02 [Musique]
18:06 – Bonjour, bienvenue à la Villa Maya.
18:12 – Comme tout jeune homme de 22 ans,
18:14 Duarte Vélozo ne cache pas son enthousiasme.
18:17 – Avec un petit coin de télé et des canapés.
18:19 – À faire visiter son tout premier logement.
18:21 – Ici, nous sommes dans la partie cuisine, où nous préparons les repas.
18:26 – Mais pour lui, cela a un sens tout particulier.
18:29 – Ici, on est dans ma chambre décorée par mes soins.
18:32 La première fois que j'ai eu mes clés à entrainement,
18:35 j'ai ressenti vraiment cette notion de vraiment être chez moi
18:41 et pouvoir entrer et sortir comme bon me semble.
18:45 Pas forcément anticiper toutes les actions, un peu comme la vie de Monsieur Van Toom.
18:50 – Auparavant, Duarte vivait dans un foyer la semaine
18:54 et chez ses parents le week-end.
18:56 En institution, ses journées étaient rythmées par les heures de soins,
19:00 de lever, de coucher et les repas.
19:02 Un emploi du temps rigide auquel il ne voyait aucune alternative
19:06 avant de découvrir l'association du Club des Six à l'origine de ce logement.
19:13 Elle a été pensée par deux sœurs, Maëlys Kanzler et Maïté Borde,
19:18 pour que leur petite sœur puisse quitter le cocon familial
19:21 et prendre son indépendance malgré son handicap, grâce à la colocation.
19:27 C'est aussi ce que souhaitent Duarte, Alexandre, Cédric et leurs trois autres colocataires.
19:33 Grâce à la mutualisation de leurs aides, ils peuvent bénéficier, sans reste à charge,
19:38 de la présence d'intervenantes en permanence à leur côté.
19:42 En cas de besoin.
19:43 Et uniquement en cas de besoin.
19:47 Car les colocataires sont aussi autonomes que possible.
19:54 Comme tout jeune qui quitte le foyer familial, ils apprennent à se débrouiller, seuls.
20:01 On aide, mais d'eux-mêmes ils vont nous dire "ça l'est, je peux le faire".
20:09 Parce que moi avant qu'ils étaient en structure, j'étais habituée à faire pour les autres,
20:12 et ici c'est tout l'inverse.
20:14 Et même pour leur autonomie, pour leur estime d'eux-mêmes,
20:16 je pense que c'est plus sympa quand on arrive à faire les choses par soi-même
20:19 que d'avoir quelqu'un qui vous fait tout le boulot.
20:22 Puis ils sont chez eux, donc ça s'accompagne dans la dynamique.
20:25 On est chez eux, ils sont chez eux, ils font aussi des choses chez eux.
20:28 Chaque midi, les colocataires déjeunent tous ensemble.
20:32 Pour eux, la vie en communauté n'est pas qu'une commodité.
20:36 Tu m'as vu, tu m'as vu en bas de l'église.
20:38 Comme dans toute colocation, ils se sont choisis en fonction de leurs affinités.
20:44 Mais alors que le week-end s'organise dans la salle à manger,
20:59 Cédric Carton, lui, pense à son futur.
21:04 Plus autonome que les autres habitants de la villa,
21:06 il a choisi ce studio, avec sa propre kitchenette.
21:10 À 32 ans, il voit la colocation comme un tremplin vers d'autres projets.
21:15 Je me fais ma vie comme n'importe qui, avec une volonté en soi.
21:38 Malgré ses troubles du mouvement et de la parole,
21:41 il a pu suivre des études,
21:44 et il est diplômé d'un master de marketing international.
21:47 Il cherche aujourd'hui à faire un stage en entreprise.
21:50 En attendant de débuter sa carrière et d'avoir sa propre famille,
21:55 il peut compter sur celle qu'il a choisie ici, dans la villa Maya.
21:59 Alors, ce jeune homme de 22 ans, Douarté,
22:09 c'est quand même bien d'être passé d'une institution
22:12 à une forme d'autonomie, une vie plus personnelle.
22:16 On voit dans le reportage que pour lui, venant d'institution,
22:22 il imaginait que rien n'était possible.
22:25 Et on lui a proposé cette colocation, cet habitat inclusif,
22:30 et il a trouvé ça génial. Évidemment, ça paraît mieux.
22:33 Mais pourquoi on ne lui a jamais dit qu'il pouvait avoir autant d'aide,
22:38 de meilleure qualité, seul, chez lui ?
22:41 Alors, vous êtes chez vous.
22:45 Vous pouvez nous raconter ce que c'est ce système ?
22:47 Je suis accompagnée 24 heures sur 24.
22:50 J'ai six auxiliaires de vie qui se relâchent sur la semaine.
22:54 Ils viennent par tranche de 24 heures,
22:57 donc ils arrivent le matin et repartent le lendemain matin.
22:59 C'est une liberté absolument totale et prise en charge par l'AMDPH, par l'État.
23:06 Vous n'êtes jamais à court de solutions grâce à cette présence.
23:09 Et cette présence coûte plus cher à la puissance publique,
23:14 à la Sécu ou aux caisses de prise en charge,
23:18 que si vous étiez dans une institution ?
23:20 Non, c'est ça qui est fou.
23:22 C'est que la société qui cherche à faire des économies,
23:25 surtout, ne prend pas en compte le fait que ça ne coûte pas plus cher.
23:30 En fait, une institution, c'est des aidants quotidiens,
23:35 mais c'est aussi énormément de frais de gestion.
23:37 C'est des bâtiments à entretenir.
23:40 C'est énormément de frais annexes, en fait.
23:42 Il y a une évaluation indépendante qui a été faite ?
23:45 Il y a des évaluations qui ont été faites à l'étranger.
23:48 Je pense qu'en France, il faudrait faire une vraie grosse étude,
23:52 mais toutes les observations semblent le prouver.
23:57 Donc, si on suit votre logique,
23:59 c'est l'in extenso,
24:02 il faut fermer les institutions et donner à chaque handicapé
24:05 la possibilité d'avoir ce type d'accompagnement permanent.
24:09 Oui, mais je pense que ça se passera dans l'autre sens.
24:12 On ne va pas fermer les institutions et mettre tout le monde dehors.
24:16 Je la provoque.
24:18 Mais dans l'idée, oui.
24:20 Je pense qu'à terme, il faudra revenir là.
24:23 Est-ce que c'est une idée qui commence à irriguer
24:26 la réflexion de ceux qui se préoccupent de ces sujets ?
24:31 Oui, c'est une idée sur laquelle on est très en retard en France.
24:34 D'ailleurs, il y a l'ONU qui a fait un rapport très sévère
24:40 sur l'état de la politique handicap française
24:44 par rapport à la désinstitutionnalisation en particulier,
24:48 et qui somme la France d'accélérer le mouvement
24:51 pour permettre aux gens de vivre de façon autonome
24:56 et de sortir des institutions.
24:59 La règle, ou plutôt une des traditions de cette émission,
25:01 c'est de permettre à l'invité de poser une question
25:04 à un représentant de l'Assemblée nationale.
25:08 Vous avez demandé à Sébastien Pétavy, député de la NUPS de Dordogne,
25:13 coprésident du groupe d'études handicap et inclusion à l'Assemblée,
25:18 de demander quelle serait pour vous la première mesure apportée
25:22 pour progresser vers la désinstitutionnalisation en France,
25:27 telle que demandée, vous en parliez, par l'ONU dans son rapport du 14 septembre 2021.
25:32 On écoute sa réponse.
25:34 On ne peut pas fermer aujourd'hui des institutions
25:40 si on n'a pas de quoi accueillir.
25:42 Sinon, on va le faire avec un accueil qui ne sera pas satisfaisant
25:47 et qui va mettre en danger beaucoup de personnes,
25:50 parce qu'il n'y aura pas un bon accueil.
25:52 Si on ne met pas les moyens humains au niveau de la formation,
25:56 notamment, et puis des moyens financiers,
25:58 au niveau de l'adaptation de tous les bâtiments recevant du public,
26:03 on ne pourra jamais arriver à une désinstitutionnalisation.
26:06 Voilà, donc, pour Sébastien Pétavy, il faut d'abord mettre des moyens supplémentaires
26:14 sur la formation, sur l'accessibilité, avant de fermer les structures.
26:17 C'est dans ce sens-là que ça doit marcher, vous êtes d'accord ?
26:20 Oui, on est d'accord.
26:23 Il faut vraiment penser à la désinstitutionnalisation,
26:26 avant tout en termes de proposition et de moyens.
26:30 À mon avis, les moyens existent déjà.
26:34 Je pense qu'il faut réellement penser vie autonome.
26:38 Merci infiniment. J'avais envie de vous dire, est-ce que vous êtes optimiste ?
26:41 Mais j'ai peur d'être bienveillante.
26:43 Quand même, si ?
26:45 Je le suis. Pour être militante, il faut garder un minimum d'optimisme.
26:50 Bien sûr.
26:52 Autant que de colère. Vous dites ça avec un grand sourire.
26:54 Merci d'avoir été avec nous, Céline Extenso, dans ce numéro d'État de santé.
26:58 Merci à tous de nous avoir suivis et à très vite sur LCP.
27:02 [Musique]
27:16 LCP Assemblée nationale, en partenariat avec MGEN Mutuelle Santé-Prévoyance,
27:22 vous a présenté État de santé.
27:25 [Musique]

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