Mathieu Bock-Côté : «Le droit de grève ne vient pas avec celui de transformer Paris en dépotoir»

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Pour le sociologue et essayiste, Mathieu Bock-Côté, le droit de grève ne doit pas venir avec celui de transformer Paris en dépotoir : «Le droit de grève ne vient pas avec celui de transformer Paris en dépotoir».

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Transcription
00:00 que Saccage Paris est devenu un projet de société.
00:03 C'est-à-dire qu'il faut nommer les choses.
00:05 Il s'agit d'une entreprise de destruction,
00:08 pour un temps, temporaire,
00:10 mais de Paris, en décidant de l'ensevelir sous les ordures.
00:14 Et c'est un problème, soit dit en passant, de santé publique.
00:17 Pendant trois ans, on nous a expliqué qu'au nom de la santé publique,
00:20 on pouvait suspendre toutes les libertés en toutes circonstances.
00:23 Là, on est devant la construction explicite
00:25 d'un dépotoir à ciel ouvert, d'une décharge publique,
00:28 et on doit aborder ça, apparemment, avec quelques tendresses.
00:31 Il y a quelque chose d'assez fascinant là-dedans.
00:33 Ça témoigne d'une prise d'otage. Il faut dire les choses telles qu'elles sont.
00:36 C'est une prise d'otage par la frange radicale des syndicats.
00:38 J'ose croire que ce n'est pas l'ensemble des syndicats,
00:40 qui disent finalement que nos revendications sont à ce point importantes
00:44 que l'on peut risquer de soumettre la ville à l'invasion des rats, par exemple.
00:48 C'est quand même fascinant.
00:49 L'éco-socialisme municipal, parce qu'il faut bien dire qu'Anne Galgaud,
00:52 là-dedans, témoigne de son adhésion au mouvement
00:54 en refusant de faire les choses nécessaires pour nettoyer la ville.
00:57 Mais l'éco-socialisme municipal, qui nous avait déjà ramené l'épidémie,
01:01 en fait l'invasion des surmulots, comme ils ont appelé les rats,
01:04 eh bien la prochaine étape, c'est le consentement à l'invasion par les rats de la ville.
01:07 Pourquoi? Parce que ce serait une forme de moyen de pression, en dernière instance,
01:10 sur la réforme des retraites.
01:12 Mais derrière ça, derrière ça, je pense qu'il y a un enjeu qui est plus politique.
01:15 C'est ce qu'on pourrait appeler la sacralisation,
01:17 le caractère mystique du droit de grève, selon certains.
01:20 Le droit de grève, c'est important, tout le monde en convient, bien évidemment.
01:24 Mais ce n'est pas un droit qui surplombe tous les autres.
01:27 Ce n'est pas le droit qui abolit tous les autres droits.
01:29 Ce n'est pas le droit "bombe nucléaire" qu'on a le droit d'utiliser
01:32 pour faire exploser tous les autres droits,
01:34 parce qu'il nous semble secondaire en fonction de nos revendications catégorielles.
01:37 Donc, il faut se délivrer d'une espèce de poésie socialiste,
01:41 de mystique socialiste, qui présente le droit de grève
01:44 comme le droit qui permet à la société de se construire généreusement.
01:47 Non, quelquefois, c'est le droit qui masque les égoïsmes corporatistes
01:51 et qui permet, dans les circonstances présentes,
01:54 de transformer Paris en ville sous le signe de la puanteur généralisée.
01:58 Alors, rompre avec la conception tyrannique du droit de grève,
02:01 ça me semble une première étape pour être capable de penser
02:03 la prochaine crise, s'il y en a une.
02:06 - Vous pensez à une loi sur les services essentiels?
02:09 - Mais ça va de soi! Ça existe partout dans le monde!
02:11 La loi sur les services essentiels, ça dit, il y a des services
02:14 qui sont à ce point importants pour l'organisation de la société
02:17 qu'ils ne peuvent pas être interrompus et suspendus.
02:19 Vous acceptez de travailler dans ce domaine?
02:21 C'est comme ça! Vous n'aurez pas le droit de grève en toutes circonstances
02:24 ou il sera limité. Et il faut, je crois,
02:26 étendre cette conception des services essentiels,
02:28 pas se contenter de réquisitions circonstancielles
02:31 que permet le préfet si la mère le demande.
02:34 Non! À un moment donné, les services essentiels
02:37 qui permettent la continuité de l'ordre social, c'est fondamental.
02:40 Et là, j'y reviens, j'y reviens.
02:42 On est devant une question aujourd'hui d'hygiène publique élémentaire.
02:45 Et traiter cette question-là comme si elle était secondaire
02:48 par rapport aux revendications fort légitimes en elles-mêmes des éboueurs,
02:51 nul ne dit qu'elles n'ont pas des revendications légitimes.
02:54 Mais l'absolutisation de ces revendications fait en sorte
02:56 qu'on décide d'abolir le bien commun, et ces gens-là sont en train
02:59 de nous convaincre finalement que la question des ordures
03:01 est une question d'intérêt national.
03:03 Mais j'y reviens sur l'essentiel.
03:05 Une loi sur les services essentiels, ça va de soi.
03:07 Une loi pour assurer la continuité des services publics
03:09 en toutes circonstances, ça va de soi.
03:11 Et qu'on considère ça comme une provocation antisyndicale
03:14 ne devrait pas aller de soi.
03:16 - Et puis ceux qu'on veut atteindre ne sont jamais atteints en vérité.
03:20 C'est là où c'est intéressant.
03:22 - Il y a une ivresse du rapport de force.
03:24 - C'est révoltant, parfois.
03:25 - Ce qui me frappe là-dedans, parce qu'on a une conception
03:27 trop généreuse de l'être humain quelquefois.
03:29 Et moi, déjà, il y a une ivresse du rapport de force.
03:31 C'est même la cause la plus juste peut-être confisquée
03:33 par des gens qui prennent plaisir à tenir en otage d'autres.
03:36 Et c'est de ça dont on parle en ce moment.
03:38 C'est un rapport de force maquillé avec la peinture
03:41 de la vertu la plus remarquable.
03:43 Sur le fond des choses, il s'agit d'une prise d'otage.
03:46 [Musique]
03:49 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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