Évènements - Fin de vie : vers de nouveaux droits ?

  • l’année dernière
La fin de vie, qu'il s'agisse de la nôtre ou de celle d'un proche, nous y avons été ou y serons tous confrontés un jour. Les progrès de la médecine et l'allongement de la durée de la fin de vie soulèvent de plus en plus la question du choix de mourir.
Depuis 2016, la loi dite Claeys-Leonetti permet une « sédation profonde et continue » pour certains malades jusqu'à leur décès, sans pour autant permettre de provoquer activement leur mort ou de leur en donner les moyens.
En décembre 2022, 185 citoyens ont été appelés à débattre lors d'une convention citoyenne sur la fin de vie, afin de rendre un avis sur une possible évolution de la loi. Les conclusions seront rendues en avril 2023.
Malgré les clivages autour de l'euthanasie, de nombreux experts se rejoignent sur l'idée que l'on meurt mal en France. Tous les territoires n'ont pas accès aux soins palliatifs (26 départements sur 101 n'ont pas d'unité de soins palliatifs), et 30% des patients qui ont besoin de ces soins peuvent en bénéficier, d'après une estimation de la SFAP (Société française d'accompagnement et de soins palliatifs.)
Alors comment aborder cette question de la fin de vie ? Faut-il faire évoluer la loi ou au contraire mieux l'appliquer ? Comment prendre du recul et permettre à tous d'avoir une fin de vie digne, qui est un droit inscrit dans la loi ?
Elisabeth Martichoux en débat avec ses invités Sarah Dauchy (psychiatre et présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie), Jonathan Denis (président de l'ADMD), Marta Spranzi (philosophe) et Matthias Savignac (président de la MGEN).

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Transcript
00:00 Générique
00:02 ...
00:26 -Bonsoir à tous.
00:27 Faut-il aider à mourir ceux qui le souhaitent ?
00:30 C'est une question vertigineuse, infiniment complexe.
00:34 Si on répond oui, immédiatement surgissent
00:36 des interrogations. Elles sont simples.
00:38 Qui pour donner la mort ? À qui ?
00:40 À seulement certains malades ?
00:42 À partir de quel âge ? Comment éviter les dérives ?
00:46 Aujourd'hui, l'aide au suicide et l'euthanasie
00:48 sont passibles de poursuites pénales.
00:51 Faut-il légaliser ?
00:52 Nous vous proposons un numéro spécial d'Etat de santé
00:55 pour tenter d'éclairer ce débat avec nos invités,
00:58 nos reportages.
01:00 Ce sera à chacun de se faire son opinion,
01:02 comme, d'ailleurs, doivent le faire
01:04 les 185 membres de la Convention citoyenne,
01:07 qui se sont réunis depuis des semaines
01:09 à la demande d'Emmanuel Macron,
01:11 et qui rendront leur conclusion début avril.
01:14 On verra ensuite s'il y a effectivement
01:16 une évolution de la loi.
01:18 On va en parler avec nos invités.
01:20 Je suis très heureuse de recevoir Sarah Doshi.
01:22 Bonsoir. -Bonsoir.
01:24 -Vous êtes la 4e à la PHP,
01:25 présidente du Centre national des soins palliatifs
01:28 et de la fin de vie.
01:29 Vous étiez à la tête du département des soins de support
01:32 à l'Institut Gustave Roussy.
01:34 Bonsoir, Jonathan Denis.
01:36 Vous êtes le président de l'association
01:39 pour le droit de mourir dans la dignité,
01:41 évidemment, une association très active
01:44 dans ce débat,
01:45 et vous aviez accompagné, il y a plus d'une dizaine d'années,
01:49 précisément votre père, dans cette démarche.
01:52 Vous nous direz tout à l'heure si ça a été le réflexe
01:54 de votre engagement associatif.
01:57 Bonjour, ou plutôt bonsoir, Mathias Savignac,
01:59 président de la Mutuelle MGEN,
02:02 la MGEN qui a plusieurs services de soins palliatifs
02:05 à travers le territoire.
02:06 Vous avez mené une consultation interne
02:09 auprès de vos membres pour éclairer ce débat.
02:11 Finalement, il y a une conclusion collective qui a...
02:14 -Il y a un manifeste que nous avons produit
02:17 qui vise à promouvoir les soins palliatifs
02:20 et l'aide active à mourir.
02:21 -Soins palliatifs, aide active à mourir,
02:24 ce sont des notions sur lesquelles on va beaucoup s'arrêter.
02:27 Bonsoir, Martha Spranzi.
02:28 Vous êtes avec nos maîtresses de conférences en histoire,
02:32 philosophie et éthique des sciences
02:34 à la faculté de médecine de l'université Versailles,
02:37 Saint-Quentin, en Yvelines,
02:39 et j'ajoute que vous êtes aussi consultante en éthique,
02:42 consultante d'éthique auprès de l'APHP.
02:44 Je vais tout de suite vous demander quelque chose,
02:47 parce que c'est vrai qu'on réfléchit depuis des années,
02:51 notamment à l'ADMD, à ces questions,
02:53 plus précisément, je sais pas, depuis plusieurs dizaines d'années,
02:57 parce que, dans le fond, notre rapport à la vie et à la mort
03:01 a considérablement changé.
03:02 Ca n'a plus rien à voir avec ce qu'il était
03:05 à la fin du XIXe, ne serait-ce qu'à ce moment-là.
03:08 -Tout à fait.
03:09 Je pense que la médecine est prise un peu à son propre piège,
03:13 aujourd'hui, parce qu'elle a tellement de succès.
03:17 Elle a augmenté l'espérance de vie
03:20 depuis 1950 de 15 ans.
03:22 -On vit plus longtemps, mais on vit en souffrance plus longtemps.
03:27 -Il y a, évidemment, un cinquième au-dessus de 85 ans
03:31 sont en perte d'autonomie importante.
03:33 Un cinquième des personnes au-dessus de 85 ans.
03:36 Et ça, c'est une première raison.
03:38 Une deuxième raison, qui me paraît plus liée
03:41 à une question à la fois psychologique et morale,
03:44 c'est que la médecine, avec sa précision du pronostic
03:47 et de son diagnostic, rend un certain nombre de malades,
03:50 les met dans une position de condamnés à mort,
03:54 dans laquelle ils n'ont plus la possibilité de s'accrocher
03:57 à quelque pité d'espoir, quel qu'il soit.
04:01 Et il y a une troisième chose, peut-être,
04:04 c'est une frustration qui est créée par rapport
04:06 au succès de la médecine, c'est-à-dire,
04:09 dans l'opinion commune, la médecine peut guérir,
04:12 et certaines fois, elle ne peut pas guérir.
04:16 Et donc, il y a un contraste très important,
04:19 alors que quand la médecine ne guérissait pas,
04:21 et c'était le cas jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale.
04:25 -C'est intéressant, vous dites que les progrès de la médecine,
04:29 finalement, nous ont un peu piégés dans ce rapport à la mort.
04:32 Mais il y a quand même des certitudes collectives.
04:35 L'opinion, lorsqu'on l'interroge,
04:38 et depuis longtemps, d'ailleurs,
04:40 depuis quelques années, sur cette question,
04:43 elle est assez tranchée, elle est massivement favorable
04:46 à une évolution de la loi, qui permet plus de liberté.
04:49 Nous sommes allés interroger et regarder des Français,
04:53 et massivement, à une exception près,
04:55 ils sont favorables à ce qu'on fasse évoluer la loi.
04:58 -L'euthanasie devrait être acceptée
05:06 pour que les gens puissent choisir comme ils veulent.
05:09 -C'est leur liberté.
05:10 -Ca permet de mourir sans souffrir.
05:12 -Si on parle sur des personnes qui ont déjà bien avancé dans l'âge
05:16 et qui se retrouvent dans des situations de santé très dégradées,
05:20 c'est tout à fait légitime.
05:21 -Je ne suis pas d'accord avec l'euthanasie,
05:24 parce que notre vie,
05:26 elle appartient à Dieu.
05:29 Pas à un médecin, pas à un médicament qui va nous tuer.
05:32 Non, non, non, non, non, notre vie appartient à Dieu.
05:36 -La fin de vie, ça représente pour certains
05:39 des douleurs, de la difficulté,
05:42 de la solitude, et qu'il n'y a aucune raison d'endurer.
05:46 Si on peut partir avant et qu'on a les idées saines
05:50 et le cerveau bien fait, si on a envie de partir,
05:52 on devrait pouvoir être accompagnés.
05:55 -J'ai pu connaître des personnes
05:57 qui ont beaucoup souffert à la fin de leur vie
06:00 et qui n'avaient pas de possibilité réelle d'y mettre fin,
06:04 alors qu'elles auraient aimé.
06:06 -De devoir aller en Suisse ou en Belgique, je crois,
06:09 pour un suicide assisté,
06:10 alors qu'en France, on est la 7e puissance mondiale,
06:13 je me dis qu'il y a un problème et qu'il faut faire quelque chose.
06:17 -Il y a une sorte d'inégalité devant la mort.
06:20 -Si elle arrive et qu'on est grave à terre,
06:22 qu'on n'a plus le sens de la vie, qu'on est tout seul,
06:25 qu'on est nourri par sondes, quel est l'intérêt de la vie ?
06:29 Quel est le sens de la vie ?
06:30 En tout cas, en ce qui me concerne,
06:32 j'en ai rien à faire, je n'en veux pas de cette mort-là.
06:36 Je veux pas de l'EHPAD, alors imaginez.
06:38 Musique douce
06:40 ...
06:41 -Je n'en veux pas de cette mort-là.
06:44 C'est très représentatif de ce que pensent les Français
06:47 en bonne santé.
06:48 Juste, docteur Dechy, question de définition.
06:50 Le suicide assisté, l'euthanasie, quelle est la différence ?
06:54 -Dans les deux, l'intentionnalité est que la mort survienne,
06:58 à la différence d'autres dispositifs de la loi,
07:01 comme les cétations profondes et contenues jusqu'au décès,
07:04 qui ont l'intention d'endormir en soulageant la souffrance.
07:07 En le suicide assisté, la personne elle-même
07:10 s'administre le comprimé ou la substance
07:12 qui va entraîner la mort, alors que dans l'euthanasie,
07:15 c'est une tierce personne qui le fait.
07:17 -La différence, c'est qu'on est actif soi-même
07:20 dans le suicide assisté, mais on vous a donné le matériel
07:23 pour le faire. -C'est cela...
07:25 -L'euthanasie, c'est une tierce personne qui intervient.
07:28 -La vraie question est d'être active soi-même
07:31 dans la prise de décision, dans la demande de soins
07:33 et dans la demande de soins dès le début de la maladie
07:37 ou en fin de vie. -Alors, c'est vrai
07:38 que quand on pense à la fin de vie,
07:40 tout un chacun se dit "J'ai pas envie de finir gravataire,
07:44 "j'ai pas envie de subir des souffrances épouvantables,
07:47 "je veux qu'on finisse vite",
07:50 d'autant quand on nous a donné effectivement
07:52 un pronostic de cancer, de maladie incurable.
07:55 Qu'est-ce que vous répondez, vous, qui accompagnez
07:58 précisément les personnes en fin de vie ?
08:00 Qu'est-ce que vous dites à ceux qui, bien pourtant,
08:03 se disent "Oui, je vais en finir" ?
08:07 -Je pense que ce qu'on leur dit est d'abord
08:10 une vérification d'information sur la situation.
08:13 Je suis frappée, avant tout le reste,
08:16 et peut-être surprenant, car le rôle d'un médecin
08:18 est de soigner, mais je pense qu'il y a une vraie question,
08:22 de savoir de quoi on parle. Je suis frappée
08:24 dans les témoignages que vous avez montrés,
08:27 qu'aucune personne ne mentionne l'existence des droits actuels
08:30 de fin de vie et que beaucoup renvoient ce qui est naturel
08:34 à des expériences, souvent extrêmement douloureuses.
08:37 Je voudrais vous donner un chiffre.
08:39 Le Centre national fin de vie sur un palliatif a fait en octobre
08:42 un sondage sur 1 000 personnes de la population française.
08:46 Il ne s'agissait pas d'évaluer l'opinion des Français
08:49 par rapport à la loi, mais d'évaluer leur connaissance
08:52 de la loi actuelle. Il n'y a que 15 % des personnes
08:55 interrogées qui savaient répondre correctement
08:57 à 6 à 8 des questions sur les 8 points majeurs
09:00 des dispositifs que sont les directives anticipées,
09:03 les droits de la vie et des soins.
09:05 On a un déficit d'informations important
09:08 qui laisse la place et coexiste avec une importance
09:11 des croyances, des représentations, des expériences.
09:14 C'est une des premières choses importantes,
09:16 c'est d'arriver à savoir ce que la personne qui va décider
09:20 pour elle, c'est de ses droits et de sa situation médicale.
09:23 -C'est passionnant, ce que vous dites,
09:25 parce qu'il y a une méconnaissance profonde du système actuel.
09:29 La loi Claes-Leonetti, en cadre de la fin de vie,
09:32 avait créé précisément des nouveaux droits.
09:34 Elle remonte à 2016.
09:36 On va tout de suite, justement, remédier peut-être en partie,
09:40 modestement, à cette méconnaissance
09:42 en faisant le point sur ce que dit la loi.
09:45 Regardez cette infographie et on se retrouve juste après.
09:48 -En France, 4 lois régissent principalement la fin de vie.
10:00 La loi Kouchner, en 1999, garantit à chacun
10:03 l'accès aux soins palliatifs.
10:05 En 2002, elle va plus loin en établissant la notion
10:08 de droit des malades et évoque le droit d'avoir
10:11 une fin de vie digne.
10:13 En 2005, la loi Leonetti, la toute première,
10:16 a traité spécifiquement de fin de vie.
10:18 Elle introduit l'interdiction de l'obstination des raisonnables
10:22 ou acharnement thérapeutique
10:24 et reconnaît le droit d'arrêter tout traitement.
10:27 Elle instaure aussi la mise en place des directives anticipées,
10:31 une déclaration faite par le patient
10:33 pour exprimer ce qu'il accepte ou non pour sa fin de vie,
10:36 limiter ou arrêter les traitements, être réanimé,
10:40 être placé sous respirateur artificiel
10:42 ou tout autre souhait.
10:44 Sous la forme d'un document écrit, daté et signé,
10:47 elles peuvent être enregistrées dans le dossier médical
10:50 ou confiées aux médecins ou à des proches
10:53 qui les feront valoir le moment venu.
10:56 En 2016, la loi Claes Leonetti leur donne un rôle contraignant,
11:00 mais surtout, elle accorde un nouveau droit,
11:02 la sédation profonde et continue jusqu'au décès,
11:05 c'est-à-dire le droit d'être endormi à la toute fin de vie
11:09 sous certaines conditions.
11:10 Elle doit être décidée via une procédure collégiale.
11:13 Le patient doit souffrir de façon insupportable
11:16 et son décès doit être inévitable et imminent.
11:20 La loi ne permet donc pas de donner activement la mort au patient
11:23 ni de leur en donner les moyens.
11:25 Musique douce
11:27 ...
11:29 -La loi est méconnue, ce qui est encore plus méconnu,
11:32 ce sont les directives anticipées.
11:35 On va en parler dans un instant.
11:37 Sédation profonde, en quoi ça diffère de l'euthanasie ?
11:40 Vous, docteur Ocheri, est-ce que vous diriez que c'est différent ?
11:43 -Radicalement différent,
11:45 parce que l'intentionnalité n'est pas la même.
11:48 Je pense que c'est impossible... -L'intentionnalité de qui ?
11:51 -L'intentionnalité du médecin supposée répondre
11:54 à l'intentionnalité du patient.
11:56 La sédation profonde est contenue jusqu'au décès.
11:59 Elle peut se faire soit parce qu'un patient décide lui-même
12:02 que ses souffrances sont intolérables et réfractaires,
12:05 on lui demande pas de le prouver, on lui demande de le dire,
12:09 donc c'est sa volonté, son appréciation,
12:11 et derrière, une demande d'être endormie jusqu'à son décès,
12:14 avec potentiellement une ritualisation,
12:17 car l'intérêt de la sédation, qui est un droit,
12:19 c'est de pouvoir l'exercer de manière programmée.
12:23 -Est-ce que la sédation profonde est demandée par le patient
12:26 ou est-ce que c'est le médecin qui décide,
12:28 à un certain stade de l'évolution du malade,
12:31 qu'à ce moment-là, il est éligible à la sédation profonde ?
12:34 -Les deux ont le droit de le demander.
12:36 Le patient, quand il demande son souffrance intolérable,
12:39 c'est une première situation.
12:41 Le patient peut le demander par ses directives.
12:44 Le deuxième cas, c'est lorsque les médecins considèrent
12:47 que les traitements relèvent de l'obstination déraisonnable
12:51 et qu'il faut, en même temps que la décision collégiale,
12:54 une induction d'une sédation.
12:55 -La sédation profonde, monsieur Denis,
12:58 est-ce que, finalement, ça n'est pas la réponse ?
13:01 La réponse à l'aspiration d'en finir
13:05 quand le corps n'en peut plus ?
13:08 -Ca peut être une réponse.
13:09 Après, il y a un débat sur la sédation.
13:12 Dans l'article 4, il explique que la sédation peut abréger la vie.
13:15 C'est clairement écrit. La sédation existait avant 2016.
13:19 Elle existe depuis bien longtemps.
13:20 La sédation de 2016, maintenue et continue jusqu'au décès,
13:24 a défini les souffrances réfractaires
13:26 et le pronostic vital.
13:27 On l'avait dit à court terme dans la loi de 2016,
13:30 qu'il a fallu attendre 2018 pour que les autorités de santé
13:33 nous disent ces quelques jours.
13:35 Ca peut être une réponse, oui,
13:37 mais ce n'est pas la seule réponse attendue.
13:40 Vous pouvez partir très rapidement d'une sédation.
13:43 Il y a aussi des sédations qui durent des dizaines de jours.
13:46 Il y a des gens qui mourront.
13:48 Il y a une question à poser,
13:49 une éventuelle ouverture du champ des possibles.
13:52 C'est là où on retrouve la légalisation.
13:55 -On va en parler dans un instant.
13:57 Restons sur les soins palliatifs.
13:59 L'objectif prioritaire des soins palliatifs,
14:01 c'est de soulager les personnes en fin de vie
14:04 de leurs souffrances.
14:05 Je voudrais qu'on regarde ce que font les soignants,
14:08 par exemple, à l'Institut de la Verrière,
14:11 dans les Yvelines, un institut qui dépend de la MGE.
14:15 Musique douce
14:17 ...
14:19 -Les douleurs du ventre, il y en a ou il n'y en a plus ?
14:22 -Il n'y en a plus. -Il n'y a plus de douleurs.
14:25 Vous êtes bien et confortable. -Oui.
14:27 -Bon, c'est bien, ça.
14:29 -Oui.
14:30 -C'était quand même l'objectif premier de...
14:33 -C'est l'objectif premier de plus. -Depuis votre arrivée.
14:36 -Je me suis endormi très tard. -Il paraît.
14:39 -Oui, j'ai demandé qu'on me donne quelques soins.
14:42 -Oui, un petit pchit.
14:43 -Je sais pas ce que c'est.
14:45 -C'est un médicament qui aide à se détendre.
14:48 -C'est ce qu'il faut. -C'est ça.
14:50 -En pareil cas. -C'est ça.
14:52 -Quand la mère est haute, quand elle se retire,
14:55 la plage se découvre et il y a peut-être des choses
14:58 qui réapparaissent. C'est un peu ça.
15:00 On peut parfois reparler d'autres choses,
15:02 une fois que les plaintes sont apaisées.
15:04 L'autre élément important, c'est qu'on arrive à s'intéresser
15:08 aux patients, ils le voient, et qu'on parle autre chose
15:11 et qu'il voit des choses qui l'embêtent.
15:13 -Les médecins soignent aussi les patients
15:16 quand ils donnent pas forcément de médicaments,
15:18 mais plus parce qu'ils parlent et qu'ils prennent soin des gens.
15:22 -Oui, vous avez une aide-joie
15:24 chaque fois que je demande où on est au cancer,
15:26 mais le cancer, ça m'intéresse pas,
15:28 ce que je veux, c'est qu'il y ait pas de douleur.
15:31 Musique douce
15:33 -Bon, évidemment, c'est extraordinairement touchant,
15:37 cette sollicitude. C'est du soin, docteur Tochi ?
15:40 -C'est du soin. -Pourquoi ne serait-ce pas du soin ?
15:43 -Je vous pose la question. -Quelque chose qui répond
15:45 à une demande de soulagement d'un patient,
15:48 c'est du soin et de l'accompagnement.
15:50 Je voudrais dire une chose par rapport au soin palliatif,
15:53 parce que c'est un point important.
15:56 On ne sait jamais très bien si on parle des soins
15:58 en tant que contenu du soin,
16:00 c'est-à-dire du traitement des symptômes
16:03 et de l'anticipation de la fin de vie,
16:05 ou si on parle de personnels d'acteurs de soins
16:08 palliatifs, c'est un continuum qui commence par des cas non complexes,
16:11 comme la prise en charge du généraliste,
16:14 du médecin hospitalier, de base du moment qu'il est formé.
16:17 C'est un point important, car quand on ne parle
16:20 de soins palliatifs que pour parler des soins complexes,
16:23 on va parler de soins auxquels tout le monde n'a pas accès,
16:26 parce qu'il n'y en a pas partout, mais aussi parce qu'il n'en a pas besoin.
16:30 Cette distinction dans les soins palliatifs,
16:33 c'est que tous les Français ont le droit aux soins palliatifs
16:36 et tous les Français, fort heureusement pour eux,
16:39 n'auront pas besoin des soins palliatifs
16:41 réservés aux traitements complexes,
16:43 comme dans les unités de soins palliatifs.
16:46 Ca permet de comprendre toute la logique
16:48 de l'anticipation palliative,
16:50 étant la capacité à discuter le plus tôt possible
16:53 avec le patient de comment ça se passerait
16:55 si ça ne se passait pas bien.
16:57 Ca peut être des mois ou des années avant,
17:00 et ça va permettre qu'on ait des soins palliatifs
17:02 au bon moment. -C'est intéressant.
17:05 Vraiment, vous m'amenez sur le chemin
17:07 des directives anticipées à propos d'anticipation.
17:10 Je voulais en parler avec vous, Mathias Savignac,
17:13 parce que c'était une avancée importante de la loi.
17:15 Les directives anticipées, pour résumer,
17:18 c'est la capacité que nous avons tous individuellement
17:21 de mettre noir sur blanc la façon dont nous voulons être accompagnés
17:25 ou pas, si on est malade, à la fin de vie,
17:27 à des moments où on ne pourrait plus avoir ce libre-arbitre.
17:31 Vous les avez écrites,
17:33 vos directives anticipées ?
17:34 Les Français ne savent pas que ça existe ?
17:37 -C'est du droit existant qui est très peu mis en oeuvre,
17:40 et aujourd'hui, 14 % des Françaises et des Français
17:43 ont rédigé leurs directives anticipées.
17:46 Je fais partie des 86 % qui ne l'ont pas fait.
17:48 Par ailleurs, je porte le discours de faire connaître
17:51 ces dispositifs-là, mais je n'avoue pas l'avoir fait
17:54 pour moi-même.
17:55 Après, il y a une chose importante à noter,
17:58 c'est que les directives anticipées
18:00 ne sont pas les dernières volontés.
18:02 Les directives anticipées fixent ce qu'un patient peut demander
18:06 ou ne pas vouloir dans le cadre de questions préétablies,
18:09 définies, comme le respirateur artificiel,
18:12 le fait d'être réanimé ou pas, et ça marche dans le cas
18:15 où la personne qui prend en charge un patient
18:17 a connaissance des directives anticipées,
18:20 et souvent, dans des situations d'urgence,
18:22 il n'a pas la capacité matérielle à accéder à l'information.
18:26 -Il ne s'agit pas tout seul dans son coin d'écrire
18:29 "Oui, je voudrais bénéficier de l'aide active à mourir
18:32 "si besoin était." C'est beaucoup plus précis que ça.
18:35 On va sur un site, j'imagine,
18:37 si on fait directives anticipées,
18:39 on peut trouver les questions très facilement,
18:42 mais que 14 % des Français l'ont fait, c'est dommage.
18:45 Comment faire en sorte qu'ils s'approprient
18:47 cette liberté, Jonathan Denis ?
18:49 -Il faut faire de grandes campagnes de communication.
18:52 Et puis, Mathias parlait finalement du fichier,
18:55 le fichier national, comment prendre connaissance
18:58 des directives anticipées. Dans la loi de 2016,
19:01 il y a un article qui dit qu'il faut créer
19:03 ce fichier national des directives anticipées.
19:06 C'est l'ADMD qui le gère gracieusement.
19:08 -Votre association. -Oui.
19:09 Les médecins généralistes ont un travail à faire
19:12 sur les directives anticipées.
19:14 Vous ne les faites pas sur un coin de table
19:16 en nous regardant. C'est une discussion
19:19 à avoir avec les proches, avec des soignants.
19:21 C'est compliqué de se projeter.
19:23 Je les ai rédigés, mais c'est compliqué.
19:26 Il faut créer ce fichier pour que tous les soignants
19:29 puissent prendre connaissance et bien réfléchir
19:31 à la désignation d'une personne de confiance.
19:34 -Malgré cette loi, qui a eu des avancées,
19:36 vous le reconnaissez, les soins palliatifs,
19:39 on verra tout à l'heure qu'on n'en dispose pas partout en France.
19:42 C'est une des difficultés.
19:44 Mais malgré cela, le député LREM Jean-Louis Touraine,
19:47 auteur d'une proposition de loi pour faire évoluer le statut court,
19:51 a eu cette formule qui est souvent reprise.
19:54 "On meurt mal aujourd'hui en France."
19:57 On meurt mal aujourd'hui en France.
19:59 Vous partagez, d'ailleurs, ce constat de Jean-Louis Touraine ?
20:03 -Mourir mal, c'est une formule forte,
20:05 mais qui a le mérite de pouvoir souligner
20:07 le fait qu'il y a des carences dans notre capacité
20:10 à prendre en charge le grand âge et la fin de vie particulièrement.
20:14 Évidemment, le fait qu'il y ait un manque important d'accès
20:19 pour les Françaises et les Français aux soins palliatifs
20:22 peut laisser penser qu'il y a une inégalité
20:24 de prise en charge et de traitement face à la mort
20:27 et à la perspective de mourir,
20:29 que le fait de ne pas pouvoir accéder à ces dispositifs
20:34 peut faire que, parfois, on ne meurt pas
20:37 dans des conditions de soulagement de la douleur
20:39 ou d'accompagnement le plus optimum.
20:42 La fin de vie ne se résume pas nécessairement
20:44 au dernier instant de la vie.
20:46 Il y a aussi l'accompagnement.
20:48 On évoquait les EHPAD ou la prise en charge au long cours.
20:51 C'est une chaîne de prise en charge et d'accompagnement
20:54 qu'il faut repenser pour respecter au mieux
20:57 l'identité de chacune et de chacun.
20:59 -Je voudrais qu'on regarde à nouveau un extrait d'un film
21:02 qui a été consacré aux soins palliatifs.
21:05 Quand on parle des soins palliatifs,
21:08 il y a les patients, on les a vus,
21:10 il y a les soignants.
21:11 Les soignants sont parfois réticents
21:15 à participer, à être actifs dans l'aide à mourir.
21:19 On le comprend bien.
21:21 Mais parfois, il y a les patients qui trouvent le temps long,
21:24 le temps de soins palliatifs, quand ils sont très accompagnés,
21:28 ils trouvent que ça ne va pas assez vite.
21:30 Regardez "Institut de la verrière" dans les Yvelines.
21:33 Musique douce
21:35 ...
21:37 -La mort, depuis que je me bats contre le cancer,
21:41 elle est dans moi.
21:42 Elle est ma compagne de tous les jours, de toutes les nuits.
21:46 C'est elle qui m'a apprivoisé.
21:49 Elle m'a dit que je ne suis pas si terrifiante
21:52 qu'ils veulent bien dire.
21:54 Maintenant, je veux me reposer,
21:56 mais je croyais que ça allait quand même aller plus vite.
22:00 -Ca veut dire qu'on vous bichonne, alors ?
22:02 -C'est ça.
22:04 -Je trouve que c'est un peu long.
22:06 Le temps qu'ils font pour mourir.
22:10 Musique douce
22:13 ...
22:14 -Ce que ça montre, là, c'est que...
22:16 D'abord, c'est assez extraordinaire.
22:19 Quand on voit les patients qui bénéficient des soins palliatifs,
22:24 on trouve ça quand même merveilleux de pouvoir bénéficier.
22:27 Mais même dans ces cas-là, certains trouvent la vie trop longue.
22:31 Donc, on se pose la question de l'aide active à mourir.
22:34 Qu'est-ce qui vous frappe,
22:36 docteur Doshi, dans les soins palliatifs ?
22:38 -Je voudrais juste répondre à votre question.
22:43 Je voudrais juste répondre sur un point important.
22:46 On a parlé de déficit d'information.
22:48 Le Centre national des soins palliatifs
22:50 et de la fin de vie est un organisme
22:53 qui a été créé en 2016 pour favoriser l'information
22:55 des citoyens, donc pas simplement des soignants,
22:58 des citoyens, patients, proches,
23:00 et citoyens, heureusement, non malades,
23:02 et l'appropriation des lois.
23:04 Il y a effectivement un lieu prévu pour cela.
23:07 Par ailleurs, la majeure partie des Français
23:09 ne connaissent pas les directives anticipées,
23:12 mais dans le sondage auquel je faisais référence,
23:14 on leur a demandé où ils souhaitaient au mieux
23:17 confier leur préférence sur leur fin de vie.
23:19 Il y en a environ 10 % seulement
23:21 qui ont le droit de le confier à une fiche sécurisée.
23:24 C'est juste un point dont vous me pardonnerez
23:27 un pas en arrière, mais c'est important, là encore,
23:30 parce que je reviens sur votre question,
23:32 les soins palliatifs.
23:33 C'est avant tout essayer de s'ancrer
23:36 sur la volonté du patient.
23:37 Et quand on dit soins palliatifs,
23:39 on dit forcément un système de soins
23:42 qui doit largement intégrer
23:44 ce recueil des volontés et des attentes,
23:46 ce qui veut dire du temps, du contact avec les proches
23:49 et tout un travail.
23:51 Mais cette fois, il y a du boulot.
23:53 Vous parlez de l'appropriation par les Français.
23:55 Les Français, quand on leur pose la question,
23:58 ils sont favorables, mais de façon massive,
24:00 à ce qu'on fasse évoluer la loi.
24:03 Vous avez fait faire un sondage par l'IFOP.
24:06 Ils sont, pour un changement, à 92 %,
24:10 92 %, c'est-à-dire que quand on pose la question
24:13 dans la rue,
24:14 aux Français, avec des méthodes de sondage,
24:17 de façon scientifique, ils sont favorables
24:19 à un lait d'active à mourir
24:21 en situation de maladie grave et incurable.
24:24 Qu'est-ce que ça recouvre,
24:26 madame Sprandzi, ce chiffre ?
24:29 Est-ce que ça veut dire que nous sommes collectivement
24:32 prêts à une légalisation de lait d'active à mourir ?
24:36 -Alors, oui, je pense que...
24:39 Oui, la réponse est oui,
24:41 mais en général, et ça se voit aussi dans le monde,
24:44 c'est-à-dire que ce n'est pas un hasard.
24:46 Il y a des mouvements sociétaux qui émergent,
24:49 il y a des besoins qui émergent,
24:51 et on les voit émerger en ce moment.
24:53 Je ne suis pas politiste, ça, c'est ma première question,
24:56 mais je voudrais rebondir un peu sur ce qui a été dit tout à l'heure
25:00 et sur votre question précédente sur les soins palliatifs.
25:03 Un des problèmes actuels, c'est de voir toujours
25:06 une opposition entre les soins palliatifs
25:10 et une aide à mourir.
25:13 Et ça, c'est dommageable,
25:15 parce qu'on a l'impression qu'il y a une lutte,
25:18 que tout le monde ne va pas demander l'euthanasie,
25:21 c'est une façon différente de mourir.
25:23 Je reviens au problème de l'anticipation,
25:25 même pour des gens qui sont en soins palliatifs
25:28 et qui trouvent le temps long.
25:30 C'est beaucoup dans cette temporalité,
25:32 parce que c'est ça, l'euthanasie, c'est une façon d'anticiper,
25:36 d'abréger. Alors qu'un autre sens de soins palliatifs,
25:39 c'est celui... Les soins palliatifs,
25:41 à mon sens, de façon regrettable,
25:43 ils sont accrochés à cette idée
25:45 qu'il existe un temps naturel de la mort.
25:48 Et que ce temps doit être respecté par une titration, etc.
25:51 Et donc, on dit aux patients,
25:53 "Voilà, on sait pas, ça va arriver."
25:56 Et ce refus de moduler le temps de la mort,
26:01 ce que fait l'euthanasie d'une certaine façon,
26:04 mais ce que fait aussi la sédation profonde et continue,
26:07 surtout si elle est appliquée plus tard,
26:09 c'est dommageable, parce que ça crée un besoin,
26:13 comme on l'a dit, de cette modulation,
26:15 d'autant plus que la médecine ne fait que ça.
26:18 -La question, c'est quand même aujourd'hui qu'on se pose,
26:21 collectivement, c'est une bonne loi,
26:23 c'est une loi qui est contournée.
26:25 Mathias Savignac, elle est contournée,
26:28 cette loi, aujourd'hui, puisqu'il y a de plus en plus
26:31 de Français qui vont ailleurs, en Belgique,
26:33 notamment en Suisse,
26:35 pour trouver les moyens de se donner la mort.
26:38 -Elle est contournée,
26:40 et depuis qu'on a commencé
26:42 à prendre attache auprès de nos adhérents,
26:46 nos partis prenants, nos militants,
26:48 on a reçu beaucoup de courriers d'adhérents
26:51 qui nous témoignent de leur situation.
26:53 Notamment, j'ai en tête une adhérente
26:57 en Polynésie, qui nous a écrit,
26:59 pour dire qu'elle transitait par la France
27:02 pour aller en Belgique, donc elle a fait 12 000 km
27:05 pour aller mourir loin de chez elle,
27:07 atteinte de la maladie de Charcot,
27:09 pourtant prise en charge par Hospitalisation à domicile,
27:12 les accompagnements, les psychologues
27:14 qui lui permettaient de soulager ses souffrances,
27:17 et pour autant, elle ne voulait pas
27:19 continuer de vivre dans cette situation-là.
27:22 Je trouve particulièrement de devoir faire 12 000 km
27:25 loin des siens pour aller trouver une réponse.
27:28 -C'est quand même un exemple, effectivement, très frappant.
27:31 Néanmoins, en faisant moins de kilomètres,
27:33 il y a de plus en plus de Français qui vont en Belgique,
27:37 vous le savez bien, monsieur Denis,
27:39 et nous avons suivi le fils d'une femme
27:41 qui avait fait ce choix d'aller en Belgique
27:43 pour se donner la mort après avoir été diagnostiquée
27:46 évidemment d'une maladie grave.
27:48 On regarde. Reportage.
27:50 -Un sourire jusqu'à la dernière seconde.
27:58 C'est l'image que Nicolas gardera de sa mère,
28:01 euthanasiée l'année dernière en Belgique.
28:04 -Elle sait qu'elle va partir dans quelques minutes.
28:06 Elle a cette sérénité, elle sait qu'elle y est arrivée
28:10 parce que vraiment, son but, c'était de partir comme ça,
28:13 partir heureuse, partir en pleine possession
28:15 de son cerveau, de son âme.
28:20 -Vouky était une femme forte,
28:22 comme en témoignent ses albums jaunis.
28:24 Émigré du Monténégro, ingénieur dans les télécommunications,
28:28 une femme brillante qui choisit de décider de sa mort
28:31 lorsqu'un jour, un cancer la condamne.
28:34 -Ca a toujours été une évidence, je pense, pour elle
28:37 et moi, j'en étais pas étonné, évidemment,
28:40 de voir qu'elle refusait de devenir un légume.
28:43 Elle voulait pas perdre déjà son autonomie
28:45 et ensuite, effectivement, sa personnalité, son âme.
28:48 -Comme Vouky, les Français sont de plus en plus nombreux
28:51 à aller mourir à l'étranger, là où l'euthanasie est autorisée.
28:55 A la frontière belge, une bénévole française
28:58 se dévoue depuis 30 ans pour aider les patients à s'y repérer.
29:02 -C'est un peu comme un peu comme un peu comme un peu comme un peu
29:06 comme un peu comme un peu comme un peu comme un peu comme un peu...
29:09 -Comme tous les jours, Claudette reçoit de nombreux appels à l'aide.
29:14 -On est à deux doigts de voir passer au tube et tout ça...
29:19 -Ah oui, lui, je comprends. -Lui, il m'a dit... C'est négatif.
29:24 -Il peut aller passer une consultation...
29:27 Quand je dis "une consultation", c'est deux consultations à Bruxelles.
29:31 Après, son dossier est ouvert en Belgique.
29:34 -Claudette fait d'abord un premier tri.
29:36 Puis, lorsqu'elle juge que les patients rentrent
29:39 dans le cadre légal, elle les oriente
29:42 vers un médecin belge qui accepte de les aider.
29:45 Avec le temps, Claudette est un peu devenue sa secrétaire médicale.
29:50 -Bonjour, Yves.
29:52 -Le docteur Delocq est un habitué des euthanasies de Français.
29:56 Il n'existe aucune donnée officielle,
29:58 mais comme lui, les médecins belges remarquent
30:01 une augmentation des demandes.
30:03 -Il n'y a plus qu'un seul hôpital qui accepte des étrangers.
30:06 -Des étrangers, oui. -On n'en peut plus.
30:08 Ce mois-ci, j'ai fait une euthanasie par semaine.
30:13 Pour moi, c'est trop. Au départ, avec Claudette,
30:16 on avait dit une par mois.
30:17 Je me vois mal, comme la loi Claes Leoletti le dit,
30:23 dire à un patient "Vous n'avez pas encore assez souffert,
30:27 "revenez l'année prochaine."
30:29 Le patient, quand il sait que son dossier est ouvert
30:32 et qu'il pourra peut-être un jour bénéficier d'une euthanasie,
30:37 se sent beaucoup mieux quand il quitte mon bureau.
30:40 Il y en a parfois qui avaient arrêté leur traitement,
30:43 qui reprennent leur traitement.
30:45 -Le docteur Delocq prendra sa retraite prochainement.
30:48 Pour continuer à soulager les patients,
30:50 Claudette compte sur une évolution de la loi française
30:54 qui, espère-t-elle, pourrait s'inspirer des dispositions belges.
31:00 -Extrait d'un reportage d'Alexia Leperon pour Etat de santé.
31:04 Je voulais réagir, docteur,
31:05 mais d'abord, Mathias Savignac,
31:07 qu'est-ce que ça vous inspire ?
31:09 -Le début de la vidéo m'inspire quelque chose
31:12 qui me semble aussi assez intéressant,
31:14 à savoir qu'il est éminemment important
31:16 de s'intéresser à la volonté des patients,
31:19 dans ce qu'ils souhaitent ou pas,
31:20 s'intéresser à ceux qui partent.
31:22 Le début de la vidéo mentionne aussi ce qui reste.
31:25 Et que, finalement, pouvoir prévoir sa fin de vie,
31:29 comme c'est le cas avec l'euthanasie,
31:31 permet aussi à celles et ceux qui restent
31:34 de dire au revoir à leurs proches et de faire un moment de vie
31:37 jusqu'au bout. C'est important pour faire le deuil.
31:40 -Vous permettez que je propose à Jonathan Denis
31:42 de nous raconter aussi l'histoire que vous avez vécue avec votre père.
31:46 -C'est une histoire, comme c'était relaté aussi dans le reportage,
31:50 mon père avait un cancer généralisé,
31:52 et était parti d'un principe simple,
31:54 quand les souffrances sont insupportables pour lui,
31:57 il lui fallait de l'accompagner jusqu'au bout.
32:00 Pour lui, c'était prendre un médicament
32:02 qui lui permettait de partir.
32:04 Ce médicament ne l'a pas aidé à partir.
32:06 C'est pour ça qu'il y a des modèles
32:08 qui sont un questionné, comme le modèle de l'oregon.
32:11 On prend seul un médicament.
32:13 -L'oregon, aux Etats-Unis, où la personne éligible
32:15 peut aller chercher un médicament,
32:17 à lui, de le prendre ou pas.
32:19 C'est très intéressant, car certains ne le font pas.
32:22 -Ils ne le font pas, et pour plus de la moitié,
32:25 il faut le prendre seul, avec des conséquences.
32:27 Mon père l'a pris seul et a été transporté à l'hôpital.
32:31 Il a fallu connaître le "bon" chef de service
32:33 qui connaissait mon père,
32:35 qui avait compris la demande de mon père
32:37 et qui l'a accompagné jusqu'au bout.
32:39 C'était une euthanasie clandestine.
32:41 Aujourd'hui, il y a des euthanasies clandestines
32:44 qui se font chez nous.
32:45 Il y a des Français qui paient pour aller en Suisse,
32:48 qui, légalement, vont en Belgique...
32:50 -Pardon pour cette question triviale.
32:53 Ca relève de l'égalité de soins.
32:55 -En Suisse, ça coûte 10 000 euros,
32:57 mais c'est le coût d'un suicide assisté.
32:59 Il y a des Français qui se font rembourser
33:01 les soins préparatoires d'une euthanasie
33:04 par la Sécurité sociale française.
33:06 -On est un peu chez Ubu.
33:07 Qu'est-ce qui vous a fait réagir ?
33:09 -Ce qui me fait réagir ?
33:11 Je vais réagir rapidement.
33:13 Le Centre national, comme je l'ai dit,
33:15 est une structure publique non militante.
33:17 C'est pas là-dessus que je vais rebondir.
33:20 C'est un centre de ressources et de références.
33:23 C'est là où je serais.
33:24 Lorsqu'on dit que la loi Clasle-Leonetti...
33:27 Il faut attendre que les personnes souffrent assez
33:29 pour demander à bénéficier de la sédation.
33:32 C'est inexact.
33:33 L'arrêt des soins est demandable par absolument tout patient
33:36 qui considère qu'ils sont déraisonnables.
33:39 La loi Clasle-Leonetti prévoit que si jamais l'arrêt des traitements
33:43 peut entraîner le décès avec des souffrances,
33:45 la sédation profonde et continue doit être mise en place.
33:49 Pour rajouter deux mots,
33:50 quand on dit que les soins palliatifs
33:52 ne veulent pas de changement de la loi,
33:54 c'est la même erreur d'interprétation,
33:57 si je peux me le permettre, que je mentionnais.
34:00 C'est les soins palliatifs en tant qu'acteurs,
34:02 pas les soins palliatifs en termes de contenu de soins.
34:05 Ce sont des soins, ce ne sont pas des personnes.
34:08 Il faut faire attention à ces raccourcis.
34:10 Ca n'a pas de sens d'opposer un contenu de soins
34:13 avec une volonté de changer un texte de loi.
34:16 On parle de concepts différents.
34:18 Les soins palliatifs ne vont pas disparaître si la loi évolue.
34:21 Tout ça va coexister.
34:23 On aura des choix supplémentaires.
34:26 On s'est intéressés à ce que faisaient nos voisins.
34:29 On va en Belgique, on va en Suisse,
34:31 donc on a des voisins qui ont légiféré
34:34 plus tôt que nous.
34:35 Qui a fait quoi ?
34:38 Regardez cette infographie.
34:46 -6, c'est le nombre de pays, parmi nos voisins européens,
34:50 qui autorisent l'aide active à mourir.
34:52 Les Pays-Bas et la Belgique font figure de précurseur.
34:56 Cela fait 20 ans que les médecins y sont autorisés
34:59 à donner la mort aux patients qui le souhaitent.
35:01 Au Pays-Bas, un texte promulgué le 1er avril 2001
35:04 autorise l'euthanasie et le suicide
35:07 assistés aux personnes capables de discernement,
35:10 qui expriment leurs demandes de manière volontaire
35:13 et mûrement réfléchie,
35:14 sans l'atteinte d'une maladie incurable,
35:16 qui subissent une souffrance physique ou psychique insupportable
35:20 et sans perspective d'amélioration,
35:22 et ce, s'il n'y a aucune autre option réaliste.
35:25 Un médecin et un expert indépendant
35:27 doivent attester du respect des critères d'éligibilité.
35:31 Les conditions d'accès sont similaires en Belgique
35:34 et encadrées par la loi du 28 mai 2002.
35:36 La demande doit être de plus, répétée, par écrit
35:39 et lors d'entretiens avec un médecin.
35:42 Le patient peut exprimer ses volontés
35:44 dans une déclaration anticipée
35:46 ou en faire la demande expresse.
35:48 En 2014, la Belgique a élargi l'accès à l'euthanasie
35:52 aux enfants en capacité de discernement.
35:54 En Suisse, la loi qui encadre l'aide active à mourir
35:58 est encore plus ancienne.
36:00 Elle date de 1942,
36:02 mais n'autorise que le suicide assisté
36:04 et non l'euthanasie.
36:06 A la fin du processus,
36:08 souvent accompagnée par une association,
36:11 c'est donc le patient qui se donne la mort lui-même
36:14 en prenant un médicament.
36:16 En 2009, le Luxembourg a rejoint la liste des pays
36:20 qui autorisent l'euthanasie et le suicide assisté
36:24 et a été suivi, en 2021, par l'Espagne.
36:27 Dans les prochains mois,
36:29 le Portugal pourrait devenir le 5e pays européen
36:32 à légaliser l'euthanasie.
36:34 La loi sur la mort médicalement assistée
36:37 a bien été adoptée au Parlement
36:40 le 9 décembre 2022,
36:41 mais elle se heurte à l'opposition du président portugais.
36:45 -Vers quel modèle devrait-on aller, Jonathan Denis ?
36:53 -On serait capable, en France, de faire un modèle 100 % français.
36:57 Il y a plusieurs modèles.
36:59 Le modèle de la Belgique, où ils ont fait 3 lois.
37:02 Il y a le modèle espagnol,
37:04 il y a le modèle italien, suicide assisté.
37:06 Vous avez le modèle de l'Oregon,
37:09 dont je parlais tout à l'heure,
37:10 qui ne serait pas un modèle
37:12 dans la promesse de solidarité, d'autonomie et de fraternité,
37:16 mais la France saura faire un modèle.
37:18 Le but de cette convention citoyenne,
37:21 c'est de réfléchir sur ce qui peut exister à l'étranger
37:24 et sur la façon dont pourrait évoluer la loi en France.
37:27 -Vous ne voyez aucune réserve,
37:29 vous n'avez aucune critique à faire au système belge.
37:33 Certains estiment qu'une fois qu'on a fait sa demande,
37:36 comme vous le voyez dans le reportage,
37:38 une fois qu'on est entré dans le processus,
37:41 on ne peut plus en sortir.
37:42 Il y a une pression qui s'opère sur l'individu demandeur,
37:46 qui fait qu'on ne peut plus, finalement,
37:48 on a perdu le libre choix qu'on pensait exercer
37:51 par cette même démarche. -C'est faux.
37:53 C'est le patient qui décide, le médecin qui consent.
37:56 Jusqu'au bout, dans tous les pays, à la dernière seconde,
38:00 on vous demande... -On peut sortir du processus.
38:03 -Mais vous avez des personnes qui, en Belgique,
38:05 ont été encerclées.
38:07 Ca rassure aussi les patients de savoir que ça existe.
38:10 C'est pour ça qu'ils ne vont pas au bout
38:12 et vont décéder d'une mort naturelle.
38:14 C'est le phénomène de la porte de sortie.
38:17 Ca rassure qu'on soit respecté dans ses volontés.
38:19 -C'est intéressant. Le fait de savoir que ça existe
38:22 peut dissuader certains qui auraient été tentés de le faire
38:26 si ça n'existe pas.
38:28 Alors, pour qui ?
38:29 Pour qui faut-il éventuellement légiférer ?
38:33 Pour quels malades, madame Dauchy ?
38:35 -Le Comité consultatif national d'éthique
38:39 a pointé certaines situations
38:42 dans lesquelles la loi actuelle ne répondait pas
38:45 aux désirs des patients et a mis en avant
38:47 l'exemple des maladies neurodégénératives.
38:50 C'est l'exemple le plus habituellement mis en avant.
38:55 Juste un chiffre par rapport à ça.
38:57 -Les malades atteints de ces maladies,
38:59 avant qu'ils ne soient plus en situation de demander.
39:02 -Oui, si ce n'est que lorsqu'ils ne sont plus en situation de demander,
39:06 ils sont en général en situation d'être dépendants
39:09 d'une suppléance vitale. La loi française
39:11 autorise absolument tous les patients
39:13 à demander l'arrêt des traitements.
39:15 En Oregon, c'est intéressant,
39:17 la proportion des patients atteints de sclérose latérale
39:20 qui décède par recours au suicide assisté
39:23 est de 5 % de cette population.
39:25 C'est intéressant.
39:26 -Ca dit quoi, cette statistique ?
39:29 -Ca dit que c'est une proportion plus importante
39:32 que celle des autres pathologies,
39:34 c'est moins de 1 % pour les patients atteints de cancer.
39:37 Ca dit en même temps que ce n'est pas forcément
39:40 parce que la loi existe que c'est la seule solution
39:43 pour ces patients-là.
39:44 Mais c'est une donnée factuelle.
39:46 -Batia Savignac, pour qui ?
39:47 -Pour qui ?
39:49 Parce que c'est une question aussi très importante,
39:52 si on fait évoluer la loi.
39:53 Pour quel type de malade ?
39:55 Est-ce que les jeunes, par exemple,
39:57 pourraient exercer ce droit ?
39:59 Ca aussi, c'est une question sensible.
40:01 -Je ne sais pas vous répondre.
40:03 Je ne sais pas, parce qu'à titre personnel,
40:05 je peux avoir des convictions, des idées,
40:08 mais je trouve que c'est le genre de questions
40:10 auxquelles il faut apporter une réponse collective.
40:13 La Convention citoyenne,
40:15 un formidable exercice de démocratie,
40:17 permet aussi d'éclairer la manière dont celles et ceux
40:20 qui vont prendre la décision le feront.
40:22 Encore une fois, comité d'éthique,
40:24 il y a des professionnels, des médecins,
40:27 qui vont s'exprimer là-dessus, mais on n'arrivera
40:30 à définir les contours de cette loi à la française.
40:32 -C'est intéressant, ce que vous dites,
40:35 parce que c'est extraordinairement compliqué
40:37 et qu'on est toujours tenté de répondre
40:40 pour ou contre l'euthanasie.
40:41 En réalité, encore une fois,
40:43 quand on entre dans la problématique,
40:45 c'est très complexe.
40:47 Mme Prendier, comment vous répondez à cette question ?
40:50 -Alors, je dirais
40:52 qu'une façon, comme l'a dit Mme Dauchy,
40:56 de prendre les cas qui sont les plus évidents,
41:01 ceux qui sont les plus criants,
41:04 ceux qui sont majoritaires dans les pays
41:07 dans lesquels ça se fait,
41:08 c'est ces situations de maladies neurologiques
41:11 avec un pronostic vital engagé de façon certaine
41:15 et avec une diminution des capacités
41:17 extrêmement importante.
41:19 Et évidemment, les maladies cancéreuses,
41:21 qui sont la grande majorité des...
41:24 Voilà, c'est la grande majorité des cas,
41:26 mais ce sont les cas moins problématiques
41:29 du fait que le décès est prévisible.
41:32 Les cas les plus problématiques,
41:34 c'est les cas du polyhandicap...
41:36 -Pourquoi ?
41:37 -Complexe, parce que là, il faut évaluer non seulement...
41:40 -Vous voulez dire polyhandicap
41:42 sans pronostic vital engagé ?
41:45 -Voilà, c'est ça.
41:46 -Quelqu'un qui peut, en fait, en finir.
41:49 -Et c'est aussi la majorité des gens
41:51 qui le demandent, aussi, c'est pour des raisons de dépendance,
41:54 mais comme le disent aussi,
41:56 j'ai lu les témoignages suisses et belges,
42:00 c'est les cas les plus complexes à évaluer.
42:02 Parce que la souffrance, certes, c'est celle du patient,
42:06 mais elle doit être approuvée par l'MSF.
42:08 Donc je pense que dans une loi,
42:10 probablement, mais moi, je suis d'accord
42:12 avec ce qu'a dit mon... -Monsieur Savignac.
42:15 -Oui, Savignac,
42:16 que une loi doit être déterminée démocratiquement
42:21 et, non seulement ça, elle va évoluer, certainement.
42:24 Les lois dans les autres pays ont évolué.
42:26 Il s'agit pas de dire... -Ce n'est pas figé.
42:29 -Ce n'est pas figé, et on a pas arrêté de faire évoluer
42:32 les lois sur l'IVG, l'assistance médicale, la procréation,
42:35 donc il faut pas se figer là-dessus,
42:37 il faut commencer par quelque chose qui habitue aussi,
42:40 qui crée un nouveau écosystème de la mort
42:42 pour voir comment ce système à la française
42:45 va se mettre en place et va pouvoir évoluer.
42:48 -Ceux qui craindraient
42:49 qu'on enferme la France dans un cadre,
42:51 il faut comprendre que ça peut encore évoluer.
42:54 Il y a une chose dont on n'a encore pas parlé,
42:56 pourtant elle est évidente dans ce débat,
42:59 on essaye, dans la limite du temps dont on dispose
43:01 de ne rater aucune problématique,
43:04 c'est évidemment celle des soignants.
43:06 Soigner, c'est guérir, c'est le serment d'Hippocrate.
43:09 Or, là, on engage le soignant dans une démarche très différente.
43:12 Et évidemment, il y a des réticences,
43:15 c'est une question qu'on a posée,
43:17 au médecin gériatre Jacques Weber,
43:19 dans un service de soins palliatifs.
43:21 Ecoutez.
43:23 -Est-ce que toutes les demandes doivent être suivies des faits ?
43:31 En tout cas, je pense qu'il y a des réflexions éthiques à mener.
43:34 Après, vous dire, moi, à titre personnel,
43:37 comment je me positionnerais si jamais il y avait
43:40 une évolution de la loi ?
43:41 Je ne sais pas si je ne demanderais pas
43:43 d'avoir un droit au retrait pour avoir mon libre arbitre,
43:47 mon arbitre dans la décision.
43:48 -Le droit au retrait, docteur, c'est quoi ?
43:55 C'est invoquer la cause de conscience
43:58 et dire, moi, je ne veux pas en être,
44:00 je ne veux pas faire ce type de gestes
44:03 à l'égard de mes patients ?
44:05 -C'est laisser aux médecins sa liberté aussi,
44:09 mais ça pose la question sous-jacente,
44:13 ça renvoie à l'éternelle question sous-jacente
44:15 de la question de la compréhension de l'acte.
44:18 Par exemple, on disait tout à l'heure...
44:20 -Ca veut dire quoi, ça ?
44:22 -On parlait tout à l'heure de la sédation profonde
44:25 et continue et du fait qu'elle pouvait abréger le décès.
44:28 On n'a pas de chiffres montrant que la sédation
44:30 en elle-même abrège le décès.
44:32 En revanche, la sédation étant associée
44:35 à un arrêt des traitements, notamment l'hydratation,
44:38 un patient sédaté va mourir plus vite
44:40 qu'un patient qu'on n'aura pas sédaté.
44:42 Je parle de savoir ce qu'on fait,
44:44 car typiquement, devant une sédation profonde
44:47 et continue, il y a encore des médecins
44:49 qui se demandent s'ils ne sont pas en train d'abréger la vie.
44:52 La question sous-jacente de celle de la clause de retraite,
44:56 de la clause de conscience,
44:57 comme celle de l'intégralité des actes en soins préliatifs,
45:01 pose la question de avec quelle formation on le fait,
45:04 avec quelle relation avec son médecin
45:06 et avec quelle capacité à anticiper,
45:08 pas au sens d'accélérer le décès,
45:10 c'est anticiper au sens d'être capable
45:13 de reconnaître que la médecine ne guérira pas
45:15 et qu'être médecin, c'est être capable très tôt
45:18 de dire qu'on ne va pas y arriver.
45:20 -Ce sont des débats extraordinairement passionnants.
45:23 La communauté médicale est évidemment très concernée
45:28 par tout ça, très bouleversée, sans doute aussi.
45:32 La clause de conscience, c'est une évidence ?
45:35 -Evidemment. On ne peut pas parler de libre choix
45:37 et demander aux soignants et aux médecins
45:40 de pratiquer quelque chose qui ne pourrait pas être
45:43 dans leur valeur ou bien même dans leur valeur,
45:45 mais ils ne souhaiteraient pas le faire.
45:48 On a entendu le témoignage du docteur Yves Delocte
45:51 en Belgique, il vous expliquait la dureté de faire ce geste
45:54 d'euthanasie. Vous pouvez être favorable
45:56 à une évolution de la loi, être soignant
45:58 et ne pas souhaiter le faire.
46:00 La clause de conscience, c'est indéniablement
46:03 la clé du projet de loi pour respecter chacun
46:05 dans ses convictions. -Nous réfléchissons
46:08 depuis une quarantaine de minutes ensemble.
46:10 Les membres de la Convention citoyenne,
46:13 ça fait des semaines qu'ils sont en train de plancher
46:16 sur ce débat, ils sont donc 185.
46:17 Ils vous ont peut-être entendu, madame Doshi,
46:20 vous avez peut-être été entendue par les membres
46:23 de la Convention citoyenne, certains sont arrivés
46:26 avec des certitudes, ils sortent avec que des questions.
46:29 On va écouter quelques-unes de leurs réflexions
46:31 et on se retrouve juste après.
46:34 Musique douce
46:36 ...
46:43 -Les citoyens vont se réunir à raison de 9 séquences,
46:46 c'est plus de 24 jours de travail.
46:47 Il y a des auditions, une formation,
46:50 un accompagnement, des outils proposés.
46:52 On a l'impression que les citoyens ne peuvent pas faire des choses
46:56 et quand on leur donne les clés, les outils
46:58 et l'accompagnement, la délibération collective
47:01 produit des choses formidables.
47:03 -Les sujets, c'est santé et société.
47:05 -On va devoir aborder des questions morales et éthiques.
47:08 Qu'est-ce que la société veut ? Oui ou non ?
47:10 On veut telle ou telle pratique, par exemple,
47:12 sur le recours à l'euthanasie ? Oui ou non ?
47:15 -On a tous des expériences de fin de vie.
47:17 -Ayant une maladie évolutive, j'ai peur qu'un jour,
47:20 je me retrouve dans un lit, à ne plus savoir marcher,
47:23 et qu'on doit s'occuper de moi.
47:25 -On n'a pas fait ce métier pour être impatients à mourir.
47:28 C'est pas possible pour moi, c'est juste pas possible du tout.
47:32 Du tout, du tout, du tout.
47:33 Du tout, du tout, du tout.
47:35 -L'audition des soignants,
47:37 où là, on a eu une quasi-unanimité
47:39 des soignants, donc médecins, infirmières, accompagnants,
47:43 contre l'euthanasie...
47:45 Euh...
47:49 Ouais, ça, je peux le dire, moi, ça m'a bouleversé.
47:52 -Ca m'interpelle quand même
47:54 sur des choses que j'avais pas imaginées.
47:56 Musique douce
47:58 ...
48:04 -Le problème, c'est pas d'ouvrir une porte,
48:06 mais comment on va attraper l'ouverture de cette porte ?
48:09 Il y aura des dérives, c'est sûr.
48:11 -Y a-t-il d'autres groupes qui se sont positionnés différemment ?
48:15 -Quelles conditions vous avez pour avoir droit
48:18 à l'arrêté de sous-médic ?
48:19 Applaudissements
48:22 -Après cette session, on se rend compte
48:24 que c'est beaucoup plus compliqué que ça
48:26 et qu'il y a plein d'aspérités à prendre en compte,
48:29 plein de... Chaque fin de vie est différente.
48:32 La question n'est pas si simple que ça.
48:34 ...
48:40 Musique douce
48:43 -Oui, c'est beaucoup plus compliqué que ça.
48:46 Effectivement, Mathias Aminay,
48:48 il faut rappeler que certains pensent
48:50 que de cet exercice démocratique dont vous parliez
48:53 va sortir une loi. Pas du tout.
48:55 Ce sont des avis de citoyens qui vont éclairer ensuite
48:58 le législateur et commencer aussi par l'Elysée,
49:01 par Emmanuel Macron, qui l'a demandé.
49:03 La loi, elle viendra après, bien sûr.
49:05 C'est une forme d'éclairage.
49:07 -C'est une forme de délibération qui permet de prendre
49:10 le pouls de la société à travers des citoyennes et des citoyens
49:13 qui, avec ce qu'ils sont, leur singularité,
49:16 ensemble, se forgent un avis collectif
49:18 qui n'a pas valeur de loi, mais qui a valeur d'éclairage
49:21 pour celles et ceux qui auront la responsabilité
49:24 ou pas une loi autour de l'aide active à mourir.
49:27 -C'est un bel exemple, quand même,
49:29 parce qu'on est rendus à beaucoup de modestie
49:32 une fois qu'on vous reçoit les uns et les autres
49:34 pour expliquer vos pratiques.
49:36 Mme Pranzik, qu'attendez-vous de cette convention citoyenne ?
49:40 -Alors, moi, je suis frappée par le fait
49:43 que le moment auquel ça a été fait
49:46 et le fait qu'on en a parlé tout à l'heure,
49:49 on a l'impression que quelque chose émerge de nouveau
49:52 dans la société et plutôt que d'en s'en tenir
49:54 à des simples sondages qui dépendent
49:56 de la façon dont la question est posée,
49:58 eh bien, on va consolider cette opinion,
50:02 cette opinion publique, on peut dire,
50:05 d'une façon plus structurée,
50:07 avec des citoyens représentatifs, mais qui ont été formés.
50:10 Et donc, je pense que c'est un...
50:12 En fait, c'est une...
50:14 Ca donne vraiment une indication beaucoup plus fiable
50:18 que nous le sommes.
50:20 -Les simples sondages, d'où nous en sommes
50:22 par rapport à la réflexion.
50:26 Je voulais rebondir aussi sur les soignants, peut-être,
50:29 sur le fait que je voulais donner une statistique au Québec,
50:33 où le pourcentage de ces décès par aide médicale à mourir
50:38 est le plus élevé, presque 5 %,
50:40 il n'y a que 0,5... -Combien ?
50:41 -Presque 5 %.
50:43 C'est le plus élevé par rapport à la Belgique, à la...
50:47 -Attendez, 5 % de quoi ? -De tous les décès.
50:49 -De tous les décès ? -Oui.
50:51 Et presque 5 %.
50:54 Mais je voulais juste rassurer les soignants,
50:56 il n'y a que 0,5 % des soignants qui effectuent le geste.
51:01 Et donc, on n'est même pas dans le cadre
51:03 d'une objection de conscience.
51:05 C'est-à-dire qu'on est censé le faire et on se dégage,
51:08 c'est un acte dérogatoire.
51:10 Or, là, c'est vraiment une volonté, une liberté
51:13 des soignants qui le désirent de le faire.
51:15 Donc, c'est très rassurant, je trouve, pour les soignants.
51:19 -J'imagine que les membres de la Convention citoyenne
51:22 ont scruté tous les exemples, pas seulement européens,
51:25 y compris le québécois, qui a l'air intéressant.
51:28 Qu'attendez-vous de la Convention citoyenne ?
51:31 -Qu'il en ressorte, ce qu'il ressort d'un espace de pensée
51:34 et de réflexion autour de quelque chose
51:36 qui fait aussi peur que la fin de vie
51:39 et ce à quoi on assiste, et le centre est présent,
51:41 via sa directrice, Jovana Marsico,
51:43 au sein de la Convention citoyenne.
51:46 Elle décrit un formidable exercice démocratique,
51:49 et surtout un formidable exercice de mise en situation
51:52 et de mise en pensée d'une fin de vie
51:54 qui fait tellement peur qu'on arrive à un débat très binaire,
51:57 qui est, plutôt que de penser à ce qui fait peur,
52:00 je suis pour ou contre.
52:01 La vraie question, c'est comment on structure une réflexion
52:05 le plus en amont et le plus pluriel possible
52:07 pour chacun forger sa fin de vie,
52:09 en fonction de ses attentes et ses valeurs.
52:12 -Denis, juste pour conclure,
52:13 vous n'avez jamais été aussi près, c'est votre état d'esprit,
52:17 d'arriver ce à quoi, pour lequel, vous militez depuis des années.
52:21 -J'espère, mais je me méfie.
52:22 Des conventions citoyennes, on en a déjà eu.
52:25 On parlait politique, il y a déjà eu une proposition de loi
52:28 votant la légalisation de l'aide active à mourir.
52:31 Pour autant, c'était le cas du niche parlementaire.
52:34 Donc, oui, aujourd'hui, on pourrait dire
52:36 un alignement des planètes,
52:38 mais maintenant, il va falloir continuer à discuter.
52:41 -Vous êtes raisonnablement optimiste.
52:43 -Si la loi est votée, je me méfie de l'application.
52:46 -Vous avez raison, il faut regarder tous les compartiments du jeu.
52:49 Merci infiniment, Jonathan Denis, Madame Sprandzi,
52:52 docteur Doshi, merci, Mathias Savignac.
52:55 On espère vous avoir éclairé, en tout cas aidé à forger
52:58 cette opinion, encore une fois délicate,
53:00 à se faire sur ce débat sur la fin de vie.
53:03 C'est la fin de ce numéro. Bonne soirée à tous sur LCP.
53:07 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
53:10 Générique
53:12 ...

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