Le strip m'a permis de me lancer dans ma vraie passion
Quand les expériences professionnelles s’enchaînent et qu’elles alimentent un épuisement moral et n’apportent que de l’ingratitude, elles peuvent conduire dans le pire des cas à un burn out. Avant d’en arriver là, Eilee, motivée par le fait de gagner plus d’argent, a fait le choix de devenir strip-teaseuse. Nourrissant ce nouveau projet avec la représentation du monde du strip-tease américain, elle s’est confrontée à la réalité du public français, à un rapport au corps et aux clients différents de ce qu’elle avait imaginé, elle est venue nous raconter les dessous de ce métier peu connu.
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Transcript
00:00 Les strip clubs, c'est en quelque sorte une boîte à trauma.
00:02 Une fois qu'on y rentre, c'est impossible de ne pas être victime
00:07 d'attouchements, d'agressions sexuelles.
00:10 Il y a beaucoup de discrimination et de racisme dans ce milieu.
00:14 Ma motivation à commencer le strip, je pense que c'était l'argent avant tout.
00:19 Je faisais quelque chose qui n'avait rien à voir avant
00:20 et je n'en pouvais plus d'avoir un job 8h, 17h pour le salaire que c'était.
00:25 Je ne pouvais pas.
00:26 Ça faisait déjà plusieurs années que je me renseignais sur le strip.
00:31 J'ai fait un burn-out, j'ai démissionné.
00:33 J'ai dit à mon boss, je suis désolée, je ne peux pas faire ça, c'est trop pour moi.
00:36 Du coup, j'ai dit, tu sais quoi, je vais partir faire un casting
00:39 dans un club de striptease.
00:40 J'ai pris le premier que j'ai trouvé.
00:42 J'ai tapé club de striptease sur Internet.
00:43 J'ai appelé, ils m'ont dit, oui, il faut se présenter à telle heure.
00:46 J'ai fait, OK, je suis venue vraiment sans rien, sans talons, sans rien.
00:49 Le matin, j'avais travaillé.
00:50 Je ne savais pas du tout comment ça allait déboucher par la suite.
00:53 J'ai passé le casting.
00:55 Il fallait que je fasse une prestation sur la scène.
00:57 Mettre en sous-vêtements.
00:59 Je n'avais même pas de vêtements de prévu.
01:01 Donc, c'était mes sous-vêtements du travail du matin.
01:02 Je n'avais pas de talons.
01:04 Du coup, j'ai emprunté des talons à une danseuse qui travaillait déjà ce soir-là.
01:07 J'ai été prise.
01:08 J'ai travaillé juste après, le soir même, du coup, directement.
01:12 Et ça m'a assez ouvert les yeux parce que ce n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais.
01:16 Même si je m'étais un petit peu renseignée avant,
01:18 il y avait beaucoup de choses que je ne savais pas.
01:19 Et en une soirée, mon idée par rapport au strip avait totalement changé.
01:23 Il y avait plein de choses comme le fait que quand on passe sur scène,
01:26 on est topless.
01:27 Je pensais qu'on était juste en sous-vêtements.
01:28 Je me souviens que le premier soir, quand je suis arrivée,
01:30 je suis restée à regarder les filles sur scène très longtemps.
01:33 Je suis allée voir le DJ.
01:34 Le DJ nous appelle par nos noms de danseuses.
01:36 Donc, quand on arrive, la manageuse te demande de choisir un nom de danseuse.
01:41 Moi, c'est Abby.
01:42 Et je lui ai demandé de ne pas me faire passer avant un moment,
01:44 le temps que j'observe un petit peu.
01:45 Donc, j'ai fait ma première scène.
01:47 Et ensuite, ma première scène, je suis allée voir une danseuse
01:50 et je lui ai demandé comment ça se passait, les danses avec les clients,
01:52 qu'est-ce qu'on a le droit de faire, qu'est-ce qu'on n'a pas le droit de faire,
01:54 quelles sont les limites,
01:55 est-ce qu'on a le droit de refuser qu'un client nous touche,
01:58 plein de choses comme ça.
01:59 Et donc, je suis tombée sur une fille super sympa
02:01 qui m'a expliqué comment ça se passait,
02:03 qui m'a fait une danse pour me montrer comment elle, elle faisait,
02:06 qui m'a dit qu'en vrai, chaque danseuse a ses particularités,
02:09 sa façon d'approcher le client, sa façon de danser, etc.
02:13 Ça m'a beaucoup aidée de parler avec les autres danseuses
02:15 pour comprendre comment ça marchait, en fait.
02:18 Donc, il y a un client qui est venu me voir
02:19 et qui m'a demandé une danse privée, donc un VIP.
02:22 J'ai fait la danse et j'ai enlevé mon haut,
02:24 mais je n'ai pas enlevé le bas.
02:25 Vous ne savez pas comment ça se passait,
02:26 je n'étais pas allée dans les privés,
02:27 j'étais jamais allée dans un club de street tease.
02:28 Et en fait, il y a des caméras dans les privés
02:30 et donc du coup, la house mom, la manageuse,
02:32 nous voit à travers les caméras
02:34 et elle a vu qu'à la fin de la danse,
02:36 je n'avais pas enlevé mon bas,
02:38 sauf que les clients peuvent s'en plaindre
02:39 puisque normalement, on est censé finir complètement nu.
02:42 Donc oui, elle m'a rappelé qu'il fallait vraiment être nu,
02:44 mais au début, je ne savais vraiment pas
02:47 que ça se passait comme ça.
02:47 À partir du moment où tu es une femme,
02:49 tu peux travailler, tu peux être street teaseuse.
02:51 Après, je pense que ça dépend des clubs,
02:53 mais il y a vraiment de tout type d'ethnies, de morphologie.
02:57 C'est hyper divers.
02:58 En général, sur scène, les filles assez rondes
03:02 ou avec trop de forme, elles ne peuvent pas passer sur scène
03:05 parce que d'après les manageuses et le patron, etc.,
03:09 ce n'est pas esthétique à la vue des clients
03:12 et donc elles travaillent, elles travaillent même beaucoup
03:14 parce que forcément, il n'y en a pas beaucoup,
03:16 donc il y a plus de clients qui seront intéressés,
03:18 mais toutes les filles sont prises en général.
03:21 Si une fille n'est pas prise,
03:22 c'est vraiment qu'elle sente qu'elle n'a pas sa place
03:26 dans ce milieu-là.
03:27 Il faut vraiment être à l'aise avec toi-même,
03:29 avec ton corps, avec les hommes.
03:31 Il faut que tu règles beaucoup de choses avec toi-même
03:35 avant de te lancer là-dedans.
03:36 Je suis arrivée dans ce milieu-là en pensant, comme tout le monde,
03:39 que c'était quelque chose qui me gagnait énormément,
03:41 que le rapport temps-argent était extrêmement bénéfique.
03:45 Ils m'étaient dit de bosser de temps en temps la nuit
03:48 et avoir le même salaire,
03:49 voire plus que quelqu'un qui travaille tous les jours.
03:52 Du coup, oui, j'ai été influencée vraiment
03:54 par les avantages financiers,
03:56 mais quand je suis arrivée,
03:57 je me suis rendue compte que ce n'était pas si simple
03:59 et que ce n'était pas, je viens deux soirs dans la semaine
04:02 et tu te fais 5 000 euros.
04:03 Non, ce n'est pas du tout comme ça que ça marche.
04:06 Je pensais vraiment qu'en France, ce serait pareil qu'en Amérique,
04:08 mais rien à voir.
04:09 Les règles ne sont pas les mêmes.
04:10 Ça n'a rien à voir.
04:11 Même le principe est très différent
04:14 entre ce que gagnent les stripteaseuses américaines
04:17 et ce que gagnent les stripteaseuses françaises.
04:18 Il y a un écart phénoménal.
04:20 Ça m'a un peu déçue.
04:20 Je ne peux pas nier le fait que tu es vraiment libre
04:24 par rapport à n'importe quel autre travail.
04:26 Tu sais que tu rentres hyper facilement dedans.
04:28 Tu peux prendre des vacances un peu quand tu veux.
04:31 Les stripteaseuses sont déclarées en tant que danseuses.
04:36 Donc, c'est-à-dire qu'en tant que danseuse,
04:38 on est intermittente du spectacle.
04:40 Et donc, on peut faire une demande d'intermittence
04:44 via Pôle emploi, mais en tant que danseuse.
04:47 Le club taxe sur les danses,
04:49 en grande partie sur les tickets que les clients vont acheter.
04:52 Donc, pour que les clients aient leur danse,
04:56 ils vont à un comptoir,
04:57 ils donnent une somme au club en espèces ou en cartes
05:01 pour avoir la même somme en tickets.
05:03 Ces tickets, ils vont les donner à la danseuse qui va faire la danse.
05:06 Et à la fin de la soirée,
05:07 la danseuse va donner les tickets à la manageuse
05:09 qui va les comptabiliser.
05:11 Et ça dépend des clubs.
05:12 Soit te les rendre en espèces,
05:14 soit les noter sur une feuille et te les donner à la fin du mois,
05:17 ce qui fera ton salaire à la fin du mois.
05:18 Mais les pourboires, c'est pour la danseuse.
05:21 C'est souvent des gros pourboires
05:22 parce que c'est des gens riches en général.
05:25 Ça peut vraiment aller de 50 euros à des billets de 500 euros.
05:29 Dans les bonnes périodes,
05:30 c'est possible que pendant deux semaines,
05:32 tu te fasses peut-être 2000 euros de pourboires
05:34 en plus des danses que tu as faites.
05:36 Je pense que ce qui rend addictif, c'est l'argent.
05:39 Mon rapport à l'argent, il a beaucoup changé
05:40 depuis que je fais ce travail.
05:41 Quand je ne fais pas d'argent ou quand je ne travaille pas,
05:44 l'argent me manque.
05:45 Là, je ne pourrais jamais revenir à un travail normal
05:47 parce que j'ai été serveuse avant de faire du strip
05:51 sur un service du midi ou du soir.
05:52 À la fin, j'avais peut-être 5, 6 euros et j'étais contente.
05:56 Voir 10 euros et vraiment, j'avais pité le jackpot.
05:59 Alors que là, vraiment, si un client nous donne 10 euros,
06:03 on le regarde, on se dit,
06:04 "Tu abuses un petit peu là parce que..."
06:06 Je régénéralise beaucoup, mais en général,
06:08 c'est 50 euros minimum les billets
06:10 qu'ils vont nous donner de pourboires.
06:11 Le club est assez sélectif pour l'entrée.
06:14 Les filles ne vont pas être forcément
06:16 aussi facilement acceptées dans le club que les hommes.
06:19 Comme c'est écrit, c'est un gentleman's club,
06:21 c'est un club pour les hommes.
06:22 D'après les managers,
06:23 il n'y a que les hommes qui viennent pour dépenser
06:26 puisque c'est un milieu assez hétérosexuel
06:28 et assez homophobe, je dirais.
06:30 C'est un peu le monde à l'envers
06:31 parce que contrairement aux boîtes
06:33 où c'est un peu les hommes qui bataillent
06:34 pour pouvoir rentrer et qui se disent,
06:36 "Il nous faut des filles pour pouvoir rentrer."
06:37 Là, vraiment, pour le coup,
06:38 un homme tout seul va rentrer,
06:39 mais une fille tout seul ne rentrera pas.
06:41 Quand ils rentrent, ils payent une entrée.
06:42 Donc, ils payent déjà une entrée,
06:44 ils payent leurs boissons
06:45 et ils payent aussi du coup les services des danses.
06:47 Ce qui veut dire que pour eux,
06:49 tu es vraiment une marchandise, tu es à leur service.
06:50 Donc, c'est un petit peu...
06:52 Ils se sentent capables de céder un peu à leur démon.
06:55 Et donc, quand ils rentrent,
06:56 ils se disent qu'il n'y a pas de limite pour eux.
06:58 Ils ont payé leur entrée,
07:00 ils ont payé leurs bouteilles à 500, voire 1 000 euros.
07:03 Tu es là pour eux,
07:04 tu es là pour assouvir leurs besoins.
07:07 Et ils enlèvent un peu leur câble d'humanité
07:09 et ils se disent, "Bon, là, je peux faire ce que je veux."
07:11 Ils ne vont pas prendre de pincettes,
07:12 ils ne vont pas déménager,
07:13 ils vont vraiment se dire,
07:14 "Oui, mais elle est là pour ça."
07:16 Donc, je peux faire ce que je veux,
07:17 lui dire ce que je veux,
07:18 la toucher autant que je veux,
07:19 elle est là pour moi, quoi.
07:21 Ce qui est totalement faux,
07:22 on est là pour l'argent, pas pour les hommes.
07:25 Ils ont besoin de sentir qu'ils sont au-dessus de nous,
07:27 qu'ils sont en pouvoir puisque c'est eux qui nous payent.
07:30 Si tu es trop intelligente
07:31 et que tu les reprends quand ils parlent,
07:34 quand ils font des erreurs
07:35 ou si tu as le malheur de les contredire,
07:37 ils vont dire, "Oh, mais tu es nul, tu n'es pas drôle."
07:39 Et ils ne vont pas te prendre de danse.
07:40 Dans les deux sens,
07:42 personne ne se voit réellement comme un être humain.
07:44 Pour eux, on est juste des objets,
07:45 on est une attraction,
07:46 on est là pour leur faire plaisir.
07:47 Du coup, pour gérer ça à notre tour,
07:50 nous, on va les déshumaniser
07:53 pour un peu garder ce côté pro et commercial.
07:57 Ça m'a pris au moins un an pour me dire,
07:59 "OK, c'est vrai que ce n'est pas mes amis,
08:01 je dois vraiment les voir comme des porte-monnaies
08:03 et me dire, OK, il a de l'argent,
08:05 s'il n'a pas d'argent, au bout de 30 secondes,
08:07 je quitte la table."
08:07 Je le sais à la boisson qu'il a pris,
08:10 à la façon qu'il a de parler.
08:11 Je le sais si au bout de cinq minutes,
08:13 il ne m'a pas proposé de verre,
08:14 je me dis, "Bon, je pense qu'il ne va pas me proposer de danse."
08:17 À tous ces critères-là,
08:18 je sais si je vais rester à la table ou si je vais partir.
08:20 Je pense qu'il y a beaucoup de clients
08:22 qui sont prêts à payer pour faire des choses
08:23 qu'ils ne peuvent pas faire, par exemple,
08:24 dans leur vie de tous les jours avec leur femme.
08:26 La plupart des clients sont mariés.
08:28 Comme ils savent que nous, on est là "pour ça"
08:30 et pour être à leur service,
08:31 ils vont nous demander des choses
08:33 qu'ils n'auraient jamais demandé dans la vie réelle à une femme.
08:35 Il y a des hommes qui vont payer 840 euros de danse pour parler.
08:39 Paye un peu pour ta compagnie.
08:40 Être stripteaseuse, c'est avant tout,
08:42 comme son nom l'indique, "strip",
08:44 qui veut littéralement dire "dépouiller".
08:46 Donc, on est là pour séduire,
08:49 charmer les hommes à but lucratif.
08:52 À ce point, j'essaye vraiment d'éteindre mon humanité.
08:56 Avant de rentrer en danse, je me disais,
08:58 "OK, bon, là, tu n'es plus Ellie,
09:01 tu es Abby, tu fais ta danse, tu ne réfléchis pas,
09:04 tu rentres dans un rôle."
09:06 En général, après la danse,
09:07 je vais aux toilettes et je respire un petit peu
09:10 pour me dire, "OK, c'est bon, tu reprends de l'énergie."
09:13 Et ensuite, j'y retourne.
09:14 Mais il y a beaucoup de danseuses qui boivent
09:17 pour pouvoir supporter les remarques des clients
09:19 parce que ça facilite le travail en quelque sorte.
09:22 Si ce n'est pas l'alcool, elles vont prendre certaines drogues.
09:24 C'est quelque chose qui tourne beaucoup dans ce monde-là,
09:26 dans ce milieu-là.
09:27 Les street clubs, c'est en quelque sorte une boîte à trauma.
09:30 Une fois qu'on y rentre,
09:31 c'est impossible de ne pas être victime
09:35 d'attouchements, d'agressions sexuelles.
09:38 Il y a beaucoup de discrimination et de racisme
09:41 dans ce milieu, d'homophobie.
09:43 Le "white privilege", donc le privilège des blanches,
09:46 se fait vraiment ressentir au club.
09:49 Il y a beaucoup de clients qui vont prendre des danseuses
09:50 juste parce qu'elles sont blanches
09:52 et pas parce qu'elles dansent bien ou parce qu'elles sont belles.
09:54 En vrai, à contrario, pareil, il y a beaucoup de négrophilie aussi.
09:57 Il y a beaucoup de clients qui viennent
09:59 et qui vont nous prendre juste parce qu'on est noir
10:01 et qui vont nous dire des phrases racistes du genre
10:05 "Oui, tu as l'air féline",
10:07 "Va m'emmener dans ton pays", des choses comme ça.
10:09 Vraiment des phrases de fou, vraiment.
10:11 C'est limite s'ils ne te miment pas ensemble.
10:13 J'ai reçu beaucoup de remarques comme ça.
10:16 Il faut s'occidentaliser pour les clients.
10:19 En tout cas, en France, à Paris, les filles qui marchent le mieux,
10:21 c'est les filles vraiment grandes, blondes, fines, franches carrées,
10:26 sans tatouage, sans piercing, sans rien.
10:28 Parfois, j'essaie de mettre des vêtements
10:31 qui cachent mes tatouages pour pas qu'on les voit.
10:33 Je me lisse les cheveux maintenant.
10:34 Quand j'ai commencé, je me tressais très souvent.
10:37 J'avais beaucoup de tresses, j'avais plus de piercing.
10:40 Ma manageuse m'a bien fait comprendre que ce n'était pas possible,
10:44 que ce n'était pas ce que les clients voulaient voir
10:46 et que ce n'est pas ce qu'ils aimaient.
10:47 Malheureusement, c'était ma personnalité,
10:49 donc je ne voulais pas quitter ma personnalité pour de l'argent.
10:53 J'ai changé de club.
10:53 Parfois, quand vraiment je n'en peux plus,
10:55 je n'ai plus d'énergie, je n'ai plus le mental,
10:58 ça me casse le moral totalement.
11:00 Je fais une pause de strip pendant un mois.
11:02 Je ne travaille pas, je me ressens sur moi-même,
11:03 je me ressource un petit peu.
11:05 Et quand je reviens, je me dis que je suis d'attaque à faire semblant,
11:09 à un peu mettre une deuxième peau,
11:11 et un peu comme des actrices.
11:13 C'est de la comédie.
11:16 Tout ce que les filles disent, en général, elles ne le pensent pas.
11:19 Elles disent ce que les clients veulent entendre.
11:20 En tant que personne pansexuelle,
11:23 donc qui est attirée vraiment sentimentalement parlant
11:27 ou sexuellement parlant par toute identité,
11:30 tout genre humain,
11:31 je pense que mon rapport hétérosexuel,
11:33 donc mon rapport aux hommes,
11:35 a énormément changé dans le sens où déjà que de base,
11:38 je n'étais pas forcément énormément attirée par les hommes.
11:42 Ce métier, ça m'a attirée encore moins vers eux.
11:44 Je n'ai jamais été attirée énormément par l'enveloppe physique des hommes.
11:49 C'était souvent ce qu'ils avaient dans la tête qui m'intéressait
11:52 parce que je trouvais ça hyper intéressant
11:54 de connaître comment ils pensent par rapport aux femmes.
11:57 Et maintenant que j'ai des conversations assez profondes avec certains clients,
12:00 je me rends vraiment compte que du coup, il n'y a vraiment plus rien qui m'intéresse.
12:03 J'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup moins de relations hétérosexuelles
12:06 avec les clients depuis que je fais ce métier.
12:09 Ça m'a plus attirée vers les femmes.
12:10 Je pense que c'est le cas pour beaucoup de danseuses.
12:12 Beaucoup de filles font ce métier
12:14 parce qu'elles ont une haine incommensurable contre les hommes.
12:18 Ce qui nous aide, brem, ça nous aide à déculpabiliser,
12:22 de se dire "Tiens, on va se venger, on va prendre tout leur argent
12:24 parce que c'est que ce qu'ils méritent en fait."
12:25 Depuis que j'ai commencé, je me suis assez renfermée sur moi-même
12:29 dans le sens où personne dans mon entourage a le même mode de vie.
12:34 Mes amis, en général, ils ne travaillent pas la nuit.
12:36 Il y a beaucoup de réflexes post-traumatiques.
12:39 Avant, j'étais quelqu'un de très tactile,
12:41 donc j'aimais beaucoup toucher mes amis.
12:42 Quand je rencontrais quelqu'un,
12:43 je n'avais pas forcément besoin de le connaître depuis longtemps
12:46 pour les toucher, leur faire des câlins, etc.
12:49 Maintenant, je déteste qu'on me touche.
12:51 Quand on me touche, j'ai l'impression tout de suite de revenir au club,
12:54 d'être au travail et de me dire "Ah, je ne suis plus humaine."
12:58 C'était quelque chose qui était assez difficile au début quand j'ai commencé.
13:01 Vraiment, quand j'ai commencé, j'avais 19, 20 ans.
13:04 J'en ai 22 maintenant.
13:05 Il suffit que j'aille en boîte,
13:07 rien que les gens te posent sur les côtés
13:08 ou quand ils te touchent le bras ou rien, quelque chose comme ça.
13:11 Parfois, ça me fait faire des crises d'angoisse.
13:13 Même dans la vie de tous les jours,
13:14 ça a changé mes relations sociales avec les gens.
13:17 Par exemple, quand un homme vient me parler,
13:19 je me dis "Mais qu'est-ce qu'il veut ?"
13:21 Puisque tous les hommes, dans la généralité,
13:23 tous les hommes qui viennent me parler pour mon travail,
13:24 ils me parlent pour conclure d'une affaire sexuelle plus tard.
13:28 Ça a été très difficile pour moi de m'habituer à la vie normale après ça,
13:33 dans le sens où dans la vie de tous les jours,
13:35 les gens te touchent forcément.
13:36 Tu prends le métro, les gens te frôlent, etc.
13:38 Et c'est quelque chose que maintenant, je ne peux plus du tout.
13:40 Pour que tes proches ne remarquent pas que tu pars tous les soirs à 22h
13:43 et que tu rentres à 6h du matin avec parfois des smics dans ton porte-monnaie
13:48 et que tu fais des dépôts d'espèces, etc.,
13:51 je pense que c'est très compliqué à cacher
13:54 dans le sens où ça te change déjà un petit peu dans ta personnalité,
13:58 dans ta façon de voir les choses.
13:59 Comme j'ai un entourage qui est assez similaire à moi,
14:03 donc ils sont tous dans le même délire que moi,
14:04 c'est que des artistes,
14:06 soit ils font de la musique, du cinéma ou de la mode.
14:08 Je n'ai même pas eu à les joindre autour d'une table et leur dire
14:11 "Bon, écoutez, je fais du strip".
14:13 Non, non, je n'ai même pas eu besoin de leur dire.
14:16 Ils l'ont vu, je ne l'ai jamais caché.
14:18 Parfois, ils l'ont appris via les réseaux.
14:20 Moi, qui n'ai plus hâte de contacter avec ma famille depuis des années,
14:23 j'ai croisé un proche à mon frère,
14:26 donc le meilleur ami de mon frère,
14:28 qui est venu dans mon club de strip-tease.
14:30 Mon frère qui ne sait pas que je travaille ici.
14:32 Qui était avec une amie de ma mère
14:34 et ils sont venus en tant que clients.
14:36 Donc, c'est hyper bizarre de te dire que,
14:39 autant toi, c'est bizarre parce qu'ils se disent
14:42 "Elle travaille là, je l'ai vue toute petite,
14:43 et tout, elle travaille ici".
14:45 Mais autant toi, c'est bizarre de dire
14:47 "Putain, mes proches, pourquoi ils viennent dans un club de strip-tease ?"
14:49 Tu vois, genre, tout le monde se dit
14:51 "Mais qu'est-ce qu'on fout là ?"
14:52 Ma mère, elle est assez fermée.
14:54 Je ne sais pas si elle serait déçue de moi,
14:55 mais j'ai grandi dans une famille catholique.
14:59 Ma famille ne sait même pas que je suis tatouée,
15:01 que je suis percée.
15:02 Donc, si elle apprenait en plus que je travaillais dans un club de strip-tease,
15:06 moi, je me suis réunie.
15:07 Donc, je suis contente de me dire que je n'ai plus contact avec eux.
15:11 Mon papa, c'était un artiste.
15:13 Franchement, je pense qu'il l'aurait accepté.
15:15 Si jamais mes parents revenaient vers moi,
15:17 je ne leur cacherais pas que je fais du strip-tease.
15:19 Je suis passée au-dessus de ça,
15:21 j'ai guéri de ça maintenant.
15:23 Ils m'ont dit "Ouais, non, je ne m'en cacherais pas du tout".
15:25 Pour l'instant, j'ai arrêté
15:26 parce que ça m'a fait perdre énormément de temps.
15:29 De base, j'ai commencé pour la musique,
15:31 pour investir dans mes sessions studio, dans mes clips.
15:35 Je m'étais dit c'est un bon entre-deux
15:38 dans le sens où je peux choisir les jours où je travaille.
15:40 Je m'étais dit au début,
15:42 la journée pour faire ma musique
15:44 et le soir, je vais travailler pour faire de l'argent.
15:46 Au final, je n'avais vraiment pas pensé
15:50 que ça allait me prendre autant d'énergie.
15:51 Et du coup, quand je rentre, je dors toute la journée, je suis fatiguée.
15:54 Mon objectif, ce serait vraiment de vivre pleinement de ma musique
15:58 et donc de ne plus travailler en tant que danseuse.
16:02 Je ne pourrais pas dire que je ne vais jamais refaire de strip
16:04 tant que je ne serais pas à l'aise financièrement par rapport à ma musique.
16:07 Là, je suis en pause.
16:09 Je sais que dès que je vais avoir besoin d'argent pour ma musique,