Jean Dujardin : Sur les chemins noirs

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00:00 [Musique]
00:03 C'est le risque de ce genre de film, c'est que ce soit un beau film mais pas un bon film.
00:07 Le beau film, en parlant, on s'en fout un peu en fait.
00:09 S'il est beau, c'est quand même la moindre des choses.
00:11 On a posé une caméra, la France est très jolie, il n'y a pas un grand mérite.
00:15 Et puis d'un coup, il a s'aduré.
00:17 Et je me dis, tout est en place.
00:19 Quand j'ai besoin de prendre l'air, ça prend l'air.
00:21 Quand je suis dans le dos et dans le sac à dos, c'est en place.
00:23 Le souvenir n'est qu'un flash, il vient juste ponctuer,
00:27 ou vient juste me dire, me donner une indication, mais ne m'emmène pas loin.
00:32 Donc j'avais l'impression qu'il y avait eu un espèce de réglage qui s'était opéré.
00:36 Un bon montage s'est s'aduré, j'allais dire, pas loin.
00:40 C'est comme ça qu'on devait le raconter, il n'y avait qu'une seule direction.
00:43 Il y a sûrement une autre façon de le monter.
00:45 Mais en tout cas, celle-ci me satisfaisait.
00:48 Évoquer la douleur physique, enfin je veux dire la montrer, d'accord, elle est là,
01:04 bon on a vu, mais c'est la douleur morale qui m'intéressait.
01:06 C'est presque le chemin de rédemption.
01:08 Je voyais la montagne de Lure, par exemple, il y a de la pente,
01:10 je vais aller dedans parce que je savais qu'il y aurait de l'effort.
01:14 Mon corps dirait encore autre chose.
01:16 Si à un moment je pète les plombs, j'ai une douleur à la jambe que je m'invente,
01:20 je dis à l'équipe ne coupez jamais, il va se passer peut-être un truc,
01:23 je ne sais pas quand.
01:24 Et puis elle ne coupait pas.
01:25 Et puis je gueulais, et puis je jetais mes bâtons.
01:27 Et puis j'en ai marre.
01:30 J'en ai marre, aujourd'hui j'en ai marre.
01:31 J'en suis à 14 kilomètres et j'en ai déjà marre.
01:33 Et ça veut dire déjà quelque chose.
01:35 Je cherchais, je traquais des émotions,
01:38 comme un spectateur du propre film que j'étais en train de faire.
01:40 Je voulais que l'eau fraîche soit fraîche,
01:41 je voulais que le morceau de bois se casse dans mes mains.
01:45 Quand je faisais du feu, j'entendais ces bruits de cailloux.
01:47 Quand je fais du feu, je prends le temps de le faire.
01:49 Quand je fais cramer ce bout de saucisson,
01:53 qui va me brûler la langue.
01:55 Je m'offre des sensations très simples,
02:00 mais c'est tout ça comme une belle ordonnance médicale.
02:03 Je te donne une heure 29 là où tu peux.
02:06 Et si en plus tu as le courage,
02:07 parce qu'il faut avoir du courage pour partir seul comme ça.
02:10 Pas pour partir sur les chemins,
02:11 mais pour rester 8 heures ou 9 heures tout seul avec soi-même.
02:13 Ça, c'est pas simple.
02:15 Mais j'avais déjà l'impression en lui en parlant
02:24 que j'avais fait cette histoire qu'elle serait mienne en fait.
02:28 Et peut-être moins celle de Sylvain.
02:30 Déjà parce que j'avais décidé d'aller voir Sylvain
02:34 en évitant de faire un copier-coller,
02:37 de l'avatariser, de le singer.
02:40 Je trouvais ça gênant, bête, premier degré.
02:45 On n'est pas dans cette prouesse-là,
02:47 mais au moins je l'ai fait honnêtement,
02:49 je l'ai fait sincèrement.
02:50 Il n'y a pas de posture dans ce genre de projet.
02:52 On pourrait dire je vais faire un tout petit film
02:54 où je marche et je vais en chier.
02:56 Non, moi j'ai un rapport très intime avec ce métier,
03:00 avec la nature, avec ses bienfaits,
03:02 avec ce que j'estime en tout cas être important pour moi,
03:04 dans mon équilibre.
03:05 Et Denis, par ses silences aussi,
03:09 m'a laissé cette possibilité-là.
03:11 Une possibilité de me donner un écran,
03:19 qui est le décor,
03:19 parce que c'est quand même un décor merveilleux,
03:23 et puis ensuite de me laisser dans mon isolement.
03:28 Ça je crois que c'est un truc qu'on s'est dit sans se le dire d'ailleurs.
03:31 Ça devait se faire comme ça.
03:32 Un peu comme si ce film ne serait jamais monté en fait.
03:35 Ça c'est assez confortable aussi.
03:36 C'est un conseil que je donne des fois à des acteurs qui angoissent.
03:41 Fais comme si, de toute façon il n'est pas monté,
03:44 de toute façon une journée après l'autre,
03:47 une scène après l'autre, ne t'inquiète pas.
03:49 Fais comme si ce film ne verrait jamais le jour.
03:52 Je vais te dire c'est cool, ça fait du bien.
03:54 Non parce que c'est là que tu peux faire des exploits.
03:57 C'est là que tu peux faire des choses folles.
03:59 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
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