Raphaël Nedilko, dont les affaires Christelle Blétry et Christelle Maillery ont marqué sa carrière, a récemment sorti un ouvrage, "L’obstiné", dans lequel il se livre sur les coulisses de son métier. Passé par le mythique 36 quai des Orfèvres, le quinquagénaire, désormais enquêteur au commissariat de Chalon-sur-Saône, a accepté pour Yahoo de revenir sur ces dures années. Il s’est notamment exprimé sur les rencontres effectuées au fil du temps avec les familles des victimes et sur les liens qui en ont découlaient.Pour rappel, un pôle judiciaire dédié aux crimes non élucidés a été lancé le 28 février 2022, à Nanterre dans les Hauts-de-Seine. Comme l’a annoncé Éric Dupond-Moretti, le ministre de la Justice, le but affiché est de permettre aux "Cold cases" "de rester vivants judiciairement et d'offrir une réponse aux victimes".
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00:00 Ça a conduit à des problèmes personnels de divorce.
00:03 J'ai essuyé un burn-out, puis un infarctus du myocarde.
00:07 Les familles pour lesquelles on a mené les enquêtes jusqu'à leur aboutissement,
00:13 il faut qu'on prouve que tout ce qui a été possible humainement ou policièrement
00:18 a été mis en œuvre.
00:19 Jusqu'à ce que j'intervienne dans leur vie, elles n'avaient pas cette assurance-là.
00:21 Elles avaient l'impression que le minimum avait été fait
00:24 et qu'elles étaient tombées dans l'oubli judiciaire sans aucune raison.
00:27 Je suis arrivé au début au contact avec des familles qui ne voulaient plus entendre parler de mon institution,
00:31 qui voulaient qu'on soit remplacé au profil d'une gendarmerie ou d'un tout autre service d'enquête.
00:36 Le contact a été compliqué à établir dès le départ,
00:39 puisqu'on vient au nom d'une institution qui est honnie
00:41 par les gens au service desquels elle était censée se mettre au service.
00:44 Et puis la confiance s'est mise en place.
00:47 Et puis au-delà de tout ça, une affection, bien évidemment,
00:50 puisque c'est de l'humain dont il s'agit.
00:53 Lorsque vous avez des personnes qui sont désespérées pendant 25 ou 30 ans
00:57 et se trouvent en place de personnes dépositées à l'autorité publique
01:00 qui enfin leur confèrent le statut de victime qui devait leur revenir de droit dès le départ,
01:05 forcément on crée des liens.
01:07 Et aujourd'hui ces liens perdurent.
01:08 Ce sont des gens qui sont devenus extrêmement proches,
01:11 pour lesquels j'ai un respect infini
01:14 et qui au final m'ont apporté bien plus que moi je ne leur ai donné.
01:17 Lorsque la vérité a enfin été dévoilée pour ces personnes-là,
01:20 la première réaction qu'elles ont eue c'est
01:22 "maintenant que vous avez fini votre travail, vous allez nous oublier".
01:24 On s'y était habitués et c'est quelque chose qui va nous manquer.
01:27 Donc c'est quelque chose qui m'a beaucoup ému.
01:29 L'investissement que j'ai accordé à ces affaires
01:31 a eu un impact assez durable sur ma santé, j'y ai perdu beaucoup.
01:35 Mais j'ai su paradoxalement trouver le ressort auprès de ces familles.
01:38 À mon chevet, ce sont ces personnes-là que j'ai trouvées.
01:42 Elles se sont spontanément proposées pour servir de taxi,
01:46 pour ma rééducation cardiaque en centre médicalisé,
01:49 pour prendre des nouvelles régulièrement,
01:51 s'assurer que les enfants allaient bien, que je ne manquais de rien.
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