En parallèle des travaux de la convention citoyenne sur la fin de vie, la mission d'évaluation parlementaire de la loi Claeys-Leonetti, présidée par Olivier Falorni a oeuvré durant 2 mois... Après 31 auditions, 120 personnes interrogées, une dizaine de déplacements, le constat du député de Charente Maritime est clair : la loi de 2016 n'a pas produit tous ses effets. Nous avons suivi Olivier Falorni pour savoir comment mourir moins mal aujourd'hui en France : comment travaillent les équipes de soins palliatifs ? Se sont-elles vraiment emparées de la sédation profonde et continue jusqu'au décès pour que les malades souffrent moins ? Les patients bénéficient-ils de leurs droits en utilisant les directives anticipées ? »
Reportage Céline Crespy, Gilles Lepeytre et Pierre-Yves Deheunynck
C'est une partie essentielle du travail parlementaire qui est de nouveau mise en lumière à travers ce reportage où les journalistes de la rédaction suivent un député dans sa circonscription pour expliquer son travail sur le terrain. C'est aussi un voyage sur un territoire, avec ses enjeux locaux, et une rencontre avec ses habitants. Suivez votre député sur LCP !
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NewsTranscription
00:00 -Remise d'un rapport sur une question personnelle et universelle.
00:06 -Nous avons mené 31 auditions.
00:10 Nous avons écouté beaucoup d'acteurs
00:13 de l'accompagnement de la fin de vie.
00:16 Cette loi, qui a déjà 7 ans,
00:20 n'avait jamais été évaluée
00:23 par des parlementaires.
00:25 -Force est de constater
00:27 qu'il y a aujourd'hui des situations douloureuses
00:30 et qui ne sont pas suffisamment bien prises en charge.
00:33 Musique douce
00:36 ...
00:40 -Bonjour, je suis Olivier Falorni,
00:42 député de la Charente-Maritime,
00:44 et je préside la mission d'évaluation
00:48 de la loi sur la fin de vie,
00:50 dite loi Claes Leonetti.
00:52 -Pendant deux mois,
00:55 nous avons suivi Olivier Falorni dans sa mission.
00:58 ...
01:01 Hôpital de Juvisy, en région parisienne.
01:04 Une des unités de soins palliatifs visitées par Olivier Falorni.
01:08 -Bonjour, madame.
01:10 -Il en existe 170 en France.
01:14 Avec deux autres députés,
01:17 ils vont évaluer si la façon dont on meurt aujourd'hui
01:20 dans notre pays est acceptable.
01:22 -Bienvenue.
01:24 -Edier Martin, qui est le rapporteur de la mission.
01:28 -En 20 ans, la France s'est dotée de quatre lois
01:32 sur la fin de vie.
01:33 La dernière date de 2016.
01:36 -Notre rôle, c'est d'évaluer l'application
01:41 de la loi Claes Leonetti,
01:43 voir les failles éventuelles.
01:45 Nous voulons savoir comment faire en sorte
01:47 que l'accompagnement de la fin de vie
01:49 soit le plus doux possible, le plus respectueux possible.
01:53 -Un simple inventaire du service
01:55 suffit pour comprendre l'un des problèmes majeurs
01:59 de la prise en charge de la fin de vie.
02:01 -C'est une unité pour deux médecins
02:04 qui s'occupent de 10 lits de soins palliatifs.
02:07 -Deux praticiens hospitaliers
02:09 étant pleins.
02:10 -Deux praticiens, c'est en théorie.
02:13 -C'est ce qu'on devrait.
02:14 Elle est toute seule,
02:15 et encore, elle s'occupe d'une autre unité dans l'étage.
02:19 -Côté infirmière,
02:21 en 10 ans, les effectifs ont fondu.
02:24 -Quand je suis arrivée ici,
02:26 il y avait beaucoup plus de soignants.
02:28 Il n'y avait aucun patient qui décédait seul.
02:31 Il y avait un patient qui était en train de partir,
02:35 on se détachait.
02:36 Petit à petit, ce nombre a diminué.
02:38 Maintenant, on est deux infirmières par jour.
02:41 J'enlève mon masque.
02:43 Maintenant, quand il y a un patient qui est en train de partir,
02:46 c'est difficile de se détacher.
02:48 Parce que la collègue reste toute seule pour 10 patients.
02:53 -Persiste ce sentiment
02:55 de ne pas faire son travail correctement.
02:58 Ce matin, une patiente a tout à coup montré
03:01 des signes de tristesse.
03:03 -J'ai même dit à mes collègues qu'il fallait passer souvent,
03:07 car on voit qu'elle est bien quand il y a quelqu'un.
03:10 Elle est bien.
03:11 Ce matin, elle n'était pas bien.
03:13 On a fini la toilette, on est partis.
03:15 On n'est même pas revenus.
03:17 On a fait juste une toilette.
03:19 Elle était décédée.
03:20 Cette dame, peut-être qu'elle serait mieux décédée
03:23 si elle avait quelqu'un à côté d'elle.
03:25 Peut-être qu'elle pourrait mourir avec le sourire.
03:28 Moi, ça m'a fait mal au coeur, ce matin.
03:30 -Je voulais vous poser une question très directe.
03:34 Est-ce qu'il y a des situations où, malgré tout,
03:37 les douleurs sont réfractaires à tout traitement ?
03:40 -Oui, ça arrive.
03:41 -Oui, ça arrive.
03:43 -Oui.
03:44 -En phase terminale,
03:46 quand le patient souffre trop,
03:47 la loi Clay-Léonetti a introduit un "laisser mourir",
03:50 sans permettre le "faire mourir".
03:53 -Est-ce que vous pratiquez régulièrement ou pas
03:56 ce nouveau droit,
03:58 celui de la sédation profonde jusqu'au décès ?
04:01 -Face à une souffrance,
04:03 on est obligés, à un certain stade,
04:07 de passer aux pratiques de la sédation.
04:10 -La sédation consiste à endormir un malade
04:14 et à ne plus le nourrir ni l'hydrater jusqu'au décès.
04:17 Mais parfois, il n'en finit plus de mourir.
04:21 Une situation pas toujours bien vécue par les familles,
04:24 une des limites de la loi.
04:26 -C'est le fruit de la décision.
04:30 Patient conscient,
04:32 cancer métastatique, stade terminal, très douloureux, etc.
04:35 Les proches sont informés, ils passent un moment ensemble,
04:39 on se dit au revoir, on met en place la sédation.
04:42 Si, au bout de trois jours,
04:45 les choses sont toujours stables,
04:47 le malade dort, ne souffre pas trop,
04:50 qu'est-ce que vous faites ?
04:51 Vous continuez ou vous augmentez les doses ?
04:54 -Si le patient est stable,
04:56 on ne dépasse pas les doses nécessaires.
04:59 -On ne va pas forcer à partir du moment
05:01 où le patient est confortable
05:03 et qu'il n'y a aucun signe de souffrance.
05:06 Pendant quel but, en fait ?
05:08 -La sédation, ça peut durer certains temps,
05:11 ça peut être des semaines.
05:13 Ca nous est déjà arrivé.
05:15 Des familles nous demandent
05:17 "Vous ne pouvez pas faire quelque chose,
05:19 "bousser les seringues ?"
05:21 Non, désolée,
05:23 ils n'auront pas de réponse favorable chez nous.
05:25 -Ici, on n'utilise que trois à quatre fois la sédation
05:30 chaque année sur les 200 patients accueillis.
05:33 Une autorisation à l'aide active à mourir
05:35 semble impensable.
05:37 -Moi, injecter un produit létal,
05:39 j'aurai mauvaise conscience.
05:41 C'est pas à moi
05:42 de donner la mort à quelqu'un
05:44 alors que j'ai signé pour prendre soin de l'autre
05:47 et pas pour le faire mourir.
05:50 -Peut-être que la loi évoluera vers le suicide assisté,
05:54 pourquoi pas ?
05:55 Le lieu des soins palliatifs,
05:57 l'hospitalisation aux soins palliatifs,
05:59 ne sera pas forcément le lieu...
06:01 -Où ces choses-là...
06:03 -Où ces choses-là devront se pratiquer.
06:05 C'est ce message qu'on essaie de vous passer
06:08 parce que nous, notre mission,
06:10 elle n'est pas celle-là, en tout cas pour l'instant.
06:13 -Pourtant, du côté des patients,
06:15 cette demande d'étendre la loi existe.
06:17 Les députés ne verront qu'un seul malade du service,
06:21 mais spontanément, c'est lui-même
06:24 qui va aborder ce sujet avec eux.
06:28 -Bonjour, monsieur. Olivier Falorni.
06:32 Donc, nous sommes députés, tous les deux.
06:38 -Est-ce qu'il y a des moments où vous sentez
06:40 que vous souffrez trop ?
06:42 -Tant pis.
06:43 Oui, il y a des moments où ça...
06:45 C'est vrai que c'est dur.
06:47 -Est-ce que vous pensez qu'il faudrait faire une loi
06:50 pour les personnes qui sont dans la même situation que vous ?
06:54 -Oui.
06:56 -Quelle loi il faudrait faire ?
06:58 -Qu'il y ait la personne...
06:59 Si elle a une situation qui est bien,
07:02 qu'elle ait son libre arbitre,
07:06 c'est qu'elle décide.
07:07 C'est fini, c'est fini.
07:09 -Si elle décide quoi ?
07:10 -C'est fini.
07:12 C'est moi qui ai fait l'espoir.
07:13 Pour la laisse,
07:15 pour la laisse, il faut partir.
07:17 Il faut partir.
07:18 -Vous voudriez qu'on vous aide à partir ?
07:21 -Oui.
07:22 C'est vraiment...
07:24 C'est pour ça qu'il y a plus d'espoir.
07:26 Musique douce
07:28 -Dans le débat, les représentants des soins palliatifs
07:32 ont toujours combattu les partisans de l'aide active à mourir,
07:36 une opposition qui n'aurait pas lieu d'être,
07:39 selon le député.
07:40 -Les soins palliatifs doivent être confortés dans ce pays.
07:47 S'il devait y avoir une loi
07:49 ouvrant le droit à l'aide active à mourir,
07:53 pour autant, il faudrait,
07:55 si j'ose dire, dans le même temps,
07:57 conforter et renforcer
08:00 l'accompagnement en soins palliatifs
08:02 en donnant des moyens humains et financiers.
08:05 Musique douce
08:07 -C'est exactement ce qui s'est passé en Belgique.
08:10 Quand le pays a autorisé l'euthanasie,
08:13 il y a 20 ans, il a, dans le même temps,
08:15 renforcé ses services de soins palliatifs.
08:18 -Bonjour, madame. -Bonjour.
08:20 -Olivier Falorni, député de la Charente-Maritime.
08:23 -Je suis Sophie Zéliens, directrice de l'association.
08:26 -Deuxième rencontre avec des professionnels
08:28 qui viennent au domicile des patients.
08:31 -Bonjour, monsieur.
08:32 -Une prise en charge qui a augmenté ces dernières années.
08:35 ...
08:37 -L'accompagnement en soins palliatifs,
08:39 il ne se fait pas que en structure hospitalière,
08:43 il se fait aussi dans les lieux de vie,
08:46 et c'est ce que nous voulions pouvoir échanger avec vous
08:49 aujourd'hui. Merci de nous accueillir.
08:51 -Mais en pratique, cet accès à domicile
08:54 n'est pas assez développé.
08:56 D'abord parce qu'il demande une grande disponibilité
08:59 des proches, mais pas seulement.
09:01 -Quand on va hors les murs de l'hôpital,
09:04 ça devient hyper compliqué.
09:05 Les équipes mobiles de gériatrie, d'accord,
09:08 les dispositifs polypathologie-gériatrique rares,
09:12 les équipes ressources régionales,
09:14 les équipes ressources nationales,
09:17 les filières de gériatrie...
09:19 Est-ce que c'est pas un des rôles des élus de la nation
09:22 de simplifier l'accès
09:24 et l'accessibilité et l'actionnabilité
09:28 pour les Français ?
09:29 -85 % des Français disent vouloir mourir chez eux.
09:33 Cependant, une sédation, par exemple,
09:36 n'est quasiment pas réalisable à domicile.
09:39 -Il faut que les infirmiers libéraux
09:41 soient disponibles minimum deux fois par jour
09:43 pour évaluer la situation,
09:45 que ce soit 24 heures sur 24,
09:46 et je ne vous parle pas des médecins traitants,
09:49 qui doivent exister, être partie prenante,
09:52 être disponibles, venir tous les jours,
09:54 être disponibles 24 heures sur 24.
09:56 La problématique, elle, est là.
09:58 -Résultat, plus on approche de la mort,
10:00 plus le maintien à la maison se raréfie.
10:03 Et c'est souvent dans les services de médecine générale
10:06 que ces fins de vie se produisent.
10:08 Ce jour-là, Olivier Falorni se rend à l'hôpital de La Fontaine,
10:12 à Saint-Denis, au nord de Paris.
10:14 -C'est un étage qui a été refait.
10:16 C'est un service de médecine interne.
10:19 Ici, il y a 49 lits.
10:20 -Dans ces services,
10:23 la loi Classe-Leonetti est-elle adaptée ?
10:26 Une loi écrite après l'affaire Vincent Lambert
10:29 et la bataille d'une famille autour du devenir d'un homme
10:32 dans un état végétatif.
10:34 Une loi qui a ainsi inventé les notions de directives anticipées
10:39 pour respecter la volonté du patient,
10:42 quand celui-ci ne peut plus s'exprimer.
10:45 -Aujourd'hui, est-ce que ces directives anticipées,
10:49 est-ce que cette personne de confiance,
10:51 est-ce que ces notions sont connues,
10:53 est-ce qu'elles sont appliquées ?
10:55 -Ces directives anticipées sont censées préciser
10:59 les traitements médicaux à donner ou pas.
11:01 Est-ce que le patient accepte une assistance respiratoire,
11:05 une dialyse, une alimentation artificielle ?
11:09 Des notions pas forcément évidentes à maîtriser.
11:12 -J'ai fait le test, j'ai demandé aux réanimateurs
11:15 des différents équipes que je travaillais
11:17 de me remplir des directives anticipées.
11:20 Les réanimateurs ne savent pas répondre.
11:22 C'est encore plus fou d'imaginer des patients
11:25 qui n'ont pas la moindre idée de ce que peut être
11:27 la perspective d'un handicap aussi sévère, aussi lourd,
11:30 ou un séjour de prenage d'animation,
11:33 puissent avoir un arbitrage éclairé sur quelque chose
11:36 dont, en fait, ils n'ont pas la mesure.
11:39 -Moins de 10 % des Français
11:41 ont aujourd'hui rédigé leurs directives anticipées.
11:44 -J'ai dû avoir 5 patients
11:48 qui se sont présentés ou dont les proches
11:50 ont présenté des directives anticipées.
11:52 -Ce jour-là, tous les services de l'hôpital
11:55 sont représentés. Réanimation, neurologie, pneumologie,
11:59 et tous souffrent du manque de moyens.
12:02 Dans le service de gastro-entérologie,
12:05 beaucoup de personnes en fin de vie
12:07 atteintent de cancer.
12:08 -Moi, j'ai un service de 38.
12:11 C'est beaucoup.
12:13 La nuit, j'ai une infirmière et une aide-soignante
12:16 pour 38.
12:18 Donc autant vous dire
12:19 que quand, ne serait-ce qu'un patient va mal,
12:23 eh bien, c'est très difficile
12:25 pour l'infirmière et l'aide-soignante,
12:27 qui vont être seules la nuit,
12:29 d'être présentes, d'être à l'écoute,
12:32 de répondre à toutes les demandes.
12:34 -Un témoignage qui sera un des piliers du rapport
12:38 qu'a remis la commission d'évaluation
12:40 de la loi CLEL et Onéti.
12:42 -Ce qu'on retient, évidemment,
12:45 c'est l'appel d'un certain nombre de soignants.
12:48 C'est pour appliquer une loi,
12:50 quelle qu'elle soit,
12:51 et celle-ci peut-être encore plus que les autres,
12:54 il y a besoin de ressources.
12:56 Il y a besoin de ressources humaines.
12:59 -Même si les députés n'étaient pas mandatés
13:02 pour se prononcer sur l'aide active à mourir,
13:04 ils concluent tout de même,
13:06 comme l'avait fait le Conseil national d'éthique,
13:09 que la loi actuelle n'apporte pas de réponse
13:11 à toutes les situations de fin de vie,
13:14 notamment quand le diagnostic vital
13:16 est engagé à moyen terme.
13:19 ...