Ça vous regarde - Violences contre les élus : comment réparer la démocratie ?

  • l’année dernière
- Grand témoin : Azzeddine Ahmed-Chaouch, journaliste à Quotidien et co-auteur de « Dossier V13 » (Plon)

LE GRAND DÉBAT / Violences contre les élus : comment réparer la démocratie ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Permanences de députés vandalisées, insultes, lettres de menace, cyberharcèlement... Selon le ministère de l'Intérieur, les violences envers les élus sont en hausse de 32% en 2022 par rapport à l'année précédente. Depuis le déclenchement de l'article 49.3, près de 40 députés en sont victimes. Ces atteintes dépassent le cadre de la réforme des retraites. Des députés écologistes ont par exemple lancé sur Instagram, le 8 février 2023, le compte « Balance ton intimidation » sur lequel ils ont publié plus de 42 menaces reçues avant le 31 mars. Pour répondre à ces violences, la ministre chargée des collectivités territoriales, Dominique Faure, annonce vouloir créer une "cellule d'analyse et de lutte". Cela sera-t-il efficace ? Comment expliquer cette recrudescence de violence ?

Invités :
- Jean Garrigues, historien
- Laetitia Avia, ancienne députée LREM de Paris et conseillère en politique numérique
- Frédéric Zgainski, député Modem de Gironde
- Jean-Baptiste Juillard, professeur agrégé de philosophie, doctorant et enseignant à la Sorbonne

LE GRAND ENTRETIEN / Dossier V13 : immersion dans un procès historique
Dans leur livre « Dossier V13 », le journaliste Azzeddine Ahmed-Chaouch et le dessinateur Valentin Pasquier retracent le procès des attentats du 13 novembre 2015, marqué par la pandémie et la douleur. Pendant 10 mois, le président de la Cour d'assises, Jean-Louis Périès, a su mener à terme ce procès « dans des conditions qui ont été saluées par tous » ...

- Grand témoin : Azzeddine Ahmed-Chaouch, journaliste à Quotidien et co-auteur de « Dossier V13 » (Plon)

BOURBON EXPRESS :
- Stéphanie Dépierre, journaliste LCP

LES AFFRANCHIS :
- Isabelle Lasserre, journaliste au service international du Figaro
-Mariette Darrigrand, sémiologue

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00 [Musique]
00:06 Bonsoir et bienvenue dans Savourgarde ce soir.
00:09 Un journaliste de talent qui vient de remporter le prix étudiant du livre politique dont LCP est partenaire.
00:16 Bonsoir Azdin Amelchaouz.
00:17 Bonsoir.
00:18 Et merci d'être là.
00:19 Bravo pour Dossier V13 chez Plon.
00:22 Vous êtes reporter à quotidien sur TMC pour qui vous avez suivi les 9 mois de ce procès hors norme
00:28 des attentats du 13 novembre et ça donne, vous allez le voir, un très beau livre
00:32 illustré par le dessinateur judiciaire Valentin Pasquier qui partage ce prix avec vous.
00:37 On va y revenir longuement tout à l'heure.
00:39 Mais on commence avec un chiffre alarmant.
00:42 Plus 32% en un an.
00:44 Le nombre des violences contre les élus explose.
00:47 Et le 49.3 n'arrange rien.
00:49 Menaces de mort anonyme, permanence saccagée.
00:53 Les députés subissent une nouvelle vague de violences
00:56 après la crise des gilets jaunes et la crise sanitaire.
00:58 Alors de quoi notre démocratie est-elle malade ?
01:01 Et quel sursaut possible ?
01:03 Grand débat avec nos invités dans un instant sur ce plateau.
01:06 Et puis 20h15, les partis prient de nos affranchis
01:09 et Bourbon Express, bien sûr, l'histoire du jour à l'Assemblée.
01:12 Vous me suivez Azdin Amelchaouz ?
01:14 Allez, c'est parti.
01:16 Musique.
01:27 On s'habitue, on s'habitue alors qu'on ne devrait jamais s'y habituer
01:31 aux permanences de députés saccagés, aux intimidations, aux menaces de mort.
01:34 Alors que se passe-t-il dans le pays pour qu'à chaque crise,
01:37 les élus soient pris pour cible ?
01:39 Les plaintes sont déposées, les poursuites judiciaires engagées,
01:42 mais l'on sent tous que depuis le 49.3,
01:44 la situation devient très inquiétante.
01:47 Bonsoir Frédéric Zganski. - Bonsoir.
01:49 - Et merci d'être là. Vous êtes député modem de Gironde,
01:52 votre permanence parlementaire de PESAC a été taguée trois fois.
01:55 Vous nous direz précisément ce qui s'est passé.
01:57 Bonsoir Jean Garigue. - Bonsoir.
01:59 - Ravi de vous retrouver sur ce plateau.
02:00 Vous êtes historien, spécialiste d'histoire parlementaire et politique.
02:03 Vous nous direz si cette violence contre les élus est véritablement nouvelle ou pas.
02:07 Bonsoir Laetitia Avia. - Bonsoir.
02:09 - Une habituée de cette émission. On est ravis de vous retrouver aujourd'hui.
02:12 Vous êtes ancienne députée La République en Marche
02:15 et vous avez aussi subi des insultes à la fois racistes, des menaces de mort.
02:19 Vous êtes l'auteur d'une proposition de loi qui porte votre nom sur la haine en ligne,
02:24 les réseaux sociaux, on va en parler,
02:26 énorme terrain de jeu XXL de la violence contre les élus.
02:30 Qu'est-ce qu'on peut faire ?
02:31 Enfin, bonsoir Jean-Baptiste Julliard. - Bonjour.
02:33 - Merci d'être là. Vous êtes philosophe, professeur agrégé de philo,
02:36 doctorant et vous enseignez à la Sorbonne.
02:38 Aziz Namechaouch, évidemment votre regard de reporter de terrain nous intéresse.
02:42 La violence, vous la constatez. Qu'est-ce que vous en comprenez dans le pays ?
02:46 Eh bien n'hésitez pas à intervenir quand vous le souhaitez.
02:48 On commence avec les chiffres.
02:50 Stéphane Blakowski bien sûr, recrudescence de quelle violence contre les élus précisément ?
02:54 Le chrono de Blakow pour démarrer.
02:56 Et je me retourne comme chaque soir pour vous accueillir.
03:01 Stéphane, bonsoir. - Bonsoir Myriam, bonsoir à toutes et tous.
03:04 - Alors que se passe-t-il dans le pays ?
03:06 - Alors vous allez réclamer des chiffres, vous allez avoir des chiffres, regardez sur ce grand écran,
03:11 des chiffres assez inquiétants puisqu'on voit que les agressions l'an dernier contre les élus ont augmenté de 32%.
03:18 C'est-à-dire que ça remonte par les préfectures plus de 2000 agressions,
03:21 donc essentiellement des insultes, des menaces, des dégradations.
03:24 Sans vouloir trop relativiser, il faut quand même noter que les violences physiques,
03:27 elles, ça représente moins d'un pour cent de l'ensemble de ces agressions et c'est plutôt cela.
03:32 Donc ça, ce sont les chiffres de l'an dernier, mais depuis le début de l'année,
03:35 notamment avec le débat sur les retraites, on a le sentiment qu'il n'y a peut-être pas un regain,
03:39 mais en tout cas que ça ne s'est pas calmé.
03:41 On a la télésélection, on a Frédéric Zinski qui est avec nous, qui a élu Modem.
03:44 Sa permanence a été taguée trois fois près de Bordeaux, dégradée, même vandalisée.
03:48 Là, on est à Lille, chez Violette Spielbouck, Renaissance, on a muré son domicile.
03:52 C'est le pavé dans la vitrine d'Eric Ciotti.
03:55 Vous savez qu'Aurore Berger a rendu publique plutôt une lettre
03:59 dans laquelle on menaçait de s'en prendre à son bébé de quatre mois.
04:03 Donc oui, la situation est inquiétante et c'est bien d'organiser un débat.
04:06 Donc d'habitude, dans ce genre de débat, j'essaie de rester neutre, de ne pas donner mon avis,
04:10 mais là, je vous le dis, quitte à choquer la violence, je suis contre.
04:13 Voilà, c'est pas bien, je vous le dis, ça va peut-être le voir encore une fois,
04:16 mais bon, c'est mon métier de chroniqueur.
04:18 En fait, vous comprenez bien que je ne suis pas la seule personne n'éprouvant la violence,
04:21 mais il y a un problème dans ce pays, c'est qu'on est arrivé à un moment
04:24 où on a l'impression que la violence, c'est devenu le seul moyen de se faire entendre.
04:26 Donc en disant ça, je repense à un slogan que j'ai vu, tout comme tout le monde a vu,
04:30 pendant les Gilets jaunes, "pas de casseurs, pas de vinteurs".
04:33 Alors ça, c'est bien trouvé, parce qu'effectivement, c'est une provocation,
04:36 mais en même temps, c'est difficile de dire le contraire.
04:38 Bon, on a bien compris que toutes les chaînes de télé, ou presque, couraient après l'audience,
04:42 et la violence, évidemment, est une manière de faire monter l'audience.
04:46 Je vais vous prendre un exemple, la semaine dernière,
04:48 la préfecture de police attendait 100 000 manifestants, dont 1 000 casseurs.
04:52 Visuellement, ça donne ça, c'est-à-dire que les casseurs étaient ultra minoritaires,
04:56 ils étaient 1 %, donc c'était uniquement ce petit point noir.
05:00 Eh bien, toute l'après-midi, les chaînes d'info n'ont filmé que ce petit point noir,
05:03 parce qu'évidemment, à défaut de faire monter l'audience,
05:06 en tout cas, ça maintient en quelque sorte l'audience.
05:10 Mais ce que je voulais aussi préciser, c'est que la violence,
05:12 ça n'est pas que dans la rue, il est aussi dans le débat public.
05:14 On sait que ça se passe beaucoup sur les réseaux sociaux,
05:16 où il faut respecter deux critères, il faut être bref et percutant.
05:20 Bref, c'est les punchlines, percutant, c'est du clash.
05:23 Mais quelle est la forme orale, qui est à la fois la plus brève et la plus percutante ?
05:27 C'est l'insulte, et donc, évidemment, sans surprise,
05:29 souvenez-vous, l'an dernier, je cite cet exemple,
05:32 un député insulté en direct à la télévision.
05:36 Donc, oui, il y a tout un climat qui favorise la violence,
05:39 et si bien qu'on en arrive à ce que je disais au départ,
05:41 et ce qui est regrettable, c'est qu'on a l'impression qu'il faut être violent pour se faire entendre.
05:44 Et un truc qui m'a, moi, amusé, on va dire, pour employer un euphémisme,
05:47 c'est quand Apolline de Malherbe était à deux doigts d'engueuler Laurent Berger en lui disant,
05:51 "Mais dites donc, vous ne soyez pas un peu mou du genou, vous, on l'écoute."
05:54 Est-ce que vous n'êtes pas trop sage ?
05:55 Est-ce que le problème, ce n'est pas que vous êtes si sage que finalement,
05:58 vous revendiquez une manifestation qui se passe dans le calme,
06:01 et c'est tout à fait le cas, et tout le monde l'observe,
06:04 mais au fond, est-ce que du coup, dans le calme, vous arrivez à les faire plier ?
06:07 Ben voilà, c'est la vraie sujet de la période.
06:09 Mais ça, c'est un sujet qui dépasse le seul sujet des retraites.
06:11 Vous savez, la mobilisation la plus importante dans les rues,
06:15 au moment du mouvement des Gilets jaunes, c'est 284 000 personnes, selon la police.
06:19 Alors vous voyez, quand 300 000 violents obtiennent 17 milliards de gouvernements,
06:23 tandis que des millions de manifestants pacifiques obtiennent une fin de non recevoir,
06:27 je suis contre la violence, mais quand même, ça pose des questions.
06:30 Merci, excellent billet ce soir, merci Stéphane.
06:34 Frédéric Zguinski, on le voit de toute façon là, c'est très clair, la violence,
06:37 elle est dans le pays, on l'a vu à Sainte-Solil,
06:39 on le voit dans les cortèges sur les retraites,
06:41 mais celle contre les élus, elle ne date pas de cette crise-là.
06:44 On a l'impression qu'elle est un peu banale.
06:46 Qu'est-ce qui vous est arrivé, vous, précisément, et comment on encaisse ?
06:50 Alors, ce qui m'est arrivé à moi et à ma permanence, et à mes équipes,
06:54 c'est de retrouver trois fois le lendemain d'une nuit, au petit matin,
06:59 mes collaborateurs qui sont arrivés à la permanence,
07:01 avec des mots d'abord contre la réforme des retraites,
07:07 et puis sur la dernière fois, une montée un petit peu en puissance,
07:10 des menaces, et également des simulations de traces de sang,
07:14 donc avec de la couleur rouge.
07:17 Donc, c'est mes collaborateurs qui ont découvert ça,
07:20 et pour eux, c'est une violence de découvrir cette attaque le matin,
07:24 et voilà ce qui s'est passé.
07:26 À chaque fois, donc, des saccages autour de cette crise des retraites.
07:30 Comment on vit ça ? On porte plainte, j'imagine ?
07:33 Alors, on porte plainte, on pense d'abord à protéger ses équipes, bien sûr,
07:36 ça, c'est quand même la priorité absolue,
07:38 parce que moi, je me suis engagé en politique,
07:40 j'ai recruté des collaborateurs qui viennent travailler à mes côtés,
07:43 au service de mes idées, mais qui, eux, sont là pour m'accompagner,
07:48 donc voilà, on pense à eux, et puis ensuite, on essaye,
07:51 on porte plainte et on confie ces sujets aux autorités policières et judiciaires.
07:57 Et dans votre circonscription, qu'est-ce qu'on vous a dit ?
08:00 Est-ce que vous avez le sentiment d'être un peu soutenu,
08:02 ou finalement, les gens, ils trouvent ça banal ?
08:04 Non, beaucoup de messages de soutien, on me dit "bon courage sur le marché",
08:07 voilà, on m'accompagne quand même, et beaucoup, même dans ces démarches-là,
08:11 donc ça, c'est quand même plutôt rassurant.
08:13 Donc, il n'y a pas d'indifférence ?
08:14 Non, il n'y a pas d'indifférence, et voilà, les gens sont globalement derrière nous.
08:18 Laëtitia, viens, rappelez-nous, vous, ce que vous avez subi.
08:22 Sur les cinq dernières années, donc mes cinq années de mandat,
08:25 j'ai déposé 16 plaintes.
08:27 Alors, je pouvais recevoir quotidiennement, sur les réseaux sociaux,
08:30 notamment des messages d'injures, souvent de l'injure raciste.
08:34 Lorsque j'ai décidé de déposer plainte, lorsque je sentais qu'on dépassait un certain niveau,
08:38 ou que je sentais ma vie potentiellement en danger,
08:41 lorsqu'il y avait des menaces de mort, ou des messages d'incitation au suicide,
08:45 particulièrement précis.
08:47 A chaque fois, il y a une crise qui met en cause le gouvernement,
08:50 les gilets jaunes, la crise sanitaire, ou pas forcément ?
08:53 On a eu un certain nombre de crises au cours du dernier mandat,
08:56 donc c'est vrai que ça a été quelque chose d'assez récurrent,
09:00 et durant la crise sanitaire aussi, j'ai pu en recevoir.
09:03 Après, j'étais porte-parole de la majorité,
09:06 donc très présente sur les plateaux,
09:08 et donc c'est vrai que je pouvais recevoir ça,
09:10 en réponse aussi à mes prises de parole, et donc à mes positions.
09:13 C'est là qu'on arrive dans une situation particulière,
09:15 c'est qu'on venait pas m'attaquer sur ce que je disais,
09:18 on était pas sur une critique de fond, une critique politique,
09:22 mais sur ma personne,
09:24 puisque la plupart des messages et des menaces de mort que j'ai reçues
09:28 étaient à caractère raciste.
09:30 -On va y revenir, et les réseaux sociaux ont un rôle à la fois
09:34 sur l'anonymat et sur la caisse de résonance
09:37 que la violence a sur les réseaux.
09:40 Jean Garrigue, l'historien, le phénomène, il est nouveau ou pas du tout ?
09:44 -Non, le phénomène n'est pas à proprement nouveau.
09:48 Alors, des séquences d'hystérisation,
09:51 de radicalisation de la vie politique,
09:54 il y en a eu, et comment ?
09:56 Pendant l'affaire Dreyfus, il y a eu 200 duels,
09:59 on a taillé rangé dans l'hémicycle,
10:01 c'était pareil en 1904, l'affaire Desfiches,
10:04 où un ministre de la guerre, à l'époque,
10:07 a été souffleuté par un député extrême droite.
10:11 Léon Blum, en 1936, se fait traiter de juif,
10:14 comme ça, en face, par un député extrême droite.
10:17 Il y a toujours eu cette effervescence dans des périodes de crise.
10:21 -Donc dire qu'on a franchi un cap, pour nous,
10:24 c'est pas forcément le cas.
10:26 -Depuis la crise des Gilets jaunes,
10:28 parce que j'inscris ce qui se passe dans la continuité,
10:31 ces violences, presque ce système de violences
10:34 contre les élus, ce dénigrement systématique des élus,
10:38 avec cette manière très massive,
10:40 par centaines d'actes dénombrés, c'est quelque chose de nouveau.
10:44 C'est quelque chose qui n'a pas existé.
10:46 On pourrait en retrouver un peu la trace,
10:48 au moment de la guerre d'Algérie,
10:50 avec des plastiquages, etc., auxquels se livrait l'OS,
10:53 mais véritablement, cette prise comme ça en charge,
10:57 en compte des élus, y compris des élus de terrain,
11:01 c'est-à-dire des élus locaux, maintenant.
11:03 On a eu un maire qui s'est fait tuer il y a pas très longtemps.
11:06 C'est quelque chose, quand même,
11:08 qui exprime une nouvelle violence dans l'espace public.
11:11 -Et spécifiquement français, vous diriez,
11:13 parce qu'on pense à l'héritage révolutionnaire,
11:16 qui est quand même notre ADN politique, d'une certaine manière.
11:20 -C'est encore autre chose,
11:22 c'est la tendance à se révolter
11:24 contre la verticalité du pouvoir.
11:26 Mais la révolte contre la verticalité du pouvoir
11:29 ne passe pas forcément par la violence.
11:31 La preuve, le mouvement syndical nous a donné l'exemple
11:34 de quelque chose d'extrêmement pacifique, organisé,
11:37 et qui pouvait quand même faire passer un message,
11:40 puisque plus des deux tiers des Français le suivent.
11:43 Là, ce qui se passe, c'est quelque chose d'incontrôlé,
11:46 mais qui traduit, évidemment, comme toujours, sociologiquement,
11:50 une violence sous-jacente dans l'ensemble des couches
11:53 de la société, avec des couches nouvelles,
11:56 des couches qui sont nouvellement entrées dans la vie publique.
12:00 Les Gilets jaunes, c'était des gens
12:02 qu'on ne voyait jamais se mobiliser,
12:04 qui sont entrés dans le débat,
12:06 et ils l'ont fait avec les instruments
12:08 les plus immédiats, les plus spontanés.
12:10 Pas au début, les Gilets jaunes, c'était très calme,
12:13 mais il s'est passé ensuite une radicalisation,
12:16 une brutalisation de la vie publique,
12:18 parce que, précisément, ils n'ont pas
12:20 les structures d'encadrement, les moyens, les habitudes,
12:23 si vous voulez, qui sont celles, par exemple, des syndicats.
12:26 -De quoi l'élu est-il le nom ?
12:28 C'est la question philosophique
12:30 dans cette flambée de violence.
12:32 Je précise que c'est la majorité qui est principalement ciblée,
12:36 mais pas seulement.
12:37 Il y a eu aussi des députés de gauche,
12:39 des députés de droite.
12:41 -Il faut commencer par distinguer ce dont madame a témoigné,
12:44 l'expression pure de la haine, qui est détestable.
12:47 -C'est ce qui est intéressant,
12:49 c'est lorsque l'argument de la violence
12:51 relève d'une stratégie.
12:52 On trouve trois arguments.
12:53 Vous avez d'abord l'argument de l'efficacité.
12:55 "Je vais être violent parce que je constate que ça marche."
12:58 Ce qui est extrêmement discutable,
13:00 puisqu'il faut regarder le court terme et le moyen terme.
13:02 Ensuite, vous avez l'argument de l'épuisement des voies de recours.
13:05 "J'aimerais bien ne pas être violent,
13:06 "mais après avoir tout essayé,
13:08 "mais on sait que les moyens sont nombreux en démocratie,
13:10 "parfois il y a une urgence de résultats,
13:12 "eh bien je vais m'en remettre à la violence."
13:14 Et enfin, vous avez un argument très important,
13:16 "responsabilité ou de l'origine de la violence."
13:18 "Je suis violent, mais ma violence est une réaction
13:20 "à une violence que j'ai subie."
13:22 -A une forme de violence d'Etat.
13:24 -Si on qualifie le 49-3 de violence,
13:26 ce qui, à mon sens, est discutable,
13:28 on peut le critiquer sans dire que c'est une violence,
13:30 eh bien on donne un argument à ceux qui vont se dire
13:32 que les élus qui n'ont pas voté le texte,
13:34 mais qui sont complices de ne pas avoir voté la motion de censure,
13:37 vont pouvoir être renversés par la violence,
13:40 puisqu'ils participent d'un phénomène de violence.
13:42 C'est là que les mots sont essentiels.
13:44 On ne peut pas mettre des critiques sur des actions politiques
13:46 sans dire qu'elles sont violentes,
13:48 sinon on risque de nourrir des discours
13:50 qui vont justifier la violence,
13:52 qui peut être à la base irrationnelle,
13:54 en apportant de l'eau au moulin de la violence.
13:56 -C'est très intéressant, et je vous donne la parole
13:58 après Azdin Ahmed Chaouch.
14:00 Dans votre liste d'arguments,
14:02 on les retrouve dans la bouche des Français.
14:04 Comment jugent-ils cette violence contre les élus ?
14:06 Marco Pommier et Arnaud Payard ont suivi
14:08 un député de la majorité Renaissance
14:10 qui est rompu au contact de terrain.
14:12 Reportage sur le marché dans les Yvelines
14:14 avec Carl Olive.
14:16 Regardez.
14:18 -Carl Olive, un député menacé.
14:22 À deux reprises, cette semaine,
14:24 sa venue dans certains médias parisiens
14:26 a fait l'objet d'une surveillance policière.
14:28 -Bonjour, bonjour.
14:30 -Ce jeudi, séjour de marché à Poissy.
14:32 Comme d'habitude, le député de la majorité
14:34 déambule entre les étals,
14:36 mais sans appréhension.
14:38 -Je considère que la peur n'évite pas le danger.
14:40 C'est une minorité, encore une fois,
14:42 qui vient polluer l'immense majorité
14:44 de celles et ceux qui veulent que la France avance.
14:46 Et avancer dans le pays, c'est pour moi
14:48 discuter avec les gens, échanger,
14:50 prendre des bourre-pif,
14:52 être à portée d'engueulades, comme on dit,
14:54 parce que je pense que c'est ça qui fait avancer la France.
14:56 Et c'est certainement pas se planquer.
14:58 -Carl Olive est l'ancien maire de la ville.
15:00 Alors ici, l'accueil est plutôt chaleureux.
15:02 -Qu'est-ce que je peux prendre
15:04 comme type d'olive pour mettre avec le poulet ?
15:06 Je veux avoir des cuisses de poulet, là.
15:08 -Au fur et à mesure, la réforme des retraites
15:10 occupe les esprits, mais les riverains
15:12 que nous avons rencontrés condamnent les menaces.
15:14 -Il n'y a aucune raison de menacer les élus.
15:16 Par contre, il faut aussi écouter un peu le peuple.
15:18 -Le terrain.
15:20 Quand j'étais maire de Poissy,
15:22 j'avais des menaces
15:24 qui étaient autrement plus virulentes encore
15:26 que celles que j'ai eues,
15:28 avec des gens qui se sont déplacés à la maison.
15:30 -Aujourd'hui, il n'y a aucune raison d'avoir des menaces.
15:32 Il n'y a aucune raison d'avoir des menaces.
15:34 Soit on joue le jeu,
15:36 soit c'est tout.
15:38 Mais il n'y a aucune raison
15:40 de menacer qui que ce soit.
15:42 -Des Français qui désapprouvent
15:44 les insultes, les intimidations
15:46 et les permanences dégradées de ces derniers jours.
15:48 Mais ces menaces sont-elles compréhensibles ?
15:50 Certains s'interrogent,
15:52 comme Arlette.
15:54 -Est-ce que vous comprenez qu'on en arrive là ?
15:56 -Parce que les gens ont marre.
15:58 -Oui, mais ça ne notorise pas tout.
16:00 -D'accord.
16:02 -C'est pas pour ça qu'il faut aller
16:04 menacer les élus.
16:06 -Non, je ne l'admets pas.
16:08 -J'ai une collègue dans le Nord
16:10 qui a dit que son domicile a été emmuré.
16:12 Non, mais on marche sur la tête, non ?
16:14 -Oui.
16:16 -C'est pas ça, la France ?
16:18 -Non, mais la France est très en colère.
16:20 -La colère de certains qui pointent du doigt
16:22 le manque d'écoute d'Emmanuel Macron.
16:24 Malgré les menaces,
16:26 Carl-Olive, lui, continuera d'aller
16:28 sur le terrain pour dialoguer
16:30 et appeler aux sursauts républicains.
16:32 -Azizine Ahmed Chaouch,
16:34 des dames comme ça qui disent
16:36 qu'on ne justifie pas,
16:38 mais on comprend quand même.
16:40 Ils l'ont un peu cherchée.
16:42 C'est ça qu'on entend.
16:44 On ne nous entend pas, il y a de la colère
16:46 et finalement, ils finissent par récolter
16:48 ce qu'ils ont semé.
16:50 -Notamment lors des grandes manifestations.
16:52 J'en ai pas mal recouvert récemment.
16:54 Et la nouveauté,
16:56 notamment depuis le 49-3,
16:58 c'est des manifestants pacifistes,
17:00 qui n'ont rien de gilet jaune,
17:02 très actif, ou des black blocs de première ligne.
17:04 Ces manifestants pacifistes,
17:06 c'est la première fois que je vois ça
17:08 accepter ou ne se désolidariser pas
17:12 des violences.
17:14 Avant, il y avait quand même ce mouvement
17:16 un petit peu de recul,
17:18 "là, vous êtes en train de salir
17:20 "nos slogans, notre mouvement social,
17:22 "on va perdre notre crédibilité,
17:24 "on va le radicaliser".
17:26 J'ai l'impression que c'est un peu l'héritage
17:28 de Macron, qui a laissé sur le mouvement social
17:30 et contestataire, c'est de faire accepter
17:32 la radicalité, monsieur et madame tout le monde.
17:34 On voyait même des gens
17:36 s'habituer et contourner les points chauds,
17:38 accepter de se faire un peu gazer,
17:40 des gens avec des enfants,
17:42 qui acceptaient cette violence.
17:44 Et moi, c'est cette acceptation de la violence
17:46 qui, je trouve, est un peu inquiétante,
17:48 en tout cas, elle est nouvelle
17:50 dans les manifestations actuelles.
17:52 -Jean Garrigue. -Je suis complètement d'accord
17:54 avec ça, parce que les violences
17:56 qu'on a vues, notamment pendant les années 30,
17:58 c'était des violences entre militants.
18:00 Les militants communistes d'un côté,
18:02 les militants d'extrême droite de l'autre,
18:04 et ça se tapait dessus. Là, c'est quelque chose
18:06 qui est en train d'imprégner la société française,
18:08 qui est pris comme quelque chose d'habituel.
18:10 -Oui, une banalisation. -Sur la co-responsabilité.
18:12 Je parlerais plutôt de co-responsabilité.
18:14 Il est certain que la manière
18:16 dont Emmanuel Macron a géré cette crise,
18:18 et peut-être même avant,
18:20 cette verticalité-là,
18:22 elle est pour beaucoup,
18:24 elle est dans le ras-le-bol de beaucoup de Français,
18:26 sur fond de crises... -Elle permet d'expliquer ?
18:28 -Non, elle ne peut pas justifier la violence.
18:32 J'ajouterais, et c'est pour rebondir
18:34 ce qui a été dit,
18:36 il y a des mots, et une utilisation
18:38 du mot "violence"
18:40 par certains, par des opposants à Emmanuel Macron,
18:42 je pense essentiellement à ceux
18:44 qui ont une stratégie de conflictualité,
18:46 c'est-à-dire la France insoumise,
18:48 qui, eux aussi, jettent des braises sur le feu,
18:50 de l'huile sur le feu, si vous voulez.
18:52 -C'est vrai que le climat politique,
18:54 on l'a vu dans le débat sur les retraites,
18:56 des deux côtés, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre,
18:58 si j'ose dire, vous avez les bras d'honneur
19:00 du ministre de la Justice,
19:02 Éric Dupond-Moretti,
19:04 et vous avez les mots "assassins" qui sont prononcés
19:06 à l'encontre du ministre du Travail
19:08 par les insoumises. Ce climat-là,
19:10 il autorise le passage à l'acte ?
19:12 -Rien n'autorise cette violence.
19:14 Et je pense qu'il faut être
19:16 extrêmement vigilant, ne jamais trouver
19:18 le moyen de légitimer cela,
19:20 et de le banaliser.
19:22 Là, on entendait dans le reportage des "par contre",
19:24 tout à l'heure dans la chronique,
19:26 on a entendu ce petit "mais",
19:28 vous-même, lorsque vous avez commencé l'émission,
19:30 vous avez ajouté ce "et",
19:32 et le 49.3 n'arrange pas les choses.
19:34 À chaque fois, lorsque l'on fait le lien
19:36 entre un débat politique
19:38 et la violence,
19:40 on est en train de justifier cela,
19:42 et donc d'entraîner
19:44 cette acceptation au sein de la société.
19:46 Bien sûr que certains de nos concitoyens
19:48 peuvent être contre le 49.3.
19:50 Et bien sûr qu'il y a aujourd'hui
19:52 une mobilisation contre la réforme des retraites,
19:54 et une mobilisation distincte
19:56 concernant 49.3.
19:58 -Quand même Jean Garrigue explique
20:00 que la verticalité du pouvoir,
20:02 avec toutes les procédures constitutionnelles
20:04 utilisées sur ce débat retraite,
20:06 vous n'y voyez aucune forme,
20:08 comment dire, pas de responsabilité,
20:10 mais d'autorisation,
20:12 ou attisée de la part du pouvoir
20:14 sur la société.
20:16 -C'est la question que je vous pose.
20:18 -Est-ce que l'usage des outils démocratiques
20:20 est une forme d'autorisation à la violence ?
20:22 Non.
20:24 -Oui, par exemple,
20:26 dans les manifestations, il y a eu aussi,
20:28 je mets évidemment beaucoup de guimelles,
20:30 les comportements policiers,
20:32 avec plein d'interpellations,
20:34 et on relâchait les gens rapidement, sans poursuite,
20:36 et ça aussi, ça a attisé un petit peu
20:38 un sentiment, pas de revanche ou de haine chez les gens,
20:40 mais en tout cas d'injustice, et c'est vrai que ça aussi,
20:42 il y a eu sur le terrain des comportements
20:44 qui ont agacé les manifestants.
20:46 -C'est vrai que moi, je vois ça aussi
20:48 de mon écran de télévision.
20:50 -Ce qu'on a pu appeler les arrestations préventives
20:52 démenties par le préfet.
20:54 -On sent qu'il y a un climat de tension, c'est vrai,
20:56 et c'est pour ça que je pense que c'est dans ces moments-là
20:58 où il y a un climat de tension exacerbé
21:00 qu'il faut d'autant plus redoubler de vigilance
21:02 et d'autant plus s'assurer
21:04 de ne pas justifier et légitimer cela,
21:06 parce que sinon, c'est un effet boule de neige.
21:08 -Je voudrais qu'on avance un peu
21:10 sur le sursaut, sur les solutions.
21:12 Frédéric Zguesnky,
21:14 on entend beaucoup dire qu'il y a une forme
21:16 de fossé, de divorce
21:18 entre les élus et le peuple,
21:20 les représentants et les Français.
21:22 Est-ce que vous voyez ça ?
21:24 Est-ce qu'une manière de peut-être
21:26 apaiser, ce serait de donner un peu plus
21:28 de pouvoir, de participation
21:30 des citoyens à la décision ?
21:32 -Je crois que d'abord, ça se fait déjà beaucoup au niveau local
21:34 et qu'il faut l'amplifier. Il faut aussi qu'il y ait
21:36 un certain renouvellement de la classe politique.
21:38 Moi-même, je me suis engagé, c'est Bérangère Couillard,
21:40 ce qui est à l'écologie, qui m'a proposé
21:42 d'être son suppléant,
21:44 et donc je suis venu en politique
21:46 en étant simple conseiller municipal d'opposition,
21:48 d'ailleurs, à Cestas.
21:50 Je pratique aussi l'opposition constructive
21:52 et dès que je ne suis pas d'accord avec le maire
21:54 où je suis élu, je ne vais pas casser la mairie.
21:56 Donc, on vit quand même
21:58 dans un État de droit, dans une démocratie,
22:00 dans un État de droit, avec une liberté
22:02 d'expression. Il y a eu peut-être
22:04 des violences policières, mais il y a des enquêtes
22:06 qui sont en cours, la justice va
22:08 faire son oeuvre, et donc, voilà,
22:10 il faut rappeler toujours
22:12 ces institutions, rappeler dans quel environnement
22:14 elles évoluent, et dire aux gens
22:16 qu'ils ont la possibilité de s'engager en politique
22:18 et de faire changer les choses comme ça.
22:20 - Jean-Baptiste Julliard, pendant les Gilets jaunes,
22:22 il y a eu aussi la demande démocratique.
22:24 C'était le fameux RIC.
22:26 Est-ce qu'il faut l'entendre, ça ?
22:28 - La question, effectivement, ce à quoi on assiste,
22:30 c'est une agression
22:32 contre la démocratie représentative.
22:34 Moi, je n'en suis pas sûr, parce que déjà, je n'entends pas
22:36 la demande de RIC revenir.
22:38 Il y a la question du référendum d'initiative partagée,
22:40 mais qui est quand même différent. Et puis, on voit bien,
22:42 par exemple, que la France insoumise,
22:44 la NUPES, qui sont des élus contestataires,
22:46 incarnent aussi très bien le parlementaire.
22:48 Et effectivement, je pense qu'il faut
22:50 distinguer, au sens où
22:52 ils incarnent la représentation. - Vous dites aujourd'hui
22:54 que l'Assemblée représente les Français.
22:56 Beaucoup plus qu'avant. - Est-ce qu'il y a
22:58 une bonne représentation ?
23:00 Est-ce que les élus ont suffisamment de pouvoir
23:02 et d'outils pour faire en sorte
23:04 que les intérêts des Français soient entendus ?
23:06 Et là, je pense qu'il y a une discussion qu'on peut avoir,
23:08 mais qui doit se faire totalement en dehors de l'usage de la violence.
23:10 Donc, je ne suis pas sûr, effectivement, qu'il faille,
23:12 au-delà de la dimension insurrectionnelle
23:14 qui, à mon sens, est minoritaire,
23:16 penser que tout ça serait le signe d'une demande urgente
23:18 de nouvelles révisions constitutionnelles.
23:20 Il n'y en a pas eu depuis 2008. Peut-être que ce sera
23:22 un sujet à mener par le président de la République,
23:24 mais à mon sens, ce n'est pas la seule solution pour faire taire
23:26 la violence, puisqu'il y a d'autres éléments qui sont...
23:28 - Jean Garrigue, on parle de respiration démocratique.
23:30 Ça peut être le citoyen associé à la décision.
23:32 On la voit avec la Convention citoyenne sur la fin de vie,
23:34 qui va rendre ses conclusions.
23:36 Ça peut être le référendum aussi.
23:38 - Il n'y a pas de mystiguerie pour sortir de cette déconnexion
23:40 entre les acteurs politiques et les élus.
23:42 Mais il faut la regarder en face.
23:44 Elle existe. D'ailleurs,
23:46 le président du parti
23:48 dont vous êtes député, je pense,
23:50 avait conseillé,
23:52 et c'est un secret de sa personne, à Emmanuel Macron
23:54 de pratiquer un petit peu moins de verticalité
23:56 dans cette crise, parce que c'est un homme politique
23:58 qui connaît
24:00 la vie politique, justement,
24:02 qui est un expérient, qui aurait géré
24:04 les choses un peu différemment. Mais passons.
24:06 Ça, c'est un des aspects du problème.
24:08 Il semblerait, malgré tout,
24:10 que dans toutes les...
24:12 D'ailleurs, dans toutes les démocraties,
24:14 et notamment dans la nôtre, qui est schizophrène,
24:16 c'est-à-dire qu'on a besoin de cette verticalité
24:18 du pouvoir. C'est l'élection présidentielle,
24:20 c'est les pouvoirs qu'on confère
24:22 à cette espèce d'homme providentiel...
24:24 - On est un peu drogués, aussi,
24:26 de la culture présidentielle ? - On est un peu drogués.
24:28 - Peut-être trop, non ? - Je le pense.
24:30 Mais en même temps, on a justement
24:32 ce tropisme qui vient de la Révolution française,
24:34 de cette démocratie participative
24:36 du contrôle citoyen.
24:38 Et il me semble que dans l'exercice
24:40 des institutions de la Ve République,
24:42 notamment depuis la fameuse
24:44 révision de 2000, le couplage
24:46 des deux élections, on sait...
24:48 On a surprésidentialisé
24:50 l'usage
24:52 de ces institutions.
24:54 Je pense que la conception jupitérienne
24:56 n'a pas arrangé les choses.
24:58 Je pense qu'on pourrait essayer de trouver,
25:00 ne serait-ce que dans l'application
25:02 de ces institutions, dans un rééquilibrage
25:04 des pouvoirs, un peu plus de pouvoirs au Premier ministre...
25:06 - Le Premier ministre gouverne vraiment
25:08 et le président arbitre.
25:10 - Qui donne l'impression,
25:12 qui donne l'impression aux Français
25:14 que ce président de la République n'est pas
25:16 un monarque républicain. Il ne l'est pas,
25:18 en réalité, il correspond,
25:20 et l'usage du 49-3, ça fait partie
25:22 de l'arsenal du parlementarisme rationalisé.
25:24 C'est institutionnel, c'est légal.
25:26 Mais pour les Français, ça n'est plus accepté.
25:28 Il faut en tenir compte.
25:30 - Vous avez une liberté de parole, vous n'êtes plus députée,
25:32 La République en marche.
25:34 Il n'a pas un peu raison, Jean Garrigue ?
25:36 Vous n'avez pas souffert d'une forme
25:38 de verticalité,
25:40 d'isolement, de toute puissance
25:42 du président de la République dans la précédente législature ?
25:44 - Je pense que notre démocratie,
25:46 elle a besoin d'un nouveau souffle
25:48 et que notre arrivée en responsabilité
25:50 à l'époque, en 2017, était déjà...
25:52 Alors, est-ce que c'était un symptôme,
25:54 une résultante, je ne sais plus,
25:56 aujourd'hui, mais de ce besoin de complètement
25:58 revoir aussi le fonctionnement
26:00 de nos institutions et, en effet,
26:02 redonner davantage de souffle
26:04 et de parole aux citoyens.
26:06 Et c'est vrai qu'il y a eu
26:08 énormément de tentatives
26:10 de concertation, de consultation,
26:12 mais en fait, notre démocratie,
26:14 elle n'est peut-être pas faite non plus pour ça.
26:16 Par exemple, la grande époque du Grand Débat,
26:18 qu'est-ce qu'on fait, in fine,
26:20 de tous ces cahiers de doléances ?
26:22 C'est pas prévu dans notre schéma institutionnel.
26:24 - Vous avez des regrets sur ça ?
26:26 On n'a pas assez regardé, on n'a pas assez utilisé
26:28 ces résultats des doléances ?
26:30 - Moi, par exemple, j'en ai organisé 12.
26:32 12 Grands Débats sur ma circonscription
26:34 à l'époque. Et ça m'a
26:36 alimentée, mais à ma petite échelle,
26:38 ensuite, dans ma fonction
26:40 parlementaire. Mais cette grosse
26:42 machine qu'est
26:44 la démocratie française,
26:46 elle a cette difficulté
26:48 à se renouveler et à faire tout cela.
26:50 - Je voudrais qu'on parle des réseaux sociaux.
26:52 C'était votre texte, parce que
26:54 on l'a vu, c'est aussi un moyen
26:56 de lancer des raids sur des personnes.
26:58 On a retrouvé
27:00 des adresses de domicile
27:02 sur des groupes Facebook, notamment,
27:04 pendant les Gilets jaunes. Aujourd'hui,
27:06 les plateformes suppriment ça très vite
27:08 avec cette loi ?
27:10 - Pas suffisamment vite. C'est ça, le problème.
27:12 Et c'est ça aussi qui
27:14 fait qu'on est en train de porter
27:16 atteinte de manière assez profonde à notre
27:18 démocratie. On parlait tout à l'heure de la question
27:20 de la démocratie représentative.
27:22 Qui a aujourd'hui envie de
27:24 représenter nos concitoyens quand on sait
27:26 à quoi on s'expose ? Quand on sait à quoi on expose ?
27:28 - C'est l'issue ad... - Nos personnes, nos familles
27:30 également. On parlait tout à l'heure du domicile
27:32 de Violette Spittboul. Je peux vous dire que ma mère
27:34 m'a appelée récemment et m'a dit
27:36 qu'elle était bien contente que je ne sois pas réélue,
27:38 parce que sinon, ça l'aurait mise en situation de tension
27:40 durant toute cette période. Parce que oui,
27:42 ce qu'on vit sur les réseaux sociaux,
27:44 c'est un continuum de violence, c'est numérique,
27:46 et ça devient physique.
27:48 Et il y a des études
27:50 qui ont été faites récemment, notamment aux Etats-Unis,
27:52 et qui montrent, d'ailleurs, que ce sujet n'est pas juste
27:54 français, mais qu'on a aussi
27:56 une crise de la représentation
27:58 parce que, justement,
28:00 quand on sait à quoi on s'expose
28:02 et à quel niveau
28:04 les personnes sont exposées à une violence,
28:06 notamment les femmes, eh bien, on a
28:08 de moins en moins de personnes qui ont envie de
28:10 briguer un mandat. Et est-ce qu'on peut leur reprocher ça
28:12 quand on voit ce qui se passe aujourd'hui ?
28:14 -Plus personne ne voudra s'engager
28:16 en politique, vous êtes d'accord ? C'est le risque ?
28:18 -Oui, c'est le risque, mais après, sur les réseaux sociaux,
28:20 donc, on a deux types de dérives. La première
28:22 qui est celle de
28:24 se voir pointée du doigt par certains collègues
28:26 pour certains votes. Bon, moi, personnellement,
28:28 j'assume mes votes, donc... -Le "name and shame".
28:30 Nommer et couvrir de honte en disant
28:32 "il n'a pas voté, il n'a pas voté" de Guy Fausas,
28:34 par exemple. L'interdiction. -C'est quand on parle
28:36 pas des votes, mais on parle... L'autre jour,
28:38 on avait la vice-présidente de l'Assemblée nationale,
28:40 donc Elodie Jacquie-Laforge, qui a eu
28:42 une guillotine
28:44 mise sous son nom. Là, c'est plus choquant.
28:46 Et donc, par contre, je tiens à dire qu'on est
28:48 intervenus auprès de Twitter, au niveau
28:50 des collègues du groupe démocrate. -Mais qu'est-ce qu'on fait, alors ?
28:52 -Ils ont supprimé le tweet. -Il y a un débat
28:54 aux Etats-Unis, par exemple, pour carrément interdire
28:56 TikTok à l'échelle du pays.
28:58 Est-ce que c'est une solution ou pas ?
29:00 -Il y a une question éducative. Il faut retrouver aussi
29:02 des principes communs. Je pense qu'il y a une confusion
29:04 entre le respect et l'estime,
29:06 ce que Pascal, le philosophe, distinguait.
29:08 Ce qu'on doit aux élus, aux personnes
29:10 qui sont investies en autorité, c'est un respect,
29:12 par exemple le salut républicain.
29:14 Mais en revanche, on n'est pas tenus, effectivement, de les estimer.
29:16 Mais l'absence d'estime, le fait de ne pas partager
29:18 les idées, ça doit aussi s'exprimer dans des formes.
29:20 Et effectivement, il y a autre chose que l'insulte
29:22 pour exprimer une désapprobation. Et là, effectivement,
29:24 il y a plusieurs problèmes sur les réseaux sociaux
29:26 qui tiennent aussi à l'anonymat. On peut penser qu'il peut y avoir
29:28 aussi une dimension cathartique. On peut espérer
29:30 que des personnes qui se défoulent
29:32 n'iront pas jusqu'à franchir le pas physiquement.
29:34 Mais on peut aussi en douter, et c'est là que c'est très inquiétant.
29:36 -Jean Garrigue, le sursaut.
29:38 On sent bien qu'il va falloir réparer.
29:40 On parle de crise démocratique,
29:42 on parle d'essoufflement de la démocratie représentative,
29:44 on parle de crise institutionnelle.
29:46 Qu'est-ce qu'on va faire ?
29:48 Comment on fait ? -On va vous donner des solutions.
29:50 On est beaucoup à réfléchir, chacun dans son coin,
29:52 parce que c'est une responsabilité collective.
29:54 Ne serait-ce que le réapprentissage
29:56 de la citoyenneté,
29:58 de ce que c'est. La pédagogie de la citoyenneté,
30:00 c'est quelque chose
30:02 qui est un urgent besoin,
30:04 aujourd'hui. Les gens ne savent plus très bien
30:06 ce que c'est d'appartenir à un collectif
30:08 de citoyens.
30:10 On le voit bien. Sinon, justement, ils n'iraient pas
30:12 dans ces formes de violence.
30:14 -C'est le civisme, en fait.
30:16 -Le civisme, en somme. Mais évidemment,
30:18 le civisme, il s'apprend,
30:20 je dirais, par le haut. Il faut que nos élus
30:22 donnent l'exemple.
30:24 -C'est pas le cas, manifestement.
30:26 -On voit bien qu'il y a des limites.
30:28 Je le répète, que ce soit du côté de l'exécutif,
30:30 de l'opposition, etc.
30:32 On voit bien qu'on est encore
30:34 dans cette conception de rapports de force
30:36 extrêmement brutaux, justement,
30:38 de conflits, de clashs, etc.
30:40 Moi-même, hier, j'ai reçu
30:42 dans les réseaux sociaux
30:44 un poignard ensanglanté.
30:46 Je suis quoi, un observateur comme ça,
30:48 parmi d'autres, de la vie publique ?
30:50 On voit bien qu'il y a quelque chose,
30:52 aujourd'hui, qui est en train d'infecter
30:54 le débat public. Et je le répète,
30:56 donner des signes d'apaisement
30:58 à ce débat public,
31:00 notamment quand on est au sommet de l'Etat,
31:02 en haut de la pyramide,
31:04 je pense que ce serait
31:06 une bonne inspiration.
31:08 -Le centriste que vous êtes est d'accord ?
31:10 Ou Laetitia Avia, pardonnez-moi.
31:12 -Juste un mot, rapidement, pour dire que
31:14 réapprendre à débattre, c'est aussi
31:16 changer notre façon, notre rapport
31:18 sur les réseaux sociaux, sur Internet,
31:20 où on a quand même, aujourd'hui, des outils
31:22 qui valorisent une parole brutale,
31:24 non nuancée,
31:26 des propos de 10 secondes maximum
31:28 lorsqu'il s'agit de vidéo.
31:30 -Aujourd'hui, avec cette loi,
31:32 en tapant aux portes-monnaies les plateformes,
31:34 c'est ça que vous faites, au niveau européen ?
31:36 -Jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires
31:38 des plateformes,
31:40 qui peut être prononcé
31:42 face à ces comportements,
31:44 mais c'est aussi une question d'éducation,
31:46 parce que ce qui est demandé aux plateformes
31:48 de supprimer, c'est ce qui est
31:50 de l'agressivité la plus crasse
31:52 et évidente.
31:54 Ce qu'on voit et ce qu'on constate aujourd'hui,
31:56 c'est peut-être un peu plus profond en sein de la société
31:58 et des réseaux sociaux. -Vous avez peut-être vu
32:00 la Une de Libération ce matin, la profiteuse,
32:02 je vous laisse deviner, Marine Le Pen.
32:04 C'est ça qui est en train de se passer.
32:06 -Pour prévenir la citoyenneté, moi je passe une grosse partie
32:08 de mon temps, une certaine partie de mon temps
32:10 à aller dans les écoles,
32:12 dans les écoles primaires, dans les lycées professionnels.
32:14 Hier, j'étais dans un lycée professionnel,
32:16 non pas pour convertir tout le monde au centrisme,
32:18 mais pour expliquer ce qu'est
32:20 la citoyenneté, ce qu'est la République,
32:22 ce qu'est la démocratie.
32:24 Je pense que tout le monde, en tout cas
32:26 les gens qui sont engagés dans la vie publique,
32:28 devraient aussi passer du temps
32:30 à cette mission.
32:32 -Merci, on va s'arrêter là.
32:34 Le chantier est immense.
32:36 Il faudra sûrement beaucoup de temps
32:38 pour réussir à recoudre
32:40 le tissu du débat public.
32:42 Merci beaucoup. Merci d'être venu
32:44 débattre sur ce plateau. Vous restez avec moi,
32:46 Azdina Meschaouch. Dans une dizaine de minutes,
32:48 les partis prides nous affranchir.
32:50 Aux féminins, vous les voyez ce soir.
32:52 Isabelle Lasserre nous parle de Donald Trump
32:54 qui est inculpé par la justice,
32:56 c'est une première, mais pas forcément empêchée
32:58 pour la suite. Pause !
33:00 C'est le mot de la semaine de Mariette Darrigrand
33:02 après la proposition de Laurent Berger
33:04 de suspendre la réforme des retraites.
33:06 Et puis, bataille de commissions d'enquête
33:08 sur Sainte-Soline à l'Assemblée nationale.
33:10 Ce sera dans Bourbon Express
33:12 avec Stéphanie Despierre. Mais d'abord, on va parler
33:14 un peu de vous, Azdina Meschaouch,
33:16 de ce dossier V13 primé,
33:18 je le disais, par le jury
33:20 du Livre politique, ce qu'il faut savoir
33:22 de la plus grande audience criminelle
33:24 organisée en France.
33:26 Et dans ce livre, on voit cela avec l'invitation
33:28 de Marion Becker et on en parle tous les deux
33:30 juste après.
33:32 *Musique*
33:34 *Bruits de clavier*
33:36 Si on vous invite, Azdina Meschaouch,
33:38 c'est parce que vous venez de recevoir
33:40 le prix étudiant du Livre politique
33:42 avec le dessinateur
33:44 Valentin Pasquier
33:46 pour votre roman graphique
33:48 "Dossier V13"
33:50 du nom du procès historique
33:52 des attentats du 13 novembre.
33:54 Vous avez couvert les 10 mois
33:56 de ce procès hors normes.
33:58 1800 parties civiles,
34:00 1300 blessés,
34:02 330 avocats et 20 accusés.
34:04 Car Azdina Meschaouch,
34:06 vous êtes journaliste d'investigation,
34:08 aujourd'hui, reporter à quotidien
34:10 après avoir débuté au Parisien,
34:12 puis à M6.
34:14 Vous aviez déjà enquêté sur l'islamisme radical
34:16 avec "La France du djihad".
34:18 Cette fois,
34:20 vous faites le récit du procès
34:22 des attentats du 13 novembre 2015.
34:24 Un travail de mémoire
34:26 entrepris avec Valentin Pasquier,
34:28 dessinateur judiciaire pour France Inter,
34:30 Le Parisien et Ouest France.
34:32 Votre plume,
34:34 son trait de crayon.
34:36 Vous avez sélectionné des jours clés
34:38 du procès.
34:40 Vous écrivez les différents visages
34:42 de Salah Abdeslam,
34:44 l'accusé le plus emblématique,
34:46 tour à tour, distant,
34:48 muet, revendicatif.
34:50 L'émotion est palpable
34:52 quand vous narrez la semaine
34:54 pendant laquelle 200 victimes
34:56 se succèdent à la barre.
34:58 Des témoignages aussi poignants
35:00 que traumatisants,
35:02 mais parfois teintés d'une pointe d'humour,
35:04 comme une forme de mise à distance
35:06 de cet événement sans précédent.
35:08 C'est le procès de justice
35:10 que vous retracez.
35:12 Alors on vous pose la question.
35:14 Pour vous,
35:16 le journaliste expérimenté,
35:18 ce procès restera-t-il
35:20 comme l'expérience la plus forte
35:22 de votre carrière ?
35:24 - Réponse à Asdinamed Chaouch.
35:26 - Très bonne question. C'est toujours difficile
35:28 de garder un événement.
35:30 Malheureusement, ça a commencé dès le 13 novembre.
35:32 Je suivais
35:34 cette actualité criminelle
35:36 de spécialiste police-justice,
35:38 mais oui, ces dix mois...
35:40 - On ne sort pas indemne d'un procès
35:42 comme ça, de sa charge émotionnelle ?
35:44 - Impossible. On avait pourtant
35:46 des psys qui étaient à disposition,
35:48 en plus pour les parties civiles et les familles,
35:50 mais les journalistes,
35:52 on avait ce droit
35:54 d'aller consulter,
35:56 mais par un peu fierté du journaliste.
35:58 Puis on se sentait prêts,
36:00 mais en fin de compte,
36:02 on n'était pas prêts. On a eu des moments
36:04 où ça m'est arrivé de sécher quelques jours,
36:06 notamment lors des cinq semaines
36:08 de témoignages de parties civiles,
36:10 où à un moment, c'était difficile.
36:12 - Qu'est-ce qui vous a le plus marqué
36:14 dans cette longue liste
36:16 de témoignages
36:18 qui se succèdent ?
36:20 Les familles qui témoignent,
36:22 les victimes blessées,
36:24 les rescapées des terrasses, celles du Bataclan.
36:26 Quel témoignage vous a le plus touché ?
36:28 On les voit là, ces parties civiles.
36:30 Elles avaient le badge
36:32 avec le fil rouge.
36:34 Qu'est-ce qui vous a
36:36 le plus marqué de tous ces récits ?
36:38 - Vous imaginez. Choisir parmi tous
36:40 ces témoignages, toutes ces vies brisées.
36:42 Parfois, j'aime,
36:44 dans ce flot
36:46 d'histoires tragiques,
36:48 de personnes qui n'ont rien demandé
36:50 et qui se retrouvent du jour au lendemain
36:52 sans...
36:54 sans enfants,
36:56 en perdant une compagne ou un compagnon,
36:58 une mère ou un père,
37:00 regarder peut-être un ou deux moments
37:02 presque positifs
37:04 comme ce témoignage
37:06 d'une rescapée
37:08 de la belle équipe
37:10 qui organisait son anniversaire,
37:12 cette terrasse rue Charon
37:14 dans le 11e arrondissement
37:16 et qui, elle,
37:18 elle s'est vue...
37:20 enfin, a été victime
37:22 de cette attaque à la Kalachnikov.
37:24 Elle est aujourd'hui
37:26 handicapée à vie. Elle voit l'un de ses meilleurs
37:28 amis mourir devant elle,
37:30 mais qui, malgré ça, a commis,
37:32 je dirais, a fait une erreur
37:34 qui a permis de sauver la vie
37:36 de beaucoup de ses amis,
37:38 puisqu'elle a envoyé pour son anniversaire rendez-vous
37:40 à la belle époque, puisque son téléphone
37:42 a mal retranscrit.
37:44 Donc, il y a la moitié de ses copains qui sont allés
37:46 à la belle époque dans un autre arrondissement.
37:48 -C'est le destin qui se met en cycle. -Il y a aussi ces histoires-là.
37:50 -Ce qui est génial dans le livre, c'est
37:52 qu'on vit le procès à la fois avec vous,
37:54 vous l'expliquez, d'ailleurs, c'est assez pédagogique
37:56 pour les plus jeunes, notamment,
37:58 mais vous nous faites ressentir les choses
38:00 que vous vivez en même temps,
38:02 et les dessins sont formidables et remarquables.
38:04 Valentin Pasquet, je redis,
38:06 c'est essentiel, ses dessins partagent ce prix
38:08 avec vous. Alors, il a travaillé,
38:10 lui, pour d'autres médias
38:12 que "Quotidien", "France Inter"
38:14 notamment. Comment vous avez fait pour
38:16 mettre ensemble vos
38:18 travaux respectifs ?
38:20 -Alors, c'est vrai que, déjà,
38:22 comment est né ce projet, c'est en étant sur place
38:24 tous les jours. Pour "Quotidien",
38:26 j'avais une matière assez importante,
38:28 je devais en garder, vous le savez ici,
38:30 trois minutes, quand il y avait
38:32 de la place, mais on avait ce parti pris
38:34 d'en parler quasiment tous les jours dans "Quotidien",
38:36 mais il y avait une frustration du journaliste
38:38 qui avait le sentiment de vivre un moment
38:40 d'histoire fort, et donc j'ai eu
38:42 cette idée d'en faire un livre, avec
38:44 l'éditrice Lisbuel, qui s'est dit
38:46 qu'il faut quand même
38:48 le graver dans le marbre
38:50 de manière encore plus visuelle,
38:52 comme par définition, dans un procès,
38:54 il n'y a aucune photo, aucune vidéo,
38:56 le dessin presse nous paraissait la manière
38:58 la plus évidente. Et quand j'ai vu
39:00 les dessins de Valentin,
39:02 dans "Ouest France", le parisien, même,
39:04 sur le site de "France Inter", j'ai vu
39:06 ce que j'avais vu en réel, c'est-à-dire
39:08 regarder les couleurs,
39:10 il acceptait de dessiner
39:12 un méchant accusé
39:14 beau, parce qu'il était beau,
39:16 ou triste, parce qu'il était triste. -Justement, on va en voir des dessins.
39:18 On va commencer par le président du tribunal,
39:20 le juge Jean-Louis Péries,
39:22 qui est graine, on s'en souvient,
39:24 même si on n'était pas forcément dans la salle d'audience,
39:26 le nom des 85 victimes
39:28 tuées au Bataclan pour ouvrir
39:30 le procès, on le voit ici.
39:32 On a beaucoup dit que c'était
39:34 le procès de sa vie,
39:36 il terminait sa carrière. Comment présidait-il ?
39:38 -Alors, c'était
39:40 le personnage
39:42 clé qui a fait
39:44 de ce procès, selon moi,
39:46 qui en a fait une réussite pénale.
39:48 Le premier jour,
39:50 on est l'illustration la plus spectaculaire.
39:52 Salah Abdeslam n'a pas parlé pendant
39:54 plus de six ans d'instruction. Donc, il y a une attente
39:56 énorme autour du
39:58 principal accusé. Il se lève
40:00 et là, en quelque sorte, il est au niveau
40:02 de ce qu'on attendait de lui, c'est-à-dire, il se présente
40:04 comme un méchant djihadiste.
40:06 "Je suis combattant de Allah", il revendique
40:08 après quelques minutes, ouverture du procès,
40:10 les attentats du 13 novembre.
40:12 Et à la fin
40:14 de son monologue djihadiste,
40:16 comme à
40:18 tous les accusés, Jean-Louis Pérez
40:20 lui pose la question "Quelle est votre profession ?"
40:22 Salah Abdeslam répond "J'ai délaissé
40:24 toute profession pour devenir combattant
40:26 de l'Etat islamique." Et Jean-Louis Pérez
40:28 baisse, regarde sa feuille et dit "Moi, j'ai un terrimaire."
40:30 Et tout le monde rigole.
40:32 Et en fait, l'effet, c'est que
40:34 il rend cet homme qui veut se présenter
40:36 comme combattant dur,
40:38 qui relaie une idéologie djihadiste,
40:40 en fait, il en fait un accusé, comme les autres.
40:42 Et c'est là qu'on s'est dit "On va avoir un vrai procès pénal."
40:44 - Oui, alors justement,
40:46 accusé comme les autres, on y va.
40:48 Salah Abdeslam qui
40:50 parle, puis se tait,
40:52 puis se confesse, puis va pleurer.
40:54 Parlez-nous. Parlez-nous
40:56 de lui. Qu'avez-vous compris de cet homme ?
40:58 - Déjà, on l'avait présenté,
41:00 son ancien avocat l'avait présenté
41:02 comme un homme avec l'intelligence
41:04 d'un cendrier vide. Et c'est tout le
41:06 contraire qu'on a vu. On a vu quelqu'un
41:08 de construit dans son discours,
41:10 quelqu'un qui
41:12 donnait l'impression d'écouter
41:14 et donc, il y avait la question,
41:16 est-il en train de tous nous manipuler ?
41:18 Parce qu'il a changé de version,
41:20 de stratégie, donnant l'impression
41:22 d'être un djihadiste dur,
41:24 puis se défaussant,
41:26 expliquant qu'il n'avait pas
41:28 voulu actionner à sa ceinture
41:30 épris d'un moment
41:32 d'humanité, c'est ce qu'il a dit.
41:34 Puis à un moment, il s'est
41:36 renfermé une nouvelle fois dans le silence, puis il a pleuré,
41:38 puis il a donné l'impression qu'il allait aider la justice.
41:40 - Il y a une femme qui a joué un rôle clé
41:42 chez son avocate,
41:44 Olivia Ronen. C'est incroyable, parce que
41:46 cette femme qui défend
41:48 ce terroriste, qui décide
41:50 que tout le monde a droit à une défense
41:52 et donc de travailler
41:54 avec lui, va rendre possible d'une certaine
41:56 façon sa sortie du silence
41:58 et l'émergence d'une vérité.
42:00 Racontez-nous qui elle était
42:02 et comment ça s'est passé. - Alors, oui, Olivia Ronen,
42:04 c'est l'une des révélations
42:06 du procès, avocat peu connu
42:08 médiatiquement.
42:10 Alors, qui avait fait ses classes
42:12 dans notamment des affaires
42:14 de djihadiste
42:16 mais aussi d'assignation
42:18 à résidence pendant l'état d'urgence ?
42:20 Elle commençait à se faire un nom.
42:22 C'était son premier grand procès
42:24 et il faut dire qu'elle a été
42:26 bonne,
42:28 qu'elle a porté sa voix
42:30 d'un point de vue pénal. Alors, c'est vrai que c'est difficile
42:32 à comprendre. On associe souvent,
42:34 quand on ne connaît pas la matière pénale
42:36 et la justice, on associe souvent un client
42:38 à son avocat, on dit "l'épouse d'Athèse",
42:40 non, elle était là pour défendre le droit
42:42 et en quelque sorte
42:44 de donner à ce procès ce qu'il est,
42:46 c'est-à-dire des réponses pénales
42:48 et surtout apporter, nous, ce qu'on attendait,
42:50 une réponse démocratique à la barbarie
42:52 de Daech. Et elle l'a fait,
42:54 oui, on pense, elle l'a fait sortir de son silence
42:56 mais à un moment donné, on s'est posé la question
42:58 qui était en train de manipuler qui
43:00 ou qui avait pris le dessus sur qui.
43:02 Parce que quand il a commencé à changer
43:04 de version, on s'est dit "Est-ce qu'elle a la main dessus ?
43:06 C'est ce qu'elle veut, elle, ou pas ?"
43:08 Puisque quand il
43:10 commence à se présenter comme un grand méchant
43:12 terroriste, j'imagine que ce n'était pas la stratégie
43:14 qu'elle souhaitait... -Oui. C'est un procès
43:16 qui a duré neuf mois, qui a été entièrement filmé
43:18 pour les archives des historiens, d'ailleurs,
43:20 on peut consulter les images, on peut
43:22 faire cette demande, surtout pour le travail
43:24 de l'histoire.
43:26 Il y a un chapitre qui s'appelle "Le son de la mort".
43:28 L'audio a été aussi
43:30 capté, c'est le jour 8,
43:32 le jour redouté par les victimes.
43:34 Qu'est-ce qui se passe ce jour-là ? On entend tout.
43:36 -C'est le jour
43:38 où on entend une partie
43:40 du son du bataclan.
43:42 C'est un dictaphone qui a été
43:44 laissé par l'une des victimes, que les enquêteurs
43:46 ont retrouvées.
43:48 C'était terrible,
43:50 parce qu'on n'a pas entendu beaucoup,
43:52 parce qu'il y a eu un choix
43:54 pour ne pas
43:56 imposer ça aux victimes,
43:58 aux parties civiles, mais
44:00 c'est le début du concert,
44:02 et à cette musique se mêlent
44:04 les premiers bruits de Kalachnikov.
44:06 Et là, c'était...
44:08 Ce qui était difficile,
44:10 c'était d'imaginer, justement, sans avoir
44:12 l'image.
44:14 Et ce jour-là, l'enquêteur,
44:16 qui était chargé de retranscrire
44:18 cet audio, parce que tout n'a pas été
44:20 diffusé, il a joué
44:22 les djihadistes. Et pour que ce soit
44:24 crédible, il fallait qu'il incarne
44:26 les djihadistes. Donc il a mis l'intention,
44:28 quand l'un des djihadistes du Bataclan
44:30 justifie le mobile et qu'il dit
44:32 que c'est François Hollande qui était le responsable
44:34 en quelque sorte de ça.
44:36 Là, c'était très fort.
44:38 - Il y a aussi
44:40 des pages sur la vie, en fait.
44:42 La vie continue, malgré
44:44 l'horreur de ce projet qui se tient en plein
44:46 Covid. Il y a même la guerre
44:48 qui va s'inviter, puisque
44:50 février 2022, la Russie
44:52 invahit l'Ukraine. Et puis,
44:54 il y a la place Dauphine.
44:56 Et ce café
44:58 où les gens se croisent très rapidement,
45:00 ça devient un lieu incontournable.
45:02 - Il y a deux endroits, en fait. Il y a un endroit
45:04 avant, donc cette place Dauphine,
45:06 ici, où c'est toutes ces terrasses.
45:08 Notamment là, je pense
45:10 que c'est le dernier jour, peut-être. En tout cas,
45:12 le dernier jour, il y a eu... - Absolument, on l'a pris dans le livre.
45:14 - Oui, cette scène incroyable,
45:16 presque d'attente, parce qu'on
45:18 attendait l'heure du verdict, on ne savait pas
45:20 à quelle heure allait tomber ce verdict. Donc il y avait
45:22 une attente comme ça qui s'est prolongée
45:24 et dans une espèce de bonne humeur,
45:26 comme dans un banquet de mariage ou un vin d'honneur.
45:28 Parce qu'en fait,
45:30 les gens avaient créé, enfin les parties civiles,
45:32 qu'on voit avec leur collier orange... - Se retrouvaient.
45:34 - Oui, et ils se sont créés une communauté.
45:36 Et quelque part, c'était la fin de ce moment
45:38 de communion qui était autour de l'horreur,
45:40 puisqu'on allait parler de choses horribles.
45:42 Mais quelque part, ces personnes étaient
45:44 devenues amis, où s'était créé,
45:46 pendant neuf mois, un rendez-vous
45:48 où elles partageaient des choses.
45:50 Certains sont devenus amis. Et là,
45:52 il y avait la peur de cet après,
45:54 parce que c'était la fin, arrivé l'été aussi,
45:56 il y avait comme une année civile
45:58 qui s'arrêtait.
46:00 Et on attendait aussi surtout
46:02 le verdict de la cour d'assise.
46:04 Et puis il y avait aussi de l'autre côté
46:06 de la place, boulevard du Palais,
46:08 le bar, la brasserie,
46:10 où tout le monde se retrouvait. - Tout le monde se retrouvait.
46:12 - Où les accusés se retrouvaient, enfin les avocats
46:14 des accusés et les accusés qui comparaissaient libres
46:16 se retrouvaient à côté des victimes,
46:18 les journalistes au milieu. Et on oubliait un moment,
46:20 aussi, pour dire que la justice,
46:22 c'était dans le Palais de Justice et autour.
46:24 - C'est un procès qui n'a pas fini
46:26 d'être raconté tant il a été
46:28 dense, dossier V13, siéplons,
46:30 avec Valentin Pasquier
46:32 au dessin. Regardez,
46:34 les Afrochis vont nous rejoindre
46:36 et vous allez pouvoir réagir à leur chronique.
46:38 C'est les parties prises tout de suite.
46:40 On vous accueille, les filles.
46:42 Allez-y, mesdames.
46:44 Isabelle Lassère,
46:46 correspondante diplomatique du Figaro.
46:48 Bonsoir, Isabelle.
46:50 Là, c'est le biologue Mariette Darigrand
46:52 et son mot de la semaine. Bonsoir, Mariette.
46:54 Installez-vous.
46:56 Je vous donne la parole dans 5 minutes.
46:58 Mais on commence avec Bourbon Express, comme chaque soir.
47:00 L'histoire du jour, à l'Assemblée,
47:02 nous est racontée ce soir par Stéphanie Despierre.
47:04 Bonsoir, Stéphanie. - Bonsoir.
47:06 L'histoire du jour, c'est l'histoire d'une course
47:08 à la commission d'enquête après les violents affrontements
47:10 à Sainte-Soline autour d'une retenue d'eau.
47:12 Ce n'est pas encore officiel,
47:14 mais les députés de la majorité
47:16 veulent déposer une commission d'enquête
47:18 sur les événements du week-end dernier.
47:20 Elle serait soutenue par les 3 groupes
47:22 Horizon, Modem, Renaissance
47:24 et portée par Aurore Berger, la chef
47:26 des députés macronistes. L'annonce devrait être
47:28 faite en début de semaine prochaine.
47:30 Il s'agit d'enquêter sur la structuration
47:32 et l'organisation des groupuscules
47:34 et des manifestations illicites
47:36 du mois de mars. Ce serait une manière
47:38 pour les troupes d'Emmanuel Macron d'emboîter
47:40 le pas au gouvernement qui, toute la semaine,
47:42 a accusé la gauche de contribuer au climat
47:44 de violence, à la haine anti-flic et accusé
47:46 même les Insoumis de vouloir saper les institutions.
47:48 - Donc c'est une commission d'enquête
47:50 qui est un peu la réponse à LFI, c'est ça ?
47:52 - Oui, car les Insoumis ont dégainé
47:54 les premiers dès mardi. Les députés
47:56 LFI ont dénoncé les violences
47:58 policières et annoncé leur intention
48:00 de demander une commission d'enquête.
48:02 Ils veulent notamment faire la lumière sur les armes
48:04 qui ont été utilisées par les forces de l'ordre,
48:06 le nombre de policiers, le nombre
48:08 de blessés et évidemment les conditions
48:10 d'accès à des secours sur le site.
48:12 Seulement voilà, la France Insoumise
48:14 a épuisé ce qu'on appelle son droit de tirage,
48:16 son droit à demander
48:18 des enquêtes parlementaires. Il n'y en a qu'un
48:20 par groupe et par session.
48:22 Alors la présidente des Insoumis,
48:24 Mathilde Panot, demande à l'Assemblée nationale
48:26 tout entière de reprendre sa proposition.
48:28 - Au vu du
48:30 nombre de unes internationales qui ont été
48:32 faites sur le sujet, au vu
48:34 de la manière dont le monde est
48:36 en train de regarder la France
48:38 et surtout au vu de la gravité
48:40 des blessés que nous avons dans ce pays
48:42 avec, je le rappelle, deux personnes
48:44 qui sont dans un coma dont une
48:46 est entre la vie et la mort,
48:48 je pense que l'Assemblée nationale s'honorerait
48:50 à donner
48:52 lieu à cette commission
48:54 d'enquête.
48:56 - Alors je précise que l'un des deux manifestants
48:58 très gravement blessés dont parle Mathilde Panot est depuis
49:00 sorti du coma. Pour en revenir à la
49:02 commission d'enquête, il est presque improbable
49:04 que l'Assemblée suive la demande
49:06 de Mathilde Panot. L'autre solution
49:08 pour les Insoumis, ce serait qu'un de leurs alliés
49:10 de la NUPES, qui a encore un droit
49:12 de tirage, reprenne cette idée à son compte.
49:14 Pour l'instant, ni les socialistes
49:16 ni les communistes n'ont donné de signes en ce sens.
49:18 Un droit de tirage, c'est précieux
49:20 dans la stratégie de chaque groupe politique
49:22 alors il ne faut surtout pas le gaspiller.
49:24 Du côté des écologistes, en revanche,
49:26 une réflexion est en cours. Certains y
49:28 sont favorables, comme la députée Sandrine Rousseau.
49:30 Écoutez-la.
49:32 - Moi je vais défendre cette position au sein du groupe
49:34 écologiste dont je ne sais pas encore quelle sera la décision.
49:36 Je pense que nous la prendrons mardi.
49:38 Mais moi je pousserai la position
49:40 selon laquelle il nous faut une commission d'enquête
49:42 sur la manière dont les militants écologistes
49:44 sont traités. Il y a une criminalisation,
49:46 il y a des mots comme "éco-terroriste"
49:48 qui sont utilisés, mais derrière
49:50 il y a aussi des méthodes policières,
49:52 il y a aussi des méthodes de surveillance
49:54 qui sont attentatoires, à mon sens,
49:56 aux droits de l'homme.
49:58 - Donc on comprend que cette commission d'enquête
50:00 est très attendue, finalement, par la gauche,
50:02 par la droite, par la majorité aussi.
50:04 - Oui, mais avant, il y a un rendez-vous
50:06 attendu de pied ferme par les députés
50:08 d'opposition, de droite et surtout
50:10 de gauche, vous l'aurez compris.
50:12 Un rendez-vous avec le ministre de l'Intérieur.
50:14 C'est mercredi à 9h en commission des lois.
50:16 Gérald Darmanin sera auditionné
50:18 par les députés qui l'interrogeront
50:20 sur sa gestion du maintien de l'ordre
50:22 lors des dernières manifestations. Vu les polémiques
50:24 de ces derniers jours, vous aurez compris que l'audition
50:26 sera très suivie. - Oui, et elle sera évidemment
50:28 à suivre en direct sur la chaîne parlementaire
50:30 Azadine Ahmedchaouch et commission d'enquête
50:32 sur quelque chose d'aussi compliqué
50:34 mais qui est vraiment central
50:36 à la fois pour les Français, la question du maintien
50:38 de l'ordre, la question des méga-bassines,
50:40 la question des black blocs.
50:42 Est-ce que c'est à l'Assemblée, dans ce cadre-là,
50:44 qu'on pourrait réussir à faire la lumière
50:46 sur ce qui s'est passé ou c'est plutôt la justice ?
50:48 - Je ne sais pas, je pense que
50:50 il y a des sujets
50:52 qui devraient être pris un peu plus...
50:54 Je ne vais pas dire sérieusement,
50:56 mais en tout cas qui devraient devenir prioritaires
50:58 comme celui de la BRAV, vous n'en avez pas parlé.
51:00 - Il y a une pétition d'ailleurs
51:02 à l'Assemblée pour la supprimer.
51:04 - Exactement. - Cette police mobile.
51:06 - Je pense que c'est peut-être sur des sujets aussi emblématiques
51:08 et visibles que ça que le gouvernement
51:10 pourrait marquer des points si
51:12 on décidait de suspendre
51:14 le temps peut-être des manifestations
51:16 et de la fin de la fronde
51:18 autour de la réforme de la retraite.
51:20 C'est vraiment sur cette police-là, je pense qu'il y a
51:22 un coup à jouer pour le gouvernement.
51:24 - Du côté du gouvernement, vous ne vous mouillez pas
51:26 personnellement. Isabelle, on enchaîne.
51:28 Vous voulez nous parler de Donald Trump.
51:30 C'est drôle parce qu'on a
51:32 des anciens chefs d'Etat qui ont été
51:34 devant la justice pénale,
51:36 mais c'est une première
51:38 pour un ancien président américain,
51:40 je l'ai appris.
51:42 Il va être inculpé au pénal.
51:44 Quelles conséquences ? - Oui, c'est la première fois
51:46 et il va être inculpé pour une
51:48 banale affaire de meurtre.
51:50 C'est un accord financier
51:52 qu'il avait passé avec une ancienne actrice
51:54 du porno, Stormy Daniels,
51:56 pour cacher une liaison qu'il aurait
51:58 eue avec elle. On s'attendait
52:00 à ce que d'autres enquêtes
52:02 débouchent avant, puisque
52:04 Trump est dans le comité l'émetteur de la justice
52:06 pour avoir d'abord incité
52:08 à l'émeute du 6 janvier 2021
52:10 contre le Capitole,
52:12 pour avoir tenté d'inverser les résultats
52:14 de l'élection présidentielle
52:16 en Géorgie, ou pour avoir
52:18 conservé des documents classifiés.
52:20 Concrètement, qu'est-ce qui va se passer ?
52:22 Donald Trump devrait se présenter
52:24 mardi devant la justice
52:26 new-yorkaise, qui relèvera ses empreintes
52:28 demain,
52:30 mais attention, ce n'est sans doute pas cette affaire
52:32 qui va le mener directement en prison,
52:34 comme l'espèrent de nombreux
52:36 démocrates. Ni cette affaire, d'ailleurs,
52:38 ni les autres, ne devraient en théorie
52:40 l'empêcher de se représenter
52:42 à l'élection présidentielle en 2024,
52:44 où il est depuis quelques jours
52:46 le favori de la primaire républicaine,
52:48 lui qui prétend
52:50 être le seul à pouvoir empêcher
52:52 la 3e guerre mondiale,
52:54 a prôné un ton beaucoup plus dur
52:56 vis-à-vis de la Chine, et qui a souvent
52:58 ménagé Vladimir Poutine,
53:00 pour ne pas dire plus. Bref, c'est tout un
53:02 programme. - Alors selon vous,
53:04 est-ce que cette inculpation va
53:06 l'affaiblir ou au contraire le renforcer ?
53:08 - C'est la question à laquelle on ne peut pas répondre,
53:10 parce qu'on ne peut pas préjuger
53:12 des décisions de justice, mais on ne peut pas
53:14 exclure non plus que les affaires judiciaires de Donald Trump
53:16 finissent par jouer en sa faveur.
53:18 En tout cas, ils lui ont déjà offert
53:20 un tremplin, en quelque sorte son premier
53:22 meeting de campagne.
53:24 Il dénonce une chasse aux sorcières,
53:26 un complot politique,
53:28 organisé par cet
53:30 État de l'ombre
53:32 qu'il n'a eu de cesse de dénoncer.
53:34 Il y a même une levée de fonds qui a été organisée
53:36 au sein de ses partisans,
53:38 dont beaucoup appartiennent
53:40 à des milieux complotistes.
53:42 Ce qu'il faut bien voir, quand même, c'est que
53:44 trois ans après l'élection de Joe Biden,
53:46 il y a toujours une partie de l'électorat de Donald Trump,
53:48 une partie de l'électorat,
53:50 plus les élus négationnistes
53:52 du Congrès
53:54 qui croient toujours que le scrutin a été
53:56 volé. Et donc, leur haine
53:58 de Joe Biden est tellement violente
54:00 et des démocrates que ce n'est pas
54:02 une vulgaire affaire de moeurs
54:04 qui va, en fait,
54:06 ternir l'image
54:08 de leurs héros, eux qui n'ont plus
54:10 confiance depuis longtemps dans les institutions fédérales.
54:12 - C'est ça, l'enjeu principal pour les Etats-Unis ?
54:14 - C'est ça, oui et non,
54:16 parce que finalement, tout le monde sait
54:18 que Donald Trump n'est pas arrivé par hasard
54:20 à la Maison-Blanche.
54:22 Aujourd'hui, ces idées restent
54:24 très populaires au sein du Parti républicain
54:26 et parmi les élus
54:28 négationnistes.
54:30 Au Congrès et à la Chambre des représentants,
54:32 certains élèves
54:34 ont même dépassé leur maître
54:36 comme cette...
54:38 la sulfureuse élue conspirationniste
54:40 de Georgie Marjorie Taylor Greene,
54:42 qui est aussi sécessionniste
54:44 puisqu'elle prône carrément
54:46 un divorce national entre les Etats démocrates
54:48 et les Etats républicains.
54:50 Alors, l'inculpation de Donald Trump
54:52 et la manière dont elle est commentée
54:54 dans la classe politique, en fait,
54:56 ne font que nous rappeler l'état
54:58 d'extrême division de la société américaine
55:00 et la fracture énorme
55:02 de ce pays.
55:04 Et ce pays est à ce point
55:06 fracturé qu'aujourd'hui, de plus en plus,
55:08 le statut du citoyen
55:10 finit par dépendre de l'État dans lequel vous habitez.
55:12 C'est le cas, par exemple,
55:14 avec l'avortement, où une femme n'a pas
55:16 les mêmes droits selon qu'elle habite
55:18 l'Illinois ou qu'elle est dans
55:20 l'Ohio. Donc tout ça, ça rappelle
55:22 un peu, un tout petit peu, quand même,
55:24 les divisions de l'Amérique
55:26 juste avant la guerre de sécession,
55:28 il y a 160 ans. -Oui, c'est terrible.
55:30 Merci. Merci, Isabelle.
55:32 Pas le temps de vous faire réagir, parce qu'on va faire
55:34 une petite pause sémantique
55:36 avec vous, Mariette Darrigrand,
55:38 notre sémiologue favorite
55:40 dans cette émission. La "pause",
55:42 c'est le mot de Laurent Berger,
55:44 pour demander une suspension, le temps de
55:46 revenir à la table de négociation sur la forme des retraites.
55:48 -Oui, alors comme ça, apparemment,
55:50 c'est un mot très simple. Je ne vais pas
55:52 vous faire une grande étymologie, ça m'arrive parfois
55:54 de faire un voyage culturel dans un mot. Là, non.
55:56 "Pausa", en latin, donne "pause", en français,
55:58 comme "rosa" donne "rose". Et puis c'est tout droit,
56:00 c'est très linéaire, ça n'a pas bougé
56:02 depuis 25 ou 30 siècles.
56:04 Bon, la pause pipi de notre enfance
56:06 mériale est devenue une pause technique.
56:08 C'est quand même assez amusant, assez intéressant.
56:10 -Donc la tech... -Bah oui.
56:12 -A influencé nos vies.
56:14 -Nos vies sont influencées par la technique.
56:16 On dit aussi "je fais une pause", dans une conversation
56:18 un peu trop agitée, comme une pause sur
56:20 notre ordinateur au milieu d'une série.
56:22 Voilà. Donc c'est amusant,
56:24 ce rapport au corps
56:26 qui est là. Et puis il se trouve que cette semaine,
56:28 il n'y a pas que Laurent Berger qui a demandé une pause,
56:30 mais il y a aussi précisément les géants de la tech.
56:32 C'est la première fois que ça se passe.
56:34 -Très important. -Ce sont des gens qui sont
56:36 dans une course à l'innovation. Et là,
56:38 ils demandent six mois d'arrêt, de pause,
56:40 de break, pour que l'intelligence
56:42 artificielle ne dépasse pas ses créateurs,
56:44 en quelque sorte. Et puis enfin, j'ai entendu
56:46 le mot "à propos de l'Ukraine",
56:48 parce qu'on est peut-être dans un moment où on ne sait pas
56:50 trop ce qui va se passer. Et là, le mot "pause",
56:52 il a une dimension, évidemment, qui nous ferait
56:54 envie de paix, de pacification. On ne va pas
56:56 jusque-là. Disons que c'est une suspension
56:58 des hostilités, parce que
57:00 les guerriers sont fatigués, en fait.
57:02 -Justement. On voit aussi qu'en France, il y a pas mal
57:04 de fatigue dans l'air, côté ministre,
57:06 côté gouvernement, côté député.
57:08 -Oui, je pense que c'est pas étranger au fait
57:10 que ce mot "pause" soit arrivé, parce qu'en fait,
57:12 il réfère précisément à notre corps.
57:14 Et il n'y a pas de raison que les hommes politiques,
57:16 les syndicalistes, etc., soient
57:18 exemptés de fatigue, alors que tous les corps
57:20 de métier le sont et le disent, aujourd'hui.
57:22 On le voit très bien. Et notre société, elle est
57:24 très attentive au bien-être et à la santé.
57:26 Chez les jeunes,
57:28 on les voit aussi, ils sont très attentifs à cela,
57:30 au biorythme du corps. Chez les sportifs,
57:32 c'est-à-dire aujourd'hui, pratiquement tout le monde.
57:34 Petit indice qui n'a l'air de rien,
57:36 mais la pause déjeuner, en France,
57:38 elle est sacro-sainte. On n'est pas passés
57:40 au lunchtime, alors que beaucoup de gens
57:42 parlent anglais. Donc tout ça pour dire...
57:44 -Qu'elle reste fondamentale, cette notion
57:46 de pause. -Elle est fondamentale.
57:48 Pour finir sur ce qui s'est passé avec le syndicalisme,
57:50 évidemment, Laurent Berger
57:52 appartient au syndicalisme
57:54 dit "réformiste",
57:56 opposé aux forces
57:58 qui seraient plus révolutionnaires.
58:00 Tout ça, c'est une dialectique qu'on connaît très bien.
58:02 Ce que je me demande,
58:04 parce que je crois que ce mot va avoir un grand avenir,
58:06 c'est si on ne va pas passer de la même façon
58:08 entre une lutte jusqu'aux boutistes,
58:10 qui n'arrêtent jamais,
58:12 et les pausistes, qui au contraire sont capables
58:14 de faire des pauses techniques
58:16 et politiques, pour réfléchir,
58:18 peut-être pour regarder un peu autrement
58:20 la route à faire. -Merci, passionnant
58:22 voyage sémantique sur le mot "pause".
58:24 Il y avait plein de choses à te dire, j'adore.
58:26 Merci. Mariette, vous aimez les pauses ?
58:28 -Oui, et ce qui est intéressant
58:30 -D'un mot ! -Vraiment d'un mot,
58:32 c'est qu'aujourd'hui, en politique, notamment
58:34 chez le président, la pause est vue
58:36 comme un aveu de faiblesse, où à chaque fois dans les papiers
58:38 ils aiment faire fuiter le côté "je ne dors pas beaucoup"
58:40 ou "je n'arrête pas", alors que ça fait du bien.
58:42 -Absolument, et c'est le week-end
58:44 et on va en profiter. Merci beaucoup,
58:46 les Affranchis, merci Stéphanie,
58:48 et merci à vous, Azine Ahmed-Chahouch, d'être passée
58:50 sur le plateau de la chaîne parlementaire d'Aussié V13
58:52 avec Valentin Pesquet.
58:54 C'est aussi Décision Plon, très bon week-end.
58:56 À la semaine prochaine.
58:58 ...

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