A Marseille, trois fusillades en une nuit

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Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari et ses invités reviennent sur les fusillades qui ont eu lieu à Marseille.
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Transcript
00:00 18h02, on est en direct sur Punchline C-News Europe 1 avec le commissaire David Lebarce. Bonsoir commissaire, merci d'être avec nous. Louis de Ragnel, chef du service politique d'Europe 1. Bonsoir. Eric Revels. Sur l'Orange. On revient sur Marseille parce que ce qui s'y passe est véritablement effrayant, la guerre entre les délinquants fait rage. Trois fusillades, trois morts, je vous le disais. Huit blessés, dont un adolescent de 16 ans. On fait le point avec Corentin Brio.
00:22 Non, non, non, aux assassinats ! Non, non, non, à l'assassinat ! Stop aux assassinats. C'est l'un des messages portés lors de ce rassemblement, après une nuit de nouveaux mortels. Des femmes membres d'un collectif se rassemblaient de manière spontanée, mais symbolique à Marseille. En colère, elles défilent sous les balcons des immeubles et appellent à ceux qu'on les rejoigne.
00:43 Ne nous regardez pas ! Les soins de santé ! Reçoyez-nous ! Ne nous regardez pas ! Pour Laëtitia Lino, marseillaise, il est réellement temps de durcir les peines.
00:55 Il faudrait déjà, dans un premier temps, qu'au niveau des lois, ce soit beaucoup plus dur, que les peines soient réellement appliquées, qu'ils prennent des peines de sanctions de 25-30 ans. Et c'est pas fait à l'heure d'aujourd'hui. Si vous tuez quelqu'un et qu'au bout de cinq ans, vous ressortissez, tout le monde peut le faire.
01:15 Des fusillades, dans la nuit de dimanche à lundi, qui ont fait trois morts et plusieurs blessés, ont éclaté du côté de la cité du Castellas, de la cité des Egalades, et dans le deuxième arrondissement de Marseille, près du quartier de La Joliette.
01:27 Une situation très préoccupante, d'autant plus que des victimes sont mineures, comme l'a indiqué Dominique Lawrence, procureure de la République de Marseille.
01:34 Une évolution dont nous avons aussi beaucoup parlé avec vous, et qui nous inquiète fortement, c'est bien évidemment le rajeunissement des victimes. Nous avons déjà eu par le passé des victimes mineures qui sont décédées sur des actes homicides, avec pour certaines d'ailleurs un ancrage assez faible dans la délinquance.
01:58 Depuis le début de l'année, ce sont 13 personnes qui ont trouvé la mort par balle à Marseille.
02:02 Commissaire Lebars, Trois-Fusillades, dont un adolescent de 16 ans, que se passe-t-il à Marseille ? Est-ce que la police est impuissante à réguler ces règlements de compte entre trafiquants de drogue ?
02:13 Quand les règlements de compte ont lieu, on peut toujours dire que la police est impuissante, mais elle le serait si on n'identifie pas les auteurs des crimes.
02:21 Et le boulot de la police, c'est pas d'empêcher le crime, parce que là, on serait dans un monde idéal, ça n'a jamais existé. En revanche, c'est d'élucider le crime et d'essayer de limiter le crime.
02:30 Qu'est-ce qui se passe à Marseille ? Il se passe ce qui a commencé déjà à être très inquiétant en 2022, avec une hausse historique des homicides.
02:37 Plus de 100 en 2022, ce qui est une année noire, il n'y a jamais autant d'homicides. L'année 2023 suit la même tendance, encore plus à la hausse.
02:43 Ça, c'est le premier point. Le deuxième point, j'écoutais la procureure avec attention, moi j'ai aucune surprise de voir des mineurs victimes.
02:49 On a sur les points de deal maintenant à Marseille, mais pas qu'à Marseille, des mineurs de 15-16 ans qui font le guet, qui sont intégrés au crime, qui font les guetteurs, qui font les ravitailleurs, qui font les chouffes.
02:57 On peut choisir tous les termes qu'on veut. Et quand on est engagé comme ça dans le crime, quand on fait face à une guerre de territoire, parce que c'est ça qui se passe à Marseille,
03:04 c'est des clans qui essayent de gagner du territoire, de gagner des parts de marché. Quand il y a une descente et qu'il y a des mineurs qui sont sur le point de deal,
03:14 c'est les premiers qui sont exposés. C'est pour ça que les mamans qui manifestent, il faut prendre en compte le fait qu'il y a les victimes,
03:20 et puis il y a celles dont les enfants ne sont peut-être pas assez surveillés, qui sont aussi intégrés dans ces trafics.
03:25 Il y a une réalité, commissaire Lebarge, c'est que la France est inondée par la cocaïne, par les stupéfiants.
03:31 On n'arrive absolument pas, pareil, à réguler les flux des produits qui arrivent dans notre pays et qui sont de plus en plus bon marché, malheureusement.
03:37 On est inondé, mais aussi parce qu'on en a déjà souvent parlé sur votre antenne, on a aussi une consommation en hausse considérable, on est un pays de consommateurs.
03:45 Il faut aussi dénoncer cela, il faut aussi se pencher sur cet angle-là. Il faut peut-être encore regarder du côté de la sévérité sur le comportement du consommateur.
03:53 On est inondé parce qu'effectivement les marchés sont ainsi, il y a eu du stock, il y a eu des hausses de production,
03:59 les drogues en général n'ont jamais été aussi peu chères, elles sont malheureusement beaucoup trop accessibles,
04:04 et ça génère un argent tellement considérable que ça développe une économie souterraine, des réseaux criminels considérables,
04:10 qui fait qu'ensuite, ces parts de marché, cette économie souterraine, il faut la défendre, la protéger par rapport à la concurrence.
04:15 Donc ce qu'il faut rappeler quand même, c'est qu'à Marseille, qui n'est pas la seule ville en France gangrenée par ces trafics,
04:20 il y a des services de police judiciaire qui travaillent extrêmement bien.
04:23 La police judiciaire a une vue sur les crimes, quand je vous dis qu'elle a une vue sur le crime,
04:26 elle connaît globalement les ressortissants, elle connaît la sociologie des criminels, les réseaux qui agissent,
04:33 ceux qui pilotent ces réseaux-là, qui sont en général loin de notre territoire.
04:36 Simplement, le crime va plus vite que le temps d'élucidation du crime, et c'est ça qu'il faut qu'on fasse comprendre à tout le monde,
04:41 c'est que les opérations sur le terrain, ça va vite, il faut en faire, la préfète de police de Marseille,
04:45 la direction départementale de la sécurité publique en fait, mais le temps d'élucidation et de l'enquête est plus long,
04:49 et pendant ce temps d'enquête, parfois il y a des règlements de compte, c'est là-dessus que la police judiciaire travaille.
04:54 Louis Dragnel, on est face à un cas de figure, encore une fois, malheureusement très classique à Marseille,
04:59 mais là, trois fusillades, trois morts en une seule nuit, c'est assez choquant.
05:03 Oui, ce qui heurte, c'est aussi le fait que ça fait des années et des années qu'on en parle,
05:08 et on a l'impression qu'il n'y a pas beaucoup de résultats, et ça c'est quelque chose qui est assez insupportable,
05:12 notamment pour les habitants de Marseille, on les a entendus tout à l'heure,
05:15 d'autant plus qu'il y a eu des priorités qui ont été fixées par le gouvernement, précisément à Marseille, en matière de sécurité.
05:22 Emmanuel Macron avait lancé Marseille en grand, avec tout un volet sur le dynamisme économique,
05:27 mais aussi quand même sur le renforcement des moyens à destination de la police, lutter contre les trafics de stupéfiants.
05:34 Il y avait même eu la décision qui avait été prise, qui était une très bonne décision,
05:38 de sanctuariser, faire en sorte qu'il y ait en permanence à Marseille,
05:41 deux compagnies de CRS qui servent quasiment exclusivement à permettre les saisies de stupéfiants,
05:46 les arrestations de délinquants, et en fait pour faciliter le travail de la police judiciaire,
05:51 pour que les policiers enquêteurs puissent rentrer dans les cités beaucoup plus facilement.
05:55 Donc il y a eu tous ces moyens à dépenser, il y a eu beaucoup d'argent public dépensé,
05:59 et puis un résultat qui est très difficile à voir, voire une absence de résultats parfois.
06:03 Mais ça ne veut pas pour autant dire qu'il ne se passe rien, c'est-à-dire que les policiers travaillent,
06:06 c'est ce qu'expliquait David Lebars, mais en fait on fait face à un tel océan,
06:12 à une telle masse, une telle quantité de produits stupéfiants, d'argent et d'armes,
06:17 que le Marseille d'aujourd'hui n'a rien à voir avec le Marseille d'il y a 10 ou il y a encore 15 ans.
06:21 Avant d'ailleurs c'était les mafias qui tenaient Marseille,
06:24 maintenant ce ne sont plus les mafias comme celles qu'on connaissait dans les films en or et blanc.
06:28 Maintenant c'est vraiment des gens souvent issus de l'immigration qui tiennent ces cités.
06:33 Et donc en fait la difficulté c'est qu'il y a tout un écosystème qui repose sur le trafic de stupéfiants.
06:38 Ce n'est pas uniquement la centaine de dealers,
06:41 c'est-à-dire que tout le monde quasiment dans certaines cités vit directement ou indirectement de ça.
06:46 Mais le nombre d'habitants souffre aussi énormément, ils sont pris en otage de ces trafiquants.
06:51 Mais du coup en fait il y a plein de solutions qui existent,
06:54 mais une solution très rapide, elles sont quand même difficiles à voir.
06:59 Il y a même une chose qui consomme énormément de moyens et qui fait prendre des risques aussi aux forces de l'ordre,
07:03 parce qu'en phase 2 ils ont des personnes qui ont des armes à feu,
07:07 qui ne sont pas avec des lance-pierres, des armes lourdes,
07:10 ce serait de reconquérir, d'asphyxier complètement ces quartiers avec des unités de force mobile,
07:15 des doigts et qui font toutes les caves, qui montent dans les immeubles,
07:19 qui ouvrent tout ou partout, qui saisissent tous les produits stupéfiants,
07:23 toutes les liasses d'argent liquide, toutes les armes,
07:26 qui peuvent mettre en permanence des policiers en bas de ces tours.
07:29 - Éric Grevel, votre réaction face à ça, à Marseille, à Nice aussi ?
07:33 - Oui, oui, à Nice aussi, j'ai donc en tête une de la Provence, le quotidien régional marseillais,
07:39 qui montrait il y a quelques mois le nombre de points de deal qui étaient répertoriés à Marseille.
07:44 C'était 160, 170, 40 ont été démantelés l'an passé, il en resterait 130 connus.
07:49 Mais évidemment les enquêteurs le savent mieux que nous,
07:52 à chaque fois qu'on démantèle un point de deal, dans la foulée il y en a un autre qui naît.
07:56 Donc parfois on a l'impression quand même qu'on est un peu impuissant
07:59 face à cette montée inexorable de la consommation de drogue.
08:03 Et puis donc une note confidentielle de l'OFAST, l'Office français anti-stupéfiants,
08:08 publié, rendu public dans Paris Match, qui montre aussi comment le fait que les produits
08:14 dont on parle, les stupéfiants, leur prix stagne voire baisse,
08:18 oblige évidemment ces gangs à défendre des parts de marché.
08:21 C'est peut-être aussi, je ne sais pas, ce qui explique le nombre de règlements de compte
08:25 puisque pour maintenir son chiffre d'affaires, pardonnez-moi d'en parler comme un produit ordinaire,
08:29 il faut bien que les gangs s'entretuent pour essayer de récupérer le chiffre d'affaires d'à côté.
08:33 Absolument, merci beaucoup Eric Revelle, merci commissaire Lebar, Louis de Ragnel.
08:36 Dans un instant Michel Onfray et l'invité exceptionnel de Punchline,
08:40 on évoquera son dernier livre, Anima, et surtout son inquiétude face à notre société française
08:45 qui selon lui perd totalement sa souveraineté.
08:48 A tout de suite dans Punchline, sur CNews et sur Europe.

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