Françoise Coste, historienne spécialiste des Etats-Unis, revient sur la mise en examen historique de Donald Trump dans l’affaire Stormy Daniels
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00:00 américain ne parle de rien d'autre.
00:01 Il est l'éléphant dans la pièce,
00:03 le centre d'attention.
00:04 Il n'y a que lui qui compte.
00:05 La planète politique américaine
00:07 tourne autour de Trump.
00:07 En réalité, c'est une vieille histoire
00:13 qui ressort avec cette inculpation
00:15 parce que c'est sur le fond rien de nouveau.
00:17 On le sait depuis, je pense, 2018, 2019,
00:20 donc pendant qu'il était président.
00:21 En 2006, Donald Trump est accusé
00:23 d'avoir eu une aventure
00:24 avec une actrice de porno
00:27 qui s'appelle Stormy Daniels,
00:28 alors que sa femme, sa troisième femme,
00:30 Melania, venait d'accoucher de leur fils.
00:32 Et dix ans plus tard, en 2016,
00:34 juste avant l'élection présidentielle,
00:35 de peur que Stormy Daniels parle à la presse
00:38 et raconte cette histoire un peu embarrassante,
00:40 la campagne de Trump a versé à Stormy Daniels
00:42 130 000 dollars pour acheter son silence.
00:44 Techniquement, ce n'est pas ça le problème
00:47 avec la justice, de verser cet argent.
00:49 C'est la manière dont cet argent a été versé.
00:51 Parce que ces 130 000 dollars
00:52 ont d'abord été donnés à Stormy Daniels
00:54 par l'avocat de Trump, Michael Cohen.
00:56 Et ensuite, Trump a remboursé Michael Cohen
00:58 en piochant dans son budget de campagne.
01:00 Et donc, la raison pour laquelle il était inquiété,
01:02 c'est pour infraction à la législation
01:05 sur les campagnes électorales
01:06 et pour cet artifice comptable
01:09 qui a menti sur la destination de cet argent.
01:11 C'est tout à fait correct
01:16 parce qu'il n'y a jamais eu
01:18 de président américain
01:19 mis en examen par la justice des États-Unis.
01:21 Le seul précédent qui se rapproche,
01:23 c'est Richard Nixon dans les années 70,
01:25 qui avait été inquiété par la justice
01:26 pour le Watergate.
01:27 Mais en fait, il n'a jamais été mis en examen
01:29 parce qu'il a démissionné en août 74.
01:32 Et un mois après, en septembre 74,
01:34 son remplaçant, Gerald Ford, l'a gracié.
01:36 Et à partir de là,
01:37 le ministère de la Justice des États-Unis
01:38 a adopté comme position officielle
01:40 qu'on ne pouvait pas mettre en examen
01:42 un président en exercice.
01:43 La différence ici, c'est que
01:45 Trump n'est pas un président en exercice,
01:46 c'est un ancien président.
01:47 Mais même un ancien président
01:48 n'avait jamais été mis en examen.
01:49 Il est certes un ancien président,
01:50 mais il est aussi, en même temps,
01:52 candidat de nouveau à la présidentielle.
01:54 Et là, on est dans un entre-deux juridique
01:55 qu'on découvre pas à pas,
01:57 puisque c'est vraiment une première.
01:58 La mise en examen ne l'empêche pas
02:05 de faire toujours sa campagne.
02:06 Ce qui pourrait interrompre son campagne,
02:08 mais c'est un énorme si,
02:09 c'est s'il est condamné,
02:10 et surtout dans la peine qui sera prononcée,
02:13 s'il y a perte de ses droits civiques
02:15 et en particulier,
02:16 une condamnation d'inegibilité.
02:18 Mais on imagine très mal
02:19 pour une histoire d'un paiement
02:21 à une maîtresse pour 130 000 dollars,
02:23 qui est quand même un rapport,
02:24 par exemple, au budget de la campagne de Trump,
02:26 qui était presque un demi-milliard de dollars en 2016.
02:28 Donc c'est quand même une broutille,
02:29 ces 130 000 dollars.
02:30 On peut aussi très mal imaginer
02:31 qu'il soit condamné à de la prison de fer.
02:33 Donc cette histoire-là n'est sans doute pas
02:34 assez grave pour empêcher sa candidature.
02:37 En l'état actuel des choses.
02:38 Alors c'est très intéressant,
02:44 parce qu'on pourrait imaginer
02:45 que le parti républicain
02:46 aurait profité de cette crise judiciaire
02:48 pour se débarrasser de Trump,
02:49 en disant "cette histoire s'est sordide,
02:51 ça va choquer les électeurs,
02:53 tournons la page".
02:54 En fait, pas du tout.
02:55 C'est le contraire qui s'est passé,
02:56 puisque le parti républicain
02:57 a fait complètement bloc derrière Trump.
02:59 On le voit sur Twitter,
03:00 dans les shows politiques américains
03:03 du dimanche matin,
03:03 tous les leaders républicains interviewés
03:06 défendent Trump
03:06 et répercutent ses éléments de langage.
03:10 C'est un martyr,
03:11 il est persécuté par la justice,
03:12 les démocrates manipulent la justice contre lui,
03:15 il y a la politisation de la justice.
03:16 Même ses opposants, ses adversaires
03:18 à la primaire républicaine,
03:19 déclarés ou pas encore déclarés,
03:20 tout le monde est monté au créneau
03:22 pour le défendre.
03:22 Donc là, il est en train de tuer le match
03:24 de la primaire républicaine
03:25 et d'assoir son pouvoir immense
03:27 au sein du parti.
03:28 (Générique)