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00:00 Un saumon de Norvège, des crevettes d'élevage, un filet de porc et des compléments alimentaires
00:07 pour chats.
00:08 Pour les produire, l'industrie agroalimentaire a eu recours à une farine dont on entend
00:13 très peu parler.
00:14 Une farine à base de sardines, de macros, de sardinelles qui permet d'engraisser les
00:19 animaux d'élevage.
00:20 Pour produire un kilo de saumon par exemple, il faut 7 kilos de ces petits poissons.
00:25 Ces farines sont fabriquées principalement au Pérou, en Chine et en Afrique de l'Ouest.
00:34 Problème, ces mêmes petits poissons sont à la base du régime alimentaire de certains
00:38 pays, comme la Côte d'Ivoire, le Mali et le Sénégal.
00:42 C'est la pêche artisanale qui nourrit le Sénégal.
00:44 Ce serait très dangereux de négliger la pêche artisanale au détriment de la pêche
00:50 industrielle.
00:51 C'est ce que l'Etat est en train de faire.
00:53 Depuis la fin des années 90, d'immenses bateaux ratissent les fonds marins.
00:57 Des images et des rapports scientifiques prouvent qu'ils enfreignent souvent la loi et déstabilisent
01:04 les filières de pêche locales.
01:06 Enquête sur un pillage à grande échelle qui met en péril la sécurité alimentaire
01:13 de l'Afrique de l'Ouest.
01:14 Jowal, au sud-est de Dakar.
01:22 Dans la famille d'Amed, on est pêcheur de père en fils.
01:26 Depuis vraiment presque une vingtaine d'années, chaque jour, on constate que le poisson se
01:31 fait rare.
01:32 Ça s'intensifie de jour à jour.
01:33 La ressource est pillée à tort et à travers, de jour comme de nuit.
01:38 Jowal, c'est la pêche.
01:40 Si la pêche ne va pas, Jowal est mort.
01:43 Ici, dans la zone des Maréheurs, le poisson est préparé pour être congelé.
01:49 La demande extérieure a explosé.
01:52 La plupart de ces poissons sont exportés vers les pays voisins.
01:56 Mais aussi plus loin.
01:57 Certains, jusqu'en Russie.
02:01 Sur ce site de transformation de poissons, le travail manque.
02:05 Les scientifiques confirment qu'il y aurait 20% de poissons en moins à traiter qu'il
02:10 y a 10 ans.
02:11 A l'époque, 5 000 personnes vivaient du séchage et du fumage du poisson ici.
02:17 Aujourd'hui, à peine 3 000 survivent, difficilement.
02:21 Il n'y a pas de poisson.
02:22 Il y a beaucoup de poisson.
02:23 On gagne soit 1 500, soit 1 500.
02:24 Pas de jus.
02:25 Pas de jus.
02:26 Parfois, il n'y a rien du tout.
02:27 Dans le même temps, les usines de fabrication de farine de poisson se sont démultipliées.
02:35 Au Sénégal, en Gambie et surtout en Mauritanie.
02:39 Nous avons suivi ce camion réfrigéré qui s'est approvisionné au port de Joal.
02:46 Et voilà, à à peine 200 mètres du port, on le voit pénétrer dans cette usine chinoise,
02:52 en fonctionnement depuis 2014.
02:54 Ici, les poissons entiers vont être cuits puis pressés pour fabriquer de la farine
03:00 et de l'huile destinée à l'exportation en Asie et en Europe.
03:04 Il faut environ 5 tonnes de poissons pour faire une tonne de farine.
03:08 Que ce soit le Mali, le Burkina Faso ou même la Côte d'Ivoire qui avaient l'habitude
03:14 d'importer du poisson par la route depuis la Mauritanie et depuis le Sénégal, ces
03:19 pays-là ont pratiquement arrêté de venir avec les camions parce que les pêcheurs préféraient
03:23 débarquer pour les usines de farine de poisson plutôt que de remplir les camions.
03:27 Les farines sont principalement exportées vers l'Europe et l'Asie.
03:32 Les huiles, elles, sont vendues dans l'Union européenne, principalement en France.
03:37 Les poissons africains y alimentent alors différents business.
03:41 Le plus gourmand, l'aquaculture.
03:43 Mais aussi la filière porcine, les compléments alimentaires, la volaille et même l'alimentation
03:51 des chiens et des chats.
03:52 Une ONG environnementale a suivi le parcours de ces farines, de la pêche à l'assiette.
04:00 Et regardez, quasiment tous les gros distributeurs français les utilisent.
04:04 Pour s'approvisionner, les usines de farine font appel à ce type de bateaux.
04:11 Des sonneurs, des navires de pêche industriel, capables de capturer massivement tous les
04:17 poissons de la zone.
04:18 Selon un institut de recherche, la côte mauritanienne serait sillonnée par environ 140 bateaux
04:25 de ce type, en majorité turcs, parfois russes ou chinois.
04:29 Les pêcheurs ne peuvent plus accéder à cette ressource-là.
04:32 Donc ils sont obligés de se rabattre sur d'autres ressources, d'aller plus loin ou
04:36 alors de pêcher les sardinelles quand elles remontent.
04:38 Donc on se retrouve à avoir une compétition qui n'existait pas avant l'arrivée des
04:44 turcs en 2015.
04:46 Surpuissants, ces bateaux n'hésitent pas à contourner les règles.
04:54 Ces images datent d'octobre 2021, en pleine période de repos biologique, c'est-à-dire
05:01 de fermeture de la pêche pour protéger les jeunes poissons.
05:04 On y voit pourtant ce bateau turc, d'une capacité de plusieurs centaines de tonnes,
05:09 déverser ses captures dans des camions-citernes.
05:12 Ces véhicules iront approvisionner les usines de farine de poissons.
05:17 Sur cette photo, des milliers de poissons sont abandonnés à même le sol.
05:22 Une pratique volontaire qui permet d'accélérer la dégradation des poissons et de justifier
05:29 leur transformation en farine.
05:30 Il y a beaucoup de ces usines qui ont été fermées, mais les dégâts sont déjà faits.
05:36 Les usiniers achètent, ils achètent de grosses quantités avec des prix que les Mauritaniens,
05:42 que les petits commerçants ne veulent pas offrir.
05:44 Même problème au Sénégal.
05:47 Concernant la ratée de poissons, c'est à 90% la surpêche industrielle, c'est pas
05:53 la surpêche artisanale.
05:54 Si vous partez par exemple en Corée ou bien au Japon, il y a des bateaux qui sont réformés.
06:00 Ils prennent ces bateaux-là, ils les amènent au Sénégal et ils les sénégalisent.
06:04 Une fois sous pavillon sénégalais, ces bateaux étrangers peuvent profiter pleinement des
06:10 quotas de pêche du pays.
06:11 Et certains navires vont même plus loin.
06:14 Le 7 février 2023, l'ONG Greenpeace a identifié un navire usine russe d'une capacité de
06:21 2000 tonnes qui naviguait dans les eaux sénégalaises sans licence de pêche.
06:26 Sur cette carte, on observe qu'il a été en circulation deux semaines.
06:30 Contactés par l'association, les autorités sénégalaises n'ont pas réagi.
06:35 Une surpêche aux conséquences désastreuses sur la biodiversité marine.
06:45 Dans ces eaux, le mackereau, le chinchard et l'anchois sont pleinement exploités,
06:50 c'est-à-dire au maximum des stocks.
06:52 Les sardinelles et les tmaloses sont considérées comme surexploitées.
06:57 Selon une étude, ces deux espèces les plus consommées ont perdu près d'un cinquième
07:03 de leur taille en 60 ans.
07:05 Et ce sont les sénégalais qui en subissent les conséquences.
07:10 Le sénégalais pauvre qui n'a que 5000 francs ou 500 francs pour s'alimenter.
07:15 Ses poids ne sont plus accessibles.
07:19 Voilà pourquoi je le dénonce.
07:23 Au marché aux poissons de Piquine, commune mitoyenne de Dakar, le kilo de sardinelles
07:30 s'échange à prix d'or.
07:31 Il y a 5 ans ou 10 ans en arrière, la caisse de 50 kilos, on l'achetait à 25 000 ou
07:38 bien au maximum 30 000 francs.
07:39 Ce genre de poisson là, actuellement, la caisse de 50 kilos, on l'achète jusqu'à
07:43 110 000 francs.
07:44 Il y en a qui n'ont plus accès à ce genre de poisson là.
07:47 Les statistiques le confirment.
07:51 Depuis 2000, le prix de ces poissons, les petits pélagiques, ne cesse de grimper.
07:56 En 10 ans, au Sénégal, la consommation par habitant a été divisée par deux.
08:02 Trop rares, trop chères, ces petits poissons ont souvent déserté les assiettes des Africains
08:10 eux-mêmes.
08:11 A leur place, les consommateurs se tournent désormais vers une autre espèce.
08:15 Le tilapia.
08:16 Un poisson majoritairement importé de Chine.
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