A l'occasion de la fin des travaux de la convention citoyenne, LCP-AN consacre une émission spéciale sur la fin de vie. Comment garantir à tous une fin digne ? Faut-il faire évoluer la loi, ou seulement mieux l'appliquer, en renforçant les soins palliatifs ? Que disent les médecins de ce geste fatal, auquel ils ne sont souvent pas préparés ? Le débat, animé par Myriam Encaoua, sera précédé de la diffusion d'un magazine de la rédaction, réalisé par Céline Crespy, qui s'est glissée dans les débats de la convention citoyenne.
LCP mobilise son antenne à l'occasion des grands évènements. Journées parlementaires, grands débats, votes et explications de vote, auditions des commissions d'enquête, congrès, session extraordinaire, discours et grandes cérémonies...la vie politique avec l'analyse des meilleurs experts et politologues.
LCP mobilise son antenne à l'occasion des grands évènements. Journées parlementaires, grands débats, votes et explications de vote, auditions des commissions d'enquête, congrès, session extraordinaire, discours et grandes cérémonies...la vie politique avec l'analyse des meilleurs experts et politologues.
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00:00:00 "Uncatchable", Alexandr Zhelanov
00:00:02 ...
00:00:13 -Bonsoir à tous et bienvenue dans cette émission spéciale
00:00:16 consacrée à la fin de vie.
00:00:18 C'est l'ultime demande,
00:00:20 mourir paisiblement sans trop souffrir.
00:00:23 Mais est-ce vraiment possible dans notre pays ?
00:00:25 Est-ce qu'on meurt mal, aujourd'hui, en France, en 2023 ?
00:00:29 Il va y avoir une nouvelle loi, Emmanuel Macron l'a promise,
00:00:32 oui, mais laquelle ?
00:00:33 L'aide active à mourir, est-elle l'étape à franchir,
00:00:37 comme vient de le préconiser la Convention citoyenne ?
00:00:40 Question grave, sujet intime, douloureux, universel,
00:00:43 qui mêle l'éthique à la politique.
00:00:45 Bonsoir, Alain Kless. -Bonsoir.
00:00:47 -Merci d'être notre grand témoin, ce soir.
00:00:49 Vous êtes l'auteur, avec Jean Léonetti,
00:00:52 de la loi de 2016, la dernière loi sur la fin de vie,
00:00:54 membre du Comité consultatif national d'éthique.
00:00:57 Bonjour, Claire Toury.
00:00:59 Vous présidez le comité de gouvernance
00:01:01 de la Convention citoyenne sur la fin de vie.
00:01:04 Vous avez guidé les quatre mois de travaux
00:01:06 des 184 citoyens qui viennent de rendre leur proposition.
00:01:10 Bonsoir, Olivier Falorni. -Bonsoir.
00:01:12 -Bienvenue, député Modem,
00:01:13 président de la mission parlementaire
00:01:16 d'évaluation de la loi Kless-Léonetti,
00:01:18 favorable à l'aide active à mourir.
00:01:20 Bonsoir, Philippe Gosselin. -Bonsoir.
00:01:23 -Ravie de vous accueillir, député LR de La Manche,
00:01:26 à l'évolution de la loi.
00:01:27 Il nous fallait un philosophe pour ce premier plateau.
00:01:30 -Bonsoir. -Eric Fourneret,
00:01:32 spécialiste de l'euthanasie.
00:01:34 La Convention citoyenne, c'est un exercice passionnant,
00:01:37 inédit, de démocratie. 184 citoyens tirés au sort
00:01:40 ont accepté de travailler sur leur temps libre,
00:01:43 sur ce cadre législatif de la fin de vie
00:01:45 et sur ces évolutions possibles.
00:01:47 Certains n'y connaissaient absolument rien.
00:01:49 D'autres sont arrivés, vous allez le voir,
00:01:52 avec leur propre conviction.
00:01:54 D'autres ont carrément changé d'avis.
00:01:56 Quand la démocratie se fait convention citoyenne,
00:01:59 c'est un reportage de Céline Crespi avec Cléa Joanneau
00:02:02 et Bertrand Martineau. On débat juste après.
00:02:04 Musique douce
00:02:06 ...
00:02:08 -Durant quatre mois, le Conseil économique et social
00:02:12 a été le théâtre d'un exercice démocratique inhabituel
00:02:15 sur une question à la fois intime et universelle.
00:02:18 184 citoyens ont dû statuer sur la façon
00:02:23 dont on peut mourir aujourd'hui dans notre pays.
00:02:25 Ils ont entre 20 et 86 ans,
00:02:30 sont d'origine géographique et sociale très différentes
00:02:34 et ont été tirés au sort.
00:02:35 Certains n'en reviennent toujours pas.
00:02:38 -On a tous cru que c'était un gag,
00:02:40 du démarchage téléphonique,
00:02:42 parce que, voilà, c'est assez incroyable, finalement.
00:02:46 On est 185 sur la totalité de la population française.
00:02:49 C'est assez incroyable.
00:02:51 -Après neuf week-ends de travail,
00:02:53 ils devront dire si la loi actuelle sur la fin de vie
00:02:56 leur paraît satisfaisante ou s'il faudrait l'élargir.
00:02:59 -C'est l'aspect de la démocratie participative
00:03:02 et même au-delà de la démocratie,
00:03:05 du fonctionnement de notre démocratie,
00:03:08 qui m'intéresse beaucoup.
00:03:11 -Je pense qu'on sera absolument capables
00:03:13 de construire un avis qui sera solide,
00:03:15 qui sera argumenté, qui sera dans les conditions apaisées,
00:03:19 à mon avis, assez proche de ce qu'est la réalité,
00:03:24 ou en tout cas de ce que peut être l'opinion.
00:03:26 -Dans tous les esprits, cette question.
00:03:29 Dans quelle mesure leurs délibérations
00:03:31 vont être entendues par le politique ?
00:03:33 La Convention citoyenne sur le climat a laissé des traces.
00:03:37 Pour les rassurer, la présidente de l'Assemblée nationale
00:03:41 a voulu clarifier leur rôle.
00:03:43 -Vos délibérations sont notre boussole.
00:03:49 Donc ce sera pris en compte.
00:03:51 Soyez-en certains.
00:03:53 Et je pense qu'il n'y aura pas un parlementaire
00:03:57 qui n'aura pas lu toutes les lignes,
00:04:00 chaque page, chaque ligne, chaque mot de vos délibérations.
00:04:04 Vous allez être une pierre de ce processus délibératif.
00:04:09 Le mur, nous allons le construire ensemble.
00:04:12 Vous apporterez des pierres,
00:04:15 l'Assemblée nationale en apportera,
00:04:17 le gouvernement en apportera, le Sénat en apportera.
00:04:20 Et tous ensemble, on va construire.
00:04:23 Vous voyez ? Et moi, c'est ça en quoi je crois.
00:04:26 Applaudissements
00:04:29 ...
00:04:32 -Mais avant tout, rappel de ce que dit la loi actuelle
00:04:35 sur la fin de vie.
00:04:36 -On va commencer cette première audition
00:04:40 par un échange avec Alain Presse.
00:04:42 Alain Presse, il a été député entre 1997 et 2017.
00:04:47 Il est promoteur de la loi dite "plaisirisme".
00:04:49 -Bonjour, tout le monde.
00:04:52 -Les citoyens vont apprendre que cette loi autorise,
00:04:55 dans certains cas, le recours à la sédation profonde et continue.
00:04:59 -Cette loi continue.
00:05:02 Je souhaiterais réclamer que vous et moi,
00:05:06 lorsqu'une personne
00:05:08 est atteinte d'un mal de vie incurable,
00:05:13 et dont le processus est vital,
00:05:15 est engagé à côté.
00:05:18 On n'endort le patient à personne
00:05:23 et elle ne se réveille pas.
00:05:26 C'est-à-dire qu'on l'accompagne dans ses derniers moments
00:05:30 pour qu'elle ait des douleurs très rapides.
00:05:34 On l'accompagne jusqu'à la fin de vie.
00:05:38 -Cette sédation n'est possible qu'en phase terminale,
00:05:42 quand le patient est certain de décéder à court terme.
00:05:45 Les citoyens réalisent qu'elle est très restrictive.
00:05:48 ...
00:05:51 -Pourquoi certains patients
00:05:53 atteints de maladies immunologiques dégénératives,
00:05:56 telles que la maladie de Charcot et Parkinson,
00:05:58 étaient exclus du cadre de cette loi ?
00:06:01 -Je vous le dis en tant qu'administrateur,
00:06:03 cette loi ne règle pas tous les cas.
00:06:08 Elle se pose de sujet
00:06:12 de ce qu'on appelle les actifs anormales.
00:06:17 -Chacun arrive avec ses références,
00:06:21 sa culture, ses croyances.
00:06:25 -Il me semble complètement anormal
00:06:28 que des citoyens français aisés
00:06:31 puissent aller en Suisse,
00:06:35 en Belgique, en Espagne, au Portugal,
00:06:39 comme le faisaient les femmes
00:06:42 il y a 50 ou 60 ans
00:06:44 pour interrompre une grossesse,
00:06:48 mettant leur vie en danger.
00:06:50 Il me semble anormal
00:06:52 que nous soyons dans cette situation.
00:06:56 -D'autres ont un vécu particulier
00:07:00 et des opinions bien tranchées.
00:07:02 -J'aimerais que cette loi existe.
00:07:04 J'ai la sclérose en plaques
00:07:06 et je me suis toujours dit que je n'aimerais pas terminer
00:07:09 dans un lit sans savoir trop bouger.
00:07:13 -Au départ, je suis plutôt contre.
00:07:15 Avec des soins palliatifs plus performants,
00:07:18 il y aurait quand même beaucoup de situations
00:07:20 où les gens pourraient vivre encore quelques mois,
00:07:23 quelques jours, et parfois, ces jours-là,
00:07:26 ils sont fondamentaux.
00:07:27 Musique rythmée
00:07:29 ...
00:07:31 -Justement, le week-end suivant,
00:07:33 ils vont pouvoir appréhender les modèles
00:07:35 choisis par la Belgique et la Suisse
00:07:37 quand elles ont légalisé l'aide active à mourir.
00:07:40 ...
00:07:42 -J'appelle tout de suite Corinne Leis-Bonhost,
00:07:46 Claudia Magri et Irène Tah.
00:07:49 Applaudissements
00:07:51 ...
00:07:54 Je travaille en Belgique depuis plus de 30 ans
00:07:57 dans le cadre des soins palliatifs.
00:08:00 Qui peut nous donner, Claudia Magri,
00:08:02 un patient majeur capable et conscient
00:08:05 ...
00:08:07 et un patient mineur, ça, ça a été une évolution en 2014,
00:08:10 à condition qu'il y ait une capacité de discernement.
00:08:13 La demande est formulée de manière volontaire,
00:08:18 réfléchie et répétée.
00:08:19 Le patient se trouve dans une situation médicale sans issue
00:08:24 et fait état d'une souffrance physique ou psychique
00:08:27 constante, insupportable, qui ne peut être apaisée.
00:08:31 Nous avons énormément de demandes de thalassie
00:08:33 et peu d'actes de thalassie.
00:08:35 -Beaucoup ont entendu parler de la mort de Jean-Luc Godard.
00:08:39 Ce jour-là, il découvre le modèle suisse,
00:08:41 celui du suicide assisté,
00:08:43 où le patient se donne lui-même la mort
00:08:46 et où les associations comme Dignitas jouent un rôle majeur.
00:08:49 -Pour faire une demande,
00:08:52 il faut avoir la capacité de discernement
00:08:55 et pour être en mesure de faire la procédure,
00:09:00 la personne doit avoir un minimum de priorité corporelle.
00:09:05 Dignitas est en charge de procurer le minimum de l'état
00:09:10 pour les personnes qui ne résident pas en Suisse,
00:09:13 c'est un peu plus de 10 000 euros.
00:09:15 ...
00:09:18 -Je vois déjà que d'un côté en Suisse,
00:09:21 on a une association, alors que de l'autre côté en Belgique,
00:09:24 c'est le système et l'organisation sanitaire
00:09:27 qui se préoccupent de ça.
00:09:29 J'ai trouvé que le schéma Belge était intéressant
00:09:31 parce qu'il mettait le médecin traitant au coeur du système.
00:09:35 -Le sujet interroge.
00:09:38 Même après deux heures de conférence,
00:09:40 les citoyens veulent prolonger le moment.
00:09:42 Que se passe-t-il, par exemple, en cas de maladie dégénérative ?
00:09:47 -J'ai de la vie des gens qui, jusqu'au bout,
00:09:49 me disent "c'est ça que je veux, docteur".
00:09:52 C'est la grosse question de la démence pour les familles.
00:09:55 Quand elle a eu son diagnostic, elle a dit
00:09:58 "si j'ai une démence, je me couperai par autonomie".
00:10:00 Et maintenant, elle a plus sa tête,
00:10:03 elle pense qu'elle a 50 ans ou 30 ou 20, et voilà.
00:10:06 Et elle ne demande plus.
00:10:08 Et nous, on la voit se dégrader, et c'est pas digne.
00:10:12 Elle a fait une déclaration anticipée.
00:10:14 -Mais bientôt, les citoyens vont faire face
00:10:18 à des maux qui vont les faire vaciller.
00:10:20 Cet après-midi, médecins et infirmières
00:10:23 en soins palliatifs témoignent.
00:10:26 Leur message est simple.
00:10:27 Avant de vouloir changer la loi, encore faudrait-il l'appliquer.
00:10:31 Faute de lits,
00:10:33 deux tiers des personnes gravement malades
00:10:36 meurent sans avoir accès aux soins palliatifs.
00:10:38 Musique douce
00:10:40 -Je viens d'un département rural, on n'a pas d'unité de soins palliatifs.
00:10:44 Il n'y a pas de place en soins de suite,
00:10:46 les familles sont désemparées.
00:10:48 Et les familles, elles m'ont dit aussi
00:10:50 pourquoi la loi, elle n'est pas appliquée.
00:10:53 Pourquoi les gens n'ont pas accès aux soins palliatifs ?
00:10:56 Ce qui manque aux soignants que nous sommes,
00:10:59 c'est le temps à accompagner, justement,
00:11:04 à être...
00:11:06 présent.
00:11:07 -Quant à la possibilité de permettre l'aide active à mourir,
00:11:11 elle leur paraît contre-nature.
00:11:13 -C'est d'y avoir quelques années.
00:11:15 -On a fait ce métier pour aider un patient à mourir.
00:11:17 C'est pas possible pour moi, c'est juste pas possible du tout.
00:11:21 Du tout, du tout, du tout.
00:11:23 -Selon ces soignants, les demandes d'euthanasie des patients
00:11:26 baisseraient quand la prise en charge en soins palliatifs
00:11:29 est efficiente.
00:11:30 -Ca m'interpelle quand même sur des choses que j'avais pas imaginées.
00:11:36 -Si les problématiques ne sont pas déjà réglées à la base,
00:11:40 c'est-à-dire le manque de personnel,
00:11:42 le manque de moyens, le manque de formation,
00:11:45 comment on peut évoluer dans la décision,
00:11:49 dans la question qui nous est posée ?
00:11:51 -La quasi-unanimité des soignants,
00:11:54 donc médecins, infirmières, accompagnants,
00:11:57 contre l'euthanasie ?
00:11:59 Euh...
00:12:02 Ouais, ça, je peux le dire, moi, ça m'a bouleversé.
00:12:06 Musique de tension
00:12:07 -Après ce week-end,
00:12:09 les conventionnels réalisent plus que jamais
00:12:11 à quel point la question qu'on leur a posée
00:12:14 est complexe et multiforme.
00:12:16 ...
00:12:19 Retour au débat.
00:12:21 Nous sommes début janvier.
00:12:22 Les citoyens vont être plongés dans le grand bain
00:12:25 des arguments pour ou contre l'aide active à mourir.
00:12:28 Avec un face-à-face...
00:12:30 détonnant.
00:12:31 ...
00:12:33 -Je suis président bénévole de l'Association
00:12:35 pour le droit de mourir dans la dignité.
00:12:38 -Je suis médecin de soins palliatifs à Marbonne,
00:12:40 présidente de l'ASFAP,
00:12:42 l'Association des accompagnants et soins palliatifs.
00:12:45 -La principe, très simple,
00:12:47 c'est que les soins palliatifs ne peuvent pas tout.
00:12:50 L'hôpital est dans un état très difficile
00:12:53 et si les soins lui en partent, en grand,
00:12:55 ou si serrés actuellement,
00:12:57 ce qu'on leur demande actuellement n'a pas de sens pour eux.
00:13:00 -Si les soins palliatifs ne peuvent pas tout
00:13:03 et si la loi aujourd'hui ne permet pas,
00:13:05 pour la DND et pour beaucoup de Français,
00:13:07 d'accompagner tous les parcours en fin de vie,
00:13:10 nous souhaitons aussi des anéanalysations
00:13:12 de l'aide active à mourir,
00:13:14 de l'euthanasie et du suicide assisté.
00:13:18 -C'est seulement 2 % de l'ensemble de ces acteurs
00:13:20 qui nous disent qu'ils peuvent envisager l'euthanasie.
00:13:24 -Ce n'est pas demain l'aide active à mourir
00:13:26 pour toutes et pour tous, fort heureusement,
00:13:28 mais ce qu'on souhaite, c'est que chacun puisse avoir ce choix.
00:13:32 -À partir du moment où il y a une loi,
00:13:34 toutes les personnes seront obligées de l'envisager.
00:13:37 C'est-à-dire que la présence de la loi
00:13:39 fait que chacun va être amené à se demander
00:13:42 si ce serait mieux pour lui, pour ses proches,
00:13:44 pour la société, qu'il fasse ce choix-là.
00:13:47 -Je ne suis pas le méchant qui vient dire que ta vie ne compte pas.
00:13:50 On va te donner l'aide active à mourir
00:13:52 parce que tu as demandé l'aide active à mourir.
00:13:55 On peut partir dans toutes ces théories-là,
00:13:58 sauf qu'on va dans un débat inverse.
00:14:00 -Dans deux semaines, vont commencer les phases de délibération.
00:14:03 Chaque citoyen doit se forger un avis.
00:14:07 -C'est pas anodin, la compagnie.
00:14:10 -Je me nourris de tous ces échanges
00:14:12 et je pense que c'est important d'avoir ces 2 positions.
00:14:15 Ca nous avait manqué pendant les 2 premières sessions
00:14:18 et c'était nécessaire, je crois que ça arrive maintenant,
00:14:21 qu'on ait ce début de débat contradictoire
00:14:24 avec des positions qui commencent à s'affronter.
00:14:27 -Il y a des oscillations.
00:14:28 "Ah oui, tiens, c'est pas faux ce qu'il a dit."
00:14:31 Et puis après, quelqu'un va venir donner un contre-exemple.
00:14:35 C'est un peu les montagnes russes émotionnelles, quand même.
00:14:38 -Mais avant de trancher la délicate question
00:14:41 de l'aide active à mourir,
00:14:43 les citoyens veulent interpeller le politique
00:14:45 sur ce qui leur paraît être un impératif absolu.
00:14:48 Depuis des semaines, quelle que soit leur opinion,
00:14:51 les participants sont frappés par un constat.
00:14:54 Le traitement de la douleur, l'accompagnement vers la mort
00:14:57 ne sont pas à la hauteur des besoins.
00:14:59 Faute de moyens.
00:15:01 -Afin de mettre la fin de la vie sur la poche,
00:15:03 il faut qu'on ait besoin d'anticiper cette fin de vie.
00:15:07 -D'atelier en atelier,
00:15:09 l'état des lieux est alarmant.
00:15:10 -Mais quels sont les chiffres ?
00:15:12 Il manque 50 médecins ou il en manque 5 000 ?
00:15:15 Il manque une unité de soins palliatifs
00:15:17 ou il en manque 10, 20, 30 ?
00:15:19 -Les médecins sont un peu aussi forcés par le système de l'hôpital
00:15:23 à ne pas passer beaucoup de temps avec les patients
00:15:26 et plutôt à faire des actes et tout ça.
00:15:28 -D'autant que dans les années à venir,
00:15:30 les besoins de soins palliatifs vont être exponentiels.
00:15:34 -C'est un problème qui va se résoudre
00:15:36 et les besoins palliatifs vont être exponentiels.
00:15:39 -Il y a 10 % de gens qui ont plus de 75 ans,
00:15:44 actuellement,
00:15:45 mais il y en aura 20 % dans quelques années.
00:15:49 Pourquoi ? Parce que c'est les progrès de la médecine.
00:15:52 -Alors, ils vont s'entendre sur près de 65 mesures concrètes
00:15:56 à remettre à la première ministre
00:15:59 pour que les soins palliatifs
00:16:01 ne soient plus le parent pauvre de l'hôpital.
00:16:03 ...
00:16:07 -Proposition 26.
00:16:09 Fixer pour chaque région
00:16:12 des objectifs de couverture exhaustive,
00:16:15 besoins et disponibilité en soins palliatifs
00:16:18 pour 100 % de la population de la région.
00:16:21 Le vote est ouvert.
00:16:23 -Aujourd'hui encore, plus d'une vingtaine de départements
00:16:26 sont totalement dépourvus d'unités de soins palliatifs.
00:16:30 ...
00:16:33 -La proposition est acceptée avec 60 %.
00:16:36 ...
00:16:39 -Obliger les EHPAD
00:16:42 à avoir plus de personnel formé en soins palliatifs.
00:16:46 -Les EHPAD sont démunis de soins palliatifs,
00:16:50 alors que c'est l'endroit où meurent 20 % des Français.
00:16:54 -La proposition est acceptée à 91 %.
00:16:58 -Dans le cadre d'une sédation profonde
00:17:01 et continue à domicile,
00:17:03 renforcer l'accompagnement des proches.
00:17:06 Le vote est ouvert.
00:17:08 -Car aujourd'hui, les proches aidants
00:17:10 sont les grands oubliés de la loi.
00:17:12 -La proposition est acceptée à 83 %.
00:17:16 ...
00:17:18 -Désormais, reste le sujet qui fâche le plus clivant,
00:17:22 celui de l'aide active à mourir.
00:17:25 Les citoyens ont planché par groupe
00:17:27 pour lister les conditions qui seraient indispensables,
00:17:31 selon eux, pour pouvoir prétendre à l'aide active à mourir.
00:17:34 -Le temps qui arrive, il a pour objectif de partager
00:17:37 aux arguments sur l'accès à l'aide active à mourir.
00:17:40 -Tous s'entendent pour dire
00:17:42 que le patient doit avoir son libre arbitre,
00:17:45 mais faut-il, par exemple, qu'il soit condamné ?
00:17:47 -Nous, dans notre groupe,
00:17:49 on s'est dit qu'il fallait condamner la notion d'incurabilité.
00:17:53 -Nous, on a condamné
00:17:56 la situation de...
00:17:58 ...de faire un puits invivable
00:18:00 en vue d'incurabilité.
00:18:02 -Autre question très clivante,
00:18:05 cet acte peut-il être possible pour des mineurs ?
00:18:08 -Un cancer pédiatrique, c'est un cancer.
00:18:11 Pourquoi on pourrait satisfaire
00:18:14 une demande d'un adulte et pas celle d'un enfant ?
00:18:18 -La question des mineurs, c'est s'il y a un désaccord
00:18:21 avec les parents, on a tendance à les emprunter
00:18:24 pour qu'ils puissent s'occuper de leur enfant.
00:18:26 -Et que dire des dépressifs chroniques
00:18:29 qui demanderaient une euthanasie ?
00:18:31 -Les débats sont vifs,
00:18:53 débordant même le cadre de l'hémicycle.
00:18:55 -Il n'est pas inconditionnel.
00:18:57 -Au vu des moyens, de la société,
00:18:59 des choses qui vont se passer par rapport à ce que nous,
00:19:02 il y aura forcément des évolutions qui vont être amenées.
00:19:05 -Il y a une position hypocrite,
00:19:07 qui serait d'autre ouvrir la porte en disant
00:19:09 "oui, mais on va la barricader à quelques cas",
00:19:12 tout en sachant pertinemment qu'en fait,
00:19:14 ces cas vont inéluctablement sauter
00:19:16 par l'évolution de la loi, de la société.
00:19:19 -Plus qu'un week-end pour finaliser leur recommandation.
00:19:24 Dernier jour de l'ultime session.
00:19:26 Et le vote d'un texte de 150 pages argumentées
00:19:30 pour créer un modèle français de l'aide active à mourir.
00:19:33 -Notre convention a répondu
00:19:37 à 97 %
00:19:40 que le cadre d'accompagnement de la fin de vie
00:19:44 doit être amélioré.
00:19:46 -Pour 76 % d'entre nous,
00:19:48 l'accès à l'aide active à mourir doit être ouvert.
00:19:52 Concernant les formes d'accès à l'aide active à mourir,
00:19:55 la convention citoyenne a fait émerger
00:19:58 une position majoritaire,
00:20:00 celle de la nécessité de mettre en place
00:20:04 suicide assisté et euthanasie,
00:20:06 avec de nombreuses nuances, reflets de la complexité du sujet.
00:20:11 -Pour y avoir accès, le patient devrait avoir
00:20:15 une maladie incurable et faire preuve de discernement.
00:20:18 En revanche, pour les mineurs, c'est non.
00:20:20 -Pour ne pas heurter les soignants,
00:20:22 les citoyens leur ont donné une échappatoire.
00:20:25 -Concernant l'implication des personnels soignants,
00:20:28 la convention a adopté le principe d'une pause de conscience.
00:20:32 Applaudissements
00:20:34 -Au final, ces 184 là
00:20:37 ont l'impression d'avoir vécu un moment privilégié
00:20:40 grâce à la convention.
00:20:41 Applaudissements
00:20:43 -C'était génial, parce que c'est quelque chose d'unique dans une vie
00:20:47 de pouvoir réfléchir avec autant de monde
00:20:50 et d'arriver à le faire et de voir qu'à la fin,
00:20:52 on a réussi à construire quelque chose de cohérent.
00:20:55 -C'est une aventure extraordinaire, ça bouscule,
00:20:58 on se retrouve avec des gens qu'on n'aurait jamais rencontrés.
00:21:02 -Je crois que je ne saisis toujours pas,
00:21:04 je ne réalise toujours pas d'avoir participé à ça,
00:21:07 mais ça fait quelque chose.
00:21:08 -Un processus plein d'enseignements,
00:21:11 au-delà même du thème de la fin de vie.
00:21:14 -Sur la démocratie, ça nous dit beaucoup de choses.
00:21:17 Quand on nous en donne l'opportunité,
00:21:19 on nous donne la parole et on nous fait confiance,
00:21:22 on est capable de produire quelque chose et on a envie de le faire.
00:21:25 -J'espère que ça continuera et qu'il y aura d'autres conventions
00:21:29 citoyennes pour traiter des sujets aussi importants
00:21:33 et peut-être difficiles avec le même respect.
00:21:36 -Moi, je me dis comme mes collègues,
00:21:38 la convention se termine, mais le débat s'ouvre.
00:21:40 On continue et on espère que le débat s'ouvrira
00:21:43 bien évidemment au Parlement.
00:21:45 -Les cartes sont désormais entre les mains
00:21:48 du président de la République.
00:21:49 Un texte devrait être présenté devant l'Assemblée nationale
00:21:53 avant la fin de l'été.
00:21:55 Musique douce
00:21:57 ...
00:22:00 -Et voilà donc pour ce premier reportage de la soirée
00:22:03 signée Céline Crespi.
00:22:05 Retour en plateau, toujours en compagnie d'Alain Kless.
00:22:08 Merci d'être avec nous.
00:22:09 Vous êtes l'auteur, avec Jean Léonetti, de la loi de 2016.
00:22:13 Vous êtes aussi membre du Comité national consultatif d'éthique
00:22:16 et vous avez un avis très important dont on va parler ce soir.
00:22:19 Claire Toury, cheffe d'orchestre de cette convention citoyenne,
00:22:24 Olivier Falorni, député MoDem,
00:22:26 qui a piloté la mission d'évaluation de cette loi,
00:22:29 Kless Léonetti, qui milite pour l'aide active à mourir,
00:22:33 Philippe Gosselin,
00:22:35 toujours député Les Républicains de la Manche,
00:22:37 toujours hostile à l'aide active à mourir,
00:22:41 et Eric Fourneray, philosophe, spécialiste de ces questions.
00:22:44 Sommes-nous libres de vouloir mourir ?
00:22:47 Rien que le titre, il faut prendre le temps de le décanter,
00:22:50 c'était chez Albain Michel en 2019,
00:22:53 ancien membre de la commission SICAR de 2012,
00:22:55 sur la fin de vie.
00:22:56 On va commencer avec vous, Claire Toury.
00:22:59 C'est absolument passionnant de voir cet exercice de maïotique,
00:23:02 cet exercice démocratique.
00:23:04 Il y a eu le temps de l'appropriation,
00:23:07 de la délibération, puis des propositions.
00:23:09 Vous avez tout suivi.
00:23:10 Que vous retenez, quel bilan vous tirez de ces quatre mois ?
00:23:14 -C'est émouvant de regarder le reportage,
00:23:16 de voir tout le cheminement.
00:23:18 Je faisais des commentaires sur le changement de coupe de cheveux
00:23:21 entre le 9 décembre et le 2 avril.
00:23:23 Ces neuf week-ends, vous le disiez,
00:23:25 ces 27 jours de travail,
00:23:27 184 citoyens qui viennent d'horizons différents,
00:23:29 qui ont accepté de donner beaucoup de leur temps,
00:23:32 beaucoup d'engagement, mais un peu d'eux-mêmes.
00:23:35 C'est ça que je retiens de l'exercice.
00:23:37 La question de la fin de vie, ça croise trois choses.
00:23:40 La question de la fin de vie et l'exercice démocratique,
00:23:43 c'est trois choses. Il y a un enjeu politique.
00:23:45 Il faut qu'on arrive à fixer un cadre collectif.
00:23:48 Il y a un enjeu intime.
00:23:50 On parle de la fin de vie,
00:23:51 ça veut dire qu'on vient échanger avec des gens qu'on ne connaît pas,
00:23:55 qu'on ne reverra peut-être jamais,
00:23:57 et avec qui on accepte de partager ce qu'on a pu vivre
00:24:00 au plus profond de soi,
00:24:01 des représentations, un vécu, des émotions de l'affect,
00:24:04 et ça, ça fait partie des premières choses
00:24:07 qu'ils ont faites ensemble. -Témoigné.
00:24:09 -Ils ont échangé entre eux,
00:24:11 ils ont partagé ce qu'ils avaient vécu,
00:24:13 leurs expériences de fin de vie.
00:24:15 Je peux vous dire que ça pose les bases.
00:24:17 Quand vous avez des gens qui vous racontent ça,
00:24:20 tout de suite, il y a un respect qui s'impose
00:24:22 et on ne peut pas faire n'importe quoi sur un sujet comme celui-ci,
00:24:26 qui est hautement sensible et qui nécessite beaucoup d'exigences.
00:24:30 Et troisième élément, troisième facteur, je pense, de réussite,
00:24:33 c'est comme ça que j'ai envie de qualifier cet exercice à cette date,
00:24:37 de la Convention, c'est le fait d'avoir bien conscience
00:24:40 que la démocratie, c'est du travail, en fait.
00:24:43 Je ne peux pas le dire autrement.
00:24:45 C'est pas juste des paillettes, on retient que c'est magnifique,
00:24:48 qu'il s'est passé quelque chose de formidable,
00:24:51 mais c'est beaucoup de travail. -C'est du travail
00:24:54 et c'est pas binaire. -Ca prend du temps
00:24:56 et c'est accepter qu'on peut faire des erreurs
00:24:59 et qu'on doit cheminer ensemble. -Vous parlez de tour de force.
00:25:02 Ca veut dire quoi ? Arriver à un consensus absolu
00:25:05 sur un sujet comme celui-ci, c'était de fait impossible.
00:25:08 -C'est de fait impossible et c'est pas grave.
00:25:11 C'est là le tour de force démocratique.
00:25:13 Vous m'aviez invitée la veille du lancement de la Convention,
00:25:16 et on l'avait dit, en fait, cet exercice,
00:25:19 c'est assumer la controverse.
00:25:21 Sur la fin de vie, on ne peut pas dire à certains qu'ils ont tort
00:25:24 et à d'autres qu'ils ont raison.
00:25:26 Dire ça, c'est déjà, à mon avis, dire beaucoup de choses,
00:25:29 parce que l'exercice a été abordé en acceptant la nuance
00:25:33 et en se disant qu'il ne pouvait pas en être autrement.
00:25:36 Là où, pour moi, c'est une réussite,
00:25:38 c'est quand les dix minoritaires,
00:25:40 les 25 % qui sont contre toute forme d'adactifs à mourir,
00:25:43 refusent de faire un rapport minoritaire.
00:25:46 Ils veulent être dans le livrable, dans le document final,
00:25:49 et ils veulent que leurs arguments soient mis en miroir
00:25:52 de ceux des autres.
00:25:53 Il y a une conventionnelle, en conclusion de la Convention,
00:25:57 dimanche, qui a pris la parole et qui dit...
00:25:59 Elle était dans les minoritaires, et elle dit "merci à tous
00:26:03 "d'avoir laissé les 25 % d'entre nous, dix minoritaires,
00:26:07 "d'avoir laissé aux 25 % d'entre nous, dix minoritaires,
00:26:10 "50 % de la parole et 50 % de la place."
00:26:13 Pour moi, ça a dit tout.
00:26:15 -C'est le signe d'un succès. -Exactement.
00:26:17 -Même s'il va falloir se poser la question de la suite.
00:26:20 On vous a vu à l'enclasse, au CESE.
00:26:23 Vous avez dû expliquer la loi.
00:26:26 Qu'est-ce que vous retenez des échanges avec les citoyens ?
00:26:29 -Deux mots.
00:26:30 Une intelligence collective.
00:26:32 Chacun et chacune est arrivé, avec son vécu,
00:26:36 avec ses mots,
00:26:38 ignorant de toutes les procédures de fin de vie.
00:26:42 Et ces intelligences collectives, c'est concrétisé par un mot
00:26:46 qui, à mon avis, dans cette période,
00:26:49 doit tous avoir en tête, le respect.
00:26:52 Sur un sujet comme cela,
00:26:53 il ne peut pas y avoir de gagnant ou de perdant.
00:26:56 -Le respect des autres ou le respect des malades ?
00:26:59 -C'est pour ça que je parle.
00:27:01 Le respect de l'autre,
00:27:02 c'est-à-dire de celui qui ne pense pas comme vous,
00:27:05 du soignant, de la famille, bref.
00:27:07 Cette communauté qui existe
00:27:10 et qui est très singulière, dans chaque cas,
00:27:13 dans cette dernière partie de la vie.
00:27:15 -J'ai regardé.
00:27:16 La loi Claes-Leonetti,
00:27:18 elle s'est appuyée sur des auditions d'experts.
00:27:20 -Tout à fait.
00:27:22 -Ca change tout.
00:27:23 -Ma conviction, comme ancien parlementaire,
00:27:26 c'est que le lieu le plus adapté
00:27:30 pour faire la loi,
00:27:31 c'est pas le référendum,
00:27:32 c'est la démocratie représentative,
00:27:35 c'est-à-dire le Parlement, l'Assemblée et le Sénat.
00:27:38 -On peut la compléter. -Pour éclairer
00:27:40 cette réflexion, qu'une convention citoyenne
00:27:42 comme celle-ci ait lieu, et je veux témoigner
00:27:45 qu'elle a eu lieu en dehors de toute pression,
00:27:48 et la presse en rend parfaitement compte,
00:27:50 c'est un atout pour notre démocratie.
00:27:52 -Eric Fourneray, on sent bien
00:27:54 que cette question de la fin de vie est l'affaire de tous,
00:27:58 mais la manière de décider sur un sujet comme celui-ci
00:28:01 est très importante.
00:28:02 Est-ce que vous y voyez un tournant,
00:28:04 le fait qu'on ait commencé par demander aux citoyens,
00:28:07 que ça commence par la délibération citoyenne
00:28:10 et qu'ensuite, le législateur, les ministres,
00:28:13 les experts rajoutent leur éclairage ?
00:28:16 -Ce qui est nouveau avec la convention citoyenne,
00:28:19 c'est la méthodologie avec laquelle les citoyens
00:28:22 sont venus délibérer. En 2012, quand François Hollande,
00:28:25 qui avait mis en place la commission sur la fin de vie,
00:28:28 on était déjà allés à la rencontre des citoyens français.
00:28:31 On avait fait le tour de l'Europe,
00:28:33 on est allés outre-Atlantique pour observer les pratiques
00:28:37 de ceux qui avaient déjà autorisé les gestes,
00:28:39 mais on avait déjà été à la rencontre des Français
00:28:42 pour qu'ils puissent s'exprimer.
00:28:44 La grosse différence, c'est que les citoyens
00:28:47 ont été mis autour d'une table pour qu'ils travaillent,
00:28:50 pas simplement pour témoigner, mais pour travailler sur le sujet.
00:28:54 C'est ce qui est intéressant, aussi, de la convention citoyenne,
00:28:57 c'est la notion de travail qu'il y a derrière.
00:29:00 C'est des gens qui ont pu, comme madame l'a dit,
00:29:03 énormément évoluer. -Qui ont cheminé.
00:29:05 -C'est ce qui manquait au débat, ce cheminement-là.
00:29:08 -C'est intéressant de voir que les résultats des propositions,
00:29:11 76 % des conventionnels favorables à l'aide active à mourir,
00:29:15 on retrouve peu ou prou les sondages d'opinion.
00:29:18 C'était 70 % selon un dernier sondage.
00:29:20 Alors, maintenant, Olivier Falorni,
00:29:23 vous avez dit que les propositions de cette convention
00:29:26 engagent le législateur.
00:29:27 -Je crois qu'effectivement, il y a eu un passage de relais lundi
00:29:31 entre la démocratie participative et la démocratie représentative.
00:29:35 Et quand je vois l'hémicycle du CESE,
00:29:38 eh bien, je pense au nôtre,
00:29:41 cher collègue, qui ferait bien de s'inspirer,
00:29:44 je crois, en tout cas, de la façon
00:29:46 dont les conventionnels ont travaillé.
00:29:48 Alain évoquait l'écoute
00:29:51 dans le respect des convictions de chacun.
00:29:54 -C'est une pierre à l'édifice, aujourd'hui.
00:29:57 Il y aura d'autres pierres
00:29:59 où c'est le socle indispensable, primordial, pour légiférer.
00:30:03 -Je vous le dis d'autant plus facilement
00:30:05 et avec d'autant plus de sincérité
00:30:08 que je faisais partie des sceptiques
00:30:10 quand cette convention citoyenne a été mise en place.
00:30:14 D'abord, parce que la convention citoyenne sur le climat
00:30:17 n'avait pas été couronnée de succès.
00:30:19 Et puis, je ne voyais pas comment tout cela
00:30:22 pouvait s'organiser.
00:30:23 Donc, coup de chapeau à Claire Toury,
00:30:25 coup de chapeau au CESE,
00:30:27 parce qu'ils ont fait un travail formidable.
00:30:29 Mais ce que je veux dire au-delà,
00:30:31 c'est que, certes, il y a eu la convention citoyenne,
00:30:34 il y a eu aussi le rapport du comité d'éthique,
00:30:38 qui a été majeur.
00:30:40 -Vous vous sentez, comme député, engagé
00:30:42 par les préconisations ?
00:30:44 -Mais c'est une obligation morale.
00:30:47 -Une obligation morale.
00:30:48 -C'est une obligation morale, et je crois que si
00:30:51 la démocratie représentative, le Parlement, le gouvernement
00:30:56 ne suivent pas les préconisations
00:30:59 de cette convention citoyenne,
00:31:01 eh bien, il y aura à nouveau une déception,
00:31:05 une déception forte de la part,
00:31:07 non seulement de ceux qui se sont engagés, les 184,
00:31:10 mais plus globalement, les Français,
00:31:12 qu'ils représentaient quelque part dans le choix qui avait été fait.
00:31:17 -Philippe Gosselin, c'est une obligation morale
00:31:19 que de suivre ces travaux ?
00:31:21 -C'est une vraie question.
00:31:23 Moi, je n'ai pas de difficulté à voir
00:31:25 une convention citoyenne se réunir.
00:31:28 On rappellera du reste que, pour la révision des lois de bioéthique,
00:31:32 on a eu des Etats généraux qui associaient très largement
00:31:35 la population, les associations,
00:31:37 sous un mode différent de travail.
00:31:40 Ce que je souhaite, et c'est la même obligation morale,
00:31:43 c'est qu'on puisse avoir un débat apaisé,
00:31:45 ce que disait Olivier Falorni,
00:31:47 parce que sur ces questions, c'est pas blanc, c'est pas noir.
00:31:51 Parfois, ça peut être gris.
00:31:52 On a tendance à vous enfermer
00:31:54 parce que vous êtes de telle confession,
00:31:56 de tel groupe politique, dans une obstination déraisonnable
00:32:00 pour le oui ou le non. C'est plus complexe.
00:32:02 Que sait-on de la vie de chacune et chacun d'entre nous,
00:32:05 parlementaire, de notre vie privée,
00:32:08 de nos intimes convictions ?
00:32:09 Dans le shaker, il y a plusieurs ingrédients,
00:32:12 pas qu'une religion, pas qu'une philosophie,
00:32:15 mais c'est un peu complexe.
00:32:16 Je ne voudrais pas qu'on soit dans une continuité absolue
00:32:19 avec la Convention, c'est que je voudrais
00:32:22 que nous aussi, à l'Assemblée,
00:32:24 et dans des conditions apaisées, nous puissions débattre,
00:32:27 c'est-à-dire pas nécessairement écarter d'un revers de main
00:32:31 ce qui a été dit et les conclusions qui sortent.
00:32:33 Elles sont là. De toute façon,
00:32:35 le président de la République a dit que c'était les bases.
00:32:38 -Il a parlé de références solides.
00:32:40 Ce sont ses mots, "bases" pour construire.
00:32:43 -Je n'estime pas nécessairement obligatoire
00:32:46 d'avoir ces fondations et le mur qui s'élèverait
00:32:48 pile-poil sur ces fondations.
00:32:50 À nous aussi, peut-être, de contredire certains points,
00:32:53 de les enrichir, de les préciser.
00:32:55 C'est ça, le vrai débat. -On va venir sur le fond.
00:32:58 -Et je termine juste sur ce point.
00:33:00 C'est pour ça que si on veut un débat apaisé,
00:33:03 il faut un débat sans précipitation.
00:33:06 Oui, il y a une attente de la société
00:33:08 pour que, sans doute, les textes évoluent,
00:33:11 mais est-on à quelques deux ou trois mois près ?
00:33:15 Je pense que non. -Le calendrier est précipité
00:33:17 pour vous ? -On va voir.
00:33:19 -Avant la fin de l'été ? C'est trop rapide ?
00:33:22 Ca fait quatre mois ? -D'ici à la fin de l'été,
00:33:24 un projet de loi, mais encore faut-il faire vivre
00:33:29 le débat démocratique à l'intérieur même du Parlement.
00:33:33 C'est pas que l'Assemblée, c'est aussi le Sénat,
00:33:35 qu'on puisse réexpertiser un certain nombre de choses
00:33:39 et qu'on puisse, à la rentrée, avoir des débats
00:33:41 sans qu'il n'y ait une procédure accélérée,
00:33:44 sans qu'on ait cette épée de Damoclès.
00:33:46 Ca serait contre-productif. -Pas de procédure d'urgence.
00:33:49 Une grande commission transpartisane,
00:33:52 comme sur les sujets de poétique. -On a fait des commissions
00:33:55 spéciales. -Claire Toury,
00:33:57 vous restez présidente du comité de gouvernance.
00:33:59 Y a-t-il une vigilance ? Qu'est-ce qui se passe
00:34:02 côté convention ? -Au moment où ça va s'arrêter,
00:34:05 quand même, pour nous, on considère
00:34:07 qu'on a fait notre part, on va dire,
00:34:09 on a fait tout ce qu'on pouvait, on est allé au bout,
00:34:12 il y avait un enjeu à ce que cet exercice démocratique
00:34:15 soit incontestable sur le plan de la méthode.
00:34:18 Sur le fond, j'ai pas à commenter ce qui a été dit,
00:34:20 si ce n'est qu'il y a des bases solides,
00:34:23 il y a une partie qui est très consensuelle,
00:34:25 on parle d'aide active à mourir. -Les soins palliatifs.
00:34:28 -Exactement. Il y a une partie plus de controverse
00:34:31 qui est argumentée, qui est solide.
00:34:33 Mon enjeu, je vous rejoins, il n'y a jamais eu d'engagement
00:34:37 pour que tout soit repris de manière intégrale,
00:34:39 in extenso, sans... -L'expression n'est pas répétée.
00:34:42 -Il y a une différence majeure entre tout reprendre
00:34:45 et ne rien reprendre. Ce qui m'importe,
00:34:47 c'est que ces 184 citoyennes, citoyens,
00:34:50 ils aient des réponses et qu'on prenne en compte leur travail.
00:34:53 Je vais citer le président du CESE, la décision appartient aux élus,
00:34:57 la construction de la décision appartient à tout le monde.
00:35:00 Ces citoyens ont démontré qu'on pouvait le faire
00:35:03 en étant sérieux. -Si les citoyens
00:35:05 se prononcent en faveur de l'aide active à mourir,
00:35:08 il existe des situations à l'inclesse
00:35:10 dans lesquelles votre loi ne suffit pas.
00:35:12 Vous le reconnaissez ? On pense à la maladie de Charcot,
00:35:15 les maladies neurodégénératives. -Il y a des cas
00:35:18 où le pronostic vital qui est engagé
00:35:20 n'est pas engagé à court terme,
00:35:22 mais peut-être à moyen terme. Vous évoquez...
00:35:25 -Six mois. -La maladie de Charcot.
00:35:27 Donc, l'aide active à mourir,
00:35:30 nous l'avons répondu à cette question
00:35:32 dans l'avis du Comité national d'éthique.
00:35:35 Oui, il y a une voie éthique,
00:35:36 mais avec un encadrement très strict que nous avons évoqué.
00:35:40 La Convention citoyenne a fait la même chose,
00:35:44 mais tout le travail commence,
00:35:46 car c'est maintenant aux législateurs
00:35:49 et à l'exécutif, car le président de la République
00:35:51 a souhaité une coproduction,
00:35:53 de mesurer dans cette aide active à mourir
00:35:56 quel est son périmètre, quels sont les cas traités,
00:35:59 et je crois que c'est pas un sujet qu'on traite dans un...
00:36:03 -Olivier Falorni, l'avis du Conseil consultatif d'éthique
00:36:07 ouvre la voie, et c'est prudent et extrêmement mesuré,
00:36:10 à des pathologies nouvelles,
00:36:13 quand le pronostic vital est engagé à moyen terme
00:36:16 et non plus à court terme,
00:36:17 comme c'est le cas dans la loi Claes Leonetti.
00:36:20 Est-ce que ça vous semble la fenêtre équilibrée
00:36:23 pour ouvrir l'aide active à mourir ?
00:36:26 -Tout à fait, cela me semblerait absolument justifié.
00:36:30 Dans le rapport d'évaluation que nous avons produit
00:36:33 il y a quelques jours,
00:36:35 qui évoquait Alain Claes, nous indiquons
00:36:37 qu'aujourd'hui, la sédation profonde et continue
00:36:40 maintenue jusqu'au décès est finalement assez peu appliquée.
00:36:43 -Pourquoi ?
00:36:45 -D'abord, on a un vrai souci
00:36:46 en termes d'évaluation quantitative.
00:36:49 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, il n'y a pas de codification des actes,
00:36:53 c'est-à-dire que le ministère de la Santé...
00:36:55 -On n'a pas de chiffre.
00:36:57 -On ne sait pas combien de sédations dans le pays.
00:36:59 -Jusqu'au décès sont appliquées. -Pourquoi ?
00:37:02 Il y a un tabou là-dessus ?
00:37:03 -Alors, il y a deux réponses à ça.
00:37:06 Il y a deux réponses à ça.
00:37:07 D'une part, certains nous disent,
00:37:10 parce que finalement, cet outil
00:37:13 n'est que celui du dernier recours
00:37:16 et qu'il n'est pas utile
00:37:18 dans l'immense majorité des cas.
00:37:20 D'autres nous disent qu'il pose plus de problèmes
00:37:25 que de solutions,
00:37:26 parce qu'il y a la difficulté, d'abord, de la maîtrise du temps.
00:37:30 -Eric Fourneray, on a l'impression
00:37:32 que ce débat, chaque mot compte,
00:37:35 chaque mot doit couvrir précisément et avec justesse la réalité.
00:37:39 Déjà, parler de droit,
00:37:41 on entend "ouvrir un nouveau droit".
00:37:44 Est-ce que ça vous semble le mot approprié
00:37:46 où il s'agit d'une liberté
00:37:48 pour tous ces patients, avec les critères stricts,
00:37:51 qu'il faut toujours rappeler, il y a énormément de garde-fous,
00:37:54 qui souhaitent mourir,
00:37:56 pour, au fond, abriger leur souffrance,
00:37:59 ne pas faire subir à leurs proches leur déchéance ?
00:38:02 -Cette question que vous posez,
00:38:04 elle rejoint celle que vous avez posée juste avant.
00:38:07 C'est-à-dire que, juste avant,
00:38:09 vous avez demandé si la maladie de Charcot
00:38:11 était ces exceptions pathologiques
00:38:13 qui justifiaient justement qu'on ouvre la légalité.
00:38:16 -Entre autres. -Entre autres.
00:38:18 Le piège, et ça rejoint votre seconde question,
00:38:21 c'est de faire entrer l'accès au droit
00:38:23 à l'aide active à mourir par les pathologies.
00:38:26 C'est le rapport que l'individu a avec sa maladie qui compte.
00:38:30 Comment lui a son expérience propre de la maladie,
00:38:33 que ce soit un polyhandicap,
00:38:34 que ce soit une pathologie incurable et mortelle, etc.
00:38:38 Le danger serait de dire... -De classer les maladies.
00:38:40 -Toutes les personnes atteintes de la maladie de Charcot
00:38:43 auraient le droit à l'euthanasie,
00:38:45 ce serait formidablement dangereux.
00:38:47 On ne peut pas rentrer sur cette question-là.
00:38:50 -Comment on y rentre de façon équilibrée ?
00:38:53 Il faut le regarder, les soignants.
00:38:54 -C'est pour ça que la question du droit est moins importante
00:38:58 que la question de comment on prend en charge au quotidien
00:39:01 la volonté exprimée par les patients qui veulent mourir.
00:39:04 L'idée est moins une technique juridique
00:39:06 que tout simplement d'équiper les professionnels de santé
00:39:10 et tous ceux qui sont dans l'entourage proche
00:39:12 de ces personnes à recevoir une demande personnelle
00:39:15 d'aide active à mourir.
00:39:16 -Cela veut dire "recevoir" ?
00:39:18 -C'est une question de capacité empathique,
00:39:21 de capacité imaginative à se mettre à la place d'autrui
00:39:24 pour savoir comment il vit son expérience de la maladie.
00:39:27 J'ai entendu dire que c'était un enjeu politique,
00:39:30 pour moi, c'est un jeu incroyablement humain.
00:39:32 La question, c'est quelle place on donne
00:39:34 à l'écoute de la vulnérabilité d'autrui.
00:39:37 La vulnérabilité d'autrui, c'est pas que la vulnérabilité du patient.
00:39:41 -Avec la volonté du patient, est-ce qu'elle doit être première ?
00:39:44 On entend la volonté du patient, la société,
00:39:47 et peut-être même quelque chose qui nous échappe.
00:39:50 Est-ce que le patient doit avant tout arriver dans cette réflexion
00:39:53 comme en première ligne du souci du législateur ?
00:39:57 Philippe Gosselin.
00:39:58 -Je crois qu'on peut rappeler qu'il y a un équilibre à trouver.
00:40:02 Ca a été dit par Alain Kless.
00:40:04 Il y a un conflit d'éthique, finalement.
00:40:07 L'éthique de la vulnérabilité,
00:40:10 l'éthique de l'autonomie.
00:40:12 Comment on trouve cet équilibre ?
00:40:14 -La mort n'appartient pas en premier lieu à la personne ?
00:40:17 -La mort n'appartient pas totalement,
00:40:19 et en premier lieu, à la personne qui est peut-être mourante.
00:40:23 N'oublions pas aussi l'effet cascade sur sa famille,
00:40:26 sur ses proches, et donc, la mort n'est pas un acte isolé.
00:40:31 Quand on fait société, quand on fait famille, fratrie,
00:40:34 la décision que je prends, elle rejaillit sur les autres.
00:40:38 Et puis, il y a aussi un interdit qui reste fort,
00:40:42 et ça me paraît plutôt heureux,
00:40:44 c'est que donner la mort est une transgression,
00:40:47 et reste une transgression, donc l'équilibre est à trouver.
00:40:51 -Pour vous, les lignes rouges fixées,
00:40:53 c'est pas une demande de mort pour la mort en tant que telle.
00:40:56 -Il y a des lignes rouges.
00:40:58 La question se pose aussi, elle a été posée sans réponse
00:41:02 par les membres de la Convention,
00:41:04 de savoir si ça pourrait s'appliquer
00:41:08 aux enfants mineurs.
00:41:09 La Belgique a déjà répondu depuis plusieurs années à ce sujet.
00:41:13 -Le président l'a écarté, les conventionnels aussi.
00:41:16 -Ce n'est pas le président qui fera la loi,
00:41:18 c'est le Parlement, jusqu'à preuve du contraire.
00:41:21 Et donc, je veux aussi que sur ces questions,
00:41:24 on prenne le temps et qu'on n'ait pas, d'une certaine façon,
00:41:27 aussi une injonction sociale,
00:41:30 quand on a telle ou telle maladie,
00:41:32 que ce soit Charcot ou d'autres,
00:41:35 qu'on ait une forme d'injonction à dire
00:41:37 "je suis à charge et il faut que je disparaisse
00:41:40 "pour libérer mes proches".
00:41:42 Vous voyez, ce sont tous ces éléments-là
00:41:44 qui sont aussi très fragiles et à prendre en considération.
00:41:48 -Claire Toury, j'imagine que les citoyens
00:41:50 ont beaucoup regardé l'application de la loi
00:41:53 avant de savoir s'il fallait la faire évoluer.
00:41:56 On découvre que ces sédations profondes et continues
00:41:59 jusqu'au décès, sous critères très stricts,
00:42:01 c'est l'innovation de cette dernière loi,
00:42:04 peuvent prendre des jours, voire des semaines.
00:42:06 Le Conseil d'Etat avait même écrit
00:42:09 des mourants qui n'en finissent pas de mourir en 2018.
00:42:12 Ca, c'est intolérable pour les familles,
00:42:14 pour les soignants aussi.
00:42:16 Ca veut dire qu'il y a un problème, non ?
00:42:18 -Ouais, alors, peut-être juste pour réagir,
00:42:21 ce qui est important, quand même,
00:42:23 et je voudrais le dire,
00:42:24 dans le travail de la Convention, il n'a jamais été question
00:42:27 de dire que certains pouvaient être un poids pour la société.
00:42:31 Vous l'avez vu, je le redis. -Je ne l'ai pas dit.
00:42:34 -Dans la conclusion des travaux, ils ont bien insisté là-dessus.
00:42:37 Il s'agit de demander une aide active à mourir
00:42:40 dans des situations particulières,
00:42:42 mais à aucun moment de partir dans des dérives eugénistes.
00:42:45 Ca a été important pour eux.
00:42:47 Vous parliez de la question des mineurs.
00:42:49 La question s'est posée pour les mineurs.
00:42:52 Ils ont beaucoup discuté de ce sujet.
00:42:54 Le premier des critères pour eux était la question des souffrances,
00:42:58 notamment des souffrances réfractaires.
00:43:00 Quand on voit les débats au sein du CESE,
00:43:02 certains le disent.
00:43:04 Pourquoi est-ce qu'un mineur devrait souffrir
00:43:06 et pas un majeur ?
00:43:08 Il y a ces questions-là qui se sont posées.
00:43:10 Là où je trouve que ça montre la qualité et le sérieux de ces travaux,
00:43:14 c'est qu'ils se sont dit que sur la question des mineurs,
00:43:17 on ne peut pas être conclusif.
00:43:19 C'est trop sensible.
00:43:20 On préfère se dire que c'est jamais à notre tranchée,
00:43:23 mais sur ce point-là, on n'a pas à aller plus loin.
00:43:26 -Ce premier débat s'achève.
00:43:28 -Au départ, la loi belge, en 2002, avait décidé
00:43:31 en disant qu'ils ne pouvaient pas rentrer
00:43:34 sur cette question-là pour les mineurs.
00:43:36 Il y a quand même eu trois mineurs qui ont pu avoir accès
00:43:39 car ils ont fait évoluer le cadre législatif.
00:43:42 La question qu'il faut se poser,
00:43:44 c'est ce que le chef de l'Etat doit se poser,
00:43:47 est-ce qu'il vaut mieux une autorisation
00:43:49 sous condition ou maintenir une interdiction
00:43:52 avec des exceptions ?
00:43:53 L'exception ne se définit jamais à l'avance.
00:43:56 C'est toujours dans une analyse des circonstances
00:43:59 qu'on fait l'exceptionnalité.
00:44:00 -Quel est votre sentiment ?
00:44:02 -Peut-être qu'il faut encore prendre son temps pour réfléchir.
00:44:06 -On va terminer ce débat avec les soignants
00:44:08 qui vont nous rejoindre dans un instant.
00:44:11 Petite question, Olivier Falorni, le prochain reportage,
00:44:14 on vous a suivi dans une unité de soins palliatifs.
00:44:17 On est frappés par l'opposition des soignants,
00:44:20 particulièrement en soins palliatifs,
00:44:22 mais comment vous les sentez ?
00:44:24 Ils sont tous opposés ou c'est plus nuancé ?
00:44:26 -Je pense que c'est plus nuancé, beaucoup plus nuancé.
00:44:30 Je crois qu'il serait effectivement
00:44:32 assez injuste d'opposer
00:44:36 les soignants et citoyens,
00:44:37 parce que les soignants sont des citoyens.
00:44:40 J'ai pu mesurer aussi la grande difficulté
00:44:43 de certains confrontés à la sédation profonde et continue.
00:44:47 On parle des mineurs.
00:44:49 Il y a eu aussi un travail parlementaire
00:44:51 qui a été fait en 2021, je vais faire ma propre publicité,
00:44:54 mais j'ai défendu une proposition de loi
00:44:57 qui a été débattue et qui avait écarté les mineurs.
00:45:00 Lorsque nous sommes allés à l'hôpital de Saint-Denis,
00:45:03 un médecin réanimateur en néonate
00:45:05 nous expliquait qu'il avait fait une sédation profonde
00:45:08 et continue à un nourrisson, et cela faisait huit jours.
00:45:11 Cela faisait huit jours.
00:45:12 -C'est insupportable, huit jours d'attente.
00:45:15 -Vous voyez bien l'extrême difficulté
00:45:17 d'aborder ce sujet.
00:45:19 Et à l'époque, en 2021, sur la proposition de loi
00:45:22 que j'avais faite, nous avions écarté la question des mineurs,
00:45:26 mais le problème se pose pour autant.
00:45:29 J'ai encore en souvenir l'audition de Jean Leonetti,
00:45:32 qui avait évoqué la question des nourrissons
00:45:36 et qui avait éventuellement laissé entendre
00:45:40 que c'était peut-être la problématique
00:45:42 la plus difficile à traiter,
00:45:44 mais peut-être celle qui pourrait ouvrir une exception d'euthanasie.
00:45:48 -On va s'arrêter là, on va accueillir les soignants.
00:45:50 On a tous compris qu'au fond, ce long travail
00:45:53 va continuer à cheminer, qu'il faudra du temps.
00:45:56 -Et d'une main tremblante. -Et c'est vous
00:45:59 qui aurez la responsabilité finale du vote.
00:46:02 Merci beaucoup. Direction de l'unité de soins palliatifs
00:46:05 de Juvisy, en région parisienne, où la mission parlementaire,
00:46:09 la vôtre, Olivier Falerny, s'est rendue pour évaluer
00:46:12 l'application de cette loi.
00:46:13 Deuxième reportage de Céline Crespi,
00:46:16 avec Gilles Lepêtre, Bernard et Bertrand Martineau.
00:46:19 Musique douce
00:46:21 -Hôpital de Juvisy, en région parisienne.
00:46:24 A côté des urgences,
00:46:27 il y a un service où on ne guérit pas, on soulage.
00:46:30 -Bonjour, madame. -L'unité des soins palliatifs.
00:46:33 Olivier Falerny, député de Charente-Maritime,
00:46:36 dirige une commission qui doit juger
00:46:38 si la façon dont on meurt aujourd'hui en France
00:46:41 est acceptable.
00:46:43 -Bienvenue. -Dédié Martin,
00:46:45 qui est le rapporteur de la mission.
00:46:48 -En 20 ans, la France s'est dotée de quatre lois
00:46:52 sur la fin de vie. La dernière date de 2016.
00:46:56 Musique douce
00:46:58 -Notre rôle, c'est d'évaluer l'application
00:47:01 de la loi Claes-Leonetti,
00:47:03 voir les failles éventuelles.
00:47:05 Ce que nous voulons, c'est faire en sorte
00:47:07 que l'accompagnement de la fin de vie
00:47:09 soit le plus doux possible, le plus respectueux possible.
00:47:13 -Un simple inventaire du service
00:47:15 suffit à comprendre l'un des problèmes majeurs
00:47:18 de la prise en charge de la fin de vie dans notre pays.
00:47:21 -C'est une unité pour deux médecins
00:47:24 qui s'occupent de 10 lits de soins palliatifs.
00:47:27 -Deux praticiens hospitaliers temps plein.
00:47:30 -Mais ça, c'est en théorie.
00:47:33 -C'est ce qu'on donnerait.
00:47:34 Elle est toute seule et elle s'occupe
00:47:37 d'une autre unité dans l'étage.
00:47:39 Musique douce
00:47:41 -Côté infirmière, les effectifs ont fondu.
00:47:44 -Quand je suis arrivée ici, il y avait beaucoup plus de soignants.
00:47:47 Il n'y avait aucun patient qui décédait seul.
00:47:50 Par contre, il y avait un patient qui était en train de partir.
00:47:54 On se détachait.
00:47:55 Petit à petit, ce nombre a diminué.
00:47:58 Maintenant, on est deux infirmières par jour.
00:48:00 J'enlève mon masque.
00:48:02 Maintenant, quand il y a un patient qui est en train de partir,
00:48:05 c'est difficile de se détacher.
00:48:07 Parce que la collègue reste toute seule pour 10 patients.
00:48:12 -Persiste ce sentiment
00:48:15 de ne pas pouvoir faire son travail correctement.
00:48:18 Ce matin, une vieille dame a tout à coup montré des signes de tristesse.
00:48:22 -J'ai même dit à mes collègues qu'il faut qu'on passe très souvent
00:48:26 parce qu'on voit qu'elle est bien quand il y a quelqu'un.
00:48:29 Elle est bien.
00:48:30 Ce matin, elle n'était pas bien.
00:48:32 On a fini la toilette, on est partis.
00:48:34 On est revenus même pas...
00:48:36 On a fait juste une toilette.
00:48:38 Elle était décédée.
00:48:39 Cette dame, peut-être, elle serait mieux décédée
00:48:42 si elle avait quelqu'un à côté d'elle.
00:48:44 Peut-être qu'elle pourrait mourir avec le sourire.
00:48:47 Ca m'a fait mal au coeur, ce matin.
00:48:49 -Je voulais vous poser une question très directe.
00:48:53 Est-ce qu'il y a des situations où, malgré tout,
00:48:56 les douleurs sont réfractaires à tout traitement ?
00:48:59 -Oui, ça arrive. -Oui, ça arrive.
00:49:02 -Oui.
00:49:03 -En phase terminale, quand le patient souffre trop,
00:49:07 la loi a introduit un "laisser mourir"
00:49:10 sans permettre le faire mourir.
00:49:12 -Est-ce que vous pratiquez régulièrement ou pas
00:49:15 ce nouveau droit, qui est celui de la sédation profonde
00:49:18 jusqu'au décès ?
00:49:20 -Face à une souffrance,
00:49:22 on est obligés, à un certain stade,
00:49:26 de passer aux pratiques de la sédation.
00:49:29 -La sédation consiste à endormir un malade
00:49:33 et à ne plus le nourrir ni l'hydrater jusqu'au décès.
00:49:37 Un entre deux, entre vie et mort,
00:49:39 pas toujours bien vécu par les familles.
00:49:42 C'est d'ailleurs une des limites de la loi
00:49:44 que les députés vont découvrir.
00:49:46 -Vous avez le fruit de la décision.
00:49:48 Patient conscient,
00:49:50 cancer métastatique, stade terminal,
00:49:52 très douloureux, etc.,
00:49:53 les proches sont informés,
00:49:55 ils passent un moment ensemble,
00:49:57 on se dit au revoir,
00:49:59 on met en place la sédation.
00:50:01 Si, au bout de trois jours,
00:50:02 les choses sont toujours stables,
00:50:05 le malade dort, ne souffre pas trop,
00:50:07 qu'est-ce que vous faites ?
00:50:09 Vous continuez ou vous augmentez les doses ?
00:50:12 -On continue.
00:50:13 Si le patient est stable,
00:50:15 on ne dépasse pas les doses nécessaires.
00:50:18 -On ne va pas forcer à partir du moment
00:50:20 où le patient est confortable
00:50:22 et qu'il n'y a aucun signe de souffrance ?
00:50:25 -Pas de soucis.
00:50:26 -Pendant quel but ?
00:50:27 -La sédation, ça peut durer certains temps,
00:50:30 ça peut être des semaines.
00:50:32 Ca nous est déjà arrivé.
00:50:34 Des familles nous demandent
00:50:36 "Vous ne pouvez pas faire quelque chose ?
00:50:39 "Bousser les seringues ?"
00:50:41 "Non, désolée, ils n'auront pas de réponse favorable chez nous."
00:50:44 -Alors, forcément, ici, on n'imagine pas
00:50:49 que la loi puisse évoluer
00:50:50 vers une autorisation à l'aide active à mourir.
00:50:54 -Moi, injecter un produit létal,
00:50:57 j'aurais mauvaise conscience.
00:50:59 C'est pas à moi de donner la mort à quelqu'un,
00:51:02 alors que j'ai signé pour prendre soin de l'autre,
00:51:05 et pas pour le faire mourir.
00:51:08 -Peut-être que la loi évoluera vers le suicide assisté,
00:51:12 pourquoi pas.
00:51:13 Le lieu des soins palliatifs,
00:51:15 l'hospitalisation aux soins palliatifs,
00:51:17 ne sera pas forcément le lieu... -Entendu.
00:51:20 -...où ces choses-là devront se pratiquer.
00:51:23 C'est ce message-là qu'on essaie de vous passer,
00:51:26 parce que, nous, notre mission,
00:51:28 elle n'est pas celle-là, en tout cas pour l'instant.
00:51:31 -Pourtant, du côté des patients,
00:51:33 cette demande d'étendre la loi existe.
00:51:36 Les députés ne verront qu'un seul malade du service.
00:51:41 Mais spontanément,
00:51:43 c'est le patient qui va aborder le sujet avec eux.
00:51:47 -Bonjour, monsieur. Olivier Falorni.
00:51:50 Donc, nous sommes députés, tous les deux.
00:51:53 Est-ce qu'il y a des moments
00:51:57 où vous sentez que vous souffrez trop ?
00:51:59 -Tant pis.
00:52:00 Oui, il y a des moments, putain.
00:52:03 C'est vrai que c'est dur.
00:52:05 -Est-ce que vous pensez qu'il faudrait faire une loi
00:52:08 pour les personnes qui sont dans la même situation que vous ?
00:52:12 -Oui. -Quelle loi il faudrait faire ?
00:52:15 -Bah, que la personne...
00:52:17 Si elle a tout fait, finalement,
00:52:19 qu'elle ait son libre arbitre,
00:52:22 si elle décide...
00:52:25 C'est fini, c'est fini.
00:52:26 -Si elle décide quoi, monsieur Deval ?
00:52:29 -C'est fini.
00:52:30 Moi, qui n'ai plus d'espoir,
00:52:32 je vais la laisser partir.
00:52:34 Je vais partir.
00:52:35 -Vous voudriez qu'on vous aide à partir ?
00:52:38 -Oui.
00:52:39 Si vraiment, on ne s'équipe plus d'espoir.
00:52:43 -Dans le débat, les représentants des soins palliatifs
00:52:50 ont toujours combattu les partisans de l'aide active à mourir,
00:52:54 une opposition qui n'aurait pas lieu d'être,
00:52:57 selon le député.
00:53:00 -Les soins palliatifs doivent être confortés dans ce pays
00:53:05 et s'il devait y avoir une loi
00:53:07 ouvrant le droit à l'aide active à mourir,
00:53:11 pour autant, il faudrait,
00:53:13 si j'ose dire, dans le même temps,
00:53:16 conforter et renforcer
00:53:18 l'accompagnement en soins palliatifs
00:53:20 en donnant des moyens humains et financiers.
00:53:23 -C'est exactement ce qui s'est passé en Belgique.
00:53:27 Quand le pays a autorisé l'euthanasie il y a 20 ans,
00:53:30 il a, dans le même temps,
00:53:32 renforcé ses services de soins palliatifs.
00:53:35 -Et voilà, donc, pour ce reportage signé Céline Crespi.
00:53:41 Nous en rejoignons sur ce plateau Alexis Burneau.
00:53:43 Merci d'être là. Vous êtes médecin,
00:53:46 chef du service de soins palliatifs à l'Institut Curie Paris,
00:53:49 membre de la SFAP, la Société française
00:53:51 d'accompagnement et de soins palliatifs
00:53:54 opposés à l'évolution de la loi.
00:53:56 Vous êtes médecin,
00:53:57 médecin de l'hôpital de Ménage.
00:53:59 Vous êtes neurologue hospitalière,
00:54:01 spécialisée dans la prise en charge
00:54:03 des maladies neurodégénératives,
00:54:05 ancienne chargée de mission au Centre national
00:54:08 des soins palliatifs et de la fin de vie
00:54:11 favorable à l'évolution de la loi.
00:54:13 Bonsoir, Yves Delocte.
00:54:14 Vous êtes médecin généraliste belge,
00:54:16 vous pratiquez à Bruxelles,
00:54:18 la Belgique qui a légalisé l'euthanasie en 2002.
00:54:21 Vous êtes l'auteur de plusieurs livres sur le sujet.
00:54:24 Vous êtes patient français traversé la frontière
00:54:27 pour vous demander cette aide active à mourir.
00:54:30 Bonsoir, Damien Leguay.
00:54:31 Merci de participer à cette émission.
00:54:34 Vous êtes philosophe, spécialiste des questions éthiques,
00:54:37 opposé à la légalisation de toute aide active à mourir,
00:54:40 auteur de "Quand l'euthanasie sera là",
00:54:42 aux éditions Salvatore, en 2022, à la classe Grand Témoin,
00:54:46 auteur de la loi Classe Léonetti,
00:54:48 et restez avec nous.
00:54:49 Je vais commencer par les soignants,
00:54:51 que vous êtes tous les trois.
00:54:53 On le voit très bien dans ce reportage,
00:54:55 et particulièrement en soins palliatifs,
00:54:58 les soignants sont opposés à l'application de la loi,
00:55:01 quasiment, sur la sédation profonde et continue,
00:55:04 et catégoriquement à faire le geste létal.
00:55:06 Vous, dans votre pratique au quotidien,
00:55:08 cette demande de mort, qui n'est pas légale,
00:55:11 mais cette demande d'aide à mourir,
00:55:13 j'imagine qu'on vous la fête.
00:55:16 Comment vous traversez ça ?
00:55:18 -Alors oui, ça arrive qu'on nous la fasse.
00:55:21 Il faut comprendre qu'on a un historique,
00:55:23 quand on est médecin, infirmier, soignant,
00:55:26 en soins palliatifs, c'est que ce mouvement
00:55:28 est né il y a 40 ans d'une rébellion,
00:55:31 d'une médecine qui faisait un peu n'importe quoi.
00:55:33 Elle faisait des progrès extraordinaires
00:55:36 dans la chirurgie, la transplantation,
00:55:38 la réalisation, la dialyse,
00:55:40 mais en même temps, elle abandonnait,
00:55:42 laissait sur le carreau des gens en fin de vie
00:55:44 ou s'acharnaient, ou posaient des cocktails litiques.
00:55:47 -On va y venir.
00:55:49 Les citoyens recommandent la généralisation,
00:55:52 le renforcement des soins palliatifs.
00:55:54 Comment on traverse ça ?
00:55:56 -Ce que je veux dire, c'est que nous avons vu
00:55:58 qu'en prenant un chemin
00:56:01 sans le faire mourir, sans prolonger la vie,
00:56:04 et en prenant soin tout le temps, soulageant toujours,
00:56:07 qu'il y avait des possibles chaque jour
00:56:10 et que ce temps qui peut paraître inutile,
00:56:13 finalement, pouvait, pour une majorité de gens,
00:56:16 avoir de la valeur.
00:56:17 Nous avons des témoignages forts.
00:56:19 -Cet acte-là, quel qu'il soit, au fond, passif ou actif,
00:56:22 ne peut pas relever de soins. C'est pour vous impossible ?
00:56:25 -En tout cas, cette demande-là, c'est toujours d'une personne
00:56:29 qui a eu un parcours, une histoire,
00:56:31 et il faut se poser avec cette personne
00:56:34 et comprendre ce qui fait qu'elle en arrive à faire cette demande.
00:56:38 Et déjà, vous pouvez pas savoir combien de...
00:56:42 On comprend qu'il puisse y avoir cette demande.
00:56:45 Et ensemble, quand on montre ce qui est possible,
00:56:47 quand on la soulage,
00:56:49 quand on peut lui donner des possibilités,
00:56:51 elle change. -Elle disparaît.
00:56:53 -Elle disparaît très souvent.
00:56:55 Je dis pas qu'elle disparaît toujours,
00:56:57 mais très souvent. -Valérie Ménage.
00:56:59 -C'est ce qui nous motive à ne pas dire comme ça,
00:57:02 "Oui, bien sûr, l'euthanasie."
00:57:04 -Valérie Ménage, racontez-nous, vous, comme praticienne,
00:57:07 ce moment particulier lorsque l'un de vos patients vous dit
00:57:10 "Je ne peux plus, je ne veux plus."
00:57:12 -On est dans ces parcours, dans mon expérience
00:57:15 de maladie neurodégénérative,
00:57:16 où il y a eu, par essence, déjà une prise en charge palliative,
00:57:20 puisqu'on sait qu'on ne va pas les guérir.
00:57:22 Et pour autant, ils ont mis en place
00:57:24 un certain nombre de stratégies
00:57:26 pour pouvoir continuer à vivre pleinement.
00:57:29 Quand ils nous déposent cette demande,
00:57:31 c'est dans une temporalité qui est déjà très avancée,
00:57:35 où ils ont déjà perdu à accepter les deuils de tant de choses,
00:57:39 et ils le sont d'autant plus que c'est rarement une demande de mort.
00:57:43 Ils veulent vivre, mais force est de constater
00:57:46 qu'ils ne peuvent plus vivre.
00:57:48 Ce qui importe, pour le coup, dans mon expérience,
00:57:51 c'est ces demandes qui nous sont faites depuis toujours
00:57:54 et qui ne sont pas liées à l'innovation thérapeutique,
00:57:57 car dans les maladies neurodégénératives,
00:57:59 force est de constater qu'on en est toujours au même point.
00:58:02 Ce qui est important à noter,
00:58:04 c'est que la sédation profonde et continue jusqu'au décès
00:58:07 a permis d'accompagner autrement ces personnes,
00:58:10 ne serait-ce que lorsqu'il était question
00:58:12 des demandes de limitations thérapeutiques.
00:58:15 C'est important aussi... -La demande d'arrêter
00:58:18 le traitement. -Absolument.
00:58:19 Arrêter un traitement ou le permettre
00:58:21 face à ces situations terribles
00:58:23 où ils ne sont plus en capacité de manger, par exemple,
00:58:26 et où la question va se poser.
00:58:28 "Vous souhaitez une nutrition artificielle ?"
00:58:31 "Oui, non." Et quand ils disaient non,
00:58:33 on ne pouvait rien faire d'autre que d'attendre un symptôme.
00:58:37 Cette sédation profonde et continue
00:58:39 n'est pas une pratique soignante comme les autres.
00:58:41 Ce n'est pas la pratique sédative
00:58:43 qu'on pouvait être amené à proposer par le passé
00:58:46 quand il y avait des symptômes qui guidaient nos soins.
00:58:49 Là, c'est un paradigme nouveau qui s'est imposé à nous,
00:58:52 c'est-à-dire que c'est la personne qui nous demandait.
00:58:55 On est finalement dans une expérience
00:58:58 assez proche de l'aide active à mourir,
00:59:00 c'est la personne qui demande et le médecin qui consent.
00:59:03 Et là, on a eu, effectivement,
00:59:06 des rites qui étaient que la personne pouvait demander
00:59:09 le jour, l'heure, de l'arrêt du traitement
00:59:11 et de la mise en place de la sédation.
00:59:13 Pour autant, il y a aussi des limites à cette sédation
00:59:16 sur le terrain, quand on a, effectivement,
00:59:19 cette année de recul, comme on l'a vu,
00:59:21 ou dans ces circonstances particulières
00:59:23 où le traitement qui demande à être arrêté,
00:59:26 c'est la nutrition, ça peut être très long.
00:59:28 On peut espérer que le patient n'en souffre pas.
00:59:31 -Les soignants souffrent aussi de cette situation,
00:59:34 de la loi actuelle. Yves Delocte,
00:59:36 vous, comme médecin, vous la pratiquez,
00:59:39 cette euthanasie, ce geste létal en Belgique
00:59:42 et depuis longtemps. Comment vous vivez ça ?
00:59:44 On ne peut pas rester insensible,
00:59:46 même si ça fait des années que vous le faites.
00:59:49 -Je suis tout à fait d'accord.
00:59:51 C'est au niveau émotionnel, je pense que, pour moi,
00:59:54 c'est peut-être ce que j'ai fait de plus perturbant.
00:59:59 Quand je pratique une euthanasie,
01:00:02 après tout le chemin qu'on a décrit,
01:00:04 l'émotion est très forte.
01:00:06 L'émotion d'être en face du patient,
01:00:11 avec qui j'ai établi un espèce de contrat moral,
01:00:14 et...
01:00:17 Mon émotion est très forte,
01:00:19 l'émotion de la famille qui entoure est très forte également.
01:00:22 Le patient qui s'en va n'arrête pas de nous dire merci,
01:00:26 vous auriez dû le faire six mois plus tôt.
01:00:28 Le patient est parti, je me retrouve seul
01:00:31 avec la famille qui pleure, le médecin pleure aussi.
01:00:36 L'émotion est très forte, mais je voudrais ajouter
01:00:39 qu'en même temps, chez moi, il y a une certaine sérénité.
01:00:42 Quand je quitte l'hôpital où je pratique des euthanasies,
01:00:46 je me dis, il a retrouvé, si j'ose dire,
01:00:50 pardonnez-moi pour le mot, sa liberté.
01:00:52 J'ai répondu à sa demande.
01:00:55 Il a fait tout un parcours, il est venu à mon bureau, etc.
01:00:58 On parlait des gens qui sont en demande,
01:01:01 j'ai été très étonné, encore hier,
01:01:03 de voir des patients arriver à mon cabinet à Bruxelles
01:01:06 demander l'ouverture d'un dossier.
01:01:09 Pas nécessairement.
01:01:11 Et quand je leur dis, OK, ils vont voir d'autres médecins,
01:01:14 votre dossier est en ordre et répond aux critères de la loi belge,
01:01:19 il y a un soulagement énorme du patient.
01:01:23 Et je n'entendrai peut-être plus jamais parler d'eux,
01:01:26 mais ils savent que si un jour ça ne va plus,
01:01:30 et s'il n'y a toujours pas de changement dans la loi française,
01:01:33 ils pourront compter sur nous.
01:01:35 -On y reviendra. Vous avez prononcé le mot de liberté.
01:01:38 Damien Le Guay, la maladie et la mort
01:01:41 appartiennent aux patients et pas aux médecins.
01:01:44 C'est un médecin qui le dit, Jean-François Delfraissy,
01:01:48 récemment chez nos confrères de France Inter,
01:01:50 le président du Comité consultatif national d'éthique.
01:01:53 Vous êtes d'accord ?
01:01:55 -Oui et non, si vous voulez,
01:01:56 parce que la question, c'est,
01:01:59 est-ce que l'accompagnement en fin de vie,
01:02:01 est-ce que l'autorisation de l'adacté
01:02:03 qui va mourir, de l'euthanasie,
01:02:05 est une question individuelle
01:02:07 ou est aussi une question collective ?
01:02:10 Il me semble que c'est une question collective.
01:02:13 On le voit bien, par exemple, en Belgique.
01:02:15 J'entends bien tout ce qui est dit.
01:02:17 La question n'est pas de savoir qui a tort ou qui a raison.
01:02:20 Dire qu'une solution serait de nature
01:02:23 à être parfaite d'un côté comme de l'autre,
01:02:26 de manière à éteindre les hypocrisies,
01:02:28 les souffrances, les difficultés, ce serait absurde.
01:02:31 C'est une question, me semble-t-il,
01:02:34 qu'il faut poser en termes de moindre mal.
01:02:36 Qu'est-ce qui est le moins mauvais ?
01:02:38 -Au nom de quoi ?
01:02:40 -Au nom, justement.
01:02:41 C'est pour ça que ça m'intéresse
01:02:44 que...
01:02:45 Que la...
01:02:46 Que l'euthanasie en Belgique soit évoquée,
01:02:48 parce que l'euthanasie en Belgique, c'est...
01:02:51 -Allez-y, on a un reportage à vous montrer sur la Belgique.
01:02:54 Je vous laisse terminer. -Je peux le dire par avance.
01:02:57 -Allez-y. -C'est justement...
01:02:59 Le problème, c'est que l'exception à la française,
01:03:02 dont parle le président,
01:03:04 ce que l'on pense, ce que tout le monde dit,
01:03:06 ce que la Conférence citoyenne pense,
01:03:08 ce que le CCNE indique, comme quoi on serait susceptible,
01:03:11 de pouvoir encadrer et tenir dans le marbre
01:03:14 l'encadrement et la possibilité d'avoir une euthanasie
01:03:17 tellement réglementée, tellement surveillée,
01:03:20 tellement... C'est vrai que ça ne bougerait pas.
01:03:23 -Pour vous, c'est ouvrir la boîte de Pandore.
01:03:26 Si on légalise l'euthanasie, on aura des demandes d'euthanasie
01:03:29 exponentielles ? -C'est pas moi qui le pense,
01:03:32 c'est l'expérience qui le dit. -On comprend très bien
01:03:35 qu'il y a une opposition très forte entre le corps médical.
01:03:39 Après, il y a des médecins qui sont d'accord pour faire le geste
01:03:43 et donc accepter, si loi nouvelle, il y a, c'est sûr,
01:03:46 mais l'adactif va mourir.
01:03:48 Donc c'est pas si tranché, c'est pas une opposition massive
01:03:51 du corps médical.
01:03:52 -Vous êtes d'accord avec ça ? -Tout à fait, tout à fait.
01:03:55 Mais je crois que les personnes qui sont autour de la table
01:03:59 et qui s'expriment, les soignants, les philosophes,
01:04:02 c'est la diversité de la société française aujourd'hui,
01:04:05 qui s'est exprimée à la Convention,
01:04:07 qui s'est même exprimée au Comité consultatif national d'éthique.
01:04:11 Il y a huit membres du Comité national d'éthique
01:04:14 qui sont partout dans nos conclusions.
01:04:16 Je crois que tout ce débat se déroule,
01:04:19 et il faut l'avoir en tête,
01:04:21 à un moment où il y a un malaise très profond
01:04:25 dans la communauté médicale.
01:04:27 Je crois qu'il faut en tenir compte...
01:04:29 -En pleine crise de l'hôpital. -C'est pas uniquement l'hôpital.
01:04:33 C'est l'hôpital, les EHPAD, la prise en charge à domicile.
01:04:37 Et donc, c'est vrai qu'en Dede-Fressy,
01:04:39 Jean-François Dede-Fressy fait cette réflexion
01:04:42 en disant que la priorité, c'est le patient.
01:04:44 Mais effectivement, il y a l'équipe médicale.
01:04:47 Et dans ce débat,
01:04:49 plus je chemine, j'étais un des auteurs de la loi de 2016,
01:04:52 j'en connais les limites.
01:04:54 J'en connais les limites,
01:04:56 mais je considère que ça a été une avancée.
01:04:58 Je reprendrai votre expression.
01:05:00 C'est pas un débat entre la vie et la mort.
01:05:04 Dans tous les cas qu'on évoque, la mort, elle est là.
01:05:08 Et pour reprendre une expression d'un collègue de Philzop,
01:05:13 Frédéric Worms, qui dit
01:05:16 que c'est choisir pour la personne le chemin le moins pire.
01:05:20 Vous l'avez repris mot pour mot.
01:05:22 C'est là, notre débat.
01:05:23 -Qu'est-ce qu'on est sur les soignants ?
01:05:26 -Dernière chose,
01:05:27 et l'autre débat que nous n'avons pas tranché,
01:05:30 que la Convention citoyenne n'a pas tranché.
01:05:32 Ils ont posé la question,
01:05:34 si on va, sous une forme qui reste à déterminer,
01:05:37 vers l'aide active à mourir,
01:05:40 on a fait des propositions,
01:05:41 la question qui se pose,
01:05:43 et elle est normale, au-delà de la clause de conscience,
01:05:47 quelle est la place du médecin et des équipes soignantes ?
01:05:51 -C'est la différence entre le suicide assisté...
01:05:54 Je précise les choses pour ceux qui nous regardent.
01:05:57 Le geste létal est fait par le patient lui-même
01:05:59 avec l'aide d'une association,
01:06:01 c'est le modèle suisse ou le modèle belge,
01:06:03 où l'intervention d'un tiers est nécessaire.
01:06:06 C'est le médecin le plus souvent dans le cadre de l'hôpital,
01:06:09 mais il y a des nuances.
01:06:11 S'il y a réticence, il faudra une clause de conscience.
01:06:14 Tout le monde le garantit, une clause de conscience,
01:06:18 qu'on peut opposer quand on ne veut pas faire ce geste
01:06:21 si la légalisation de l'aide active à mourir est décidée.
01:06:25 C'est bien d'accord.
01:06:27 Est-ce qu'il y aura assez de médecins ?
01:06:29 On peut en douter ou il y en aura ?
01:06:31 -Tout le monde souhaite ça.
01:06:33 -Je crois que personne s'est opposé à ça.
01:06:36 Dans le parcours que mien, comme médecin de soins palliatifs,
01:06:40 nous faisons tout pour accompagner la personne jusqu'au bout.
01:06:43 Je ne serais pas en manque d'une clause de conscience.
01:06:46 L'idée d'aller faire mourir quelqu'un
01:06:49 pour les soignants, pour une majorité de soignants,
01:06:51 pour les soignants de soins palliatifs,
01:06:54 c'est plutôt no-go dans l'échange que nous avons en ce moment.
01:06:57 -Pour vous, si les soins palliatifs, pour bien comprendre,
01:07:00 étaient renforcés, qu'il y en avait 100 % d'accès,
01:07:03 il n'y aurait plus de demande à mourir ?
01:07:06 -Il y aura toujours des demandes,
01:07:08 parce que nous ne sommes pas des magiciens,
01:07:10 nous ne rajeunissons pas les gens,
01:07:12 nous n'emmenons pas une famille aimante à celui qui n'en a pas.
01:07:15 Nous n'empêchons pas quelqu'un d'avoir peur de vivre
01:07:18 une fragilité. -Mais des patients
01:07:20 qui voudraient garder leur autonomie,
01:07:23 frappés d'une maladie incurable, ceux-là,
01:07:25 vous pensez qu'en soins palliatifs,
01:07:27 il n'y aurait pas de demande ? -En tout cas,
01:07:29 comme ça, en une seconde, je peux pas dire.
01:07:32 Mes collègues vivent des choses différentes des miennes.
01:07:35 D'autres dans les services de neurologie,
01:07:37 ils vivent des choses différentes.
01:07:39 Les lignes bougent, sans doute, mais dire
01:07:42 "vous êtes pour de faire mourir quelqu'un"
01:07:44 sur "Rdv mardi", non, après, il y a peut-être,
01:07:47 et la loi le dira sans doute,
01:07:49 il y aura peut-être des nuances, un examen pour chaque situation.
01:07:52 Ce qui me paraît absolument incontournable,
01:07:55 c'est d'aller à chaque fois reprendre l'historique des gens.
01:07:58 Quelqu'un qui vient demander qu'on le fasse mourir,
01:08:01 ce n'est pas rien. Il peut le demander
01:08:03 et il n'en peut plus. Il y a aussi des gens
01:08:06 qui le demandent parce qu'ils considèrent
01:08:08 qu'ils ont suffisamment vécu.
01:08:10 Il y a toujours quelque chose à comprendre.
01:08:12 Il y a une histoire des gens.
01:08:14 -Cette écoute-là qui existe en soins palliatifs.
01:08:17 -Quand ils obtiennent une alliance,
01:08:19 ils peuvent dire "avec eux, j'ai confiance, je continue".
01:08:22 -Tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut renforcer
01:08:25 les soins palliatifs.
01:08:27 -Renforcer la culture palliative. -La culture palliative.
01:08:30 -Qu'est-ce que c'est ? -C'est tout.
01:08:32 Pour tous les professionnels de santé,
01:08:34 ça, c'est vraiment le préalable...
01:08:36 Pas le préalable à une évolution de l'aide active à mourir.
01:08:40 Il ne faudrait pas considérer qu'il y aurait une sorte de prérequis.
01:08:44 Les demandes d'aide active à mourir existent depuis toujours.
01:08:47 Dans les pays qui ont dépénalisé l'aide active à mourir,
01:08:50 ce qu'on peut observer, c'est que la majorité de ceux
01:08:53 qui s'inscrivent dans cette demande sont pris en charge
01:08:56 en soins palliatifs. C'est plus de 80 % des données du Canada
01:09:00 sur les soins palliatifs, et pour 50 % d'entre eux,
01:09:03 depuis plus d'un mois. Il ne faut pas réduire
01:09:05 la demande à mourir comme étant un défaut d'accès
01:09:08 aux soins palliatifs, parce que les faits ne disent pas ça.
01:09:11 Par ailleurs, ce qui importe, dans le débat qui nous anime,
01:09:14 et où il faudrait qu'on se mette tous ensemble à reconnaître cela,
01:09:18 c'est la reconnaissance de ces situations de souffrance.
01:09:21 C'est elle qui, aujourd'hui, nous interroge,
01:09:24 a finalement évoqué, comme on l'a dit,
01:09:26 qu'il y a finalement un choix entre deux morts.
01:09:30 Et le fait de donner la mort peut-il être, effectivement,
01:09:34 une visée de soulager la souffrance,
01:09:36 quand tout résiste ? C'est la souffrance
01:09:39 qui est au coeur de la demande.
01:09:41 -Alors, quel est le modèle français de la fin de vie ?
01:09:44 Quel pourrait être ce modèle, puisque le président de la République
01:09:48 appelle les députés, les citoyens, à le co-construire ?
01:09:52 On va prendre l'exemple de la Belgique,
01:09:55 et vous allez voir que Céline Crespi
01:09:57 a suivi un patient français, Sylvain, docteur de l'Octe,
01:10:01 que vous avez accompagné.
01:10:03 Il souffrait d'une sclérose en plaques. Reportage.
01:10:06 -J'ai 39 ans.
01:10:12 Je suis atteint de sclérose en plaques,
01:10:15 qui a été diagnostiquée en 2011.
01:10:18 Et depuis, mon état se dégrade,
01:10:22 de ce petit, à part les zygones du terrain.
01:10:25 Et maintenant, je me vois contraint d'en usager la fin de vie
01:10:29 pour rester digne,
01:10:31 avant de...
01:10:33 Avant de plus maîtriser mon...
01:10:35 Mes actions.
01:10:36 J'aurais aimé pouvoir faire ces démarches en France.
01:10:45 Bonjour.
01:10:46 Ça, c'est bien plus simple.
01:10:48 C'est pas possible, donc...
01:10:50 Faut faire les démarches et l'effort de venir en Belgique.
01:10:53 Beaucoup de tracas, mais pas de choix.
01:10:57 Aujourd'hui, c'est juste une ouverture de dossier médical.
01:11:02 Donc, c'est...
01:11:05 C'est un premier rendez-vous.
01:11:10 C'est juste devoir une porte de sortie
01:11:15 quand mon état sera dégradé et intolérable.
01:11:18 J'essaierai que je reprenne un deuxième rendez-vous
01:11:21 pour en terminer.
01:11:23 C'est une décision qui a été dure à prendre,
01:11:25 mais maintenant, elle est prise et on va aller au bout.
01:11:28 Vous souffrez...
01:11:33 d'une sclérose en plaques rémitante secondaire progressive.
01:11:39 Oui, une sclérose en plaques.
01:11:41 Une sclérose en plaques.
01:11:42 De quoi souffrez-vous le plus ?
01:11:45 La perte d'autonomie.
01:11:47 - La perte d'autonomie. - De devoir faire appel.
01:11:51 De plus, être capable de faire tous les petits gestes de la vie.
01:11:54 Vous vivez tout seul dans un appartement ?
01:11:58 Oui.
01:11:59 - Vous avez une fille, j'ai vu. - Oui, j'ai une fille.
01:12:01 Elle est au courant de votre démarche ?
01:12:03 Oui, un an.
01:12:04 Je lui en parlerai quand j'aurai fait ce rendez-vous.
01:12:09 Je voulais pas lui en parler avant d'avoir enclenché le premier rendez-vous.
01:12:14 - Elle a 10 ans. - Elle a 10 ans.
01:12:16 La fin, c'est la paralysie totale.
01:12:21 Si la médecine progresse et qu'on trouve un nouveau remède,
01:12:25 vous ne croyez pas ?
01:12:26 Vous savez très bien que ça fait quelques décennies qu'on cherche.
01:12:30 Moi, je souhaite mettre fin à ma vie quand je veux.
01:12:34 C'est une décision qui vient de vous.
01:12:36 C'est vous qui allez un jour dire, voilà,
01:12:41 je n'en peux plus, ma vie n'est que souffrance,
01:12:44 je souhaite pouvoir bénéficier d'une euthanasie.
01:12:47 Et c'est quand je veux, sinon ?
01:12:49 - Un mois, un an ? - Oui, c'est ça.
01:12:52 L'euthanasie en elle-même, vous allez arriver à l'hôpital,
01:12:55 les infirmières installent une perfusion,
01:12:57 et c'est nous ou il y a un autre médecin qui le fait avec moi.
01:13:00 Je suis pas seul à décider.
01:13:02 Donc votre dossier est ouvert, pour moi, c'est bon.
01:13:05 Vous êtes dans les règles de la loi belge.
01:13:09 Il y aura le document du psychiatre,
01:13:11 il y aura le troisième médecin qui va assister et faire l'euthanasie avec moi.
01:13:17 - Que je verrai le deuxième jour. - Que vous verrez le jour même.
01:13:20 Donc vous aurez été vu par trois médecins.
01:13:23 C'est un service que vous m'endors.
01:13:26 OK, en tout cas, merci.
01:13:30 C'est une décision personnelle qui regarde que moi.
01:13:35 Personne n'a le droit de décider pour moi.
01:13:39 C'est une liberté qui est pour moi.
01:13:41 Ça fait des années que je me bats.
01:13:44 À un moment donné, on a envie de partir.
01:13:48 J'espère que les malades auront la liberté
01:13:53 de disposer de leur corps en France, dès que possible.
01:13:58 Et voilà donc pour ce sujet de Céline Crespi.
01:14:04 Depuis ce tournage, Sylvain est décédé en février dernier
01:14:07 en Belgique, Yves Delocte.
01:14:09 Des patients français comme Sylvain,
01:14:11 il y en a beaucoup qui viennent vous voir.
01:14:14 - Nous avons des appels
01:14:17 deux, trois fois par semaine de patients
01:14:19 qui veulent ouvrir un dossier en Belgique,
01:14:23 qui, malheureusement, font des centaines de kilomètres
01:14:27 pour venir jusque dans notre pays.
01:14:29 - La spécificité du modèle belge, il faut peut-être le préciser,
01:14:34 c'est le discernement éclairé le jour J.
01:14:36 Il y a des garde-fous. Lesquels, précisément ?
01:14:39 - Les garde-fous sont évidemment les critères de la loi belge.
01:14:44 C'est tellement critiqué.
01:14:46 Mais donc, les critères, une demande du patient répétée,
01:14:52 les certificats médicaux prouvant, évidemment,
01:14:57 qu'il est atteint d'une maladie
01:14:59 ou d'une affection grave et incurable,
01:15:02 c'est indispensable pour respecter les critères de la loi.
01:15:06 Et des souffrances inapaisables, malgré de multiples traitements.
01:15:10 - Et il faut que, au moment où le geste est opéré,
01:15:14 le patient puisse réitérer son discernement.
01:15:17 C'est bien ça, sa volonté ? - Oui.
01:15:19 - Damien Leguay, vous aviez commencé à parler de ce modèle belge.
01:15:23 Dans une grande partie des cas,
01:15:26 les patients demandent l'aide médicale.
01:15:30 On le voit bien.
01:15:32 - Alors, il faut dire plusieurs choses.
01:15:35 La première, c'est que les autorités belges disent elles-mêmes
01:15:38 qu'il y a à peu près 20 étrangers par an
01:15:41 qui bénéficient en Belgique de l'euthanasie.
01:15:44 Dont, disons, dix Français.
01:15:46 Dix.
01:15:47 Sur 650 000 morts.
01:15:49 Il y en a 40 en Belgique.
01:15:51 Il y en a 40 en Suisse, pardon,
01:15:53 qui bénéficient de l'euthanasie. - Par an ?
01:15:56 - Par an. Donc, c'est des chiffres...
01:15:58 - Par an ? - Si, si.
01:15:59 C'est des chiffres... - D'abord,
01:16:01 ils ne peuvent pas dire combien il y a de Français,
01:16:04 puisque le lieu d'habitation est anonyme.
01:16:06 La seule manière qu'on puisse présumer
01:16:09 que ce soit des patients français, c'est si le médecin lui-même
01:16:12 ou si elle remonte à la commission de contrôle.
01:16:15 Le dernier chiffre, en 2021, c'était 60 patients étrangers,
01:16:18 à peu près, dont 50 Français,
01:16:20 en sachant que c'est largement sous-estimé,
01:16:22 puisque ça n'est que si le médecin l'inscrit
01:16:25 dans le volet non anonyme qu'on aura cette information.
01:16:28 - Damien Le Guet.
01:16:29 - Je dis, pour la première chose,
01:16:31 que c'est très peu de personnes.
01:16:33 Deuxièmement, je vous remettrai un document
01:16:35 que la SfAP vient de sortir sur le dit modèle belge.
01:16:38 - La Société française. - Vous avez un,
01:16:41 effectivement, depuis 20 ans,
01:16:42 une extension des ayants droit à l'euthanasie,
01:16:45 qui est absolument considérable.
01:16:47 Il y a eu 16 ou 17 changements de la loi.
01:16:50 Deuxièmement, la Cour européenne des droits de l'homme,
01:16:53 je viens de le dire, a sanctionné la Belgique,
01:16:56 parce qu'il y a une absence de contrôle,
01:16:58 parce qu'il y a une déclaration...
01:17:00 - Pour vous, c'est le modèle à ne pas suivre ?
01:17:03 - Non, mais juste...
01:17:04 Je vous dis juste... - J'entends les griefs.
01:17:07 - Voilà. - Je vous l'adresse.
01:17:09 - En plus, à ça, on rajoute, ce que dit la SfAP
01:17:11 et ce que disent tous ceux qui voient ce qu'il en est,
01:17:14 qu'il y a effectivement une sous-déclaration.
01:17:17 Il y a à peu près 30 % d'euthanasie supplémentaire.
01:17:20 Ca veut dire que, si vous voulez, c'est un mécanisme
01:17:23 qui fait qu'à partir du moment où,
01:17:25 et j'entends bien ce que dit Frédéric Worms,
01:17:27 que vous avez cité, à partir du moment
01:17:29 où on donne le droit, on donne le droit,
01:17:32 avec tous les encadrements que l'on veut,
01:17:34 on sait, c'est pas juste une mauvaise prédiction,
01:17:37 on sait qu'il y aura extension des droits,
01:17:39 qu'il y aura augmentation des ayants-droits,
01:17:42 qu'il y aura absence de contrôle, tout ça, on le sait.
01:17:45 Donc c'est pour ça que l'idée d'avoir un modèle français
01:17:48 qui soit tellement exceptionnel qu'on puisse le graver
01:17:51 dans le marbre, c'est une illusion absolue.
01:17:54 - C'est la fin de ce débat, on va faire un dernier tour de table.
01:17:58 Alain Kless, on entend juste, quand même,
01:18:00 que l'euthanasie n'est pas attendue,
01:18:02 c'est le moins qu'on puisse dire, par les soins palliatifs.
01:18:06 Le suicide assisté,
01:18:07 il y a quand même une prescription médicale,
01:18:10 mais le produit létal est acheté à la pharmacie
01:18:13 par le patient, serait-il plus approprié
01:18:15 au regard des reticences ?
01:18:17 - Écoutez, on n'est pas là, autour de la table,
01:18:20 à faire la loi ou à se battre sur des chiffres.
01:18:23 Je crois qu'on est confrontés à un sujet
01:18:26 à la fois très simple et très compliqué.
01:18:28 Et j'ai compris ce qu'a voulu dire le président de la République
01:18:32 sur le modèle français.
01:18:34 On a une demande sociétale,
01:18:36 qui ne se traduit pas par les sondages,
01:18:38 qui ne veulent rien dire, mais il y a une demande sociétale
01:18:42 qui est reprise,
01:18:43 toute sensibilité politique,
01:18:46 aujourd'hui, qui est reprise,
01:18:48 qui est portée par un grand nombre de députés,
01:18:51 plus de 300 députés.
01:18:52 Donc il y a cette réalité sociétale.
01:18:55 Je crois que personne ne peut l'ignorer et l'examiner.
01:18:59 Et je pense réellement que c'est pas un choix,
01:19:02 je sais pas, un choix simplificateur,
01:19:05 comme des slogans, c'est le choix entre la vie ou la mort.
01:19:08 C'est pour des personnes, des hommes et des femmes,
01:19:11 à un moment, quel est le parcours, le moins pire,
01:19:14 alors qu'on est souvent, vous avez raison, madame,
01:19:17 pris en charge par les soins palliatifs.
01:19:19 Je reviens...
01:19:20 Le travail que le législateur va devoir faire,
01:19:23 c'est de trouver un bon équilibre
01:19:25 entre la solidarité d'un nation
01:19:27 et ce qui est indispensable, les soins palliatifs.
01:19:30 Ce n'est pas que de l'argent, c'est la formation des médecins,
01:19:34 la formation continue,
01:19:35 c'est à l'Inserm, qui n'existait pas.
01:19:37 -Il y a deux modèles, le Thaï-Nazi, le suicide assisté.
01:19:40 Vous avez travaillé les deux cas, les deux sujets.
01:19:43 -Absolument, et de rappeler
01:19:45 que dans le cadre des troubles neurologiques,
01:19:48 il y aurait effectivement quelque chose d'inconcevable
01:19:51 que d'imaginer un accès unique au suicide assisté
01:19:54 quand on sait que pour bon nombre des patients
01:19:57 à tant de maladies neurologiques, ils ne peuvent pas le faire,
01:20:00 qu'ils sont restreints sur une temporalité de pronostic vital,
01:20:04 bon nombre de ces patients seraient exclus de fait.
01:20:07 Il y a aussi cette double peine,
01:20:08 qui est non seulement la perte d'autonomie,
01:20:11 mais aussi l'altération des capacités de discernement
01:20:14 qui fait qu'ils feront la demande en amont
01:20:16 à un moment où ils ne sont pas en toute fin de vie.
01:20:19 C'est un point important.
01:20:21 Il y a aussi, de ce fait, que le suicide assisté
01:20:23 ou le réservé à un moyen terme en exclut déjà beaucoup,
01:20:27 alors même que ce sont ceux qui, potentiellement,
01:20:30 sont plus demandeurs.
01:20:31 -Avec qui il paraît important de le dire.
01:20:34 -Si le suicide assisté était légalisé,
01:20:36 vous feriez jouer votre clause de conscience,
01:20:39 mais ce serait moins difficile de prescrire
01:20:43 que de faire le geste ?
01:20:45 -Je rejoins ce qui vient d'être dit.
01:20:47 C'est immensément complexe.
01:20:49 Encore une fois, nous sommes témoins de gens
01:20:53 qui parfois font la demande,
01:20:54 parce qu'ils n'arrivent pas à se projeter,
01:20:57 ou la projection est difficile.
01:20:59 Parfois, avec eux, ils peuvent avoir envie de possible,
01:21:02 d'autres qui résistent.
01:21:04 Est-ce que cette demande qui persiste
01:21:06 doit faire l'objet d'une aide active à mourir
01:21:09 par les mêmes qui les soignent ?
01:21:11 Je pense que non, mais il faut aller travailler
01:21:13 à ce sujet-là, qu'il y a des situations
01:21:16 éminemment différentes entre quelqu'un
01:21:18 qui n'a plus envie de vivre,
01:21:20 qui peut être seul ou qui trouve qu'il a suffisamment bien vécu,
01:21:23 qui a peur de la fin de vie,
01:21:25 et l'autre qui a une maladie neurologique très dégradée
01:21:28 qui va voir chaque lendemain plus difficile.
01:21:31 Je fais la différence et il faudrait qu'on travaille
01:21:34 ces situations-là, qu'on travaille ensemble,
01:21:36 parce que si oui, non, ou si simpliste...
01:21:39 -On entre dans la phase de la décision,
01:21:41 puisque le président de la République a promis
01:21:44 un texte de loi. Je vais vous donner le mot de la fin.
01:21:47 Yves Delocte, votre pays a légiféré il y a longtemps,
01:21:50 il y a eu plusieurs lois.
01:21:51 Comment regardez-vous ce débat ?
01:21:53 Qu'est-ce que vous souhaitez aux législateurs ?
01:21:56 -Je me pose une question très régulièrement.
01:22:00 Quand je vois ces patients français
01:22:02 arriver en Belgique atteints de ces maladies
01:22:05 neurodégénératives très graves,
01:22:08 ils savent que malheureusement, il n'y aura pas de traitement,
01:22:12 que leur état va se dégrader progressivement
01:22:15 et ça va devenir insupportable pour eux.
01:22:18 Dois-je leur dire,
01:22:20 quand je les vois dans mon cabinet,
01:22:22 "Revenez l'année prochaine,
01:22:25 "parce que vous ne souffrez pas encore assez,
01:22:27 "vous n'êtes pas dans le cas de la loi Claes Leonetti,
01:22:31 "par exemple, et ils savent très bien
01:22:34 "que dans un an, ils seront encore plus paralysés,
01:22:37 "ils s'étoufferont, ils ne pourront plus me parler."
01:22:40 Je vois arriver ce genre de patients
01:22:42 et je me pose cette question.
01:22:44 Est-ce que je vais oser leur dire...
01:22:46 Non.
01:22:48 Votre dossier n'est pas accepté
01:22:51 parce que votre souffrance n'est...
01:22:54 -D'abord, je n'ai aucun droit de juger la souffrance d'un autre.
01:22:57 Ils savent très bien comment ça va évoluer.
01:23:01 Si la médecine progresse, peut-être qu'un jour,
01:23:04 on pourra aider ces malheureux patients.
01:23:06 Mais je suis obligé,
01:23:07 ils ne vont pas demander du jour au lendemain une euthanasie,
01:23:11 mais je suis obligé de leur dire,
01:23:13 "Oui, vous entrez dans les conditions de la loi belge."
01:23:16 -Donc le curseur est éminemment difficile.
01:23:19 -Je suis d'accord. -On va s'arrêter là.
01:23:21 -Ce que dit la Convention,
01:23:23 on n'y dit pas "CCE". -Absolument.
01:23:25 -C'est des... -Ouvertures.
01:23:26 -Ouvertures, mais très encadrées.
01:23:29 -De façon prudente,
01:23:30 quand le pronostic vital est engagé à moyen terme
01:23:33 et non plus à court terme.
01:23:34 Merci. C'est un sujet vertigineux,
01:23:37 c'est un sujet extrêmement grave
01:23:39 et il faut le manier avec beaucoup de précaution.
01:23:43 Merci pour vos expertises.
01:23:44 Alain Kless, merci d'avoir été notre grand témoin.
01:23:47 Merci à vous tous.
01:23:49 C'est la fin de cette soirée événement
01:23:51 et à la fin de "Vu sur LCP".
01:23:53 Restez avec nous pour la suite de nos programmes.
01:23:56 ...
01:24:09 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]