7 MINUTES POUR COMPRENDRE - Pourquoi l'enlisement de la réforme des retraites profite au Rassemblement national?
Ce jeudi, des cortèges s'élanceront à travers la France à l'occasion de la 11e journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Le texte de loi est au cœur d'un bras de fer entre le gouvernement et les syndicats. Cette période de tensions profite au Rassemblement National. Selon un sondage Elabe, si le 1er tour de la Présidentielle avait à nouveau lieu, Marine Le Pen obtiendrait 31% des votes et devancerait Emmanuel Macron.
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00:00 on en parle avec Bernard Sananès, bonjour, vous êtes président de l'Institut de sondage ELAB,
00:04 Laurent Neumann qu'on ne présente plus. Nous sommes à la 11e journée de mobilisation contre
00:09 la réforme des retraites. Quelle sera la tonalité et l'ampleur de cette mobilisation,
00:14 des manifestations aussi ? L'intersyndicale et l'exécutif ne sont d'accord sur rien. L'exécutif
00:19 qui compte d'ailleurs en partie sur la fatigue pour que le mouvement s'arrête,
00:23 c'est l'état d'esprit où vous vous trouvez Cédric Fech ?
00:25 Oui je suis avec Fabienne, vous savez tout à l'heure elle nous disait qu'elle avait fait
00:32 toutes les manifestations sauf la première parce que pour la première elle se disait
00:36 bon c'est pas trop mon genre de manifester, voilà depuis elle a bien changé, regardez
00:40 elle a du matériel. Elle me disait Lara Croft qui se bat aussi pour les retraites et vous vous
00:46 aspirez beaucoup de l'actualité, je vais vous montrer vos pancartes là, pourquoi ? Par exemple
00:49 celle là, pourquoi vous l'avez faite celle là ? En fait comme monsieur Macron s'exprime à travers
00:55 Peave Gadget, je me suis dit que j'allais lui parler peut-être un langage qu'il connaissait,
00:58 donc 62 ans glop glop et 64 ans pas glop pas glop. Il y a des phrases qui ont été prononcées par le
01:05 président et qui ont rajouté du carvérant si je puis dire à votre détermination. Bien sûr si
01:10 les gens sont vraiment sortis dans la rue c'est quand il a traité la foule d'illégitime. Ça c'est
01:15 un truc qui vous a vraiment choqué ? Ah oui ce qui m'a vraiment énervée et vraiment c'est plus
01:19 possible d'entendre ce genre de choses. Et donc Fabienne a pas retrouvé cette fameuse foule,
01:24 donc la manif elle est à 10 heures à Vannes c'est ça ? Donc le président me reconnaîtra,
01:27 je serai dans la foule, foule sentimentale, il faut voir comment on nous parle. Voilà,
01:32 voyez elle est déjà chauffée à blanc. Ça c'est très important ce qu'on vient d'entendre
01:35 Laurent Le Man, très important, parce qu'il y a vraiment un sentiment pour une bonne partie de la
01:39 population, c'est vraiment d'être méprisé par le président de la République. Oui c'est logique,
01:43 au bout de deux mois et demi de conflit, l'opinion n'a pas bougé d'un centimètre,
01:48 les syndicats sont toujours unis, donc il y a un rejet absolument massif et de l'autre côté le
01:54 gouvernement fait comme si au fond tout cela n'existait pas. Et quand les syndicats demandent
01:59 à Emmanuel Macron de les recevoir, c'est non. Lorsqu'Elisabeth Borne reçoit l'intersyndicale
02:04 à Matignon, c'est blocage total, dialogue de sourds et ça finit par un claquement de porte
02:09 au bout de moins d'une heure. L'impression donnée par l'exécutif, c'est ce qui se passe dans la rue,
02:14 n'a aucune importance. Alors justement à qui profite cette situation, cet enlisement ? La
02:19 question a été posée hier sur BFMTV à Laurent Berger, un homme qui est très important évidemment
02:24 dans l'intersyndicale, le secrétaire général de la CFDT. J'en ai assez là, ça fait deux fois,
02:31 il n'en aura pas trois, il n'en aura pas trois, ça fait deux fois qu'on pointe la CFDT en termes
02:36 de responsabilité, il n'en aura pas trois, ça suffit maintenant. Et donc je ne pointe personne,
02:41 mais ce qui est sûr c'est que ce qui est en train de se passer aujourd'hui dans notre pays,
02:44 oui ça fait monter le Rassemblement National. Alors d'abord c'est rare de voir Laurent Berger
02:48 se fâcher comme ça, très en colère, et il dit en substance, ce qui correspond en fait à votre
02:53 sondage Bernard Sananès, que l'enlisement de cette crise profite au Rassemblement National.
02:58 Oui ce sondage qui correspond à une hypothèse virtuelle mais permet de mesurer l'évolution
03:02 du rapport de force politique depuis un an, depuis le premier tour d'avril 2022. Si le match du second
03:09 tour serait le même, tout change, tout serait inversé. Marine Le Pen arriverait en tête au
03:13 premier tour, elle progresserait de 8 points, c'est spectaculaire, elle passerait de 23 à 31%.
03:17 Le président de la République lui reculerait de 5 points, lui passerait de 28 à 23%. Pourquoi en
03:23 fait Marine Le Pen progresse ? Elle peut compter sur trois atouts. Le premier c'est la très grande
03:26 fidélité de son électorat, quasiment tous ses électeurs du premier ou du second tour revoteraient
03:30 pour elle. Le deuxième c'est qu'elle poursuit la stratégie de dédiabolisation entamée depuis
03:34 maintenant dix ans avec une attitude respectable, veulent dire les députés du Rassemblement
03:39 National. Mais surtout, et c'est là où ça fait le point avec ce qui se passe sur les retraites,
03:42 elle capte la colère de ceux qui sont opposés à la réforme mais ceux qui refusent le désordre.
03:47 Un chiffre explique cela. 6 actifs sur 10, 6 actifs sur 10, vous vous souvenez des actifs,
03:52 c'est ceux qui sont le plus opposés à la réforme, 6 actifs sur 10 voteraient pour elle au second tour.
03:56 Quelle est votre lecture Laurent ? Oui en gros il y a deux rejets. Il y a un rejet anti Macron,
04:01 Macron incarne la réforme des retraites mais il y a un rejet comme le dit Bernard du désordre et
04:06 qui incarne le désordre ? Paradoxalement c'est plutôt Jean-Luc Mélenchon et l'attitude des
04:11 insoumis à l'Assemblée. Donc les Français disent non à la retraite, non au désordre et qui profite ?
04:16 C'est Marine Le Pen. Justement que disent les chiffres de Jean-Luc Mélenchon ? Jean-Luc
04:19 Mélenchon serait un peu en recul dans ce sondage mais il faut le dire aussi Jean-Luc Mélenchon
04:23 en campagne électorale il finit toujours mieux qu'il ne commence. Mais on voit bien qu'en tout
04:26 cas il n'y a pas de dynamique pour Jean-Luc Mélenchon. A l'inverse quand on fait l'hypothèse
04:31 législative la NUPES se tient à un score assez correct donc peut-être qu'il y a aussi un sujet
04:35 Jean-Luc Mélenchon. Et s'il y avait une dissolution est-ce que Marine Le Pen aurait la majorité ?
04:39 Alors s'il y avait une dissolution on aurait une tripartition de l'Assemblée nationale comme si
04:44 finalement on aurait voté à l'élection au scrutin proportionnel. Les trois forces seraient à peu
04:49 près les mêmes notamment le RN qui progresserait beaucoup qui obtiendrait entre 150 et 180 sièges.
04:53 Aujourd'hui il en compte 89 donc c'est aller pas loin d'un doublement. La NUPES entre 150 et
04:58 180 sièges une vraie dynamique solide. Mais Renaissance la majorité serait elle un peu
05:04 laminée. Un député sur deux de la majorité présidentielle ne retrouverait pas son siège.
05:08 Mais ce qu'il faut comprendre c'est que pour expliquer ces dynamiques il y a l'élargissement
05:12 de la base sociologique du Rassemblement national. Le Rassemblement national consolide ces zones de
05:17 force, les ouvriers, les milieux populaires, les habitants des zones rurales et des petites villes
05:21 mais il gagne là où on pensait jusqu'à présent qu'il avait atteint un plafond de verre. Je vais
05:27 prendre un exemple les retraités, les cadres, les habitants des grandes villes là elles ne
05:31 devanceraient pas Emmanuel Macron mais elles feraient quasiment jeu égal avec lui.
05:34 Là encore Laurent c'est une donnée très importante ça veut dire que la perspective
05:37 possible ou probable d'une dissolution il faut quand même bien réfléchir avant de la faire.
05:43 Non mais je vous arrête c'est tout réfléchi c'est une menace qui n'arrivera pas à cause justement de
05:48 ces résultats parce que c'est quoi le résultat ? Non seulement Emmanuel Macron perdrait à peu
05:53 près la moitié de ses députés, à peu de choses près, mais surtout le pays serait totalement
05:57 ingouvernable. Si le sondage de Bernard se vérifiait, qui Emmanuel Macron président de la République
06:03 enverrait à Matignon pour diriger le pays ? Il n'y a absolument aucune majorité. La photo que nous
06:08 propose Bernard c'est la photo d'un pays qui serait du jour au lendemain ingouvernable. C'est déjà
06:13 compliqué avec 250 députés et une majorité relative. Vous imaginez avec trois groupes qui
06:19 auraient à peu de choses près 170, 180, peut-être 200 députés chacun. Ça n'est pas jouable.
06:25 Laurent cette situation de blocage, d'enlisement, elle ne peut pas durer ad vitam aeternam.
06:32 On va sortir comment ? D'abord on est sûr qu'elle va durer au minimum jusqu'au 14 avril, date de l'avis
06:37 du conseil constitutionnel. Sauf que le conseil va donner deux avis, un avis sur la loi et un avis
06:42 sur le référendum d'initiative partagée. Imaginez une seconde que le conseil valide cette idée de
06:47 référendum. On est parti pour neuf mois pour recueillir les signatures. Ça veut dire qu'on n'est
06:51 pas sorti du débat sur les retraites. Et là se pose une question à laquelle je ne suis pas capable
06:56 de répondre. Le président de la République promulgue la loi. Est-ce qu'il promulgue la loi qui est sous
07:02 le coût potentiel d'un référendum ? Vous imaginez la situation politique, juridique, mais même
07:08 technique. Ça voudrait dire qu'au 1er septembre il y a des pensionnés, des retraités qui seraient
07:13 sous le régime d'une nouvelle loi qui pourrait être annulée quelques mois plus tard. Techniquement
07:17 c'est incroyable. Avec ou sans Elisabeth Borne ? Alors la logique c'est qu'évidemment il y ait peut-être
07:22 un remaniement. Vous avez compris le sondage de Bernard. La dissolution, ça n'est pas possible.
07:27 Retourner au référendum, il serait perdu. Aller au vote, c'est compliqué. Donc qu'est-ce qui reste ?
07:31 Il reste un coup politique, changer de Premier ministre, remanier, mais ça dépendra beaucoup
07:36 de la décision du Conseil. C'est pour ça que tout le monde, syndicats et gouvernements, sont
07:41 suspendus à la voix des sages de la rue de Montpensier. Et bien voilà, on n'y voit pas beaucoup plus clair.
07:46 Et pourtant... J'allais vous le dire. Merci.