Au lendemain de la conclusion des débats de la convention citoyenne sur la fin de vie, qui se réunissait depuis le mois de décembre et qui s'est prononcée à 76% favorable à l'aide active à mourir, Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi sur le sujet d'ici la fin de l'été 2023.
Depuis quelques mois, le Sénat s'est emparé de la question. Le mercredi 5 avril, sa commission des affaires sociales s'est réunie afin de discuter des enjeux juridiques nationaux et internationaux concernant la fin de vie.
Catherine Deroche, présidente de la commission, recevait trois juristes, spécialistes en droit privé et public, afin de répondre aux différents enjeux soulevés : Bénédicte Boyer-Bévière, maître de conférences en droit privé à l'université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis, Valérie Depadt, maître de conférences en droit privé à l'université Paris 13 – Sorbonne Paris Nord et Julien Jeanneney, professeur de droit public à l'université de Strasbourg.
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Catherine Deroche, présidente de la commission, recevait trois juristes, spécialistes en droit privé et public, afin de répondre aux différents enjeux soulevés : Bénédicte Boyer-Bévière, maître de conférences en droit privé à l'université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis, Valérie Depadt, maître de conférences en droit privé à l'université Paris 13 – Sorbonne Paris Nord et Julien Jeanneney, professeur de droit public à l'université de Strasbourg.
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00:00 Et nous poursuivons nos travaux de ce jour par une audition commune sur les enjeux juridiques nationaux et internationaux du débat sur la fin de vie.
00:15 Après avoir entendu les philosophes la semaine passée, après un déplacement en Belgique et en Suisse et après les propos du président de la République lundi faisant suite à la Convention citoyenne,
00:34 nous poursuivons ce travail. J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat, qui sera ensuite disponible en vidéo à la demande.
00:46 Donc cette mission, je l'ai déjà dit, s'inscrit dans le cadre des travaux que nous menons sur la question de la fin de vie menée par nos rapporteurs Christine Bonfanti, Dossa,
00:55 que je prie d'excuser, mais elle avait un problème de train et donc elle a dû partir plus tôt, beaucoup de trains ayant été annulés, Corinne Imbert et Michel Meunier,
01:06 ou en pleinière, comme ce fut le cas la semaine passée. Nous avons donc le plaisir d'accueillir Madame Bénédicte Boyer-Pévien, maître de conférence en droits privés à l'université Paris 8, Vincennes, Saint-Denis,
01:22 Madame Valérie Depas, maître de conférence en droits privés à l'université Paris 13, Sorbonne, Paris Nord, et Monsieur Julien Jeannet, professeur de droit public à l'université de Strasbourg.
01:39 Je vous propose donc de commencer par un propos liminaire relativement bref, afin de laisser toute leur place aux échanges qui suivront.
01:48 Madame Boyer-Pévien, vous avez la parole.
01:52 Merci beaucoup, Madame la Présidente. Mesdames, Messieurs, donc en fait, toute la question est de savoir si aujourd'hui la fin de vie est dans une situation satisfaisante, notamment du point de vue législatif.
02:15 Alors tout d'abord, je crois que c'est très, très important de dire que la fin de vie à l'hôpital ou encore à domicile est insuffisante, donc au niveau matériel, au niveau humain et au niveau de l'organisation des hôpitaux.
02:33 Alors pour vous faire une idée, en 2019, 26 départements ne disposaient pas d'unité de soins palliatifs et d'au moins un lit pour 100 000 habitants.
02:45 Donc il convient avant tout de prendre en considération cette situation, puisque à quoi bon faire de multiples lois successives si initialement dans la pratique, l'hôpital, la santé de fin de vie, les soins palliatifs ne marchent pas et ne mettent pas en application la loi déjà existante.
03:13 Convient-il de changer la loi ? C'est une question. Alors je dirais que personnellement, je n'ai pas à prendre part à une telle question, mais par contre, au regard du droit et au regard de l'éthique, c'est une question qui est vraiment fondamentale.
03:31 Nous avons l'article L1110-5, aligné à 2 du Code de santé publique, qui dit que toute personne a le droit d'avoir une fin digne, accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance.
03:53 Donc vous êtes d'accord, on ne peut pas laisser les personnes souffrir dans des conditions abominables lorsqu'elles sont en fin de vie.
04:02 Alors si on légifère, pourquoi ? Eh bien parce qu'il y a des limites dans la loi. Donc jusqu'à présent, on a prévu la sédation profonde et continue pour les personnes qui étaient en soins palliatifs et dont la vie est abrégée à court terme.
04:20 Donc vous voyez, on a choisi, le législateur a choisi le court terme. Or, le Comité consultatif national d'éthique, dans son avis 139, montre du doigt le fait que vous avez des personnes qui sont en soins palliatifs,
04:35 qui sont à moyen terme ou à long terme dans des situations extrêmement difficiles, à des situations de grosse souffrance. Donc on ne peut pas les laisser dans de telles situations.
04:50 Première question fondamentale, est-ce qu'il conviendrait d'envisager la sédation profonde ? On n'en parle pas beaucoup de cette sédation profonde. Vous voyez, on parle beaucoup de l'euthanasie, du succès d'assisté.
05:07 Et aujourd'hui, la loi prévoit la sédation profonde, mais à court terme. Donc la sédation à moyen terme pourrait, pourquoi pas, être une situation intermédiaire.
05:18 Donc on pourrait reprendre des situations, enfin des règles analogues, mais le problème, le problème dans une telle hypothèse, c'est qu'on n'a pas assez de recherches sur la souffrance,
05:34 la souffrance que peuvent ressentir les personnes lorsqu'elles sont endormies. Donc c'est une question difficile, mais je pense qu'il est important quand même de l'évoquer.
05:46 Autre question, convient-il d'envisager le suicide assisté, c'est-à-dire l'aide à mourir par une prescription médicale de produits létal ou encore l'euthanasie ?
06:00 Donc là, c'est le médecin qui va aussi prescrire le produit létal et qui va réaliser l'acte. Situation extrêmement complexe, qui reste vraiment difficile à réfléchir.
06:14 Et vous, parlementaires, vous avez un rôle très très important à lire pour bien voir un petit peu cette balance entre les éléments positifs et les éléments négatifs.
06:26 Alors déjà l'euthanasie ou le suicide assisté, eh bien il ne faut, à mon sens, l'éliminer dans la loi, dans la succession des lois qu'on a eues jusqu'à là,
06:37 uniquement dans des cas très très très exceptionnels, notamment, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, lorsque la loi ne peut pas prendre en considération le moyen terme ou le long terme dans la souffrance réfractaire.
06:53 Il faut limiter ça aussi aux soins palliatifs.
06:58 La question aussi qui viendrait se révéler là-dessus, ce sont les risques.
07:06 Si on fait de l'euthanasie, si on autorise l'euthanasie ou encore si on autorise le suicide assisté, comment va-t-on pouvoir évaluer l'autonomie de la volonté ?
07:22 C'est très très important de bien prendre des mesures dans ce sens. Il ne faut pas faire n'importe quoi.
07:30 Donc ce sera d'autant plus important que les personnes sont atteintes de grandes fragilités, de grandes souffrances, donc l'autonomie de la volonté va poser des difficultés pour les apprécier.
07:44 Nous avons aussi les risques de stigmatisation sociale, les risques de stigmatisation professionnelle et même les risques d'auto-stigmatisation.
07:58 C'est-à-dire que la personne va se dire je suis en fin de vie, je suis un fardeau, je suis un fardeau pour ma famille.
08:06 Et peut-être même qu'un jour l'hôpital, surtout qu'il n'y a pas beaucoup de lits, va se dire on n'a pas de place, on n'a peu de lits en soins palliatifs.
08:20 C'est ce qui existe déjà dans la réalité. Bon, peut-être qu'on va plus aller dans le soin, dans l'euthanasie.
08:29 La question qui se pose c'est la proportionnalité. La proportionnalité c'est-à-dire entre l'apaisement qu'on peut apporter aux personnes et entre les risques qui peuvent exister pour protéger la personne.
08:48 À chaque fois, vous voyez, la finalité c'est la protection des individus dans une très grande vulnérabilité.
08:57 Alors bien sûr, on a pour pouvoir évaluer cette proportionnalité, mes collègues vont pouvoir développer davantage après, tous les grands principes.
09:07 Principes de dignité, principes de liberté, principes d'égalité, principes de solidarité.
09:15 Ce qui l'importe aussi de réfléchir, c'est la situation des professionnels de santé. Professionnels de santé qui ont été largement éprouvés, déjà par rapport à la situation de l'hôpital, mais aussi par rapport aux serments d'hypocrates.
09:30 Ils ont toujours été habitués à soigner la personne. Donc pour eux, c'est difficile de pouvoir donner la mort par rapport à l'euthanasie ou encore par rapport au suicide assisté.
09:45 Donc je crois qu'il faut aller dans le sens de la clause de consens, qui est aussi un moyen de leur laisser la liberté de choisir ou pas.
09:55 Alors après, il y a une garantie, c'est que si il y a une clause de consens, c'est de renvoyer la personne vers un autre professionnel de santé.
10:06 Donc il y a cette possibilité là, mais on pourrait aussi prévoir une autre possibilité, créer cinq ou six unités dans toute la France qui prennent en charge les personnes atteintes de sédations profondes
10:20 et atteintes de ... qui souhaiteraient faire de l'euthanasie. Et en fait, ce seraient des services complètement dédiés et ça déchargerait le poids des professionnels de santé.
10:38 Donc rapidement, il convient aussi de prévoir des services très très spécifiques pour la prise en charge des personnes.
10:47 Il convient aussi de prévoir des financements dédiés aussi bien dans les établissements que par rapport à la tarification adaptée concernant les dix actes.
11:00 Et pour terminer, je vais insister sur ce point, on n'en parle pas du tout, c'est l'accessibilité du droit.
11:09 Aujourd'hui, vous avez une partie des dispositions légales qui sont concentrées dans la partie législative du Code de la santé publique
11:19 et vous avez beaucoup beaucoup de dispositions qui sont dans le Code, enfin toujours dans le Code de la santé publique, mais dans le Code de déontologie médicale.
11:29 Le Code de déontologie médicale, c'est un outil pour les médecins.
11:36 Mais les personnes de la société ne vont pas forcément lire le Code de déontologie médicale.
11:46 Alors que tout, il y a vraiment beaucoup beaucoup de dispositions qui sont dans ce Code de déontologie médicale et qu'on ne retrouve pas dans la partie réglementaire.
11:56 Donc je crois qu'il serait important à la fois de restructurer le droit de la fin de vie, c'est-à-dire mettre tout dans une partie spécifique du Code de la santé publique
12:08 pour que les gens puissent ouvrir le Code et voir tout ce qui existe et rapatrier certaines dispositions qui sont dans le Code de déontologie médicale,
12:18 dans la partie réglementaire pour que ce soit accessible à tous.
12:22 Et bien sûr, dans le Code de déontologie médicale, les médecins prévoient toujours leur propre disposition pour prendre en charge la fin de vie.
12:31 Voilà, je vous remercie.
12:33 Merci. Madame, à vous de part.
12:37 Merci Madame la Présidente.
12:40 Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je voudrais liminairement vous dire que je vais me permettre de parler du ressenti des médecins
12:51 parce que je travaille de façon assez étroite avec eux.
12:55 Voilà, je pense qu'un juriste seul dans ces questions est impuissant, qu'il faut de l'humilité quand on fait du droit face aux professionnels.
13:02 Donc c'est pour ça que je me permettrai de parler de leur ressenti.
13:06 Alors parmi les questions qui se posent, pour rentrer dans le vif du sujet, il faut distinguer la situation de la personne dont le pronostic vital est engagé à court terme,
13:16 à très court terme, et celle dont le pronostic vital est engagé par la maladie, mais à plus long terme.
13:24 Le droit actuel répond aux situations d'extrême fin de vie en autorisant la sédation profonde et continue,
13:32 ce type de sédation qui est un des apports majeurs de la loi de 2016.
13:36 Dans la loi de 2016, ce type de sédation a été conçu, je crois qu'il faut bien l'avoir en tête,
13:42 comme une mesure de soulagement, de lutte contre la souffrance, pas un moyen de mettre fin à la vie.
13:48 Et en ce sens, cette sédation ne contrevient pas au serment d'Hippocrate, ce qu'il a rendu beaucoup plus facile, enfin, oui, plus aisé à accepter pour les médecins.
14:00 Et pourtant, les médecins apparaissent réticents, certains médecins, dans certains cas, mais assez fréquents,
14:08 apparaissent réticents face à cette sédation parce qu'ils s'interrogent. Et ils s'interrogent à plusieurs titres.
14:14 Que vit et éprouve le patient ? Certes, il est endormi, mais que vit, qu'éprouve-t-il ? À quel niveau d'inconscience est-il rendu ?
14:25 Et aussi et surtout, parce que ces médecins se préoccupent d'éthique, quel sens donner à ce temps, à ce temps de sommeil, de sommeil artificiel du point de vue du patient ?
14:37 Et aussi, parce que la question est à mon avis secondaire mais importante, que vit la famille, qui parfois voit le corps donner des marques de souffrance ?
14:48 Or, ce temps est très variable. Lorsque ce type de sédation est appliqué à un patient pour lequel un prélèvement d'organes de type Mastriche 3,
14:58 c'est-à-dire sur coeur arrêté, est envisagé, eh bien, les médecins arrêtent le respirateur et le délai, le délai qui sépare l'arrêt des suppliances vitales
15:08 du constat de décès par arrêt cardiaque est d'environ 15 minutes. Vincent Lambert, monsieur Vincent Lambert, patient neurocérébral, est resté sédaté 9 jours avant de décéder.
15:20 9 jours qui ont été, puisque l'affaire a été malheureusement médiatisée, on sait que ces journées ont été très difficiles à vivre pour les proches.
15:29 Alors, on voit ici à quel temps le point de la sédation peut varier. Or, raccourcir le temps de la sédation lorsqu'elle se prolonge implique évidemment d'injecter aux patients des doses létales,
15:42 ce que savent faire les médecins. Mais alors, il ne s'agit plus d'une sédation comme elle est entendue par la loi, puisque le dosage aura pour but d'abréger la vie.
15:51 Alors, je suis bien consciente de poser le problème sans y apporter de solution. Mais bon, nous comptons sur vous. Au-delà de ces questions, la sédation profonde et continue
16:02 ne peut répondre aux situations dans lesquelles le pronostic vital n'est pas engagé à court terme, parce qu'alors d'abord, elle serait longue, les signes de souffrance seraient apparents,
16:12 le temps de l'inconnu s'éterniserait et la personne ne décèderait pas des causes de sa maladie. Elle décèderait d'infections multiples. Aussi faut-il, vous faut-il, aborder la question,
16:26 aussi difficile soit-elle, d'une assistance au suicide, voire d'une euthanasie. Notre président, très récemment, a fait savoir souhaiter l'élaboration d'un modèle français de fin de vie.
16:39 Il me semble que cette expression souligne toute la difficulté de la transcription juridique d'un droit à l'aide active à mourir. Il va falloir le transcrire, mais ce sera une tâche particulièrement difficile.
16:53 Cette expression, à mon sens, signifie que la loi ne peut simplement acter la volonté des Français quant à l'ouverture d'un droit à une aide active à mourir.
17:05 Elle doit l'acter dans le respect des valeurs essentielles d'humanité, de solidarité, d'accompagnement des plus vulnérables qui sont les nôtres.
17:15 Et en ce sens, la loi sur la fin de vie doit d'abord apporter des propositions de vie en réponse aux craintes que les Français expriment d'être abandonnés en situation de souffrance.
17:27 Alors, de ce point de vue, les deux questions, évidemment, de l'offre de soins palliatifs et d'un droit à choisir le moment de son décès sont liées. Elles sont différentes, mais elles sont liées dans le temps.
17:39 L'insuffisance des soins palliatifs fausse le débat, parce que dans le paysage désolé et désolant des soins de vie, l'aide à mourir ne devra jamais devenir un moyen d'éviter l'agonie.
17:51 Si une procédure d'assistance à une mort anticipée, quelle qu'en soit l'appellation, devait être légalement instituée, elle ne devrait pouvoir être mise en application sans que l'ensemble des soins médicaux techniquement possibles,
18:07 envisageables en l'état des possibilités scientifiques, aient été préalablement proposés aux patients. Des soins de qualité et des, quand je dis de qualité, une qualité temporelle, c'est-à-dire des soins qui puissent être dispensés le temps nécessaire.
18:23 Parce que s'il en est autrement, l'aide active à mourir représentera une alternative par défaut à des soins de fin de vie de qualité. Alors la question de l'aide active ne peut se poser qu'en cas d'impuissance de la médecine à calmer la souffrance.
18:40 Les médecins expliquent qu'une fois la douleur, y compris psychique, apaisée, la demande de mort devient exceptionnelle. Elle existe, mais elle devient exceptionnelle.
18:50 Dès lors que le maintien de cette demande apparaît en pratique exceptionnel, dès lors que des soins palliatifs sont dispensés, n'est-ce pas uniquement ces cas exceptionnels que doit relayer la loi, pardon,
19:03 en permettant l'aide au suicide non pas comme un droit universel, j'ai trouvé cette expression dans le rapport des citoyens, elle m'a un petit peu marquée,
19:13 donc non comme un droit universel mentionné dans le rapport de la Convention citoyenne, mais comme un ultime recours.
19:20 La décision relèvera du Parlement, garant de la souveraineté nationale et du fait majoritaire, car la question est sociétale. Néanmoins, comparée à d'autres, elle se distingue.
19:32 Elle se distingue en ce qu'elle implique de façon majeure le médecin. C'est pourquoi un consensus doit être trouvé avec le corps médical.
19:41 La clause de conscience permet au médecin de ne pas pratiquer tel ou tel acte, en l'espèce s'il s'agirait de l'acte létal. Mais le médecin est tenu de contacter un médecin qui accepterait de le faire.
19:54 De tout temps, des médecins ont aidé des malades à mourir par compassion pour ne pas les abandonner dans le cadre d'un colloque singulier.
20:03 Aussi, les médecins qui accepteront de pratiquer l'acte létal l'accepteront certainement pour leur patient, dans la volonté d'accompagner leur patient jusqu'au bout de la route, jusqu'au terme de leur vie.
20:17 Mais il est très peu probable qu'ils acceptent de prendre en charge un patient dans ce seul objectif, de devenir des sortes de docteur euthanator, si vous me permettez l'expression.
20:27 Donc une des difficultés principales de légiférer est ici que la loi va devoir se frayer un chemin vers la volonté du patient, sans entraver le colloque singulier entre le patient et son médecin.
20:41 Ce colloque doit être maintenu, ne peut être empêché par un droit qui serait un droit de créance à demander, à exiger l'euthanasie ou le suicide assisté.
20:51 Un droit trop affirmé mettrait à mal ce colloque singulier tellement important, tellement nécessaire au patient.
20:59 C'est pourquoi, plutôt que de parler des critères de minutie, comme l'ont fait beaucoup de nos pays voisins, peut-être faut-il se concentrer sur le moyen d'assurer au patient qu'il sera entendu,
21:12 tout en protégeant un espace d'autonomie professionnelle qui permettra de respecter la singularité inhérente à chaque situation.
21:21 Une loi ne répondra jamais à toutes les situations.
21:25 Et une telle démarche n'empêche pas une intervention collégiale, afin que le médecin ne porte pas seule la décision, qu'on ne puisse ressentir une toute puissance du médecin, et puis aussi pour permettre un autre regard, un regard collégial sur la situation du patient.
21:43 Quoi qu'il en soit, le droit et ses limites devront être suffisamment solides pour résister à leurs dépassements, tout en permettant un espace d'autonomie professionnelle qui, je me permets d'insister, respecte la singularité inhérente à chaque situation.
21:59 Alors, dans notre paysage actuel de la santé publique, les usagers du système de santé ont peur.
22:07 Ils craignent d'être rassurés, ils ont besoin d'être rassurés, ils doivent être rassurés. Ils doivent savoir qu'ils seront pris en charge de la meilleure façon qu'ils puissent être.
22:16 Et que si cette prise en charge ne peut calmer leur souffrance, une ultime solution leur sera apportée.
22:21 Mais les usagers sont, et sont d'abord sans doute, des citoyens.
22:27 Des citoyens auxquels les pouvoirs publics doivent offrir une société qui privilégie la vie en apportant aide, attention aux plus vulnérables, en prodiquant les soins le plus longtemps et le plus raisonnablement possible.
22:41 En accompagnant ensuite dignement le décès en dernier recours.
22:46 Et je crois pouvoir dire qu'on peut, en tant qu'usager pour soi-même, souhaiter savoir qu'on sera entendu le jour où on décide de dire stop au traitement,
22:58 sans pour autant, en tant que citoyen, souhaiter vivre dans une société qui ouvrirait trop largement la possibilité d'une fin de vie.
23:07 Merci Madame la Présidente.
23:08 Mesdames et Messieurs les Sénateurs, c'est toujours un plaisir pour un universitaire d'être invité à présenter le fruit de ses recherches,
23:14 dans l'espoir de pouvoir contribuer à éclairer la représentation nationale.
23:18 Vous m'avez demandé de venir vous éclairer sur le cadre juridique de la fin de vie dans différents pays.
23:22 Professeur de droit constitutionnel, je m'intéresserai surtout à des principes constitutionnels, à des décisions rendues par des juridictions constitutionnelles,
23:29 et au contexte dans lequel certaines lois ont été élaborées dans d'autres pays, conduisant à dépénaliser, à autoriser ou à organiser une aide active à mourir sous certaines conditions.
23:40 Et je partirai à cet égard d'une tension qui traverse de nombreuses démocraties contemporaines.
23:45 D'un côté, la provocation de sa propre mort est un acte d'autodétermination personnelle, qui prend la forme classique dans sa brutalité même du suicide.
23:56 D'un autre côté, c'est un acte qui intéresse la société entière, en tant qu'il contrecarre le cours normal des choses.
24:02 Et c'est à la rencontre de ces deux tendances que différents parlements, différents juges constitutionnels, ont choisi de faire évoluer leurs droits,
24:09 dans le sens d'un plus grand accompagnement des candidats au trépas.
24:13 Encore faut-il préciser ce dont il est question.
24:16 L'aide à mourir peut renvoyer à quatre actions distinctes, qui soulèvent des questions différentes du point de vue du droit.
24:22 Dans l'ordre de la préparation de la mort, on peut distinguer l'interruption des traitements,
24:27 les médecins se contentent de laisser la mort survenir en son temps en arrêtant de soigner,
24:32 et les soins palliatifs, qui conduisent pour les médecins à prodiguer des soins destinés à soulager la souffrance du patient,
24:39 notamment dans le cadre d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès.
24:43 A l'inverse, dans l'ordre du déclenchement de la mort, qui soulève des questions juridiques tout à fait distinctes,
24:48 dans l'ordre de la formation plus active d'aide à mourir, on distingue habituellement l'assistance au suicide,
24:53 comme l'a rappelé l'une de mes collègues avant moi.
24:56 On accompagne le patient qui commet in fine l'acte mortifère, contrairement à l'euthanasie stricto sensu,
25:03 qui veut que l'acte mortifère délibéré soit commis par un auxiliaire,
25:07 situation parfois nécessaire pour les plus malades qui ne pourraient pas se suicider eux-mêmes.
25:12 C'est une distinction qui est décisive en droit, mais qui en pratique est assez fine, on l'imagine, et ça soulève évidemment des questions.
25:18 En la matière, il est assez courant d'évoquer certains de nos voisins,
25:21 certains des pays qui sont autour de nous, pour différentes raisons.
25:24 Tout d'abord parce que certains d'entre eux ont privilégié des législations particulièrement libérales en la matière.
25:29 D'autre part parce que des Français anonymes ou célèbres ont décidé d'aller finir leur jour dans ces pays.
25:35 Et enfin parce que ces pays sont parfois invoqués, mis en avant comme une forme d'épouvantail argumentatif,
25:42 en les présentant non sans caricature, comme des lieux où l'on pourrait orchestrer sa mort,
25:46 en cas de simple spleen passager, et où l'on pourrait accéder à des produits léthaux de façon tout à fait facile.
25:53 Je passerai rapidement la Suisse, évidemment, qui dès 1941 a prévu que l'assistance au suicide dont le mobile est altruiste n'était plus réprimée.
26:02 Les Pays-Bas, bien sûr, qui ont dépénalisé l'assistance au suicide et l'euthanasie en 2001 sous certaines conditions.
26:08 La demande répétée du malade lorsqu'il peut l'exprimer, le caractère incurable de sa maladie,
26:13 l'avis pris auprès d'autres médecins et le signalement de la mort aux autorités.
26:17 Quant à la Belgique, où je comprends que certains membres de cette commission se sont rendus récemment,
26:21 elle a dépénalisé l'euthanasie active en 2002 sous certaines conditions.
26:25 Majorité du patient, ce qui a été étendu en 2014 aux mineurs dans des circonstances qui soulèvent des questions.
26:31 Formulation de demandes volontaires réfléchies et répétées, situation médicale sans issue, pardon,
26:37 et patient qui fait état d'une souffrance psychique ou psychologique constante.
26:42 Quant aux autres États, le Luxembourg en 2009 pour l'assistance au suicide et l'euthanasie,
26:47 l'Espagne en 1995 pour l'assistance au suicide et en 2021 pour l'euthanasie,
26:52 et plus loin de nous, la Nouvelle-Zélande, situation intéressante,
26:55 car le choix a été fait de recourir au référendum pour légaliser l'euthanasie en 2020.
27:00 Ce sont des situations que l'on invoque aussi régulièrement.
27:03 Alors, quel est le rôle joué, plus particulièrement par les juges constitutionnels,
27:07 puisque c'est la question qui m'a été posée, dans l'évolution de ces législations sur la fin de vie ?
27:12 Première remarque, les juges, de manière générale, s'attachent,
27:16 on peut penser que c'est le cas des individus qui composent ces juridictions,
27:20 c'est en tout cas un argument qui est volontiers mis en avant,
27:22 à se montrer en retrait, à laisser les parlements être les forums pertinents pour trancher ces questions épineuses.
27:29 Deuxième observation, il arrive néanmoins que les juges soient plus actifs,
27:35 comme nous le verrons, qu'ils conduisent à provoquer, en quelque sorte,
27:39 des législations dans des conditions qui soulèvent un certain nombre de questions.
27:43 Autre observation, les juges sont souvent sollicités, les juges constitutionnels en particulier.
27:48 En effet, dans certains pays, on peut noter qu'il est parfois plus facile,
27:51 pour les personnes qui défendent la mise en place d'une aide active à mourir,
27:54 d'accéder au prétoire du juge constitutionnel, que de pousser les parlementaires à se saisir eux-mêmes de la question.
28:02 Ainsi s'explique le nombre important de décisions rendues à ce sujet par différentes juridictions constitutionnelles,
28:08 mais aussi par des organes supranationaux de protection des droits de l'Homme,
28:12 à l'instar de la Cour européenne des droits de l'Homme dont on vient de parler,
28:15 et notamment cette décision Mortier contre Belgique, dont cher collègue, vous venez de parler,
28:20 qui est particulièrement importante dans la mesure où la Cour européenne des droits de l'Homme, dans ce cadre-là,
28:26 a affirmé qu'une loi autorisant l'euthanasie ne méconnaissait pas de ce simple fait le droit à la vie garantie par l'article 2 de la Convention,
28:35 tout en refusant l'existence d'un droit à mourir et en laissant, comme vous l'avez dit, aux États une large marge d'appréciation.
28:42 Alors les relations entre les juges constitutionnels et les parlements,
28:46 dont on rentre un peu plus dans le détail, sont assez diverses et il est possible de les ramener à quatre grandes configurations.
28:52 Première configuration, le cas dans lequel une réforme parlementaire est consolidée par une juridiction constitutionnelle.
29:00 Le cas des colles, en l'occurrence, est le cas belge.
29:03 Le Parlement, en 2002, comme je l'ai dit, a autorisé l'euthanasie, l'a ouvert aux mineurs en 2014,
29:08 et le 29 octobre 2015, la Cour constitutionnelle a inféré du droit au respect de la vie privée,
29:15 le droit de décider de mettre fin à sa vie pour éviter une fin de vie indigne et pénible.
29:21 Deuxième cas de figure, le cas dans lequel une réforme parlementaire est neutralisée par une juridiction constitutionnelle.
29:27 Et là, c'est le cas qui nous est donné par le Portugal, où en 2021, le Parlement a dépénalisé à la fois l'assistance au suicide et l'euthanasie,
29:36 sous condition, dans un cadre médical, avant que le président de la République, opposé à la réforme, conservateur,
29:42 s'y oppose, en saisissant le tribunal constitutionnel, qui a déclaré la loi inconstitutionnelle,
29:48 au nom du fait que cette loi comportait des catégories juridiques trop vagues,
29:52 notamment en ce qui concernait la question des souffrances.
29:56 Le Parlement a adopté une nouvelle loi, qui a subi un veto présidentiel en novembre 2021,
30:01 et une nouvelle loi est encore en discussion.
30:03 On a donc un jeu d'aller-retour, de ping-pong, entre le Parlement d'un côté, le tribunal constitutionnel et le président de l'autre, qui n'est pas terminé.
30:11 Troisième configuration, la configuration dans laquelle il y a une incitation juridictionnelle qui conduit à une réforme parlementaire.
30:19 Sur ce point, trois situations distinctes méritent d'être distinguées.
30:23 Tout d'abord, la manière forte qui nous est montrée par le tribunal constitutionnel fédéral allemand,
30:29 qui, le 26 février 2020, alors qu'il n'existait pas de loi autorisant l'aide active à mourir,
30:35 a censuré une loi qui prohibait l'assistance au suicide dans un cadre professionnel,
30:39 en tirant du principe de dignité de la personne humaine, écrit dans la Constitution,
30:44 dont il avait déjà inféré un droit au libre épanouissement de sa personnalité,
30:49 un droit de choisir sa mort, et c'est ça la nouveauté de la décision, qui n'est pas limitée aux maladies graves ou incurables.
30:55 Donc là, on a un tribunal constitutionnel qui consacre un principe constitutionnel de droit de choisir sa mort,
31:01 et qui conduit le législateur à essayer de suivre ce principe, éventuellement en l'adoptant.
31:06 Et ils sont en train de travailler sur ce point une loi en la matière.
31:09 De manière plus détournée, il arrive que des juges constitutionnels se fondent sur des réserves d'interprétation
31:17 pour pousser le Parlement à légiférer. Alors qu'est-ce qu'on appelle une réserve d'interprétation, pour mémoire,
31:22 dans le cadre en tout cas du Conseil constitutionnel français ?
31:25 C'est le cas dans lequel une juridiction constitutionnelle déclare une loi conforme à la Constitution,
31:31 en précisant que cette déclaration de constitutionnalité est sous réserve du fait que tel ou tel article est interprété de telle ou telle manière.
31:39 On est donc dans un cas où le juge constitutionnel, qui d'habitude, pour reprendre une distinction du doyen Vedel,
31:44 n'utilise que la gomme, peut marginalement utiliser le crayon en essayant, en affirmant le fait que la loi doit être légèrement réécrite dans telle ou telle direction.
31:54 En l'occurrence, c'est ce qui s'est passé en Colombie, où en 1997, la Cour constitutionnelle a créé une cause d'irresponsabilité pénale en matière d'euthanasie,
32:03 tout en invitant le Parlement à légiférer sur la question. En 2000, le Parlement a réagi à l'inverse en prohibant de façon générale l'euthanasie.
32:12 En 2015, le ministre de la Santé a, lui, adopté un acte qui légalisait en pratique l'euthanasie contre la loi.
32:18 Et en 2021, la Cour a déclaré que la loi pénale prohibant l'euthanasie était conforme à la Constitution,
32:25 sous réserve qu'en soit exclue l'acte réalisé avec le consentement du malade, quel que soit l'état d'avancement de la maladie,
32:33 et tout en invitant encore une fois le Parlement à légiférer pour mieux protéger le droit de mourir dans la dignité.
32:39 Enfin, la manière encore plus douce d'agir consiste à moduler dans le temps les effets d'une décision.
32:45 Qu'est-ce que ça veut dire ? Des juridictions constitutionnelles ont la possibilité de dire
32:49 « Je déclare telle loi contraire à la Constitution, mais je repousse dans le temps les effets de ma décision,
32:55 en particulier pour laisser au Parlement le soin de légiférer dans l'intervalle ».
33:00 En l'occurrence, c'est le choix qui a été privilégié au Canada, où en 2015, la Cour suprême a jugé que la prohibition pénale de l'aide à mourir
33:08 méconnaissait le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes, tel qu'il est garanti par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
33:17 En tant qu'elle prive de cette aide certaines catégories de malades. La Cour a repoussé d'un an puis de quatre mois les effets de sa décision,
33:24 et entre-temps, le Parlement a adopté une loi se conformant à la décision de la Cour.
33:30 Enfin, la quatrième configuration que l'on observe est celle dans laquelle la réforme procède de la juridiction elle-même,
33:37 en raison d'une inertie prolongée du Parlement, alors même que du temps lui avait été laissé pour aller dans cette direction.
33:44 C'est l'exemple qui nous est donné par la Cour constitutionnelle italienne, dans toute une saga qui a conduit à la Cour à rendre plusieurs décisions dans l'affaire Marco Capato.
33:56 En quelques mots, Marco Capato était un ancien parlementaire européen, activiste,
34:00 qui a volontairement été accompagné d'un DJ très connu qui avait subi un accident de voiture très grave en Suisse pour y bénéficier d'une assistance au suicide.
34:11 Il est revenu en Italie, il est allé voir les carabinieries en disant "voilà, arrêtez-moi, je viens de commettre une infraction en regard du Code pénal italien",
34:18 tout ça pour provoquer un grand débat sur l'aide à mourir.
34:21 Et en l'occurrence, à l'occasion de son procès pénal, a été soulevé la question de la constitutionnalité de la loi pénale qui fondait les poursuites à son encontre.
34:32 Et dans ce cadre-là, la Cour constitutionnelle en 2018 a rendu une première ordonnance, en principe provisoire, mais qui en réalité, on va le voir, fixait déjà un certain nombre de choses,
34:42 pour dire qu'en gros, il fallait, dans le débat entre liberté de s'autodéterminer d'un côté et protection de la vie humaine de l'autre,
34:51 reconnaître qu'il y avait des causes d'irresponsabilité pénale qui devaient être reconnues dans le creux de la loi pénale interdisant de manière générale le suicide assisté,
35:00 ou plutôt l'assistance au suicide, lorsque la pathologie est incurable, que les souffrances sont intolérables, que le maintien en vie est artificiel,
35:07 et que la capacité de prendre des décisions libres et conscientes est néanmoins maintenue. Dans ce cas de figure, nous dit la Cour constitutionnelle,
35:14 il convient de créer une cause d'irresponsabilité pénale, mais je ne tranche pas cette question moi-même, nous dit le juge.
35:21 Je repousse d'un an non pas les effets de ma décision, mais la décision elle-même. J'affirme que cette décision n'est que provisoire, et d'ici un an, si le Parlement a légiféré, nous verrons bien.
35:30 Le Parlement, un an plus tard, ne légifère pas, et un an plus tard, en 2019, la Cour rend une décision définitive, constatant l'inertie prolongée du législateur,
35:39 et notant que la loi pénale est inconstitutionnelle, en tant qu'elle ne prévoit pas une exception dans le cas de figure qui avait été identifié un an plus tôt.
35:49 Je passe rapidement sur le fait qu'en 2022, troisième décision dans la saga Capato, le même Capato avait sollicité un référendum abrogatif d'initiative populaire,
36:01 qui est une procédure qui permet de demander l'abrogation d'une disposition législative par référendum. Dans ce cadre, la Cour opère un contrôle, et la Cour a bloqué, en l'occurrence,
36:10 un tel référendum qui portait non plus sur le suicide assisté, l'assistance au suicide, pardon, mais sur l'euthanasie.
36:16 En somme, la Cour italienne, dans ce cas précis, a écrit la loi sur l'assistance au suicide, en fait, du fait de l'inertie, certes, du Parlement.
36:25 Elle a évité que la loi évolue en matière d'euthanasie. C'est un cas intéressant où une Cour constitutionnelle a fait, en l'occurrence, cavalier seul.
36:33 Voilà pour mon parcours. J'ai d'éventuels éléments de réflexion sur le Conseil constitutionnel, mais peut-être qu'on va garder ça pour d'éventuelles questions.
36:42 Alors, Emiliane Pommérol, ensuite Michel Meunier, vous, les rapporteurs. Oui, Corinne.
36:51 Oui, madame la présidente. Moi, je m'interroge un petit peu sur la place de cette audition aujourd'hui en commission,
37:01 puisqu'il me semble qu'il y a un travail qui est en cours, en tout cas sur la mission, une mission sur les soins palliatifs.
37:06 Heureusement, je n'ai pas pu y participer. Mais je ne reviendrai pas sur le fond du problème, qui est un problème extrêmement complexe.
37:18 On a eu encore, donc pas plus tard que lundi, l'avis de cette commission avec 150 personnes qui ont été tirées au sort,
37:26 qui a été rendue lundi après-midi ou lundi matin. Je ne sais plus. Enfin, en tout cas, c'était lundi.
37:32 Et je ne veux pas revenir sur le fond, parce qu'on ouvrirait un débat que j'espère qu'on aura,
37:38 parce que j'espère bien qu'on aura un texte législatif qui fera avancer ce sujet, qui est extrêmement complexe.
37:44 Moi, je voulais juste m'élever contre une phrase que vous avez dite, madame, et qui m'a vraiment fait sursauter.
37:50 Ça, c'est entendu, d'ailleurs, et que je trouve extrêmement choquante quand vous dites...
37:56 Parce qu'il manque de places à l'hôpital, il faudrait... On court un risque que les soignants décident, j'allais dire,
38:04 de tuer des gens simplement pour libérer des places. C'est intolérable pour moi. Et je pense que pour beaucoup d'autres ici,
38:12 c'est vraiment une insulte à la profession médicale et aux professions de santé que je ne peux pas tolérer.
38:18 Donc je tenais à vous le dire. Alors en fait, je n'ai absolument pas souhaité dire une telle chose.
38:27 Je dis simplement que lorsque les lits sont limités en soins palliatifs, il y a quand même à répondre.
38:40 Voilà, les gens sont dans leur lit. L'hôpital fonctionne à sa manière. Il va y avoir de nouvelles personnes qui vont arriver.
38:50 Que faire ? Et regardez ce qui s'est passé pendant la Covid. Pendant la Covid, il y a eu aussi des situations intolérables.
39:00 Je trouve que ce sont des situations intolérables. Et en fait, même si on ne peut pas les supporter, elles existent.
39:09 Et je crois que c'est indispensable de prendre en considération ces situations pour que le législateur,
39:16 mais aussi pour que l'État intervienne pour mettre à disposition tous les moyens qu'il faut pour la fin de vie.
39:25 — Mais qu'on ait pas assez de places en soins palliatifs, on en est tous d'accord. Mais que vous puissiez dire qu'un médecin, en conscience,
39:32 va choisir M. X ou Mme Y, c'est pas du tout ce que vous êtes venu de répéter.
39:38 — Ce n'est pas du tout ce que vous êtes venu de répéter. Je suis désolé, mais vous venez de le répéter.
39:40 — Mes propos sont qu'il faut gérer. Il faut gérer un service. Il faut gérer une unité. Et voilà. Donc il n'y a pas le choix, en fait.
39:56 — Concernant la première remarque d'Emiliane Poumirol, je rappelle que la mission confiée à Christine Bonfanti, Corine Imbert et Michel Meunier
40:07 est la suite de leur mission qu'elles avaient fait sur les soins palliatifs, mais qu'elle est maintenant intitulée "mission sur la fin de vie".
40:15 Je voulais rappeler qu'on assimile souvent les textes qui vont venir. Il y aura un texte, le président de la République l'a dit.
40:24 Quel sera-t-il ? Ça, on verra. Pour l'instant. Souvent, on présente en disant la loi Léonette Hichlès est méconnue.
40:35 Il n'y a pas assez d'érectives anticipées. Il n'y a pas assez de lits de soins palliatifs, même si on peut faire du palliatif à domicile.
40:42 Je pense qu'il faut vraiment aussi qu'on axe vers là. On présente un peu souvent la loi à venir comme la suite de la loi Léonette Hichlès.
40:50 Pour moi, c'est totalement différent. La loi Léonette Hichlès, c'est une loi sur des incitations profondes et continue jusqu'au décès en cas de mort imminente à court terme
41:05 pour soulager les souffrances, parce que beaucoup de gens souhaitent, certes, mourir et souhaitent surtout le non acharnement thérapeutique
41:14 et pouvoir avoir une mort apaisée et c'est souvent aussi le souhait de leur famille. Là, on passe sur un autre légifère.
41:22 On va passer sur, après, chacun a le droit d'avoir son avis et de savoir ce sur quoi on s'oriente, parce qu'il y a des différences entre les pays.
41:30 Mais je n'aime pas bien qu'on assimile, et je pense que Jean-Léonette Hichlès ne l'aime pas beaucoup d'ailleurs, qu'on assimile un texte à venir sur la suite de sa loi.
41:39 Non, c'est une loi différente. C'est comment on répond à une mort choisie par nos citoyens, comment on y répond, est-ce qu'on y répond ou non,
41:48 est-ce qu'on y répond par une assistance au suicide ou est-ce qu'on va jusqu'en effet l'euthanasie telle qu'elle est pratiquée
41:56 où c'est vraiment entre le médecin et le patient que cela se joue. Mais je pense qu'il faut qu'on ait bien ça en tête,
42:03 parce que sinon on mélange un peu tout et même si je comprends la maladresse qu'il y a eu, mais c'est vrai qu'il ne faudrait pas que parce qu'il n'y a pas de soins palliatifs.
42:14 Non, c'est différent. C'est une mort choisie. Un citoyen peut exprimer un choix de mort ou de fin de vie, mais c'est un texte, à mes yeux, totalement différent sur lequel on devra discuter.
42:27 Michel Menier. Merci Madame la Présidente d'avoir remis ce contexte. Donc je suis une des co-rapporteurs avec Christine Bofanti-Dossa et Corinne Hambert sur cette question
42:41 et je trouve que cette audition de ce matin vient bien compléter, complexifier même, les auditions nombreuses que nous menons depuis le début
42:52 si on veut bien prendre en compte le travail précédent autour des soins palliatifs.
42:58 Et j'avoue que la semaine dernière, nous avions une table ronde de philosophes et il y en a un qui a dit que cette loi ne pourrait pas être consensuelle.
43:09 Je le pense franchement. Il y aura des éléments de consensualité, on en connaît entre nous même ici dans cette commission des affaires sociales du Sénat
43:19 et puis il y en aura qui seront plus clivantes et après ce sera aux politiques de prendre la responsabilité de le faire.
43:26 Moi je veux bien, parce que je vous ai entendu particulièrement, enfin en tout cas merci Mesdames de nous avoir redonné aussi le sens de l'éthique dans le droit
43:34 et je suis très sensible avec ces valeurs à la fois de non-malfaisance, de bienveillance et de l'autonomie du patient et c'est vraiment de ça dont il s'agit.
43:48 Moi je voulais vous questionner Monsieur Julien Janonnet parce que vous avez une spécificité qui est intéressante
43:56 et moi quand on est allé avec la Présidente et mes collègues en Belgique, j'ai été frappée sur une question qui n'est pas une question de sémantique je pense
44:04 parce que les Belges, ils n'ont pas légalisé l'euthanasie, ils ont dépénalisé l'euthanasie et sur leur brochure c'est bien inscrit "loi dépénalisant l'euthanasie".
44:14 Alors je ne suis pas du tout juriste de formation et je voudrais bien avoir la perception, l'analyse de ce que vous faites.
44:22 Quelle est cette grande différence entre les termes et par-delà les actes ?
44:36 Oui, merci Madame la Présidente, merci Mesdames, merci Monsieur pour vos interventions.
44:42 Juste en complément, dire à Emilienne qu'on a voulu associer l'ensemble des commissaires, de façon, on était tous les trois d'accord, pour ouvrir à l'ensemble des commissaires ces auditions,
44:53 tout en complément des auditions évidemment que nous faisons en tant que rapporteurs.
44:57 J'ai trois, quatre questions mais très courtes et avec peut-être des réponses très courtes aussi parce que sinon on va encore y passer beaucoup de temps
45:06 ou sinon vous me répondrez si vous voulez, peut-être par écrit, si vous voulez dans la formulation plus longue.
45:11 En tant que juriste, l'acte d'euthanasie est-il un soin ?
45:17 Quelle est votre définition de la mort naturelle ou d'une mort naturelle ?
45:23 Vous pouvez disserter certainement trop longuement, mais juste comme ça je fais part de mes questions.
45:30 Mes questions sont courtes, les réponses sont certainement longues, mais voilà, en quelques mots, puis tout le monde aura accès au compte-rendu de la Commission
45:36 donc il y aura un rapport où tout ça sera mentionné si vous me faites des réponses écrites.
45:42 Quelles conséquences juridiques que peuvent engendrer demain liberté de demander sa mort et dignité ?
45:50 Et j'allais même rajouter égalité puisque vous avez évoqué l'égalité.
45:54 Et quel risque de pente glissante ?
46:01 Voilà, j'avais sûrement d'autres questions mais je vais me tenir à ces quatre questions très courtes, vous le reconnaîtrez.
46:05 Alors, voilà, je vais me lancer de façon rapide mais je n'ai pas toutes les réponses.
46:17 Alors, l'euthanasie est un acte qui consiste à injecter d'une façon quelconque un produit létal afin que la personne décède.
46:26 Évidemment, ce n'est pas un soin dans le sens où ce n'est pas une mesure de confort.
46:32 C'est pour ça, je pense que la réponse est totalement subjective en fonction des personnes qui répondront.
46:42 Bien sûr, ce n'est pas un soin, c'est simplement la dernière solution, la façon d'arrêter des souffrances qu'on ne parvient pas à arrêter lorsqu'une personne est condamnée.
46:51 Ce n'est pas un soin au sens où ça ne procure pas un confort quelconque.
46:56 C'est une façon d'arrêter les souffrances.
46:59 Alors ensuite, une mort naturelle, dans le contexte dans lequel nous sommes, je pense que c'est une mort qui s'oppose à la mort provoquée par une substance injectée dans cet objectif.
47:14 Est-ce que je continue ou peut-être vous allez répondre à la suite ?
47:18 La mort naturelle, justement, en Belgique, je crois qu'ils ont, en disant la personne décédée est considérée décédée de mort naturelle.
47:25 Ça avait d'ailleurs un peu été le cas lorsqu'on avait examiné la proposition de loi de Marie-Pierre Lagontry que rapportait Michel Meunier.
47:33 Il y avait cette notion qui apparaît compliquée parce qu'une mort naturelle qui est dûe après un coup de seringue, c'est quand même compliqué intellectuellement à envisager.
47:43 Mais sur le plan juridique, ça tient, ça.
47:45 Pour moi, non. Non, parce qu'à ce moment-là, qu'est-ce qu'une mort non naturelle ?
47:52 Voilà. Pour moi, une mort naturelle, c'est l'achèvement de la vie lorsque le corps, l'organisme, cesse de fonctionner.
48:00 Lorsqu'on injecte un produit afin qu'il cesse de fonctionner, voilà.
48:05 Maintenant, je pense que les philosophes répondraient peut-être mieux que nous, en tout cas que moi, sur la notion de nature.
48:11 Mais non, pour moi, c'est pas une mort naturelle.
48:16 En fait, on met le mort naturel, je pense, pour éviter des poursuites, pour que la personne qui a fait l'injection ne soit pas poursuivie.
48:24 Mais vous allez peut-être... Mais vous continuez sur vos réponses.
48:28 Ah, je continue.
48:30 La troisième était les conséquences juridiques de la demande de mort vis-à-vis de la dignité, je crois.
48:37 De la liberté de demander sa mort, la notion de dignité, la notion aussi d'égalité que...
48:43 Alors, oui, concernant la dignité, bon, je pense pas que l'idée soit de se lancer dans un débat sur la dignité.
48:51 On va simplement dire que la dignité peut être définie de façon rapide comme notre égale appartenance à l'humanité.
48:58 Et je crois que cette notion... Alors, dans un rapport que j'ai coordonné, que je vous ai communiqué d'ailleurs cet été,
49:06 on a abandonné, parmi les arguments qu'on recensait, la dignité tout simplement parce que là,
49:13 la façon de voir le respect de la dignité selon qu'on permet l'acte létal ou non est totalement subjective.
49:21 Voilà. Maintenant, il est certain qu'il est... Il pourrait y avoir, mais j'ai pas d'inquiétude, ça n'arrivera pas.
49:30 Des cas dans lesquels la dignité ne soit pas respectée. Mais je pense que c'est pas notre débat. Bien sûr que la dignité sera respectée.
49:37 Simplement, chacun d'entre vous aura peut-être une notion différente du respect de cette dignité.
49:42 Parce que tout le monde reste digne jusqu'à la fin de ses jours. C'est pour ça que j'aime pas beaucoup l'expression de mourir dans la dignité.
49:48 Un être humain reste digne parce que la dignité est un attribut tout simplement de l'humanité.
49:55 Simplement, toute la question est de respecter au mieux cette dignité. Et c'est là où je pense qu'il n'y a pas de réponse objective, en tout cas tranchée.
50:04 — {H. Bélair-Malouf} Il y avait une autre question. — {F. de Rugy} Oui, c'était... Je sais pas.
50:09 — {F. de Rugy} Quel risque de pente glissante ? — {F. de Rugy} Alors le risque de pente glissante et le risque... Alors on appelle ça...
50:16 Oui. D'une façon, je vais dire... Parce que je prends exemple sur ce qui s'est passé, et notamment là où était Théo Bauer. C'est en...
50:25 — {H. Bélair-Malouf} On est au Pays-Bas. — {F. de Rugy} Au Pays-Bas. Voilà. Je crois qu'on a tous été marqués par cet article de Théo Bauer.
50:32 Ce qui est certain, c'est que de toute façon, la loi ne répondra pas à toutes les demandes, à toutes les situations. C'est ce que vous disiez. Le consensus total n'existe pas.
50:40 Donc certaines personnes se verront refuser l'éventuel droit tel qu'il sera défini. Et ces personnes pourront défendre leur position, notamment vis-à-vis des juridictions,
50:53 en invoquant une stigmatisation ou une inégalité des droits. Et c'est là où on risque, avec une logique juridique, d'étendre ce que vous aurez décidé,
51:05 parce que certaines personnes qui ne feront pas partie du dispositif pourront faire valoir qu'il y a là une inégalité. Voilà. Merci.
51:17 — {A. Girardin} M. Jannet, ensuite, si vous voulez compléter. — {M. Jannet} Merci, madame la présidente. Alors tout d'abord sur la distinction entre dépénalisation ou légalisation.
51:26 Alors là, c'est une distinction générale en droit. Quand vous dépénalisez, vous faites en sorte qu'un comportement qui était incriminable,
51:37 qui était susceptible de justifier le fait que la personne qui effectuait ce comportement pouvait être attraite devant un juge pénal, ne devient libre,
51:49 au sens d'un principe général de liberté en droit pénal qui fait qu'on ne peut punir qu'à raison de ce qui a été explicitement interdit.
51:55 Dès lors que vous, par une loi, vous décidez que le code pénal ne punit plus tel comportement, ce comportement rentre dans le champ général
52:04 des très nombreux comportements qui relèvent du principe général de liberté. La légalisation, qui peut d'ailleurs croiser partiellement la dépénalisation,
52:12 elle conduit à ce qu'une loi explicitement autorise les individus à agir d'une certaine manière avec tout ce que permet une loi,
52:19 c'est-à-dire pas uniquement prévoir que c'est désormais autorisé, mais aussi prévoir les conditions dans lesquelles cela est autorisé.
52:25 Et donc, lorsque vous dépénalisez, vous dites simplement "ça tombe dans le champ général d'un principe de liberté", lorsque vous légalisez,
52:31 eh bien vous pouvez fixer des critères, des conditions, des procédures, en disant "voilà ce qu'il faudra faire si désormais vous souhaitez accéder à un suicide assisté ou à une euthanasie".
52:42 En ce qui concerne, Madame la Sénatrice, les questions que vous posiez sur certaines des plus grandes notions du droit public et constitutionnel, notamment français,
52:51 la liberté tout d'abord. En l'occurrence, évidemment c'est très difficile de se prononcer sur un texte sans même le projet de loi qui va être le point de départ, peut-être,
52:59 de vos réflexions et de vos travaux. Le principe de liberté, on peut considérer que la liberté serait accrue par l'ouverture faite aux individus
53:10 d'accéder à ces fins de ville. La dignité, alors la dignité c'est évidemment une question tout à fait épineuse. C'est une catégorie juridique dont les contours sont extrêmement vagues,
53:21 dont la charge politique, morale est évidemment très importante. Et donc le fait d'invoquer la dignité, en l'occurrence, il ne me semble pas qu'il y ait une solution toute prête
53:32 que l'on puisse déduire de ce principe de dignité. En effet, on peut tout à fait invoquer la dignité au soutien de l'idée selon laquelle il faut permettre aux individus
53:41 de choisir les conditions dans lesquelles ils souhaitent mourir, en particulier pour ceux qui sinon vont subir des souffrances atroces avant la fin naturelle,
53:49 ou normale, si j'ose dire, si l'on ne fait rien des choses. Et puis à l'inverse, il y a ceux qui vont dire "mais c'est parfaitement indigne de rendre possible le fait que l'État
53:56 autorise d'une manière ou d'une autre un acte positif conduisant à la mort des individus". Donc à cet égard, je ne suis pas certain que le principe de dignité vous soit d'une...
54:06 Il est incontournable, mais en même temps je ne suis pas sûr qu'il vous soit d'une très grande aide en la matière. Quant à l'égalité, alors je ne suis pas certain de comprendre exactement les cas dans lesquels...
54:15 En fait, c'était les conséquences juridiques de légiférer la liberté de choisir sa mort, de la notion de dignité, mais je m'en prie, et de l'égalité puisque ça a été évoqué tout à l'heure.
54:29 Alors, oui.
54:30 En fait, c'est sur... Voilà. C'est les conséquences juridiques que peuvent avoir...
54:35 L'égalité d'accès.
54:37 Le principe d'égalité en droit français est un principe qui est tout à fait malléable dans la mesure où, en gros, il prévoit le fait que des personnes dans des situations équivalentes doivent être normalement traitées de façon équivalente
54:51 et que des personnes dans des situations différentes peuvent être traitées de manière différente dès lors que la différence de traitement est en lien avec l'objectif de la loi qui prévoit ce traitement.
55:01 Dans les faits, lorsque l'on regarde la manière dont les juges administratifs et constitutionnels en particulier utilisent le principe d'égalité, on constate qu'il y a une très grande malléabilité de ce principe qui dépend des paramètres choisis.
55:15 Selon que vous vous concentrez sur tel ou tel aspect, eh bien vous allez considérer que les situations sont analogues ou comparables ou à l'inverse, sont différentes et donc méritent ou rendent possible la possibilité d'un traitement différencié.
55:26 En l'occurrence, il faudrait voir ce dont on parle. Est-ce que par principe d'égalité, on entend le fait que seraient traitées différemment des personnes qui seraient en mesure d'exprimer de manière consciente et répétées jusqu'au dernier moment leur soin de mourir
55:39 versus des personnes qui ne seraient plus en mesure de le faire et auquel cas il faudrait se fonder uniquement sur d'éventuelles directives anticipées ?
55:44 Quid en l'absence de directives anticipées ? On recroise des questions qui sont bien connues des spécialistes. Est-ce que le principe d'égalité veut que simplement on constate qu'en France des personnes en général plus favorisées, plus informées, savent qu'il est possible d'aller mourir en Suisse, au Luxembourg ou en Belgique ?
56:02 Contrairement à des personnes qui ne le savent pas ou qui n'y ont pas accès et qui se trouvent à cet égard dans une situation différente, l'égalité à cet égard me paraît croiser ou être une ligne de fond dans l'intégralité de vos travaux.
56:13 Quand je finis sur ce point, un taux de risque de la pente glissante, c'est évidemment un argument plus politique que juridique. Ma réponse de juriste consiste à dire "oui, mais en même temps vous êtes législateur".
56:26 C'est-à-dire si vous décidez de dire "on peut faire ça", vous n'êtes pas obligé, et c'est à vous de faire en sorte, l'argument a été utilisé en 2013 à propos du mariage ouvert aux personnes de même sexe, il y a eu beaucoup d'arguments de la pente glissante.
56:39 Bon, ensuite le législateur a pu faire évoluer le droit ponctuellement sur des points précis, mais c'était à chaque fois en réfléchissant, en sachant pourquoi.
56:46 Donc l'idée selon laquelle en bloquant une évolution, on se prémunirait contre le risque d'une évolution néfaste ultérieure, me semble de toute façon une idée assez faible, dans la mesure où à tout instant, le législateur, dans dix ans, pourra avancer avec un grand bon, si il le souhaite.
57:01 Donc faites ce que vous voulez faire à un instant précis, sans trop vous poser la question des conséquences intellectuelles, idéologiques, politiques éventuelles de la loi que vous êtes en train de préparer.
57:09 [Musique]