L'enquête de Nelson Getten, tous les vendredi, samedi et dimanche dans le Week-End Direct.
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00:00 On va revenir avec vous sur cette affaire de chantage à la sextape qui empoisonne Saint-Etienne.
00:05 Alors je vais rappeler les faits.
00:06 Tout d'abord, on parle d'un ancien adjoint au maire de la ville qui a donc été piégé,
00:09 filmé à son insu lors d'une soirée intime avec un escort boy.
00:13 Tout ça aurait été organisé par des proches du maire Gaël Perdriot.
00:18 Quelques mois plus tard, le maire lui-même aurait menacé l'élu de diffuser la vidéo compromettante pour le faire chanter.
00:25 Et après sept mois d'enquête, ça s'est donc passé hier soir, Gaël Perdriot a été mis en examen.
00:30 Et vous, Nelson, vous avez voulu justement vous rendre à Saint-Etienne.
00:34 Vous rentrez tout juste, vous êtes rentré aux alentours de 20h30 pour essayer de comprendre quel est le climat sur place,
00:40 essayer de comprendre si oui ou non Gaël Perdriot a l'intention de rester à son poste, s'il va rester à son poste.
00:46 Il est déjà de retour à son poste, figurez-vous.
00:48 Il a quitté le tribunal hier soir après 40 heures de garde à vue et 6 heures d'interrogatoire.
00:53 Et il était déjà de retour à la mairie aujourd'hui.
00:56 Un mail que je me suis procuré envoyé à 13h26 aux élus de sa majorité, les convoquant à une réunion en mairie à 18h aujourd'hui.
01:06 Et puis un autre communiqué de presse qui, lui, a été diffusé en milieu d'après-midi,
01:11 indiquant qu'il avait bien l'intention de clamer son innocence depuis son siège de maire.
01:16 Sauf que, évidemment, l'opposition et même quelques frondeurs de sa majorité demandent son départ.
01:22 Je crois qu'aujourd'hui, plus personne ne peut dire que Gilles Hartig n'est pas la victime et que les 4 acolytes sont les gourous.
01:31 Mais pour autant, il y a la présomption d'innocence, il n'est que mis en examen, il n'est pas condamné.
01:35 Il peut rester à la mairie légalement.
01:37 On est parti pour quelques années de procès.
01:39 Mais c'est de dire que Saint-Etienne ne peut pas encore subir ces années-là en attendant d'éventuels soubresauts ou encore une action médiatico-judiciaire.
01:50 Pour qu'on puisse faire next et retrouver un peu de sérénité, il faudrait que le maire de Saint-Etienne fasse un pas de côté.
01:58 – Vu les charges qui pèsent contre lui, sa situation politique paraît compliquée quand même.
02:04 – Et bien pourtant non.
02:05 En allant à Saint-Etienne, on se rend compte qu'il y a une véritable omerta dans cette ville.
02:10 Le maire et son cabinet feraient régner chez les agents et chez les élus un climat de peur.
02:15 Personne ne veut parler, ou presque.
02:17 Même des syndicalistes qui normalement ont la langue plutôt bien pendue ont peur des représailles.
02:23 – Dès que l'affaire est sortie, on nous a clairement dit en gros, il n'y a pas de sujet.
02:26 Il y a cette espèce d'omerta qui s'est mise en place.
02:29 Ça n'existe pas.
02:29 Au sein de la ville de Saint-Etienne, les agents, on n'a presque pas le droit de parler de ça.
02:33 – Si vous en parlez, il se passe quoi ?
02:34 – Eh bien, je ne sais pas si c'est qu'on est des bons petits soldats ou pas, mais on n'en parle pratiquement pas.
02:39 Alors à la machine à café, je ne vous dis pas que les agents, ils n'en parlent pas entre eux.
02:41 – Et donc ça chuchote ?
02:42 – Voilà, ça chuchote.
02:44 C'est ce climat qui est un peu… voilà, on sait tous qu'il y a un problème,
02:47 mais personne ne peut en parler ouvertement.
02:49 Aujourd'hui, je crois que c'est un peu comme s'il n'y avait plus de pilote dans l'avion
02:52 et qu'on ne savait plus où on allait.
02:54 – Un pas en avant et un pas en arrière.
02:55 – Ce qu'on m'a raconté, c'est que cette histoire de sextape révélée par Mediapart
03:00 ne serait que la partie émergée d'un système mis en place par le maire et son premier adjoint,
03:05 son ancien premier adjoint, pendant de nombreuses années.
03:08 Des pratiques managériales douteuses, des licenciements parfois abusifs,
03:12 des sanctions injustifiées, des menaces.
03:14 Une ancienne adjointe a accepté de me parler tout à l'heure sous couvert d'anonymat.
03:19 Elle m'a raconté que le maire et son directeur de cabinet
03:21 avaient diffusé la rumeur comme quoi elle était homosexuelle,
03:24 alors que c'était faux juste pour la discréditer.
03:27 – J'ai été taxée comme ça, d'être homosexuelle.
03:33 – Ce qui était faux ?
03:35 – Ah bah ce qui était… je peux vous le mettre au présent aussi.
03:38 – Est-ce qu'à l'époque vous avez reçu des menaces ?
03:40 – J'ai reçu des SMS qui étaient en tous les cas menaçants.
03:45 – Ils vous menaçaient de quoi ?
03:46 – Ah bah ils me menaçaient de l'isolement, de la mise à part,
03:53 et vous savez qu'il y avait un chantage à la suppression de la délégation.
03:58 – Comment vous expliquez que très peu de gens parlent ?
04:01 – Parce qu'il y a une forme de terreur.
04:03 – Une forme de terreur, des menaces, du harcèlement moral parfois,
04:06 même physique, des pratiques dont plusieurs sources disent avoir été victimes.
04:12 – Autre conséquence inévitable de cette affaire,
04:14 c'est évidemment la défiance des citoyens envers les élus.
04:18 – Oui, à Saint-Etienne évidemment, mais pas que,
04:20 dans la métropole séphanoise aussi, avec Olivier Jouglard,
04:23 on a été tout à l'heure voir le maire de Roche-la-Molière,
04:26 10 000 habitants, comme une collée à Saint-Etienne,
04:29 on l'a retrouvé, un déjeuner musical des seigneurs de sa ville,
04:33 c'était cet après-midi, c'était très sympa.
04:34 – Bah dites donc !
04:36 – Et à une des tables, j'ai discuté avec André,
04:38 que vous voyez là, qui avait un avis…
04:39 – C'est pour ça que je vous ai traîné à 20h.
04:41 – Exactement, et André avait un avis très tranché sur la question.
04:45 – C'est lamentable, on se demande s'il y a une protection,
04:48 c'est pas possible, c'est pas possible que des élus de ce niveau
04:52 se comportent de telle façon, après on s'étonnera que la politique
04:55 ait une image… c'est pas possible.
04:58 – Est-ce qu'il devrait démissionner selon vous ?
05:00 – Oui bien sûr, bien sûr qu'il devrait démissionner, oui.
05:04 – S'il ne démissionne pas, quelles conséquences ça peut avoir
05:07 pour la ville de Saint-Etienne et pour la région globalement ?
05:09 – Ça salit l'image de tous les élus politiques,
05:12 et ça cultive l'image du "tous pourris".
05:17 – On a fini par sortir de la salle avec le maire,
05:19 et lui, ce fameux "tous pourris", il en est victime au quotidien.
05:23 – On essaie de faire notre travail sainement,
05:25 avec nos valeurs et nos convictions, mais on subit parce que,
05:28 finalement, on se retrouve dans la rue avec un habitant
05:31 qui va penser qu'on fait exactement pareil.
05:34 Alors qu'on n'est pas du tout dans cette façon de fonctionner.
05:36 – Concrètement, qu'est-ce qu'on vous dit quand vous vous baladez
05:38 dans votre ville à des réunions publiques ?
05:41 – Ah, bravo, encore des vidéos, vous êtes tous un petit peu comme ça,
05:48 ça serait bien de faire le ménage, vivement que la justice passe,
05:51 c'est épuisant pour tout le monde.
05:54 – Éric Berlivès siégeait avec Gaël Pedriault, mais à la métropole.
05:58 Gaël Pedriault s'est mis en retrait de son poste de président de la métropole,
06:02 en revanche, à la mairie, il reste indéboulonnable.
06:04 – Ce qui est frappant dans votre enquête, Nelson,
06:06 c'est qu'on sent que, où que ce soit, qui que ce soit,
06:09 les gens ont besoin d'en parler, que le sujet est lourd.
06:12 – Ils ont besoin d'en parler, mais en même temps,
06:14 il faut en parler discrètement, et honnêtement, je l'ai dit là dans l'enquête,
06:18 mais je travaille régulièrement avec des syndicalistes qui parlent,
06:22 et là, je n'ai jamais vu des syndicalistes qui n'osaient pas parler,
06:25 qui me disaient des choses en off avant, qui ne pouvaient pas dire à la caméra,
06:30 parce que justement, ils avaient peur, soit que les témoignages
06:34 de leurs collègues dont ils rendaient compte se retournent contre eux,
06:38 soit que eux-mêmes, syndicalistes, puissent être marginalisés à la mairie.
06:42 Il y a 3500 agents à la mairie de Saint-Étienne,
06:45 et tous ont véritablement les pétoches.