- Grand témoin : Serge July, co-fondateur du journal « Libération »
LE GRAND DÉBAT / Comment en finir avec les bas salaires ?
« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski
Au 1er janvier 2023, le montant officiel du SMIC s'élève à 1353,07EUR net ; il concerne 12% des salariés dans le secteur privé. Beaucoup s'en plaignent : il est très difficile de boucler ses fins de mois avec pareille somme, notamment en période d'inflation. Quelle réponse les politiques peuvent-ils apporter à cette problématique du quotidien ? À l'été 2022, le projet de loi portant sur les mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a été adopté. Mais comment faire pour accélérer la mobilité salariale et éviter des carrières entières passées au SMIC ?
Invités :
- Charlotte Parmentier-Lecocq, députée Renaissance du Nord
- Philippe Brun, député PS de l'Eure
- Karen Gournay, secrétaire confédérale de FO
- Gilbert Cette, économiste
LE GRAND ENTRETIEN / Serge July : « Libé » fête ses 50 ans !
En 1973, Serge July et ses acolytes fondaient le journal « Libération ». 50 ans plus tard, le titre est devenu le journal de référence à gauche. Particulièrement touché par la crise de la presse, « Libé » tient bon grâce à ses Unes malicieuses et ses équipes de journalistes aguerris. Luttes sociales, bannissement de l'extrême droite, droit des femmes et des LGBTQ+ : « Libération » a toujours voulu « donner la parole au peuple » ...
- Grand témoin : Serge July, co-fondateur du journal « Libération »
BOURBON EXPRESS :
- Marco Paumier, journaliste LCP
LES AFFRANCHIS :
- Isabelle Lasserre, journaliste au Figaro
- Carole Barjon, journaliste à l'Obs
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.
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LE GRAND DÉBAT / Comment en finir avec les bas salaires ?
« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski
Au 1er janvier 2023, le montant officiel du SMIC s'élève à 1353,07EUR net ; il concerne 12% des salariés dans le secteur privé. Beaucoup s'en plaignent : il est très difficile de boucler ses fins de mois avec pareille somme, notamment en période d'inflation. Quelle réponse les politiques peuvent-ils apporter à cette problématique du quotidien ? À l'été 2022, le projet de loi portant sur les mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a été adopté. Mais comment faire pour accélérer la mobilité salariale et éviter des carrières entières passées au SMIC ?
Invités :
- Charlotte Parmentier-Lecocq, députée Renaissance du Nord
- Philippe Brun, député PS de l'Eure
- Karen Gournay, secrétaire confédérale de FO
- Gilbert Cette, économiste
LE GRAND ENTRETIEN / Serge July : « Libé » fête ses 50 ans !
En 1973, Serge July et ses acolytes fondaient le journal « Libération ». 50 ans plus tard, le titre est devenu le journal de référence à gauche. Particulièrement touché par la crise de la presse, « Libé » tient bon grâce à ses Unes malicieuses et ses équipes de journalistes aguerris. Luttes sociales, bannissement de l'extrême droite, droit des femmes et des LGBTQ+ : « Libération » a toujours voulu « donner la parole au peuple » ...
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BOURBON EXPRESS :
- Marco Paumier, journaliste LCP
LES AFFRANCHIS :
- Isabelle Lasserre, journaliste au Figaro
- Carole Barjon, journaliste à l'Obs
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NewsTranscription
00:00 [Générique]
00:05 Bonsoir, bienvenue, ça vous regarde en direct.
00:08 Notre grand témoin ce soir est la grande figure historique du journal Libération
00:13 qu'il a fondé en 1973.
00:16 - Il n'est pas encore au cimetière.
00:18 - Il y a tout juste 50 ans Serge Gilly, bonsoir.
00:21 - Bonsoir.
00:22 - On va parler évidemment de cet anniversaire hors série exceptionnelle
00:25 sort en kiosque demain, les combats, les heures de gloire de Libé, les passages à vide.
00:31 Aussi le journal il a pas mal changé.
00:33 Vous nous direz Sire, l'esprit d'origine libérale, libertaire est toujours là ou pas ?
00:37 On a du temps, on en parlera ensemble tout à l'heure.
00:40 Mais on commence avec notre grand débat ce soir sur les bas salaires.
00:44 Les travailleurs pauvres sont plus nombreux dans le pays et plus pauvres.
00:48 Avec l'inflation, le gouvernement espère en faire la nouvelle priorité nationale
00:53 pour tourner la page des retraites.
00:56 Vous le savez, certaines branches sont en dessous du minimum légal.
01:00 Alors sommes-nous condamnés à une société de smicards ?
01:03 C'est notre grand débat avec nos invités dans un instant sur ce plateau
01:06 avant de retrouver à 20h15 les parties prises de nos affranchis.
01:10 Et puis Bourbon Express bien sûr, l'histoire du jour à l'Assemblée.
01:12 Voilà pour le menu ce soir, vous me suivez Serge Gilly ?
01:15 - Volontiers.
01:16 - Bon, regarde, c'est parti.
01:17 (Générique)
01:27 - Elles sont femmes de ménage, caissières ou aides-soignantes.
01:31 Ils sont caristes, magasiniers ou travailleurs des plateformes,
01:34 tous en première ligne pendant le Covid.
01:36 Tous subissent de plein fouet l'inflation et tous sont quasiment ou presque au smic
01:42 et passent même leur carrière au smic.
01:44 Alors sommes-nous condamnés à une société de smicards ?
01:47 La pauvreté au travail est-elle une fatalité ?
01:50 Bonsoir, Charlotte Parmentier-Lecocq.
01:52 - Bonsoir.
01:53 - Merci d'être avec nous, vous êtes députée Renaissance du Nord.
01:55 Vous étiez la rapporteure du projet de loi Pouvoir d'achat
01:58 qui a été adopté à l'été dernier.
02:00 En face de vous, Philippe Brun. Bonsoir.
02:02 - Bonsoir.
02:03 - Merci d'être là. Vous êtes députée socialiste de l'heure,
02:05 membre de la Commission des Finances et le Parti socialiste
02:08 qui a des propositions à faire sur les salaires.
02:11 Bonsoir, Gilles Berset.
02:12 - Bonsoir.
02:13 - Vous êtes économiste, professeur à la Neoma Business School à Paris.
02:16 Enfin, bonsoir, Karen Gournay.
02:18 - Bonsoir.
02:19 - Vous êtes syndicaliste, secrétaire confédérale de Force ouvrière.
02:22 La mobilité salariale, c'est vous, les partenaires sociaux
02:25 qui en avez la charge.
02:27 On verra s'il est possible ou non de négocier
02:29 avec le patronat Serge Julli.
02:31 Les salaires, c'est un combat de Libé, de toujours.
02:34 - Pas que.
02:35 - Pas que, mais évidemment,
02:37 votre regard nous intéresse dans ce débat.
02:39 On va commencer par planter le décor avec Stéphane Blakowski.
02:41 Basse salaire, inflation,
02:43 pourquoi le travail ne paie pas assez dans le pays
02:45 et que veut faire Emmanuel Macron ?
02:47 Il a 200 secondes.
02:48 C'est parti, top chrono.
02:50 Le chrono de Blakow, je me retourne pour vous accueillir.
02:56 Bonsoir Stéphane.
02:57 - Bonsoir Myriam, bonsoir à toutes et tous.
02:59 - Alors qu'est-ce qui ne va pas dans le pays ?
03:01 - Ce soir, on parle des basses salaires qui sont rattrapées par l'inflation,
03:04 qui ont du mal à boucler leur fin de mois.
03:06 C'est même plus grave que ça,
03:07 puisque quand on parle des Français qui touchent pas plus que le SMIC,
03:10 c'est-à-dire le SMIC ou moins,
03:11 ils ont même du mal à remplir leur frigo.
03:13 C'est un sondage de l'IFOP qui nous donnait ces chiffres.
03:16 Vous voyez, plus de 80% ont arrêté de consommer ce qui coûte trop cher.
03:19 La moitié ou plus même ont réduit les quantités.
03:22 On a même 40% des Français qui touchent des basses salaires
03:25 qui ont sauté un repas.
03:28 Du coup, forcément, le Président en est conscient, il s'inquiète.
03:31 Et récemment, il a dénoncé justement les branches professionnelles,
03:34 ce dont vous parliez,
03:35 dont les grilles salariales commencent en dessous du salaire minimum.
03:39 On l'écoute.
03:40 Aujourd'hui, allons travailler pour maintenant très vite
03:43 trouver une réponse dans tous ces métiers qui sont insuffisamment payés,
03:46 qui sont souvent les métiers de première et deuxième ligne
03:49 dont on a eu besoin pendant la période Covid,
03:51 et qui continuent à avoir des salaires minimums dans leurs branches
03:54 qui sont inférieurs au minimum légal.
03:56 Alors, ce qui est amusant, c'est quand même que Emmanuel Macron,
03:59 sur ce sujet, il est un petit peu en retard, on va dire.
04:01 Il a carrément un an de retard, en fait, sur ce que disait Laurent Berger.
04:04 Il disait exactement la même chose il y a un an avant les présidentielles,
04:07 c'est-à-dire que, avant de savoir qui était élu,
04:10 il disait que, pour la CFDT, la priorité,
04:12 ce serait que toutes les grilles salariales de toutes les branches professionnelles
04:16 commencent au SMIC, on l'écoute.
04:17 Ce que je souhaite, c'est que le gouvernement, quel qu'il soit,
04:20 eh bien, il impose aux branches professionnelles,
04:23 dans les six mois, d'avoir des négociations
04:25 pour que leur minima de branches ne soit pas inférieur au SMIC.
04:29 Alors, c'est surprenant, mais on voit bien que Macron et Berger
04:32 sont quand même d'accord sur ce sujet.
04:34 Alors, sur ce qu'ils sont d'accord, je vais essayer de vous expliquer.
04:38 Regardez, quand on parle des effets de l'inflation,
04:41 notamment sur la vie des Français.
04:43 Le SMIC, lui, est indexé sur l'inflation, il a augmenté de quasiment 10 %
04:46 ces 18 derniers mois, l'inflation, elle, donc plus que l'inflation.
04:49 En revanche, pour les salaires des moins bien payés,
04:52 eh bien, ils ont augmenté.
04:54 Et le pire, c'est que dans certaines branches professionnelles,
04:56 alors, bien sûr, on a pris la pire pour que ce soit démonstratif,
04:59 en l'occurrence dans le caoutchouc,
05:00 les grilles salariales commencent en dessous du SMIC,
05:02 les salaires des moins payés à 1 610, alors que le SMIC, c'est 1 709 brut aujourd'hui.
05:07 Alors, attention, personne n'est payé en dessous du SMIC, en fait,
05:10 puisque l'employeur compense avec une prime, soit un peu plus, de salaire.
05:13 Mais l'effet, c'est que votre coefficient, en fonction de votre durée dans l'entreprise,
05:18 progresse, vous voyez, au bout de 10 ans, vous avez quasiment,
05:20 beaucoup plus d'expérience, forcément, augmentez votre coefficient,
05:22 mais au bout de 10 ans, votre salaire, il est toujours en dessous du SMIC.
05:26 Donc, oui, le SMIC augmente, mais les autres salaires ont tendance à stagner.
05:30 Donc, on se dit, moi, je ne vais pas bosser dans le caoutchouc, évidemment,
05:33 mais il y a d'autres domaines où ça joue, regardez.
05:35 Chez les enseignants, par exemple, il y a un métier qui se trouve dévalorisé par rapport au SMIC.
05:39 C'était deux fois le SMIC il y a 40 ans, aujourd'hui, c'est à peine un fois de plus.
05:42 Et donc, forcément, on a des problèmes de recrutement dans ce métier comme dans d'autres,
05:46 d'où l'inquiétude de Laurent Berger, qui s'inquiète d'une SMICardisation de la classe moyenne,
05:52 c'est-à-dire que tout le monde va finir par être payé,
05:54 en tout cas, plus de la moitié des Français vont être payés au SMIC, on l'écoute.
05:58 Le SMIC, il est devenu trop souvent la norme, y compris quand vous développez des compétences,
06:03 quand vous avez un déroulement de carrière, etc.
06:05 Et bien, vous pouvez faire preuve d'investissement professionnel,
06:08 de compétences acquises, évidemment, par votre travail, etc. et continuer d'être payé au SMIC.
06:14 Alors, ça, c'était il y a un an, et vous allez voir comme c'est amusant,
06:17 parce qu'il se trouve que le président Macron était exactement d'accord, une fois de plus, avec Laurent Berger.
06:22 Ben oui, vous savez qu'il veut redonner le goût du travail aux Français.
06:25 Et donc, pour ça, eh bien, il faut revaloriser les carrières, on l'écoute.
06:29 On doit travailler les carrières.
06:32 Ce n'est pas une loi qui changera les carrières, parce qu'on n'est pas une économie administrée.
06:36 Mais il faut remettre sur le terrain le dialogue social,
06:41 pour que les carrières permettent de mieux gagner sa vie.
06:43 Bref, moi, j'ai l'impression que Macron et Berger, contrairement à ce qu'on pourrait croire,
06:47 sont vraiment d'accord sur pas mal de choses.
06:49 Et c'est tellement dommage qu'ils soient fâchés sur cette question de réforme des retraites.
06:53 Moi, je me demande, mais qui suis-je pour dire ça,
06:55 s'il n'aurait pas fallu commencer d'abord par les carrières et les salaires,
06:58 et après, le recul éventuel.
07:00 Mais c'est une bonne question, merci.
07:02 Merci pour cette conclusion piquante, Stéphane Lacosquy.
07:06 Je vais commencer par les observateurs et j'irai vers les élus juste après.
07:09 Gilles Berset, qu'est-ce qui se passe en France, pour bien comprendre le phénomène ?
07:12 Pourquoi, pour reprendre l'expression du président, les salaires sont écrasés autour du SMIC ?
07:19 Soit un peu plus... On parlera des branches qui sont en dessous du SMIC.
07:22 Mais déjà, pourquoi la mobilité salariale ne fonctionne pas pour les bas salaires dans le pays ?
07:27 Je dirais qu'il y a deux raisons à cela.
07:29 La première, c'est que la négociation collective est insuffisante sur les questions salariales.
07:35 Alors même que les partenaires sociaux et les syndicats de salariés
07:38 montrent une très forte capacité de mobilisation dans la période actuelle,
07:42 en ce qui concerne les salaires, cette capacité de mobilisation semble assez faible.
07:48 Dans un pays comme la France, quand on se compare à des pays comme l'Allemagne.
07:54 C'est une raison forte dans un contexte, il faut le dire,
07:58 où les augmentations du SMIC ont été fortes et répétées.
08:02 Il y a eu deux augmentations du SMIC l'année 2021, il y en a eu trois en 2022.
08:07 Donc même des branches qui s'alignent en quelque sorte sur le SMIC
08:11 sont rattrapées par l'augmentation suivante.
08:13 Et en 2023, on en a eu une bien sûr au 1er janvier de 1,81%
08:18 et on en aura une autre le 1er mai ou le 1er juin prochain.
08:22 Donc c'est de la faute des partenaires sociaux ?
08:24 Les syndicats ou le patronat ?
08:26 Parce qu'en général, c'est les patrons qui doivent accepter les augmentations de salaire.
08:29 Et puis il y a une autre raison fondamentale,
08:32 c'est que les gains en termes de revenus associés à une augmentation du salaire
08:36 pour quelqu'un qui est au SMIC sont très faibles.
08:39 Très très faibles. Pourquoi ?
08:40 Ça ne vaut pas le coup ?
08:41 Pourquoi ? Parce que...
08:43 Financièrement, pour le salarié, d'augmenter son salaire ?
08:45 En France, il y a énormément de prestations, énormément de prestations,
08:47 plus que dans tout autre pays.
08:49 Des aides sociales, c'est ça ?
08:50 Des aides sociales.
08:51 Et ces prestations sont évidemment dégressives avec les revenus du travail.
08:54 C'est logique. Elles ne sont pas universelles.
08:56 Elles sont conditionnées aux revenus du travail.
08:58 Donc on perd des aides, par exemple, au logement, si on monte un petit peu au-dessus du choc ?
09:02 Donc on perd des aides au fur et à mesure que son revenu du travail augmente.
09:04 Et ce que nous avons montré dans le rapport du groupe d'experts sur le SMIC
09:08 dont j'ai l'honneur de présider, c'est que la France est le pays
09:12 dans lequel les gains, en termes de revenus nets,
09:16 associés aux progressions salariales, sont les plus faibles de tous les pays avancés.
09:21 De tous les pays de l'OCDE, 38 pays de l'OCDE,
09:23 il y en a 30 qui ont un salaire minimum.
09:25 Parmi ces 30...
09:26 Donc c'est presque le salarié lui-même, dans l'environnement social français,
09:29 qui n'a pas intérêt à être augmenté.
09:31 On est le pays dans lequel les gains, en termes de revenus,
09:34 d'une augmentation de salaire en bas de l'échelle des salaires,
09:37 sont les plus faibles du fait de la dégressivité logique
09:40 de prestations massives.
09:42 - Alors, Karen Gournay, pour les partenaires sociaux,
09:45 d'abord les experts, ensuite les élus pour les propositions.
09:48 Premier argument, c'est de la faute des partenaires sociaux.
09:51 Au fond, ils n'avaient qu'à réussir à négocier.
09:53 Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
09:55 C'est plutôt le patronat qui traîne les pieds, c'est ça ?
09:57 - Alors, je pense qu'au-delà de la problématique de la négociation de branche,
10:01 en effet, vous êtes bien concerné pour savoir qu'une négociation,
10:05 il y a une obligation de moyens, pas de résultat.
10:07 Donc, il faut être deux pour négocier.
10:09 Et forcément, quand bien même nous avons, nous,
10:11 organisation syndicale, envie de pousser pour obtenir des augmentations de salaire,
10:15 bien souvent, elle se limite simplement à une mise en conformité au SMIC.
10:19 Et donc, si on négocie des minimas conventionnels râlés-pas-crêtes
10:22 et qu'on tient à la conformité au SMIC,
10:25 nécessairement, à la prochaine régularisation, hop, boum,
10:27 toutes les branches, elles retombent en dessous du SMIC.
10:31 Ça, c'est un élément important.
10:33 Nous avions, à plusieurs reprises, à force ouvrière,
10:37 demandé au gouvernement de potentiellement trouver les moyens de contraindre,
10:41 d'une façon ou d'une autre, quand même, le patronat
10:43 à être un peu plus enclin à négocier des augmentations de salaire.
10:46 - Comment précisément ? Quel levier ?
10:47 - On a proposé la conditionnalité, par exemple, des exonérations sociales,
10:51 c'est-à-dire un versement, enfin, une obtention des exonérations sociales
10:56 - qui sont allégées sur les bas salaires, c'est ça ?
10:58 - qui pourraient dépendre d'une branche qui est ou non conforme au SMIC.
11:02 Bon, mais moi, il y a quelque chose qui, d'ores et déjà, me choque,
11:07 au-delà du fait que les partenaires sociaux ont une responsabilité,
11:11 je pense que le gouvernement en porte une,
11:13 y compris dans le fait de refuser depuis 13 ans
11:16 un véritable coup de pouce au SMIC, qui est un levier indispensable,
11:20 et rapide et efficace, pour essayer de faire en sorte que...
11:23 - Il y aura un effet aussi sur les salaires un tout petit peu au-dessus ?
11:26 C'est mécanique, on augmente le SMIC et l'échelle augmente ?
11:29 - Oui, pour nous, l'augmentation du SMIC, c'est un moteur dans les négociations de branches,
11:34 c'est-à-dire qu'à partir du moment où il y a un coup de pouce significatif
11:37 qui est donné au minima conventionnel,
11:39 on a toute la grille qui s'inspire de cette dynamique.
11:43 - Alors, les élus, Charlotte Parmentier-Lecocq,
11:46 augmenter le SMIC serait une des réponses pour essayer de relancer la mobilité salariale
11:52 autour du SMIC, un peu au-dessus également dans les entreprises, déjà là-dessus.
11:56 Pourquoi ? On l'a vu pendant le débat sur le pouvoir d'achat.
11:58 Vous l'avez systématiquement refusé.
12:01 - C'est une des réponses, effectivement, quand il y a des augmentations du SMIC.
12:05 Ça induit que certaines branches doivent revoir leurs négociations
12:09 et revoir leur seuil minimum de rémunération.
12:13 Et ça, c'est des choses qu'on a renforcées aussi dans la loi pouvoir d'achat,
12:16 où l'Etat peut effectivement venir de manière un peu plus coercitive,
12:21 forcée par le biais de fusion de branches.
12:24 - Ça, c'est pour les branches du SMIC.
12:28 Pour les branches en dessous du SMIC, on va voir un sujet dans un instant.
12:31 Mais pourquoi tout simplement ne pas augmenter,
12:34 pas simplement réévaluer sur l'inflation, augmenter le SMIC ?
12:38 - Il est quand même augmenté. Il est quand même augmenté plusieurs fois.
12:41 Il peut y avoir aussi des coups de pouce.
12:43 Nous, ce qu'on pense, c'est qu'il faut aussi laisser le dialogue social
12:46 faire son travail pour pousser les augmentations de rémunération.
12:50 Et par ailleurs, on a plutôt aussi une démarche
12:53 qui est de finalement dégager des marges de manœuvre aux entreprises
12:57 pour leur permettre d'avoir du souffle
12:59 et leur permettre justement de faire ces augmentations.
13:02 - Ça ne marche pas beaucoup, là, si on regarde les résultats.
13:06 - Il y a quand même des branches qui ont renégocié
13:09 parce qu'il y a deux effets, j'allais dire.
13:11 D'un côté, on leur libère des marges,
13:13 parce qu'on a baissé les impôts de production,
13:15 on a baissé les charges aussi pour leur permettre
13:18 d'embaucher, de se développer.
13:21 Et de l'autre côté, on fait reculer le chômage progressivement
13:26 et ça, ça donne aussi un rapport de force un peu plus important
13:29 pour les partenaires sociaux.
13:32 Il y a l'effet sur les bas salaires, très bas salaires,
13:35 qui sont en dessous du SMIC, où on a renforcé la coercition
13:38 dans le pouvoir d'achat, parce que c'est vrai que de ce fait,
13:41 il y a des branches qui étaient à la traîne et qui l'étaient...
13:44 - On va y venir, sur les branches en dessous du SMIC,
13:46 il faut faire confiance. - C'est ça.
13:48 Non, mais pas que faire confiance, il y a un peu de coercion.
13:51 - Sur les allégements de cotisation.
13:53 - Il faut aussi créer un microcosme favorable.
13:55 - Surtout ce qu'on a appelé les aides-fillon,
13:58 toutes les exonérations de cotisation salariale,
14:01 juste au-dessus du SMIC, jusqu'à 1,6 SMIC,
14:03 l'entreprise se dit "si j'augmente, je perds mes avantages,
14:06 donc je n'augmente pas". C'est assez logique.
14:08 - Oui, je pense que c'est là où il y a encore des marges du manœuvre
14:11 et sans doute un travail à conduire, à approfondir.
14:15 - Donc vous êtes prêts à supprimer ces exonérations salariales ?
14:18 - Je ne peux pas vous répondre de but en blanc sur quelque chose
14:21 avec des effets de bord énormes.
14:23 Ce sont des choses qui sont à l'étude.
14:25 Actuellement, on a un groupe de travail
14:27 avec les députés de la MAJO,
14:30 parce qu'il y a aussi les deux autres groupes de la MAJO.
14:32 On est en train de préparer des réflexions
14:35 sur la future loi travail qui arrive
14:37 et pour nous, la question de la rémunération,
14:39 c'est un élément fondamental.
14:41 - C'est ces possibilités sur la table.
14:43 - On auditionne aussi les partenaires sociaux
14:45 sur l'accord national interprofessionnel
14:48 de partage de la valeur.
14:49 On réfléchit sur les modalités qu'on pourrait prendre.
14:52 Les allègements fions, et après je me tais pour mon collègue,
14:55 les allègements fions en particulier,
14:57 ça fait partie des points qu'on a en ligne de mire
14:59 parce qu'on voit bien qu'il y a des effets de seuil
15:02 qui font qu'à un moment donné, ça peut bloquer les progressions de salaire.
15:05 - C'est les trappes à bas salaire.
15:07 - Les blocages de retour à l'emploi parce qu'on perd des aides.
15:10 - Puis les bras, ça peut bouger, manifestement.
15:12 - On a trois grands problèmes qui expliquent cette situation
15:15 de faible rémunération du travail en France.
15:17 Le premier, c'est qu'on est le pays européen
15:20 qui subventionne le plus les bas salaires.
15:22 Allègements Juppé, allègements Balladur,
15:25 allègements Aubry, allègements Fillon,
15:27 et après il y a eu le pacte de responsabilité
15:29 sous François Hollande.
15:30 Si bien qu'aujourd'hui, jusqu'à 1,6 mic,
15:33 c'est une situation où vous ne payez pas beaucoup
15:35 de cotisations sociales,
15:36 et quand vous passez au-dessus d'1,6 mic,
15:38 là, ça coûte plus cher.
15:39 Et donc on voit effectivement exister une trappe à bas salaire,
15:43 c'est-à-dire qu'au-dessus d'1,6 mic,
15:45 ça devient compliqué pour les entreprises,
15:46 et elles ne vont plus au-dessus.
15:48 - Donc il est temps d'en finir pour vous avec ces allègements.
15:50 - En tout cas, il faut vraiment mettre cela sur la table
15:52 et extrêmement sérieusement.
15:53 Deuxième sujet qui est grave,
15:55 c'est la question évidemment des branches professionnelles.
15:58 70 % aujourd'hui des branches professionnelles
16:00 prévoient des débuts de rémunération
16:02 qui sont inférieurs aux mics.
16:04 Cela a été expliqué, alors on en reviendra tout à l'heure.
16:06 - Je voulais vous montrer un sujet là-dessus,
16:07 mais je vous laisse poursuivre.
16:08 - Troisième grand problème,
16:09 c'est un certain nombre de métiers
16:11 qui sont particulièrement mal rémunérés
16:13 en raison de leurs conditions d'exercice.
16:15 Le cas des aides à domicile,
16:16 qui pour la plupart gagnent moins de 1 000 euros par mois,
16:18 parce qu'elles ne sont pas payées
16:20 entre les différentes personnes qu'elles servent.
16:22 - Le temps partiel subi.
16:23 - Le temps partiel subi.
16:24 On travaille le matin très tôt,
16:25 on finit le soir très tard,
16:27 et entre chaque endroit où on se rend pour donner une toilette,
16:31 aider une personne âgée,
16:32 eh bien on n'est pas payé.
16:33 Aujourd'hui, les aides à domicile, elles ne sont pas payées.
16:35 Elles sont défrayées pour leur trajet,
16:37 mais elles ne sont pas payées.
16:38 C'est pas considéré comme du temps de travail.
16:40 C'est un scandale.
16:41 C'est la raison pour laquelle, pour ce dernier point,
16:43 il faut une loi, je crois, là, il faut vraiment une loi,
16:45 pour donner un statut à ces métiers du soin,
16:47 à ces métiers du lien,
16:48 qui sont particulièrement mal rémunérés.
16:50 - Serge Julli, à cette étape du débat,
16:53 ça vous semble logique qu'on parle des salaires
16:56 et des moyens, finalement,
16:57 de sortir de cette crise des retraites, maintenant,
17:00 où on a quelque chose à l'envers ?
17:01 - Je voudrais pas faire le vieux con,
17:02 mais ça fait quand même très longtemps
17:04 qu'on a les mêmes discussions.
17:05 - C'est vrai.
17:06 - Donc, j'ai l'impression que j'ai déjà entendu
17:10 ces débats depuis de nombreuses années.
17:12 - Oui, mais n'empêche que le bas salaire
17:14 est plus précaire face à l'inflation,
17:16 et donc ça devient de plus en plus urgent.
17:18 - Il se trouve que l'inflation est revenue.
17:20 - Oui, c'est ça.
17:21 - Donc, ça a aggravé les choses.
17:23 On a vu que les choses étaient plus graves
17:25 que, finalement, on en avait la mémoire.
17:27 Mais ce débat-là est très ancien.
17:31 Les trappes bas salaires sont connues depuis longtemps.
17:35 C'est comme la banquise, elle est connue.
17:37 - Qu'est-ce qu'on peut faire ?
17:39 On va parler des branches, dans un instant,
17:41 qui sont en dessous du SMIC,
17:43 mais sur ce que dit Philippe Brun, Gilles Berset,
17:45 tous ces métiers à temps partiel subis,
17:48 parce qu'il y a des horaires fractionnés,
17:50 parce qu'on ne tient pas compte des trajets,
17:53 parce que les employeurs disent
17:54 "Non, je ne veux pas vous donner un temps plein,
17:57 "parce qu'on fonctionne à l'intérim."
17:59 Qu'est-ce qu'on peut faire là-dessus ?
18:01 Ces métiers en particulier ?
18:02 - Trois petites choses.
18:03 Première chose, l'idée de dire
18:05 que les branches qui gardent des minima inférieurs au SMIC
18:08 devraient supprimer les allègements de contribution sociale.
18:11 C'est quelque chose qu'on a étudié,
18:13 qui était rentré dans le droit français,
18:15 dans le droit positif, en 2008,
18:17 qu'on a abrogé en...
18:19 En 1988, pardon, qu'on a abrogé en 1993,
18:22 pour une raison simple,
18:24 c'est qu'il y avait un problème de constitutionnalité.
18:26 Et donc on a été obligés, les décideurs publics...
18:29 - Pourquoi ?
18:30 - Parce que des entreprises pouvaient être pénalisées
18:32 pour une décision prise au niveau de la branche.
18:34 Et donc, pour n'importe quel constitutionnaliste,
18:37 c'est problématique de pénaliser quelqu'un
18:39 pour un acte dont il n'est pas directement responsable.
18:42 Ca, c'est la première chose.
18:44 - Sur le temps partiel subi.
18:45 - Deuxième chose, quand même,
18:46 juste pour revenir sur ce que dit madame.
18:48 On est un pays curieux, on attend tout de l'Etat.
18:51 Moi, quand je voyage partout en Europe,
18:53 je vois des partenaires sociaux qui disent
18:55 que l'Etat ne se mêle pas des salaires.
18:57 C'est notre problème.
18:58 J'étais en Allemagne, aux Pays-Bas, par exemple,
19:00 ce qu'ils font, traditionnellement,
19:02 c'est qu'ils alignent les revalorisations
19:04 du salaire minimum sur le résultat
19:06 des négociations collectives de branches.
19:08 En disant que c'est une sorte d'extension
19:10 à l'ensemble de l'économie de ce que vous,
19:12 qui avez les clés du camion, qui négociez,
19:14 vous arrivez à obtenir.
19:16 Donc, on l'élargit à tout le monde.
19:18 Mais c'est vous qui devez vous battre sur le terrain.
19:20 Et d'ailleurs, encore une fois,
19:22 on a vu récemment en Allemagne des augmentations prodigieuses
19:25 qui ont été accordées dans certaines branches.
19:27 - Avec des grèves, également.
19:29 - Oui, mais un peu différemment que chez nous.
19:31 - Le patronat ne veut rien faire.
19:33 On est quand même un pays où on constate,
19:35 aujourd'hui, que les syndicats ont une forte capacité
19:37 de mobilisation.
19:39 Sur les salaires, c'est le bon moment.
19:41 Comme vous le disiez, madame, il y a des difficultés
19:43 de recrutement. C'est le moment de négocier, en quelque sorte.
19:45 Alors, maintenant, sur les temps partiels.
19:47 Je vous renvoie au rapport...
19:49 - Un véritable statut pour ces salariés spécifiques.
19:51 - Je vous renvoie au rapport du groupe d'experts
19:53 sur le SMIC que je préside.
19:55 On a consacré 40 pages sur cette question
19:57 de la pauvreté au travail et des temps partiels.
19:59 Parce que si on s'intéresse réellement
20:01 à la pauvreté au travail,
20:03 on parle des temps partiels.
20:05 Un chiffre sur l'ensemble des salariés,
20:07 6,9 % sont pauvres.
20:09 Sur ceux qui sont à temps partiel,
20:11 plus du double.
20:13 15 %, 15,1 %.
20:15 Et pour ceux qui travaillent
20:17 50 % d'un temps plein ou moins,
20:19 on en est à 24 %
20:21 en termes de taux de pauvreté.
20:23 Le premier facteur de pauvreté,
20:25 c'est le nombre d'heures travaillées.
20:27 Le deuxième facteur de pauvreté,
20:29 il faut quand même l'évoquer,
20:31 c'est la situation familiale.
20:33 Les travailleurs...
20:35 - Le nombre d'enfants ?
20:37 - Les familles monoparentales,
20:39 31 % de taux de pauvreté.
20:41 C'est des chiffres hallucinants.
20:43 - Merci de les rappeler pour le diagnostic.
20:45 - Est-ce qu'on s'intéresse ou pas
20:47 à la pauvreté au travail ?
20:49 - On va parler des branches,
20:51 mais là, j'aimerais que vous répondiez
20:53 à ce que vous avez donné en statut
20:55 pour peut-être obliger à un temps plein
20:57 pour ces travailleurs aux horaires fractionnés,
20:59 qui ne peuvent pas faire le SMIC
21:01 qu'ils aimeraient faire
21:03 parce qu'ils ne peuvent pas travailler
21:05 les heures nécessaires.
21:07 - On ne va pas jamais administrer
21:09 à ce point-là les entreprises
21:11 ni les associations.
21:13 Par contre, sur cette activité-là,
21:15 sur ce secteur d'activité,
21:17 c'est le gouvernement qui a soutenu,
21:19 qui a encouragé, qui a poussé
21:21 les socios dans le secteur associatif
21:23 à renégocier, à négocier un avenant,
21:25 l'avenant 43, qui est assez connu
21:27 dans le secteur de l'aide à domicile,
21:29 et qui a accompagné les hausses de salaire
21:31 que ça représentait.
21:33 Ça représentait des hausses conséquentes
21:35 en moyenne 15 %, ce qui n'est pas négligeable.
21:37 Ensuite, je pense que c'est aussi
21:39 accompagner ces structures,
21:41 mieux recruter
21:43 et mieux améliorer
21:45 les conditions de travail,
21:47 mieux organiser les agendas,
21:49 les modes d'intervention...
21:51 -Vous responsabilisez, vous incitez
21:53 comment ces employeurs
21:55 à mieux organiser les agendas,
21:57 si vous ne donnez pas un statut.
21:59 Comment on les oblige, on les incite ?
22:01 -Alors, il y a plusieurs
22:03 méthodes qui peuvent être
22:05 effectivement liées
22:07 à des primes qualités,
22:09 notamment, on l'a introduit,
22:11 cette notion-là, déjà dans la loi,
22:13 d'une prime qualité de 3 euros de l'heure
22:15 pour les employeurs
22:17 qui, effectivement, ont
22:19 des actions en termes de qualité
22:21 de vie au travail, de prise en compte
22:23 des déplacements, etc.
22:25 Et puis, encore une fois, c'est le fait aussi
22:27 qu'ils soient en peine de recrutement
22:29 qui les oblige à revoir aussi leur copie
22:31 sur comment est-ce qu'ils sont un peu plus attractifs.
22:33 -Les pénuries. -Les aides à domicile.
22:35 -Incite à embaucher. -Ce qu'elles veulent
22:37 dans leur emploi du temps, dans leurs conditions de travail.
22:39 Après, elles sont, je dis "elles" parce que c'est un métier très féminin,
22:41 mais elles ne sont pas toutes
22:43 enclines à travailler à temps plein.
22:45 C'est pas forcément un souhait.
22:47 Il y a aussi des métiers dans lesquels il y a un vrai souhait
22:49 de travailler à temps partiel, mais où l'articulation...
22:51 -Il y a 40 %, hein. -Vie privée, vie pro.
22:53 -40 % des temps partiels subis
22:55 aimeraient avoir un temps plein.
22:57 -Alors, on a un vrai sujet, c'est sur les familles
22:59 monoparentales, c'est ce qui a été dit,
23:01 où, effectivement, c'est très compliqué,
23:03 et c'est pourquoi on veut aussi développer un service public
23:05 de l'enfance pour vraiment aider
23:07 à garder les enfants, et ça,
23:09 c'est aussi des éléments qui seront dans "France Travaille"
23:11 pour les familles monoparentales.
23:13 -Je vous redonne la parole, promis,
23:15 j'aime bien quand tout le monde veut parler,
23:17 mais on va faire un gros plan sur, justement,
23:19 ces branches, parce que vous avez largement parlé,
23:21 mais pour bien comprendre ces techniques,
23:23 pourquoi il existe des branches professionnelles
23:25 en dessous du seuil du SMIC,
23:27 quels sont les plus mauvais élèves
23:29 d'écriptage à Gisane Mondangava ?
23:31 -Pour les Français, il ne suffit déjà pas.
23:37 -Le SMIC, il est à combien ?
23:39 Est-ce que vous savez un peu ? -Oui, parce que je suis payée
23:41 le SMIC, donc il est à 1 355, je crois.
23:45 -Et est-ce que, selon vous, il faudrait l'augmenter ?
23:47 -Je pense qu'il faudrait l'augmenter,
23:51 effectivement, parce que, en tout cas,
23:53 vivant à Paris avec un SMIC,
23:55 c'est super compliqué. -Je pense 1 700.
23:57 Brut, bien sûr,
23:59 mais après tous les prelèvements,
24:01 on se retrouve, c'est pas 1 300.
24:03 Et la vie devient tellement chère,
24:05 je pense que c'est nul, quand même.
24:07 -Et pour vous, il faudrait l'augmenter, du coup ?
24:09 -Je dirais que le SMIC
24:11 doit être au moins, le net,
24:13 plus ou moins 1 600.
24:15 -SMIC comme salaire minimum
24:17 et pourtant, au 30 mars
24:19 2023, selon le ministère
24:21 du Travail, 83 branches
24:23 sur les 171 qui comptent
24:25 plus de 5 000 salariés
24:27 ont des minimas en dessous du SMIC.
24:29 C'est le cas
24:31 des branches cinéma, habillement,
24:33 bois, caoutchouc
24:35 ou encore agence de voyage.
24:37 Alors que le SMIC est
24:39 revalorisé au 1er janvier chaque année
24:41 et en cours d'année, si l'inflation
24:43 est importante, ce n'est pas
24:45 le cas des minimums conventionnels
24:47 qui se négocient dans les branches
24:49 professionnelles. Certaines
24:51 peuvent donc afficher des salaires
24:53 bien inférieurs au SMIC.
24:55 Attention, cela ne veut pas dire que leurs
24:57 salariés sont payés en dessous du SMIC,
24:59 c'est interdit,
25:01 l'employeur est tenu de compléter
25:03 pour atteindre le salaire minimum en vigueur.
25:05 Mais cela joue sur l'évolution
25:07 du salarié. Même en gravissant
25:09 les échelons, il pourra rester
25:11 bloqué au niveau du SMIC.
25:13 De quoi créer un décalage
25:15 si le SMIC a sensiblement
25:17 augmenté ces derniers mois,
25:19 le salaire des ouvriers et des employés
25:21 a progressé beaucoup moins rapidement.
25:23 - Karine Gournay,
25:27 pour ces branches professionnelles
25:29 qui sont en dessous
25:31 du SMIC, qu'est-ce que
25:33 Force ouvrière propose ?
25:35 - Très concrètement,
25:37 il y a un effet un peu particulier
25:39 à la situation. On a connu
25:41 énormément de régularisations
25:43 du SMIC. On en a connu, comme vous le disiez
25:45 tout à l'heure, deux en 2021
25:47 et trois en 2022.
25:49 Le problème, c'est que les branches
25:51 n'ont à peine eu le temps de se réunir
25:53 concrètement, quelques mois après,
25:55 les minimas conventionnels redescendaient
25:57 en dessous du SMIC. Il y a aussi le problème
25:59 du temps de la négociation.
26:01 Même si la loi prévoit
26:03 que les branches ont à se réunir dans les trois mois
26:05 suivant la régularisation
26:07 du SMIC, s'il y a des niveaux
26:09 inférieurs qui en découlent,
26:11 somme toute... - Mais historiquement, on a du mal
26:13 à comprendre comment une branche professionnelle peut décider
26:15 cet espèce d'arrangement entre
26:17 d'un côté l'employeur qui complète au SMIC
26:19 et puis un démarrage
26:21 plus bas que le SMIC. Ça ne devrait pas être interdit, ça ?
26:23 - Mais il y a une solution simple, c'est l'automaticité.
26:25 Si on acceptait
26:27 une automaticité et une remise
26:29 à niveau automatique des minimas
26:31 conventionnels...
26:33 - Ça, ce serait constitutionnel ? Il y a un problème,
26:35 manifestement. - Oui, mais de toute façon,
26:37 même si le minima de la branche
26:39 est inférieur au SMIC, l'employeur
26:41 est quand même obligé de payer au SMIC.
26:43 - Il est obligé de payer
26:45 au SMIC, c'est évident.
26:47 - Mais ça contribue à
26:49 se faire écraser les salaires au SMIC.
26:51 - Il obtient une augmentation de salaire
26:53 sur son salaire de base et pas sur son salaire
26:55 complété avec le complément
26:57 SMIC, ce qui fait que parfois, l'augmentation
26:59 qui a été décidée dans l'entreprise, parce que nos camarades
27:01 font grève dans les entreprises et on en a
27:03 plein qui se sont mobilisés ces derniers temps
27:05 justement pour faire valoir des augmentations
27:07 de salaire, et donc les syndicats sont présents
27:09 et ne font pas rien,
27:11 dans ces cas-là, quand il y a
27:13 2 % d'augmentation
27:15 accordée en entreprise, eh bien, parfois,
27:17 en réalité, entre le
27:19 complément SMIC qui était versé aux salariés
27:21 et les 2 %, il n'y a pas de différence.
27:23 Donc, vous êtes toujours, finalement,
27:25 en tant que la branche n'est pas
27:27 conforme au SMIC avec des augmentations salariales
27:29 d'entreprise qui s'appliquent sur une base
27:31 zéro-née. Donc, l'augmentation de salaire
27:33 obtenue en entreprise, elle est totalement
27:35 diluée, en réalité. - Philippe Hébrin,
27:37 qu'est-ce que vous proposez ? - Bon, il y a
27:39 évidemment un travail à faire. Moi, je pense quand même,
27:41 malgré tout, c'est comme ça que ça vous sonne en France,
27:43 dans tes classes à Gilles Bercet, il faut que l'État pousse
27:45 aujourd'hui, je pense, vraiment fortement les branches
27:47 à se saisir du sujet.
27:49 Permettez-moi de revenir sur l'étendue partielle SULBI.
27:51 - Allez-y, rapidement. - Bon,
27:53 les gens qui travaillent ici, qui sont
27:55 intermittents, je crois qu'il y en a à LCP,
27:57 les intermittents du spectacle, eh bien, quand ils travaillent
27:59 pas, ils ont une
28:01 subvention, ils ont le
28:03 régime d'assurance chômage, leur versent
28:05 un salaire quand ils ne travaillent pas. Eh bien,
28:07 c'est pas le cas pour les femmes de ménage, c'est pas le cas
28:09 pour les caissières, c'est pas le cas pour les aides
28:11 à domicile et les aides
28:13 soignantes. Je crois qu'il faudrait aujourd'hui...
28:15 - Un système de cumulation d'heures
28:17 qui permettrait un régime comme celui des intermittents ?
28:19 - Voilà, un intermittent du spectacle qui ne travaille pas toute l'année,
28:21 eh bien, et on a décidé, c'est très bien,
28:23 pour un peu subventionner
28:25 ces métiers-là, on permet à ces gens
28:27 de vivre quand ils ne travaillent pas.
28:29 Et moi, je trouve cela scandaleux que,
28:31 finalement, le devenir d'un projectionniste,
28:33 d'un... quelqu'un qui travaille dans le spectacle,
28:35 soit, du point de vue de l'État, plus
28:37 favorisé que quand on est aide à domicile.
28:39 Voilà. Donc je crois qu'il faut
28:41 aujourd'hui prendre à bras le corps
28:43 ce problème-là. Voilà, à bras le corps ce problème-là.
28:45 Et quand on parle même des familles monoparentales,
28:47 très souvent, il y a un cumul. On est famille monoparentale,
28:49 mère célibataire, aide à domicile
28:51 ou assistante maternelle,
28:53 et on cumule l'ensemble, en fait, des difficultés.
28:55 Et aujourd'hui, ce film monoparental,
28:57 83 % sont des femmes,
28:59 43 %, vu le seuil de pauvreté, s'agissant des femmes.
29:01 Voilà. Donc on a un vrai sujet à faire.
29:03 - Alors, vous répondrez sur la question
29:05 d'une forme de régime pour les temps partiels.
29:07 - On passait par la loi à un moment ou à un autre.
29:09 - Une loi, là-dessus, c'est envisageable. Créer une forme de régime
29:11 pour que, finalement, le temps non travaillé
29:13 soit complété ou subventionné
29:15 par l'État.
29:17 - Là, je vois pas très bien dans quel cadre...
29:19 Enfin, à quel problème ça répond ?
29:21 Quand on a un statut d'intermittence,
29:23 c'est bien parce qu'on travaille
29:25 par intermittence en fonction
29:27 des besoins, des émissions
29:29 qu'on peut trouver.
29:31 C'est pas du tout le cas
29:33 des aides à domicile.
29:35 - Vous travaillez par intermittence pour une personne âgée,
29:37 vous travaillez seulement le matin, seulement le soir,
29:39 pas en journée. On prend pas en compte
29:41 vos déplacements. Enfin, c'est quand même
29:43 incroyable qu'on puisse passer...
29:45 Moi, je vois, dans ma circonscription de la France,
29:47 périurbaine, on passe des kilomètres en voiture.
29:49 Les kilomètres passés en voiture, ils sont même pas
29:51 financés. On paye seulement
29:53 l'essence à ces femmes.
29:55 Donc, il faut aujourd'hui une loi pour donner un statut.
29:57 J'en suis absolument convaincue.
29:59 Encore une fois, regardons comment nous traitons
30:01 aujourd'hui. On traite bien mieux le secteur
30:03 culturel en France que le secteur des aides à domicile.
30:05 - Allez, Gilbert Cet, Karine Grenet.
30:07 - Pour répondre à votre question, il serait quand même
30:09 curieux qu'à partir du moment
30:11 où un chef d'entreprise
30:13 introduit des périodes non-travaillées
30:15 à l'intérieur d'une journée de travail,
30:17 ça entraîne une dépense pour la
30:19 collectivité, pour vous, pour moi, etc.
30:21 - Pour certains métiers. - Ça serait quand même un petit peu curieux.
30:23 Comment responsabiliser les entreprises
30:25 et les partenaires sociaux ? C'est quelque chose
30:27 de complexe. Il faut éviter
30:29 les mauvaises recettes.
30:31 Je rappelle qu'il y a des études qui ont été faites, par exemple,
30:33 sur la réforme de 2014, vous voyez,
30:35 qui imposait un certain nombre d'heures
30:37 travaillées pour les temps partiels, 24 heures,
30:39 pour éviter les temps partiels trop courts.
30:41 Les études, il y en a une, par exemple,
30:43 de Pauline Carie, qui fait autorité,
30:45 qui est assez récente, qui nous montrent
30:47 que ça détruit les emplois.
30:49 Ça poussait des gens vers la pauvreté.
30:51 Ça réduit le nombre d'heures
30:53 dans les entreprises concernées.
30:55 Il y a des personnes qui sont plus pauvres, après qu'avant,
30:57 alors que, justement, l'objectif, c'est de réduire
30:59 la pauvreté. Et pour répondre
31:01 à madame, moi, je suis stupéfait.
31:03 La négociation de branches,
31:05 encore une fois, doit relever
31:07 du travail des partenaires sociaux.
31:09 On voit bien cette question
31:11 de l'indexation des salaires sur les prix.
31:13 C'est quand même un gouvernement socialiste
31:15 qui, en 1983, le gouvernement
31:17 Mauroy a interdit, par la loi,
31:19 l'indexation des salaires
31:21 sur l'inflation. Parce qu'on allait
31:23 dans le mur. On allait dans le mur.
31:25 C'est un gouvernement de gauche
31:27 avec des ministres communistes. -C'est la spirale,
31:29 inflationniste, trisalère. -Avec des ministres communistes,
31:31 d'ailleurs, qui l'ont interdit. Il n'y a qu'un salaire
31:33 qui est indexé sur l'inflation, c'est
31:35 le salaire minimum. Et surtout,
31:37 il faut en rester là, il ne faut pas déposséder
31:39 les partenaires sociaux de leur travail.
31:41 -Le mot de la fin.
31:43 Il y a une chose dont on n'a pas du tout parlé,
31:45 mais il y a un accord sur le partage
31:47 de la valeur qui a été négocié.
31:49 Cette fois-ci, ça a marché avec
31:51 le Medef, avec les partenaires sociaux.
31:53 Ça, est-ce que
31:55 pour ceux dont on parle,
31:57 les plus précaires, les bas salaires,
31:59 il peut y avoir des conséquences positives pour eux
32:01 ou ils travaillent dans des entreprises qui ne seront pas concernées ?
32:03 -Si je peux juste...
32:05 -Terminez. -Je termine en un mot.
32:07 Quand on regarde bien,
32:09 deux femmes ont été interrogées, et visiblement,
32:11 elles étaient plutôt enclines à vouloir
32:13 une augmentation du SMIC et elles n'ont pas réfléchi
32:15 à la possibilité que ça vienne diminuer
32:17 leurs prestations sociales.
32:19 -C'est un peu comme la réforme des retraites.
32:21 -Tout à l'heure,
32:23 j'entendais que les salariés n'avaient pas d'intérêt
32:25 à accepter une augmentation du SMIC, parce que leurs prestations
32:27 sociales s'enverraient diminuer d'autant.
32:29 -Vous vous dites, il faut l'augmenter,
32:31 on est plutôt dans une phase de mieux emploi,
32:33 ça ne freinera pas l'embauche.
32:35 Sur l'accord, l'accord trouvé avec...
32:37 -Sur l'accord, mais l'accord partage de la valeur,
32:39 on est sur autre chose. -Autre chose.
32:41 -Le salaire rémunère le travail fourni,
32:43 le partage de la valeur, on est sur des objectifs,
32:45 une performance collective,
32:47 on n'est plus du tout sur la même dimension.
32:49 Donc c'est un à-côté qui ne doit aucunement
32:51 venir se substituer aux augmentations salariales.
32:53 -Ce serait pas mal de mettre tout ça à plat.
32:55 -Oui, tout à fait. -Un jour, ça serait bien.
32:57 -Ca devrait être l'agenda prochain,
32:59 la pré-retraite, si le Conseil constitutionnel arrive,
33:01 avec un projet de loi qui viendrait quand,
33:03 pour terminer, sur l'emploi, et ces questions-là ?
33:05 -Le projet de loi travaille pour l'instant,
33:07 il est plutôt aux alentours de l'été.
33:09 C'est un peu... Je me mette un peu en touche.
33:11 -Il est en discussion. -On n'a pas des précisions
33:13 plus claires sur... -Je vous propose
33:15 de vous réinviter. -La transposition
33:17 de l'accord national interprofessionnel
33:19 qu'ont signé les partenaires sociaux,
33:21 on est en train de regarder si on peut le faire
33:23 beaucoup plus rapidement,
33:25 si on peut le faire plus rapidement,
33:27 si on peut le faire plus rapidement,
33:29 on peut le faire beaucoup plus rapidement,
33:31 et pour favoriser, justement,
33:33 son application le plus rapidement possible.
33:35 -Merci. -Les partenaires sociaux
33:37 ont aussi rappelé, dans cet accord,
33:39 la prépondérance que doivent avoir
33:41 les négociations sur les bases conventionnelles.
33:43 -C'est dit. Merci beaucoup.
33:45 Merci pour ce débat très éclairant,
33:47 technique, mais je crois
33:49 qu'on a pu mieux comprendre.
33:51 Merci à vous d'être venus sur LCP.
33:53 Vous restez avec moi, Serge et Julie.
33:55 Dans une dizaine de minutes,
33:57 les partis primes nous auront franchis.
33:59 -Je ne comptais pas partir.
34:01 -Ce soir, ils sont déjà là, ils se préparent.
34:03 Isabelle Lasserre du Figaro qui va revenir
34:05 sur le tollé occidental après le faux pas
34:07 d'Emmanuel Macron sur Taïwan.
34:09 La polémique ne désenfle pas, bien au contraire.
34:11 Carole Barjon de Lopes va pousser un coup de gueule
34:13 sur l'enseignement de la grammaire
34:15 en grande déshérence à l'école.
34:17 Et puis, Marco Pommier, d'un Bobo Express,
34:19 va nous dresser le bilan de nos engagements
34:21 à tenir pour arriver à l'accord de Paris
34:23 sur le climat, rapport parlementaire
34:25 à l'appui. Mais d'abord, on va fêter
34:27 un anniversaire. Et quel anniversaire !
34:29 Les 50 ans de libération.
34:31 Voilà le hors-série exceptionnel
34:33 qui sort demain dans les kiosques.
34:35 50 ans de combat,
34:37 50 ans d'engagement à gauche, toujours,
34:39 mais pas sans quelques ruptures.
34:41 On va voir tout cela dans l'invitation
34:43 signée Hélène Bonduelle.
34:45 Et on en parle ensemble juste après.
34:47 -Si on vous invite, Serge et Julie,
34:49 c'est pour fêter un anniversaire avec vous.
34:51 Soufflez les 50 ans
34:53 de bougie du journal Libération.
34:55 50 ans de photos,
34:57 50 ans de combat.
34:59 Journaliste, éditorialiste,
35:01 vous êtes devenu la figure
35:03 historique de l'Ibé,
35:05 depuis que vous l'avez cofondé
35:07 avec le philosophe Jean-Paul Sartre
35:09 en 73, avant d'en prendre la direction
35:11 pendant 33 ans.
35:13 Prenez votre journal en main.
35:15 Dès son premier numéro,
35:17 le quotidien donne le ton.
35:19 Et vous aussi.
35:21 -Il y a un pari de libération
35:23 qui est celui de l'indépendance totale.
35:25 C'est-à-dire que quand on écrit quelque chose,
35:27 vous pouvez avoir la garantie
35:29 que c'est totalement libre.
35:31 -Un journal sans publicité,
35:33 ancré très à gauche,
35:35 et qui suit les secousses
35:37 et les avancées de la société française.
35:39 Les ventes grimpent rapidement,
35:41 mais en 81, le journal traverse
35:43 plusieurs crises, disparaît des kiosques
35:45 pendant quelques semaines
35:47 et revient juste après l'élection
35:49 de François Mitterrand.
35:51 Nouvelle maquette, nouveau style
35:53 et nouveau logo.
35:55 -On a fait le logo,
35:57 qui était la marque, un signe
35:59 qui distanciait par rapport à l'ancien.
36:01 Parce que libération, c'est un mode de vie.
36:03 Ce logo-là, on peut presque le porter sur soi.
36:05 Libération, ça peut se porter comme des vêtements.
36:07 -Une titraille ciselée.
36:09 Des photos percutantes
36:11 pour des unes cultes.
36:13 Libé, c'est un style,
36:15 un état d'esprit aussi.
36:17 -Comme en 2015,
36:19 lorsque Le Quotidien accueille dans ses locaux
36:21 les journalistes de Charlie Hebdo,
36:23 quelques jours après les attentats.
36:25 -Bon, vous restez là.
36:27 -Serge Jully,
36:29 vous avez accompagné
36:31 chaque étape du quotidien,
36:33 de la gloire aux difficultés
36:35 jusqu'à être poussé vers la sortie en 2006.
36:37 Alors, à 50 ans,
36:39 Libération est-il toujours
36:41 un adolescent révolté ?
36:43 Et vous, Serge Jully,
36:45 17 ans après avoir été évincé du quotidien,
36:47 qu'est-ce qui vous pousse
36:49 à reprendre la plume
36:51 dans les colonnes de Libé ?
36:53 -D'abord,
36:55 parce qu'on me l'a proposé.
36:57 -Mais ça reste à jamais votre journal ?
36:59 -Je le lis tous les jours,
37:01 mais on peut imaginer
37:03 que je lis beaucoup de journaux tous les jours.
37:05 Ma passion, ce sont les journaux.
37:07 L'histoire de Libération,
37:09 c'est...
37:11 Il faut jamais oublier
37:13 que...
37:15 Nous venons
37:17 dans un moment,
37:19 c'est après 68,
37:21 où il y a une mutation de la presse
37:23 formidable, et Libération,
37:25 ce projet qu'on lance,
37:27 avec peu de moyens,
37:29 tout ça,
37:31 on est en avance sur
37:33 la modernisation,
37:35 la technologie de la presse.
37:37 -A la vanguarde d'un mouvement sociétal.
37:39 -Quand je venais
37:41 voir des gens pour dire qu'on allait lancer
37:43 un quotidien, les gens me disaient
37:45 "Mais ça coûte
37:47 "un milliard, ça coûte deux milliards,
37:49 "deux francs, vous allez
37:51 "trouver ça, personne ne vous les donnera
37:53 "jamais."
37:55 Moi, je leur répondais,
37:57 "Vous savez, notre idée, c'est que
37:59 "la technologie, on a deux machines,
38:01 "ça nous suffit, on n'a pas besoin
38:03 "d'avoir une usine avec du plomb."
38:05 Et Libération,
38:07 on a été
38:09 très modernes, très en avance
38:11 dans la modernisation
38:13 informatique
38:15 de la presse. -Aussi, le titre.
38:17 C'est vous, le titre. Même si le titre,
38:19 même si c'est vous qui en êtes à l'origine,
38:21 c'est plutôt un emprunt. -Oui, c'est un emprunt.
38:23 -On vous le donne. -Oui.
38:25 C'est un emprunt, c'est un don.
38:27 C'est la famille de Dastier
38:29 de la Vigerie,
38:31 qui était celui qui, pendant la Résistance,
38:33 a dirigé
38:35 le mouvement Libération,
38:37 plutôt Libération Sud,
38:39 sans entrer dans les détails,
38:41 et donc qui était associé
38:43 à sa personne. Et donc,
38:45 quand Libération est parue,
38:47 Dastier de la Vigerie était mort,
38:49 mais sa veuve,
38:51 ses enfants étaient toujours
38:53 vivants, et donc le premier
38:55 numéro de Libération est paru avec
38:57 un petit encart
38:59 de la famille
39:01 Dastier de la Vigerie, qui disait
39:03 pourquoi, à la fois,
39:05 ça n'avait rien à voir
39:07 avec l'histoire d'Emmanuel Dastier de la Vigerie,
39:09 mais en même temps,
39:11 la famille soutenait ce projet.
39:13 -Donner la parole au peuple,
39:15 permettre au peuple
39:17 d'écrire sa langue, ça, c'est
39:19 le contrat initial.
39:21 On va faire l'inventaire
39:23 des combats entre continuité
39:25 et rupture. Le fil rouge des engagements
39:27 de Libé, me semble-t-il, ce sont les luttes sociales.
39:29 Aujourd'hui, l'opposition
39:31 à la réforme des retraites. En 73,
39:33 on a retrouvé les ouvriers
39:35 regardés de Lip. Joyeux Noël
39:37 à Lip. Le directeur
39:39 d'alors, c'est Jean-Paul Sartre. On est en 73,
39:41 l'année de la naissance
39:43 du journal, et Libé est invité
39:45 à fêter avec les ouvriers
39:47 de cette usine de montres-là.
39:49 C'est aux côtés des travailleurs
39:51 dans tous les conflits du travail
39:53 que vous voulez être ? -Oui, oui. C'est pas
39:55 pour le plaisir, mais
39:57 de vous contredire un peu. -Vous êtes là
39:59 pour ça. -Libération,
40:01 c'est l'enfant de 68.
40:03 Donc, c'est une génération.
40:05 Alors, ça aide quand on part
40:07 avec un public potentiel.
40:09 Ce qui intéresse Libération
40:11 et ce qui va faire son
40:13 enracinement dans la société
40:15 française, c'est à la fois
40:17 ce qu'on appelle le sociétal,
40:19 la société,
40:21 la manière dont elle bouge,
40:23 et puis, la culture.
40:25 Voilà. Alors,
40:27 vous pouvez me dire, "C'est quand même
40:29 "la politique qui vous intéresse."
40:31 Oui, mais c'est pas
40:33 ce qui fait, pendant
40:35 des années, l'enracinement
40:37 de Libération. -Le sociétal.
40:39 On va parler du féminisme,
40:41 de la question des minorités.
40:43 La gauche. Est-ce qu'on peut dire
40:45 la gauche toujours,
40:47 l'extrême droite jamais ?
40:49 On a gardé deux-une. -Heureusement
40:51 qu'on fait pas les deux. -1980,
40:53 l'aventure, c'est la renaissance
40:55 du journal. -C'est le zéro
40:57 que nous faisons
40:59 avec...
41:01 Pour la reparution,
41:03 on fait ça le dimanche,
41:05 François Mitterrand
41:09 vient d'être élu.
41:11 Je vais vous raconter une anecdote.
41:13 Mitterrand se présente
41:15 en 65.
41:17 J'étais, à l'époque,
41:19 vice-président de l'UNEF.
41:21 Donc, l'UNEF
41:23 se pose la question,
41:25 est-ce que nous soutenons François Mitterrand ?
41:27 Donc,
41:29 la décision de l'UNEF, c'était
41:31 qu'on ne soutenait pas Mitterrand.
41:33 Parce que toutes ces histoires algériennes,
41:35 le rôle qu'il avait joué,
41:37 donc,
41:39 je suis missionné
41:41 par le fait d'aller voir François Mitterrand
41:43 et lui dire qu'on ne va pas le soutenir.
41:45 Ca, c'est 65.
41:47 En 74,
41:49 on lance Libération,
41:51 et Libération,
41:53 c'est très fragile,
41:55 il y a des moments où on s'arrête.
41:57 La politique occupe
41:59 très peu de place dans le Libération
42:01 de 74.
42:03 C'est moi qui l'ai fait, d'ailleurs.
42:05 C'est des brèves sur la vie politique.
42:07 Donc,
42:09 l'élection présidentielle,
42:11 on peut même, les spécialistes
42:13 se penchent sur le Libération de l'époque,
42:15 c'est très marginal.
42:17 Et 81,
42:19 on décide d'arrêter le journal
42:21 pour le transformer.
42:23 Et donc,
42:25 Mitterrand est élu, je vais le voir,
42:27 et il me dit "mais vous m'en voulez,
42:29 puisque chaque fois que je me présente,
42:31 Libération n'est pas là".
42:33 - Bon, voilà, cette fois-ci,
42:35 vous y étiez, puisque votre retour...
42:37 - En 88.
42:39 - La gauche,
42:41 le journal, évidemment, est à gauche,
42:43 mais soutient parfois Critique.
42:45 - Très Critique, même.
42:47 - Toujours Critique.
42:49 - Souvent, quand ça mérite,
42:51 il faut pas critiquer à tort et à travers.
42:53 - Il a connu quand même
42:55 des périodes plus libérales qu'aujourd'hui.
42:57 - Oui, oui,
42:59 mais Libération,
43:01 d'abord, on est très indépendants,
43:03 enfin, nous avons été
43:05 très indépendants,
43:07 je pense que le Libération d'aujourd'hui,
43:09 je ne suis qu'un collaborateur
43:11 d'une chronique,
43:13 et pas de... - Mais vous avez
43:15 une liberté de parole totale.
43:17 - Mais en l'occurrence,
43:19 voilà,
43:21 c'est pas parce que le président est de gauche
43:23 que, voilà,
43:25 il faut avoir
43:27 la même exigence pour lui
43:29 comme pour Nicolas Sarkozy.
43:31 - L'autre constante, on en a parlé,
43:33 les combats sociétaux, ce sont
43:35 les femmes, le féminisme,
43:37 forcément, du MLF à la lutte contre les féminicides.
43:39 Aujourd'hui, d'ailleurs, Libé
43:41 a contribué à faire basculer ce mot
43:43 de féminicide dans le langage commun.
43:45 Depuis le début,
43:47 les femmes, la conquête du droit des femmes,
43:49 des droits, c'est l'ADN
43:51 du journal, les femmes, il y en avait toujours
43:53 beaucoup à la rédaction, dès le début ?
43:55 - Il y en avait, mais
43:57 il y en a eu de plus en plus,
43:59 voilà, donc je...
44:01 Oui,
44:03 j'ai assisté à ça, je l'ai peut-être
44:05 encouragé,
44:07 voilà, mais
44:09 c'est indispensable.
44:11 Vous dites le mot féminicide,
44:13 il y avait à un moment donné
44:15 les gens
44:17 qui font le dictionnaire Robert,
44:19 par exemple, s'amusaient
44:21 à... Ils avaient
44:23 fait des études sur tous les mots
44:25 introduits par Libération.
44:27 Les mots nouveaux.
44:29 - Lesquels, alors ? - Non,
44:31 qui étaient introduits tous les ans.
44:33 - Ah oui, à ce point-là ? - Parce que la langue,
44:35 c'est quelque chose de vivant,
44:37 et il y a des nouveaux mots
44:39 qui apparaissent. Ça aussi,
44:41 c'est une manière d'être
44:43 dans l'actualité.
44:45 - On va vous montrer
44:47 les combats sociétaux, toujours,
44:49 d'ailleurs, très vigilants,
44:51 sur la question des violences policières,
44:53 Libération n'a pas forcément
44:55 les policiers au coeur, on a retrouvé
44:57 plein d'une. - Non, c'est pas du tout...
44:59 - Les ratonnades, Boulevard Saint-Germain...
45:01 - C'est pas la question
45:03 de les avoir
45:05 ou pas au coeur.
45:07 Une police, c'est essentiel dans une démocratie.
45:09 Il n'y a pas de bonne démocratie
45:11 sans police, mais une police
45:13 qui est dirigée,
45:15 pas qui est utilisée
45:17 quand le gouvernement va mal.
45:19 Quand le gouvernement va mal,
45:21 il y a toujours la tentation
45:23 de montrer qu'on a...
45:25 On est là pour l'ordre
45:27 et qu'on assume l'ordre.
45:29 Voilà, je prends un exemple
45:31 qui était celui
45:33 du préfet de police pendant 68.
45:35 Je ferai remarquer
45:37 qu'en 68,
45:39 à Paris, il n'y a aucune victime
45:41 en mai 68.
45:43 Donc, il n'y a pas de tués.
45:45 - Ça dépend, évidemment,
45:47 de qui dirigent les forces de police.
45:49 - Il y en a eu après.
45:51 - L'international, ça, ça vous tient à coeur.
45:53 - Oui, très important. Libération avait...
45:55 - Où habite Libération ? - Un réseau
45:57 international d'envoyés spéciaux,
45:59 de correspondants,
46:01 on y a toujours consacré
46:03 une partie importante du budget.
46:05 - Est-ce qu'on peut dire que l'antitotalitarisme
46:07 fait partie des origines
46:09 ou c'est un peu plus compliqué que ça ?
46:11 Est-ce que la passion communiste
46:13 des années 70-80 a pu aveugler par moments
46:15 ce journal ? - Alors, non,
46:17 parce que Libération n'a pas eu
46:19 la passion communiste, il a eu une passion
46:21 plutôt anticommuniste. C'était la libération
46:23 de l'Europe de l'Est.
46:25 Parce que l'Europe de l'Est, il y a d'abord
46:27 la Tchécoslovaquie, puis...
46:29 On soutient
46:31 le printemps tchèque...
46:33 - Juste après 1968,
46:35 et l'apologue de Léonard Loos.
46:37 - Et puis, il y a Varsovie.
46:39 Et puis, après, il y a
46:41 évidemment la chute,
46:43 disons, la première chute
46:45 de l'Empire soviétique.
46:47 - La photo, aussi, il faut absolument
46:49 en parler, ça se passe totalement à part.
46:51 - Vous avez un livre qui va paraître.
46:53 - C'est un magnifique bouquin.
46:55 - Qui a été fait par...
46:57 - L'Oeil de Libé, avec des photos incroyables.
46:59 - Par l'équipe actuelle, et qui est
47:01 une très belle idée qu'ils ont eu
47:03 de rassembler
47:05 des photos emblématiques
47:07 qui ont été publiées par Libération,
47:09 souvent commandées par Libération.
47:11 - On en voit une, d'ailleurs,
47:13 de Jean-Claude Coutos, là.
47:15 - Il y a très grands photographes
47:17 qui ont participé à cette aventure.
47:19 - Qui a eu cette idée géniale de mettre
47:21 une photo plein cadre ?
47:23 D'ailleurs, beaucoup ont copié, depuis.
47:25 - Oui, enfin, on l'a eu, quoi.
47:27 Voilà.
47:29 C'est arrivé souvent.
47:31 Le format, ce format,
47:33 donnait la possibilité
47:35 de faire
47:37 un style de journal
47:39 qui était un peu différent,
47:41 à la fois pour le titrage,
47:43 à la fois pour la photo.
47:45 Voilà, donc...
47:47 On avait une expression,
47:49 à l'époque, on disait
47:51 "on fait un quotidien magazine".
47:53 - Les conférences de rédaction,
47:55 vous en avez connu beaucoup.
47:57 La réputation de Libé, c'est qu'on peut
47:59 s'en poigner des heures. - Oui, mais la contradiction
48:01 est importante. - Et salutaire.
48:03 - Et salutaire. - Toujours.
48:05 - La ligne, aujourd'hui,
48:07 de Libération, est-ce qu'elle vous convient ?
48:09 On parle un peu d'une ligne
48:11 Mélenchon-Auno-Wauquist, parfois.
48:13 - Ça, qui m'en ressemble assez peu,
48:15 mais en l'occurrence,
48:17 la contradiction,
48:19 c'est vital, c'est la vie,
48:21 quoi, et c'est essentiel,
48:23 en tout cas, dans un journal.
48:25 - Allez, 50 ans de combat,
48:27 c'est demain, dans les kiosques,
48:29 et ce magnifique album,
48:31 au seuil, avec les plus belles
48:33 photos
48:35 d'Olivier.
48:37 50 ans d'anniversaire qu'on fait
48:39 avec vous, merci. Les parties prises,
48:41 tout de suite, vous allez pouvoir y réagir.
48:43 On accueille nos affranchis pour leur carte blanche.
48:45 Allez, venez avec nous.
48:47 Carole Barjon,
48:49 de l'Obs. - Bonjour.
48:51 - Bonsoir. Isabelle Lasserre,
48:53 de Figaro. C'est à vous,
48:55 dans une minute, mesdames, mais on commence comme chaque soir
48:57 par Bourbon Express. L'histoire du jour,
48:59 à l'Assemblée, nous est racontée ce soir par
49:01 Marco Pommier. Bonsoir, Marco. - Bonsoir,
49:03 Myriam. Une question, ce soir.
49:05 La France risque-t-elle une nouvelle
49:07 condamnation pour inaction climatique ?
49:09 C'est ce que laisse entendre
49:11 Antoine Vermorel-Marques, député
49:13 Les Républicains, ce matin.
49:15 Il présentait les conclusions d'une mission
49:17 d'information parlementaire destinée
49:19 à évaluer les objectifs
49:21 climatiques de la France. Ce rapport,
49:23 il est là, je l'ai entre les mains.
49:25 Conclusion, mesdames, notre pays ne respecte
49:27 pas l'accord de Paris signé en
49:29 2015. Écoutez.
49:31 - Si la France, notamment en 2022,
49:33 a baissé ses émissions de gaz
49:35 à effet de serre de 2,5%,
49:37 on rappelle que normalement, l'engagement annuel
49:39 pour la France est de l'ordre de 5%,
49:41 et donc on peut voir soit le verre
49:43 à moitié vide, soit à moitié plein, mais on ne peut pas
49:45 considérer qu'en tout cas, à ce jour,
49:47 la trajectoire qui est la nôtre
49:49 nous conduira à horizon 2030
49:51 à respecter l'accord
49:53 de Paris. - Le message est clair,
49:55 les efforts de la France seraient donc
49:57 insuffisants, la baisse des émissions de gaz
49:59 à effet de serre est trop lente, même
50:01 s'il y a quand même de bons élèves. Regardez,
50:03 entre 90 et 2020,
50:05 les secteurs de l'industrie, du bâtiment
50:07 ou de l'agriculture ont baissé leur empreinte
50:09 carbone. Ce n'est pas le cas, en revanche,
50:11 des transports, +9,5%.
50:13 Autre point noir, les émissions de gaz
50:15 à effet de serre importées, c'est-à-dire
50:17 les produits consommés en France,
50:19 mais produits à l'étranger.
50:21 - Alors ça, c'est pour le constat. Pourquoi ce rapport parlementaire ?
50:23 - Eh bien Myriam, ce rapport,
50:25 il a été souhaité par le groupe
50:27 des Républicains en novembre dernier, c'était juste
50:29 après une vidéo d'Emmanuel Macron
50:31 publiée sur les réseaux sociaux. Souvenez-vous,
50:33 à l'époque, le chef de l'État répondait
50:35 à des internautes sur la question du
50:37 climat. Il avait réagi à
50:39 la condamnation de la France pour inaction climatique
50:41 et il se dédouanait.
50:43 - Nous nous sommes fait condamner pour inaction climatique
50:45 sur la période
50:47 2015-2018.
50:49 Vous êtes très sympathique, Melvin, d'essayer de m'en coller
50:51 une sur Twitter, mais la condamnation
50:53 pour inaction climatique, c'est plutôt pour la période
50:55 d'avant, pas pour ma pomme.
50:57 - C'est pas pour ma pomme. Alors Emmanuel Macron
50:59 avait quand même reconnu... - Fais-en une autre.
51:01 - Pardon ? - Il va être recondamné.
51:03 - Alors Emmanuel Macron avait quand même
51:05 reconnu que la France n'était
51:07 pas au rendez-vous sur la baisse
51:09 des émissions de gaz à effet de serre, mais on avance,
51:11 disait-il. On avance, certes, mais vous l'avez compris,
51:13 on est loin de nos objectifs.
51:15 - Et côté propositions, alors, que dit ce rapport ?
51:17 - Cinq grandes recommandations, totales, déclinées
51:19 en plusieurs mesures. Quelques exemples,
51:21 d'abord une loi de planification
51:23 écologique, comme ça se fait déjà
51:25 pour l'armée, l'organisation
51:27 chaque année au Parlement d'un débat
51:29 sur le climat, le renforcement
51:31 aussi du secrétariat général à la
51:33 planification écologique. Actuellement,
51:35 ils sont seulement 15 à travailler dans
51:37 cette instance. Autre piste, la création
51:39 d'un dialogue environnemental.
51:41 Kezako, écoutez.
51:43 - C'est quoi ce dialogue environnemental ?
51:45 Vous voulez mettre en place des syndicats
51:47 environnementaux ? - C'est un droit qui est garanti par la
51:49 Constitution, à l'article 7 de la Charte de l'environnement,
51:51 mais qui n'est jamais exercé. Et au même titre que le dialogue
51:53 social, où quand vous avez besoin de faire une grande
51:55 réforme, vous savez à qui vous adresser,
51:57 là, aujourd'hui, en matière climatique ou de biodiversité,
51:59 on n'a pas d'acteur vraiment identifié.
52:01 - Et donc, concrètement, à quoi ça pourrait ressembler ?
52:03 - Concrètement, ça voudrait dire que les ONG,
52:05 les entreprises, les collectivités
52:07 et tous les autres acteurs se structurent pour avoir
52:09 un seul représentant et de façon à pouvoir
52:11 échanger avec le Parlement et le gouvernement en amont
52:13 des textes. - Voilà, le député
52:15 LR qui se veut quand même
52:17 optimiste, c'est pas mort pour le climat
52:19 selon lui. Il rappelle d'ailleurs que certains
52:21 pays en Europe, aujourd'hui, respectent leurs
52:23 engagements climatiques, le Royaume-Uni, le Danemark
52:25 ou encore la Suède. - Merci beaucoup
52:27 Marco. Isabelle Lasser, vous vouliez
52:29 revenir sur le tollé occidental qui a
52:31 provoqué les propos d'Emmanuel
52:33 Macron sur Taïwan. 4
52:35 jours après son retour de Chine,
52:37 la polémique ne désenfle pas.
52:39 - Oui, elle ne désenfle pas, sauf en Chine, bien sûr,
52:41 où les propos tenus dans l'avion par le
52:43 président français qui visait surtout les
52:45 Etats-Unis, accusés en fait de
52:47 d'envénimer la situation
52:49 à Taïwan, ont fait les choux gras du
52:51 parti communiste et de Xi Jinping
52:53 qui saluent une parole de vérité
52:55 et à Washington, bien sûr,
52:57 où certains républicains
52:59 utilisent le faux pas d'Emmanuel
53:01 Macron pour servir leur agenda politique
53:03 et réclamer un allègement de l'engagement
53:05 américain en Ukraine. Donald
53:07 Trump, qui est en plein déboire judiciaire,
53:09 a ainsi sauté sur l'occasion
53:11 pour accuser le président français
53:13 d'être allé en Chine pour
53:15 lécher les bottes de Xi Jinping.
53:17 Mais partout ailleurs, partout ailleurs,
53:19 chez les alliés de la France, c'est la consternation
53:21 en donnant l'impression que la
53:23 France resterait neutre et silencieuse
53:25 en cas d'annexion forcée
53:27 de Taïwan, en donnant l'impression
53:29 de placer la démocratie américaine
53:31 sur un même pied que la dictature
53:33 chinoise. Emmanuel Macron a déstabilisé
53:35 tous ses partenaires du camp
53:37 occidental. Heureusement, heureusement,
53:39 il vient de faire une mise au point
53:41 aujourd'hui aux Pays-Bas. Il a rappelé
53:43 de manière très claire et très ferme
53:45 la position officielle de la France,
53:47 qui est pour le statu quo à Taïwan.
53:49 Et il a rappelé que la France
53:51 était un allié des Etats-Unis.
53:53 Ça fait du bien. - Oui. Alors, est-ce qu'il
53:55 avait, sur le fond, raison ou
53:57 tort de dire qu'une guerre à Taïwan serait
53:59 ni celle de l'Europe ni celle de la France ?
54:01 - Non, il n'a pas raison,
54:03 parce que de la même manière que les Américains,
54:05 depuis Barack Obama, essayent de s'extraire
54:07 de l'Europe et qu'ils n'y arrivent pas
54:09 parce qu'ils sont toujours attrapés
54:11 par les crises et les guerres du vieux continent,
54:13 on le voit aujourd'hui en Ukraine,
54:15 la France ne pourra pas faire l'autruche
54:17 en cas de guerre contre Taïwan.
54:19 D'abord parce qu'elle est une puissance,
54:21 un membre permanent du Conseil de Sécurité
54:23 de l'ONU, une puissance nucléaire
54:25 qu'ensuite elle se positionne
54:27 comme une puissance en Indo-Pacifique.
54:29 C'est le seul pays de l'Union européenne
54:31 qui ait des possessions dans la région,
54:33 des territoires dans la région, et ensuite
54:35 parce qu'une déflagration à Taïwan
54:37 aurait de telles conséquences économiques
54:39 que les conséquences seraient
54:41 terribles pour l'Europe.
54:43 - Le président français reproduit les mêmes erreurs,
54:45 selon mon vieux, sur la Chine que sur la Russie.
54:47 - Sans péché, Myriam, de comparer
54:49 la politique chinoise d'Emmanuel Macron
54:51 à la politique russe. Dans les deux cas,
54:53 le président français a pratiqué un
54:55 "en même temps" qui établit une troublante
54:57 équidistance entre les deux acteurs.
54:59 Dans les deux cas, il a surestimé
55:01 sa capacité d'influence sur les dictateurs.
55:03 Dans les deux cas, il a utilisé
55:05 la persuasion, alors que
55:07 ses présidents ne comprennent que
55:09 le rapport de force. Et dans les deux cas,
55:11 il est revenu bredouille de tous ses entretiens
55:13 et mécompris par nos alliés
55:15 occidentaux. - D'un mot, c'est une faute
55:17 qu'il a commise, d'un mot très rapide.
55:19 - Oui, il est allé un peu vite, quoi.
55:21 - Carole Baril. - Comme il fait
55:23 souvent, d'ailleurs, j'ai remarqué.
55:25 - Pas uniquement dans ce domaine.
55:27 - Bien. Carole... - Il va trop vite.
55:29 - Bon. On va aller un peu vite aussi
55:31 ce soir, Carole. Vous voulez nous
55:33 parler de cette nouvelle grammaire
55:35 qui pourrait débarquer dans les écoles.
55:37 À quoi va-t-elle ressembler ?
55:39 - Je vous en donne un exemple.
55:41 Dans la phrase "je vais à Paris",
55:43 eh bien,
55:45 "à Paris" devient un complément
55:47 d'objet indirect du verbe "aller"
55:49 et non plus du tout un complément de lieu,
55:51 comme le pense encore naïvement
55:53 une grande majorité de Français,
55:55 et comme nous le pensons encore,
55:57 vous et moi. - C'est sûr.
55:59 - Pourquoi est-ce grave ? Parce que,
56:01 selon un collectif de professeurs
56:03 de l'association Sauver les Lettres,
56:05 qui se revendiquent d'une gauche
56:07 républicaine et qui lancent
56:09 un appel au ministre de l'Education nationale,
56:11 cela prive
56:13 les élèves de repères.
56:15 Même un jeune enfant sait
56:17 que Paris est un lieu et ça l'aide
56:19 à raisonner. Du coup,
56:21 les élèves auxquels on demande de se livrer
56:23 à des manipulations de groupe
56:25 de mots dans la phrase pour trouver
56:27 la bonne solution en sont réduits
56:29 à tâtonner. - Qui est
56:31 à l'origine de cette nouvelle
56:33 grammaire ? - Des universitaires.
56:35 Ce sont les universitaires
56:37 qui ont initié presque
56:39 tous les changements dans les programmes scolaires
56:41 depuis quelques décennies.
56:43 Et les programmes scolaires du primaire.
56:45 Or, les universitaires
56:47 sont pour la plupart des chercheurs.
56:49 Le problème est qu'ils appliquent
56:51 aux programmes de l'école primaire
56:53 les méthodes de recherche qu'on emploie
56:55 à l'université. Et on s'en
56:57 souvient, c'est ce qui s'était passé dans les cours
56:59 d'histoire. On avait supprimé
57:01 l'enseignement de la chronologie,
57:03 on faisait faire des études
57:05 thématiques du genre
57:07 "les paysans à travers les âges",
57:09 etc., et on avait vu le résultat.
57:11 Les élèves ne savaient plus
57:13 si Clovis était avant ou après Napoléon.
57:15 - Oui, j'en sais quelque chose
57:17 à la maison. Nouvelle grammaire
57:19 déjà mise en oeuvre à l'école primaire ?
57:21 - Alors, pour le moment,
57:23 il y a beaucoup de profs qui résistent.
57:25 Du coup, le ministère insiste
57:27 et certains inspecteurs
57:29 régionaux menacent
57:31 même de faire indirectement pression
57:33 sur les professeurs en demandant
57:35 au correcteur d'examen
57:37 de mal noter les élèves
57:39 qui ne donneraient pas les réponses
57:41 correspondant à la nouvelle
57:43 terminologie grammaticale.
57:45 Ca semble à la fois honteux
57:47 et incroyable, mais tout ça
57:49 est raconté sur le site
57:51 de l'association "Sauvez
57:53 les lettres" et sur le site de l'Obs
57:55 parce qu'on a aussi publié leur tribune.
57:57 Bon, bref, c'est quand même
57:59 très grave. - On marche un peu sur la tête.
58:01 - Il faut savoir qu'aujourd'hui, il y a déjà
58:03 20 % des élèves qui ne maîtrisent
58:05 pas la langue française à l'entrée en 6e.
58:07 Cette nouvelle grammaire risque
58:09 d'aggraver encore la situation
58:11 et surtout de creuser
58:13 davantage les inégalités sociales.
58:15 On sait bien que
58:17 quand l'enseignement est trop complexe
58:19 ou trop abstrait, ce sont toujours
58:21 les élèves des milieux défavorisés
58:23 qui en pâtissent les premiers.
58:25 Les autres, ceux qui ont l'enchant
58:27 d'avoir des parents capables
58:29 de les aider à surmonter les difficultés rencontrées
58:31 à l'école, ils s'en sortiront
58:33 toujours. Bon, donc, il y a
58:35 vraiment urgence à renoncer
58:37 à cette innovation grammaticale.
58:39 C'est assez simple, en fait.
58:41 Il suffit d'une décision du ministre
58:43 et pour une fois,
58:45 ça ne coûterait rien au budget de l'Etat.
58:47 - Mais très bien, mais...
58:49 - C'est un obstacle, d'ailleurs.
58:51 - Ah bon ? On en est là !
58:53 Pas peine d'y aille, monsieur le ministre de l'Education nationale.
58:55 Le message, l'appel
58:57 est lancé. Merci infiniment,
58:59 Carole, et merci à vous,
59:01 d'être venu sur le plateau
59:03 de LCP. - Merci. - Allez, je remontre
59:05 ces magnifiques ouvrages.
59:07 "50 ans dans l'oeil" de Libé.
59:09 C'est dans les très bonnes librairies.
59:11 C'est absolument magnifique
59:13 à consommer sans modération. Et puis, demain,
59:15 dans les kiosques, "Les 50 ans de combat",
59:17 entre continuité
59:19 et rupture. Votre journal
59:21 de coeur, où vous êtes chroniqueur
59:23 depuis janvier dernier. Serge Julli, merci à vous.
59:25 Très belle soirée documentaire
59:27 qui commence maintenant avec Jean-Pierre Gracien.
59:29 A demain, même lieu, même heure.
59:31 ...