• l’année dernière
Fin mars, une vidéo tournée dans un restaurant de Saint-Etienne, une autre à la terrasse d'un café de Bordeaux ont "enflammé" les réseaux sociaux. Ces deux séquences montraient des Français à l'air tranquille demeurant attablés alors que brûlaient à l'arrière-plan des petits feux de rue liés à la mobilisation contre la réforme des retraites. Les Britanniques, en particulier, ont salué ce flegme et, plus généralement, le savoir-faire en matière de manifestations qu'il est coutume d'attribuer aux Français. Mais qu'en est-il vraiment ? Nous avons posé la question à Danielle Tartakowsky et Mathilde Larrère, toutes deux historiennes spécialistes des mouvements sociaux. Découvrez leur passionnant éclairage.

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Transcription
00:00 [bruits de marchandises]
00:09 [musique]
00:29 Il s'agit de se donner à voir, il s'agit de montrer qu'on est là.
00:33 Il y a une forme d'appropriation de l'espace public par le feu.
00:36 [musique]
00:44 À l'inverse de ce qu'on peut parfois entendre,
00:47 les violences des manifestations sont des violences très ciblées
00:52 et qui sont très pensées en fait par les groupes
00:55 qui ont décidé d'avoir de la violence dans le répertoire d'action.
00:59 Et on le sait que ce qui est ciblé, c'est les banques, les vitrines des assurances
01:05 et pas du tout les personnes et pas du tout non plus les terrasses de café.
01:11 Il faut difficilement soupçonner les petits feux qu'on voit à l'arrière-plan
01:15 de signifier la présence des métiers marchands sur le Capitole
01:18 ou sur le Palais Bourbon en l'occurrence, privant de toute validité
01:22 à la fois les formes de répression qui sont développées aujourd'hui
01:25 et les qualifications qui sont mises en avant par notre Président.
01:29 Il s'agit de se donner à voir, il s'agit de montrer qu'on est là.
01:32 Il y a une forme d'appropriation de l'espace public par le feu
01:36 mais sans mise en danger de l'espace public, sans mise en danger des bâtiments,
01:41 sans mise en danger des gens et quelque part que des gens puissent rester assis
01:45 en terrasse en voyant ça.
01:46 C'est qu'il y a du moins dans ceux qui sont restés assis,
01:49 une prise de conscience qu'il ne s'agit pas de les mettre en danger.
01:52 La menace ne vient pas des groupes de militants qui recourent à cette violence contre les biens.
01:59 En fait, le vrai danger quand on est en terrasse, c'est une charge des forces de l'ordre.
02:04 Il y a eu d'ailleurs des images de forces de l'ordre qui, là, noient des terrasses sous des lacrymos.
02:17 Qui arrêtent des gens en terrasse. Il y a eu une image qui a circulé sur Paris.
02:21 Mais bien évidemment, quand les chaînes télévision en boucle
02:25 et à partir de là la presse étrangère se saisissent de quelques-uns de ces images
02:29 pour magnifier le feu, ça peut donner le sentiment d'une ville et d'un pays
02:34 qui est constamment en flamme.
02:35 Ça s'inscrit dans une certaine vision que les pays voisins peuvent avoir de notre histoire
02:41 qui est une histoire qui a de fait été marquée par des révolutions en chaîne
02:45 qui ont permis à la République démocratique et sociale de finalement se mettre en arme.
02:49 Et qui est République démocratique et sociale aujourd'hui menacée.
02:52 Peut-être qu'une des spécificités des manifestations françaises,
03:01 c'est que les manifestations syndicales classiques, avec leur répertoire d'action classique,
03:07 ça, ça fait un petit bout de temps que c'est atomisé.
03:09 En 2016, il y a une déruption de ce que le Black Bloc appelle le cortège de tête
03:15 qui est effectivement une volonté de prendre l'amont du cortège
03:18 afin de constituer un Black Bloc avec des stratégies qui sont celles du Black Bloc.
03:23 Et aujourd'hui, il y a des manifestants qui défilent en tête du cortège
03:27 mais ce n'est pas le cortège de tête au sens des Black Blocs,
03:29 même s'il peut y avoir du Black Bloc dedans.
03:31 Il y a des fanfares, il y a des pancartes individuelles qui rivalisent d'humour,
03:37 d'impertinence.
03:39 Ils ont la police, on a la peau dure.
03:41 Une pancarte qui dit "je suis d'accord avec les autres pancartes".
03:44 1664, c'est une bière, ce n'est pas une carrière.
03:46 Et on a toujours chanté dans les manifestations.
03:48 Les femmes, elles chantaient les 5 et 6 octobre 1789 quand elles sont montées à Versailles,
03:53 donc accompagnées.
03:55 Ce qui n'est pas encore une manifestation à l'époque,
03:57 mais la marche, la démonstration dans l'espace public de la volonté populaire par des chants,
04:04 c'est très classique.
04:05 On voyait beaucoup ça dans les cortèges de jeunes, dans les cortèges de fac.
04:08 Tout le monde à sa sono, on passe gala.
04:11 C'est devenu la chanson du mouvement étudiant depuis 2018.
04:21 Cette chanson est devenue emblématique.
04:33 Et c'est vrai que ça rappelle l'occupation de Tolbiac, elle est très présente.
04:37 Il y a aussi la chanson des vulves assassines.
04:40 Ce groupe, par ailleurs féministe, le nom le montre bien,
04:46 sur la retraite à 60 ans et qui maintenant passe beaucoup.
04:49 La retraite à 60 ans, on se bat tout pour la gagner, on se battra pour la garder.
04:56 La retraite, la retraite.
05:01 Tout ça qu'on retrouvait avant surtout dans le cortège de tête,
05:07 en fait maintenant irrigue toute la manifestation.
05:09 Et du point de vue du côté festif, du côté chanson, du côté danse,
05:14 je renvoie à un petit film qui est tourné par les techniciens du spectacle en grève en 1936.
05:21 Il s'appelle "Grève d'occupation".
05:23 Il témoigne que du point de vue de la joie, de la fête, de la danse, des chants, du carnaval,
05:30 on n'a rien inventé.
05:32 Ailleurs, la Java, au son de l'accordéon, entaine l'écoute de Gréville.
05:38 Au cinéma tirage Moria.
05:40 [Musique]
05:46 [SILENCE]

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