France 24 suit depuis quatre ans la rénovation de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, partiellement détruite par un incendie le 15 avril 2019. L'année 2023 s'annonce cruciale puisque la flèche de la cathédrale doit s'élever de nouveau dans le ciel parisien fin décembre. Julien Sauvaget a rencontré les artisans qui la refont à l'identique. Le chantier de rénovation a aussi permis à de nombreux experts de fouiller les entrailles de l'édifice, à la recherche d'indices sur l'histoire de ce lieu emblématique qui conserve encore des mystères.
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00:00 [Générique]
00:14 C'était il y a 4 ans déjà l'incendie qui a failli détruire Notre-Dame de Paris.
00:20 Un traumatisme pour tous les Français, suivi d'une promesse, celle de la reconstruction de la cathédrale pour 2024, pour les Jeux Olympiques de Paris.
00:29 Dans Billet-Retour, nous vous avons promis de suivre cette reconstruction pas à pas, de faire un point complet tous les ans.
00:36 C'est donc le numéro 3 de notre série.
00:39 Dans le premier volet, nous avions visité le chantier, fait l'état des lieux des dégâts, vu comment le bâtiment était sécurisé.
00:46 Et puis l'an dernier, nous étions partis à la rencontre de tous les corps de métier qui étaient mobilisés à travers la France pour faire revivre Notre-Dame.
00:54 Nous avions notamment suivi la restauration des grandes orgues de la cathédrale dans cette petite entreprise du Languedoc.
01:01 [Générique]
01:16 Mais avant d'accueillir à nouveau ces grandes orgues, Notre-Dame n'en a pas encore fini avec les travaux.
01:21 Même si cette année 2023 est censée être cruciale.
01:25 La flèche de la cathédrale doit en effet s'élever de nouveau dans le ciel parisien d'ici la fin de l'année.
01:31 Dans ce nouveau numéro de Billet-Retour, nous partons donc à la rencontre des artisans qui refont à l'identique cette flèche signée de l'architecte Viollet-le-Duc.
01:39 Et pendant que la cathédrale prend de la hauteur, vous verrez que d'autres ont fouillé ses entrailles au microscope à la recherche d'indices sur l'histoire du monument.
01:48 Billet-Retour sur le chantier de Notre-Dame, épisode 3. C'est un reportage de Julien Sauvagé.
01:54 Un chantier titanesque, monumental.
02:06 Nous sommes abriés à 300 km de Paris.
02:11 Dans la cour de ce hangar, 80 tonnes de poutre. C'est le tabouret, l'assise, la base de la future flèche de Notre-Dame.
02:20 Un chantier comme ça, dans ma carrière, ça fait 38 ans que je suis charpentier.
02:25 C'est le plus beau chantier, c'est un chantier emblématique, c'est un chantier exceptionnel.
02:30 Et quelle gratitude de travailler sur ce chantier.
02:34 C'est un chef d'œuvre en fait.
02:36 C'est un chantier qui est compliqué, mais en même temps on fout toutes nos tripes dedans, donc c'est que du bonheur.
02:47 Un bonheur partagé par l'ensemble des compagnons charpentiers, qui pour l'heure s'activent, afin de vérifier que tout est prêt.
02:56 On fait un assemblage à blanc pour être sûr que tout va aller.
03:02 Si jamais il y a des petites choses à reprendre, on va les reprendre pour être sûr et certain que ça va aller sur place.
03:11 C'est très contraint avec des pièces très lourdes, de grande dimension et taillées très juste.
03:19 Donc le revers, c'est compliqué à assembler.
03:25 Quatre entreprises se sont associées, regroupées, pour réaliser cette nouvelle flèche de Notre-Dame.
03:31 Aurélien Lefèvre surveille de près le travail de ses compagnons.
03:35 Ici, l'erreur n'est pas permise.
03:38 Vous en êtes d'où Axel ?
03:40 Là on assemble ça.
03:42 Et puis après vous l'assemblez ?
03:44 Et puis après il y aura le perçage à faire.
03:46 D'accord, ça marche.
03:48 C'est un sprint maîtrisé. C'est un chantier où les délais sont un gros enjeu.
03:54 Là, quand on va commencer à poser le tabouret sur le chantier, on sera en train de continuer à tailler d'autres éléments sur la flèche qui viendront se poser plus tard.
04:01 Datant du 19e siècle, la flèche originelle de l'architecte Viollet-le-Duc était relativement bien documentée.
04:09 Mais sa reconstruction reste un défi permanent.
04:14 On se doit aussi de refaire à l'identique cette charpente.
04:18 On travaille beaucoup sur les archives, sur les recherches de détails, toutes ces choses-là.
04:23 Donc oui, il y a des défis tous les jours. Il y a des défis pour la pose, il y a des défis parce qu'on est sur des pièces de bois exceptionnelles, très grandes, très grosses, très lourdes.
04:32 Il y a des défis sur tout. Il y a des défis de planning, il y a des défis techniques.
04:36 C'est un chantier où il faut relever des défis quasiment tous les jours.
04:42 Un défi, mais aussi une revanche.
04:46 15 avril 2019.
04:52 La flèche de Viollet-le-Duc, sombre dans les flammes, sous les yeux de centaines de Parisiens.
05:06 L'entreprise Le Bras Frères, chargée de la rénovation de la toiture, est un temps soupçonné d'être à l'origine du drame.
05:13 Pour Julien Le Bras, c'est le choc.
05:16 Quand on voit un chef-d'œuvre de l'architecture, un joyau de l'architecture comme Notre-Dame partir en fumée devant soi alors qu'on était à l'aube de faire sans doute l'un des plus beaux chantiers de sa carrière, c'est évidemment un choc, un cataclysme.
05:30 Ce choc, il est d'autant plus dévastateur quand on subit toutes les accusations injustes de la presse, des médias, en ayant notre nom parmi d'autres associé à la reconstruction et au sauvetage de la cathédrale.
05:46 Je pense que c'est une belle façon de tourner la page.
05:48 L'enquête n'a toujours pas permis de déterminer les causes exactes de l'incendie.
05:53 Mais Julien et ses équipes ont été mis hors de cause et s'attellent donc aujourd'hui à cette reconstruction.
06:00 Sous l'œil des caméras du monde entier, le général Georges Lain, missionné par Emmanuel Macron pour piloter la restauration de Notre-Dame, est venu constater l'avancée de la reconstruction de la Flèche.
06:14 Pour beaucoup de gens, le gros symbole de l'incendie, c'est l'effondrement de la Flèche.
06:21 Et quand les gens verront à la fin de l'année, dans le ciel de Paris, la Flèche qui va réapparaître, les gens diront « ça y est, on est vraiment… ».
06:30 Alors que là, vous avez des tas de travaux aussi importants qui se font à l'intérieur et que les gens ne voient pas.
06:36 Voilà. Donc là, on a une étape importante parce que c'est vraiment le chemin critique de la reconstruction et une étape avec une charge symbolique considérable.
06:50 (Musique)
06:56 Comme plusieurs fois par semaine, cette péniche vient livrer plusieurs tonnes de pierres issues de carrières situées dans l'Oise, à seulement quelques dizaines de kilomètres de la capitale.
07:06 (Musique)
07:16 La pierre calcaire, âgée de 45 millions d'années, a été sélectionnée avec soin pour ses caractéristiques identiques à celles d'origine.
07:23 (Musique)
07:26 Certaines d'entre elles seront utilisées pour la structure de Notre-Dame.
07:29 (Bruit de machine)
07:32 D'autres pour remplacer chimères, gargouilles et autres statues abîmées par le temps.
07:36 (Bruit de machine)
07:38 "Elle est actuellement en train de refaire une proposition de tête et aussi d'arrière-train parce que toute cette partie-là était complètement usée par le temps, par le gel, par la pluie, le soleil aussi.
07:51 Comme on peut le constater, elle a des dessins d'époque. On a choisi aussi le modèle qui s'apparentait à elle le plus à ce qu'elle est en train de faire."
08:01 Les croquis de Viollet-le-Duc sont étudiés, disséqués jusqu'aux moindres détails.
08:08 Mais malgré cette documentation abondante, Danae, 23 ans, qui participe à son premier chantier, doit s'adapter.
08:18 "C'est quand même d'être fidèle et il n'y a pas de marge pour la création. Après, ça reste des dessins d'intention et par rapport à ce qu'on a en pierre, il y a toujours un décalage.
08:32 Par exemple, une base qui n'est pas positionnée pareil que sur le dessin parce que c'est certainement des croquis qui ont été faits assez rapidement.
08:40 Et puis, ça demande de l'interprétation, mais ce n'est pas de la création."
08:45 Ces œuvres ne remonteront pas en haut de la cathédrale. Elles serviront de modèle pour une nouvelle génération de statues sculptées dans des pierres neuves.
08:54 La chimère, restaurée par Danae, devrait-elle rejoindre un musée consacré à la restauration ?
09:00 "On donne un léger mouvement de la tête pour qu'elle soit un peu vivante. Je ne sais pas si ça va être accepté, mais voilà."
09:12 Enfin, nous voici dans Notre-Dame.
09:15 A l'intérieur, il est presque impossible de distinguer les piliers ou les murs de la cathédrale. Les échafaudages sont partout.
09:24 Un véritable labyrinthe dans lequel il est parfois difficile de se repérer.
09:30 Un espace dégagé nous offre un aperçu de ce que sera la cathédrale une fois sa restauration terminée.
09:40 "Certaines parties ont retrouvé une blondeur qu'on ne connaissait pas à la cathédrale.
09:45 Et les visiteurs qui rentreront dans la cathédrale dans un peu plus d'un an,
09:50 ils découvriront une cathédrale magnifiée par ses nettoyages et ses restaurations telles qu'on ne l'avait jamais vues de mémoire de nos contemporains."
09:59 Peu à peu, la parure de fer s'estompe pour laisser place aux dernières finitions.
10:05 Derrière chaque bâche, un artisan, un restaurateur, un compagnon ou un ouvrier s'activent.
10:11 Comme derrière ce rideau de plastique qui protège Marie Parent de la poussière des travaux.
10:16 Calmement, elle peaufine, elle bichonne la restauration de la clôture du coeur datant du 14e siècle.
10:22 "On est à la clôture du coeur sud et je suis en train de mettre des petits points de couleur quand il y a des petites lacunes.
10:29 Vous voyez quand il y a des petits points blancs un peu clairs, là je mets un petit point de couleur.
10:35 Là vous voyez le filet noir, là par moments il s'interrompt, donc je vais le poursuivre légèrement.
10:41 Donc on retrouve un peu la lisibilité de l'ensemble, que l'œil ne soit pas arrêté par des choses qui gênent la lisibilité de l'ensemble."
10:48 Mais Marie Parent n'est pas la seule à travailler les détails.
10:53 Certains dans des laboratoires travaillent aussi à reconstituer le passé.
10:57 Delphine Barbier-Pin est palynologue, c'est-à-dire qu'elle travaille sur des échantillons prélevés dans un sarcophage
11:03 retrouvé sous la croisée du transept de la cathédrale, avec un objectif, trouver des grains de pollens.
11:10 "Donc là on ajoute différents acides les uns après les autres afin de détruire tout ce qui n'est pas pollen.
11:18 C'est extrêmement résistant, le pollen est fait en sporopollénine,
11:24 qui est une matière très résistante, proche un peu de la chitine des insectes."
11:31 Quelques grammes de poussière...
11:36 récoltée lors d'une campagne de fouille préventive de neuf semaines menée en 2022.
11:43 Sur une surface de 123 mètres carrés, les archéologues de l'Indrap vont mettre à jour des morceaux de l'ancien jubé de Notre-Dame.
11:52 Mais aussi deux sarcophages en plomb, enterrés à seulement quelques dizaines de centimètres sous le sol de la croisée du transept.
11:59 "La présence de ces trous nous a permis d'insérer une caméra endoscopique, et on a pu voir en direct un petit peu à l'intérieur.
12:06 On voit clairement des touffes de cheveux, peut-être même des restes de peau au niveau du crâne, du textile,
12:15 et surtout ce qui atteste très bien l'état de conservation de ce qui est à l'intérieur, c'est qu'il y a tout un tapis de végétaux au niveau de la tête."
12:24 Une mine d'informations pour les chercheurs, qui se succèdent au chevet de ces sarcophages pour effectuer divers prélèvements.
12:31 Pour notre palynologue, la collecte s'apparente à une chasse au trésor dans l'infiniment petit.
12:37 "Déjà de retrouver tous ces végétaux en parfait état vu leur âge, les feuilles vraiment entières, c'est quelque chose d'assez exceptionnel."
12:48 Mais pour elle, le véritable intérêt réside dans l'éventuelle présence de pollen qu'elle traque au microscope, et qui pourrait lui fournir quelques réponses.
12:57 "Premièrement pour nous renseigner sur d'éventuels dépôts volontaires de végétaux, pour comprendre un peu les rites funéraires,
13:03 mais également voir s'il y a eu des pratiques funéraires post mortem sur le corps de l'individu.
13:10 C'est à dire par exemple des procédés d'embaumement externe, alors un passage d'un baume sur le corps éventuellement,
13:17 ou carrément un embaumement interne avec éviscération, à base donc le plus souvent de végétaux,
13:25 et c'est à viser conservatoire et odoriférante également, soit pour le transport du corps, soit pour son exposition."
13:33 Les résultats de ces recherches sont attendus en 2024.
13:38 Pendant ce temps, les premiers éléments de la flèche sont arrivés sur place.
13:47 Les poutres sont préassemblées au pied de la cathédrale, avant d'être levées.
13:55 "T'as des rafales par moment, t'as l'air d'y monter à 50 la grue. C'est pas une fois là-haut, arriver à 50."
14:01 Chaque élément pèse près de 5 tonnes, et doit être monté à plus de 60 mètres de hauteur.
14:10 Une opération sous haute tension.
14:13 "Très délicat, à cause du poids des éléments à monter, et on doit venir se loger entre les échafaudages et les maçonneries.
14:21 C'est la finesse du grutier qui va faire tout le travail une fois là-haut.
14:25 Après les charpentiers vont être là pour guider la pièce, et la mettre à son bon emplacement.
14:30 Et après on a des moyens d'aide au réglage de précision une fois en place."
14:35 Et de la précision, il va leur en falloir.
14:39 "Bah elle est pas mal en niveau, il manque pas grand chose.
14:46 Là elle pourrait même arriver comme ça parce qu'on sera en appui sur le pied là, et après tu redescends le pied, ouais c'est bien ça."
14:52 Sur le toit de Notre-Dame, tout est prêt pour recevoir ces éléments du tabouret.
14:58 Une fois posés, les charpentiers pourront s'atteler à l'assemblage de la flèche.
15:03 "Donc on va voir s'élever un énorme échafaudage qui prend appui depuis le sol de la cathédrale,
15:07 qui va s'élever sur 100 mètres de haut, c'est la hauteur de la flèche,
15:10 et l'échafaudage va venir accompagner en fait le montage de la flèche.
15:13 Et à partir de la fin de l'année, de 2023, on va commencer à couvrir la flèche,
15:18 et donc l'échafaudage va descendre au fur et à mesure que la couverture est achevée."
15:23 En parallèle, la charpente, la fameuse forêt de chêne de Notre-Dame, sera peu à peu reconstruite.
15:30 Elle aussi, à l'identique, au point de reproduire les erreurs faites à l'époque de sa construction.
15:37 "Donc en fait la cathédrale ça a été une expérimentation permanente, et les charpentes aussi.
15:40 Les tâtonnements du début de la charpente, de la charpente initiale du XIIIe siècle,
15:44 vont être restitués à l'identique, très très fidèlement.
15:47 À tel point qu'on n'est plus obligé d'être avec la charpentier parfois,
15:50 on pourra dire là on sait que c'est pas tout à fait parfait, on pourrait faire mieux, mais on fera pas mieux,
15:53 parce que ça a très bien tenu pendant 8 siècles avant que ça brûle, et donc il n'y a aucune raison qu'on change.
15:57 Là l'ouvrage qu'on va reconstruire, il va avoir 6 mois, 1 an, 10 ans, 100 ans, mais il a aussi 800 ans.
16:03 Et bien on aura le chêne du XXIe siècle, mais avec une charpente du XIIIe siècle."
16:07 Des opérations qui dureront toute l'année,
16:10 et qui pourront être suivies par les Parisiens et les touristes depuis les ponts et les rues adjacentes.
16:15 En attendant de pouvoir de nouveau entrer dans la plus belle cathédrale au monde en décembre 2024.
16:23 Et voilà pour ce reportage sur le chantier de Notre-Dame.
16:29 Un reportage à retrouver comme les deux épisodes précédents sur france24.com.
16:33 Je vous dis à très vite pour un nouveau numéro de Bière automatique.
16:36 [Musique]