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00:00 La commission indépendante sur l'inceste organisait une réunion publique hier à Rennes
00:04 pour tenter de lever ce tabou qui touche chaque année en France 160 000 victimes de plus.
00:09 L'occasion de donner la parole à une Bretonne, Alsacienne d'origine,
00:12 qui raconte son histoire dans un livre qui vient de sortir aux éditions Les Trois Colonnes
00:16 et qui s'intitule « Cavoli, le porte-monnaie de papy ».
00:19 Bonjour Virginie Osner.
00:21 Bonjour.
00:22 Alors vous avez co-écrit votre livre avec Anne Monnaroul.
00:25 Tout à fait, Anne Monnaroul.
00:28 Et vous avez donc été victime de votre oncle et parrain quand vous étiez enfant,
00:32 votre soeur jumelle également ainsi que deux de vos cousines.
00:35 Déjà pourquoi est-ce que vous racontez votre histoire maintenant dans ce livre ?
00:39 Alors pour deux raisons.
00:41 Une raison personnelle où j'avais besoin de sortir tous ces témoignages
00:48 que je trouvais ahurissants d'une famille déviante en fait.
00:52 Et une deuxième raison, c'est pour que ça se sache,
00:57 pour encourager les victimes à parler.
01:00 Parce que moi je trouve qu'il faut que le silence se taise et vraiment place à la parole.
01:07 Et donc cette parole, effectivement, elle est assez libérée dans votre livre.
01:11 Voilà, vous avez décidé déjà pour en parler, de parler d'abord du procès
01:17 qui a eu lieu en 2009 à Strasbourg puisque les faits ont eu lieu en Alsace.
01:21 Tout à fait.
01:21 Et ensuite, effectivement, vous parlez de ces témoignages
01:24 qui ont été recueillis pendant l'enquête et ensuite donc la confrontation,
01:29 c'est ce qui finit le livre, la confrontation avec votre oncle et parrain qui a abusé de vous.
01:35 Vous parliez de ce moment alors que le procès a eu lieu en 2009,
01:39 qu'il y a eu d'ailleurs une condamnation.
01:40 Tout à fait.
01:41 Parce que pour vous, est-ce que c'est pour fermer finalement ce parcours,
01:45 ce cheminement que vous avez fait entre votre agression et cette réparation de la justice ?
01:52 Alors c'est souvent la réflexion qu'on me fait,
01:54 que c'est pour réparer ou fermer ou tourner une page.
01:58 Moi, j'ai vraiment envie de...
02:01 C'est un sujet grave, important et j'ai l'impression que tout le monde a peur d'en parler.
02:05 Et en fait, "Qui a volé le porte-monnaie de papy ?"
02:07 c'est une volonté aussi d'en faire...
02:11 On l'a écrit avec légèreté, on a essayé de mettre de l'humour,
02:14 on a essayé de dédramatiser, j'ai aussi...
02:18 Enfin, c'était... L'autodérision aussi, il fallait aussi écrire un livre comme ça,
02:24 pour que les gens soient...
02:27 soient... Comment dire ?
02:29 S'approprient ce sujet plus facilement, en fait.
02:32 Et vous aviez aussi envie de parler à votre famille,
02:35 enfin à la famille de votre mère, qui savait ?
02:41 Alors, je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui,
02:43 si le livre est arrivé jusque dans leurs mains, peut-être, grâce à vous.
02:47 Vous n'avez plus de contact, en tout cas ?
02:49 Non, je n'ai plus aucun contact, bien entendu.
02:52 Et votre sœur, qui a également été victime, ou vos cousines aussi ?
02:55 On n'a plus du tout de contact.
02:57 Vous n'avez plus du tout de contact ?
02:58 Nous, on est maintenant un peu coupables, c'est les dommages collatéraux,
03:01 on est un peu coupables d'avoir cassé une famille avec cette démarche.
03:04 Mais bon, il ne faut surtout pas regretter.
03:08 Est-ce que la peine de prison que...
03:11 Enfin, votre oncle, donc, Héparin, a été condamné à de la prison ferme,
03:14 est-ce que ça a importé pour vous dans votre processus ?
03:18 Complètement. En fait, avoir un statut de victime,
03:21 moralement, psychologiquement, c'est important.
03:26 Et les tribunaux, à la fin de la cour d'assises,
03:30 je revois encore ce greffier qui nous dit
03:33 "Voilà, vous l'avez, votre statut de victime". Et en effet, c'est important.
03:36 Et donc, c'est aussi ça que vous vouliez vouloir dire dans ce livre,
03:39 pour d'éventuelles victimes qui le liraient ou qui en entendraient parler ?
03:43 Complètement.
03:46 Ça répare aussi d'avoir ce statut de victime.
03:49 Ça aide à réparer.
03:50 Et en parlant de justice, Virginie Osnesna, vous croyez qu'aujourd'hui, elle fait assez ?
03:54 Il y a encore des délais de prescription, même si la loi a changé
03:57 depuis votre procès à vous ?
03:59 Oui, mais moi, je trouve que les délais de prescription sont nécessaires,
04:03 parce que moi, ça m'a encouragée.
04:05 J'étais à trois semaines de la prescription.
04:07 Il fallait cette prescription, autrement je serais peut-être encore en train d'attendre.
04:11 Donc, je trouve que le délai de prescription oblige ou encourage surtout
04:16 à prendre cette décision, de faire cette démarche.
04:19 Et plus généralement, on le disait en début d'interview, c'est encore un tabou, l'inceste.
04:24 Il y a quand même cette commission indépendante qui existe depuis maintenant quelques mois.
04:28 Est-ce que vous avez l'impression que ça fait aussi évoluer les choses,
04:32 en tout cas le regard de la société ?
04:34 Oui, je trouve que ça fait... Il y a beaucoup de choses qui évoluent dans ce sens.
04:39 La parole commence à se libérer, le sujet arrive plus facilement.
04:44 Donc, si je trouve ça intéressant.
04:47 On en parle beaucoup, c'est vrai.
04:49 Et c'est bien ?
04:50 Oui, il faut.
04:51 Il faut, parce que ça va empêcher ces acteurs-là d'agir.
04:57 Un dernier mot, alors, éventuellement, à ceux qui hésiteraient,
05:00 qui nous écouteraient, à d'éventuelles victimes d'inceste ?
05:05 Moi, je les encourage à passer le pas.
05:07 À passer le pas, même si...
05:09 Même si derrière, il y a une famille qui...
05:11 Complètement, même si derrière, c'est difficile.
05:13 Mais je les encourage à passer le pas, parce que c'est pour soi.
05:17 C'est pour se libérer soi.
05:18 Et ça, c'est important.
05:19 Merci beaucoup, Virginie Esner, d'avoir été l'invitée de France Bloir-Moric ce matin,
05:24 pour nous parler de votre livre aux éditions Les Trois Colonnes,
05:27 qui a volé le porte-monnaie de papy, co-écrit avec...