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Transcription
00:00 Si on veut lutter pour la poésie, il faut la mettre dans le monde.
00:02 C'est ça la fonction du poète, d'enjoindre ses semblables,
00:04 à faire halte, de montrer une direction inattendue.
00:07 T'es tellement émouvant, tellement intense, tellement fort,
00:10 que c'est très étrange que ce métier-là n'existe pas depuis au moins 100 ans.
00:14 Il mérite au moins d'exister autant que le métier de fleuriste.
00:17 Et j'adore le fleuriste !
00:17 Arthur Teboul est le chanteur du groupe Feuchat Horton depuis 2011.
00:25 Quand il ne compose pas des chansons, il écrit des poèmes minutes.
00:28 Un exercice littéraire où il écrit d'une traite en captant l'instant avec sa prose.
00:32 C'est tout l'enjeu de cette forme d'écriture,
00:34 qui répond au principe de poésie automatique,
00:38 que Bretons et surréalistes ont conceptualisé, ont modélisé,
00:42 mais qui existe en fait depuis toujours.
00:44 On a tous un murmure dans la tête, tout le temps.
00:48 Et cette écriture-là répond simplement au geste
00:51 d'accepter de coucher sur la feuille ce qui passe par l'esprit.
00:54 C'est pas si simple au fond, parce que c'est vrai que
00:56 on est entravés par l'amour propre, la conscience de soi,
01:00 la peur de déplaire.
01:02 On a laissé carte blanche à Arthur, qui n'a eu besoin que d'un stylo B,
01:05 d'une feuille A4 et de quelques minutes d'écriture dans le silence.
01:09 Alors je vais écrire un poème automatique en votre présence.
01:12 Ce sera notre poème à tous les trois.
01:13 Le temps de l'écriture, je vous invite si vous voulez bien à ne pas me regarder.
01:16 Vous pouvez regarder où vous voulez.
01:18 Pour défaire cette nature nouvelle qui nous importait tant,
01:24 nous avions mis des gants, des gants du militaire, si tant est que cela existe.
01:29 En toutes circonstances, nous savions comment faire table rase avec ces auxiliaires
01:32 qui nous protégeaient les mains du feu, du gel, de la tendresse et de la précarité.
01:37 Quelle force, quel travail, quel trouvaille,
01:40 quel progrès que ces gants inifugés, beaux comme tout.
01:43 Nous savions avec certitude comment agir dans cette nature sauvage et précaire.
01:48 À un moment néanmoins, je les perdrai quelque part, en pleine forêt,
01:52 et il me faudra recommencer à s'y flotter pour retrouver mes camarades
01:56 et le chemin du plan d'action.
01:58 À un moment ensuite, il nous faudra admettre que la paume elle-même,
02:02 reposée sur l'écorce, a quelque chose d'inatteignable.
02:06 Je ne cherche plus les gants, je ne cherche plus les camarades.
02:09 Je me repose dans la plaine, non inifugée.
02:13 Et si je crains le feu, au moins suis-je vivant.
02:16 Voilà, c'est notre poème.
02:18 Inspiré par René Char, Guillaume Apollinaire ou André Breton,
02:21 Arthur a ouvert un cabinet de poèmes minutes sur la rue en plein Paris.
02:25 Pendant une semaine, il a reçu 250 personnes, des inconnus.
02:29 Face à chacun d'eux, il a improvisé l'écriture d'un poème
02:32 qu'il rédigeait en une quinzaine de minutes.
02:34 Souvent la question qui revenait, c'est d'où vient cette inspiration ?
02:36 Et je répondais très sincèrement, ce n'était pas du tout de la fausse modestie,
02:39 que ça n'a rien à voir avec l'inspiration.
02:40 Quand j'écris des chansons ou des choses intentionnelles, volontaires,
02:45 qui veulent aller quelque part, oui, il est question d'inspiration.
02:48 Parce qu'on cherche quelque chose, on essaye de pousser,
02:52 de prolonger un élan pour aller quelque part.
02:55 Mais dans ce moment-là où on écrit ce qui vient,
02:59 il n'y a pas de raison de se poser la question de l'inspiration.
03:02 Parce que la seule difficulté, c'est d'accepter ce qui vient.
03:05 Si au milieu du récit, une abeille passe,
03:08 on doit l'accepter, dans l'histoire.
03:10 Une captation de l'instant, un regard tourné vers l'extérieur,
03:14 mais aussi vers l'intérieur.
03:15 Une forme d'introspection, presque une thérapie.
03:18 A posteriori, c'est comme se tirer un peu les cartes à soi-même.
03:22 Ça parle de soi.
03:23 Enfin, ça parle de moi.
03:25 Ce sont des moments photographiques où on marque d'une encoche un instant.
03:28 On m'a demandé aussi, est-ce que tu peux rater un premier minute ?
03:31 Non, tu peux toi-même décevoir tes attentes.
03:33 Mais si tu avais des attentes, c'est qu'au départ, quelque chose était biaisé.
03:37 Tu ne peux pas le rater, parce que c'est celui de l'instant.
03:39 Si c'est celui après le déjeuner, il est digestif.
03:41 Celui du soir, il est fatigué.
03:42 Ce n'est pas grave, c'est comme ça.
03:43 Donc c'est une bonne école aussi, intime.
03:46 Une exploration personnelle qui est assez belle,
03:49 d'acceptation des choses qui arrivent.
03:52 [Musique]

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