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00:00 On en parle avec vous, Nicolas Tenzer, bonjour.
00:02 Vous êtes politologue, spécialiste des questions stratégiques et internationales,
00:05 directeur par ailleurs de la publication "Desk Russie".
00:07 Vous êtes aussi un ami de Vladimir Karamurza.
00:10 Vous l'aviez vu l'an dernier, juste avant son interpellation.
00:13 On va y revenir dans un instant.
00:14 J'aimerais d'abord peut-être une réaction après cette condamnation.
00:18 25 ans, c'est ce qui avait été requis.
00:20 Vous vous y attendiez, vous ?
00:22 -Oui, malheureusement, je m'y attendais.
00:24 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, nous sommes dans un État
00:26 qui devient de plus en plus totalitaire.
00:29 Et la condamnation de Vladimir Karamurza à 25 ans de prison,
00:32 comme l'avait requis le procureur,
00:34 qui est la plus lourde condamnation jamais donnée en Russie
00:37 depuis la fin du stalinisme, il faut le rappeler,
00:40 est quelque chose qui montre la volonté de Poutine, du pouvoir,
00:45 de faire taire toutes les critiques.
00:47 Vladimir était probablement l'un des critiques les plus extraordinaires,
00:50 probablement le plus remarquable intellectuel russe,
00:54 critique de Vladimir Poutine.
00:56 Il était chroniqueur aussi au Washington Post.
00:59 C'était quelqu'un qui avait dénoncé les crimes de Poutine
01:02 depuis toujours, un compagnon de Boris Nemtsov.
01:05 Il s'était élevé contre la guerre de Poutine en Ukraine dès 2014,
01:09 pas seulement dès 2022.
01:11 Il avait dénoncé ces crimes.
01:14 Il avait considéré, alors qu'il vivait entre Washington et Paris,
01:18 qu'il partissait à de très grands nombres de conférences internationales,
01:23 notamment à Berlin, en mars 2022.
01:25 C'était la dernière fois où je l'ai vu,
01:26 et l'année d'avant encore, à Prague, à Varsovie, etc.
01:30 C'était vraiment quelqu'un qui portait le message de la liberté,
01:34 qui portait le message, pas du tout un message nationaliste,
01:37 un message de dignité.
01:39 C'était quelqu'un qui avait un courage, une noblesse d'âme.
01:42 C'était aussi le fils d'un autre opposant, Vladimir Poutine.
01:46 Ses grands-parents avaient été également, il faut le savoir,
01:51 emprisonnés dans le goulag de Staline.
01:53 Ses deux arrières-grands-parents y étaient morts.
01:56 C'est vraiment une tradition russe de dissidence,
01:59 de combat pour la liberté.
02:01 C'est évidemment, aux yeux de Vladimir Poutine,
02:03 tout ce qui n'est pas son régime.
02:06 -Nicolas Tönser, vous parlez de lui au passé.
02:08 Vous êtes inquiet pour lui.
02:10 Aujourd'hui, on a pu découvrir l'entretien de son épouse,
02:13 sa femme, qui vit en exil aux Etats-Unis avec ses trois enfants.
02:17 Elle raconte l'enfer de la prison pour son mari.
02:22 Vous êtes inquiet, il aurait perdu 22 kg.
02:25 -Oui, bien sûr, je suis très inquiet.
02:27 Je ne veux pas parler de lui au passé,
02:29 parce que je souhaite qu'il soit libre, je veux le voir libre.
02:32 Je lui dis que je sais qu'il va revenir,
02:34 c'est vraiment ça que j'ai envie de lui dire.
02:36 Mais je suis inquiet.
02:38 Vladimir avait survécu à deux tentatives d'empoisonnement
02:41 par le FSB, il faut le savoir.
02:43 Il en avait, évidemment, des séquelles physiques.
02:45 C'est d'ailleurs pour ça que son procès avait été retardé,
02:49 parce qu'il n'avait plus le droit de se déplacer
02:52 en raison de ses séquelles.
02:54 Il a perdu du poids.
02:55 Et puis on sait aussi ce que sont les prisons de Poutine.
03:00 Il a été arrêté le 11 avril,
03:02 donc ça fait déjà plus d'un an qu'il est en prison.
03:04 Ce sont des bribades quotidiennes pour lui, comme pour les autres,
03:08 comme pour Navalny, comme pour Yadachin,
03:10 comme pour Yeltsin Piyaf,
03:11 et plus de 600 prisonniers politiques, aujourd'hui, en Russie.
03:15 Si vous n'êtes pas couché dans la position réglementaire,
03:19 par exemple, dans votre cellule, on vous réveille la nuit,
03:22 on vous punit, on vous met dans une cellule à l'isolement,
03:25 on ne vous nourrit pas, on vous fait aux soins.
03:27 C'est ça, aussi, la réalité de ces prisons.
03:30 C'est la torture quotidienne.
03:32 Donc, imaginez 25 ans de prison dans ces conditions.
03:36 C'est quelque chose, évidemment, d'abominable.
03:39 -Mon mari va passer un quart de siècle
03:40 dans les geôles de Vladimir Poutine.
03:43 Les mots de son épouse, évidemment, un témoignage poignant.
03:48 Lui, qui est donc un farouche opposant à Vladimir Poutine,
03:52 qui aura tenu bon jusqu'au bout,
03:54 qui connaissait les risques,
03:56 malgré tout, il avait réchappé, vous le disiez,
03:59 à deux empoisonnements, il était tombé dans le commun
04:01 et s'en était remis à chaque fois, malgré les séquelles.
04:04 Vous, qui l'aviez vu, pas si longtemps que ça,
04:07 avant son arrestation, qu'est-ce qu'il vous disait ?
04:09 Il connaissait ces risques, cette menace qu'il guettait ?
04:12 -Bien sûr, il les connaissait,
04:15 mais il m'a dit, à moi comme aux autres,
04:18 qu'il lui disait qu'il ne faut pas que je retourne là-bas,
04:20 il y a trop de risques pour moi.
04:22 Il disait non, ma place est aux côtés du peuple russe
04:26 qui se bat pour la liberté.
04:28 On ne peut pas uniquement combattre de l'extérieur ce régime,
04:31 il faut être là.
04:32 Je pense qu'il avait cet espoir,
04:35 et d'ailleurs, c'est toujours ce qu'il a dit,
04:37 même après le prononcé, d'abord, du réquisitoire du procureur,
04:41 puis du verdict, il a dit "un jour, la Russie sera libre".
04:44 Un jour, finalement, il a fait un très beau texte
04:47 après le réquisitoire du procureur, où il dit,
04:50 "Finalement, je pense qu'un jour,
04:54 "le peuple russe se rendra compte
04:56 "des crimes qui ont été commis en son nom."
04:58 Donc il avait cet espoir, peut-être que c'était un espoir irréaliste,
05:02 mais je pense qu'il faut le respecter.
05:05 -Merci beaucoup, Nicolas Tenzer, d'avoir réagi sur notre antenne
05:09 à cette condamnation, 25 ans de prison,
05:12 et de la prison de Kremlin, qui a été interrogée sur le sujet
05:15 ce matin, comme sur toute une série d'actualités,
05:18 a refusé de commenter, évidemment.
05:20 Fin de cette édition.