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Transcription
00:00 Vous revenez aussi dans votre livre sur les moqueries ou les attaques dont vous avez été victime, même dans votre propre camp, lors de la campagne de 2007.
00:07 On me dit "mais qui va garder les enfants ?" Je n'avais pas mesuré à ce moment-là le ressort profond de jalousie de cette attaque lorsque j'ai été candidate à la présidentielle.
00:16 Ce n'était pas anecdotique. Par le truchement d'une violente contestation de compétences, le renvoi aux tâches domestiques, s'occuper des enfants,
00:22 c'était la contestation d'une intrusion dans un monde censé être réservé aux hommes.
00:26 Vous vous rappelez que sur 180 chefs d'État dans le monde, il n'y a qu'une quinzaine de femmes.
00:30 Et c'est vrai que vous n'étiez pas loin. C'est vrai qu'à la Sarkozy, vous n'étiez pas loin, c'est Golen.
00:39 Est-ce que vous avez senti une grande jalousie ? Qu'à un moment, on a senti quand même qu'il y avait une dynamique.
00:44 Est-ce que vous avez senti qu'il y en avait même dans votre camp qui se disait "on n'a pas envie qu'elle gagne" ?
00:50 Oui. Autour de mon adversaire, ça faisait bloc. Là, avoir émergé une femme, oui, il y a plein d'hommes qui se sont dit "mais non, c'est pas sa place".
01:01 Et c'est vrai qu'une première femme au second tour de l'élection présidentielle, ce n'était pas anecdotique.
01:06 Et malgré ces oppositions, ces dénigrements, y compris dans mon propre camp, j'arrive quand même au second tour de la présidentielle.
01:15 Bien sûr. Vous faites un beau score.
01:17 C'est pour ça que c'est quand même une réussite.
01:21 Vous avez pensé à un moment, vous avez dit "à un moment, je vais arrêter, je ne vais pas y aller".
01:26 Non. Non, jamais.
01:28 Non, parce que vous avez la responsabilité auprès des gens qui vous suivent.
01:32 Vous y avez cru. Est-ce qu'à un moment, vous vous êtes dit "je vais gagner" ?
01:35 Oui, je pense, oui. Bien sûr.
01:37 À quel moment ?
01:38 À Charletti, par exemple.
01:39 Oui, c'est ça, je me rappelle.
01:40 Au meeting de Charletti avec tous les articles.
01:42 Bien sûr, vous sentiez qu'il y avait une dynamique.
01:44 Quelles sont vos relations avec Nicolas Sarkozy ?
01:47 Je ne le rencontre pas.
01:49 Non, mais c'était une belle campagne.
01:51 Bien sûr. C'est vrai que c'était une belle campagne.
01:53 C'était une très belle campagne.
01:54 Moi, j'aime beaucoup Nicolas Sarkozy aussi. Je vous aime beaucoup, mais je suis aussi ami avec lui.
02:00 Non, mais c'était une belle campagne.
02:01 J'aime beaucoup, et c'est vrai que c'était une belle campagne.
02:03 Il y avait deux idées, deux incarnations, deux personnalités.
02:05 Bien sûr, exactement.
02:06 Vous voyez, ce n'était pas un vote de barrage, de proposer l'extrême droite.
02:08 Non, non.
02:09 Non, il y avait un vrai choix.
02:11 Moi, je vous le dis, c'est la dernière belle élection. Je le pense vraiment.
02:15 Il y avait deux propositions à la fois.
02:16 Parce qu'après, il y a eu François Hollande face à Nicolas Sarkozy.
02:18 C'était tout sauf à cause.
02:19 C'était plus contre Nicolas Sarkozy.
02:21 Après, c'était contre, on votait contre.
02:23 Exactement. Et à chaque fois, au deuxième tour, on a voté contre.
02:27 C'est la dernière élection où là, il y avait deux projets.
02:30 Et on se disait, on ne vote pas contre, on vote pour l'adhésion.
02:34 Exactement. Et les 47% qu'a fait Ségolène Royal, c'était de l'adhésion.
02:39 C'était joli. Donc c'est vrai que pour moi, c'est la dernière grande élection.
02:43 Est-ce qu'il y a certaines remarques, certains agissements
02:46 qui vous ont particulièrement remarqué en politique ?
02:48 Est-ce qu'il y a des hommes, parce que c'est un milieu où il y a énormément d'hommes.
02:53 Est-ce qu'il y a eu des comportements un peu lourdeaux ?
02:56 Beaucoup.
02:57 Vraiment ?
02:58 Beaucoup. Sexistes.
02:59 Genre quoi ?
03:00 Mais bon, vaut mieux les oublier.
03:01 Il y en a un qui vous est resté en tête ?
03:03 Vaut mieux tourner la page.
03:06 Moi j'en ai un. Il sait mieux que les autres.
03:10 Allez-y.
03:11 À l'Assemblée, on vous avait traité de vache folle.
03:13 Oui, de vache folle.
03:14 C'était violent, je trouvais.
03:15 C'était violent, oui.
03:16 Inadmissible.
03:17 Et à l'époque, parce qu'il y avait une commission d'enquête sur les farines animales,
03:20 vous vous souvenez de ce scandale des farines animales ?
03:22 Moi j'étais élue députée des Deux-Sèvres, donc très rurale.
03:25 Et donc j'étais membre du bureau de cette commission.
03:28 Et il y a effectivement un député qui dit, ça fera une vache folle au bureau.
03:31 Et personne n'a bougé.
03:33 Ni dans votre camp d'ailleurs.
03:34 Personne n'a bougé.
03:36 Et aujourd'hui, moi je me réjouis quand même de l'évolution,
03:38 parce qu'aujourd'hui, ça serait plus possible.
03:41 Il y aurait des sanctions, quand même il y aurait plus de solidarité.
03:46 En 2006, vous avez été au cœur d'attaques parfois misogynes, même au sein du PS.
03:50 Ah oui, beaucoup.
03:52 Vraiment beaucoup ?
03:53 Ah oui, beaucoup.
03:54 Genre quoi ?
03:55 Les hommes se demandaient ce que je faisais là.
03:58 Je ne sais pas, par exemple Michel Rocart avait dit,
04:02 non mais vous n'allez pas confier la France à Ségolène Royal,
04:04 c'est comme confier un poids lourd qui transporte de l'énergie nucléaire
04:08 à quelqu'un qui n'a pas le permis de conduire, par exemple.
04:11 Oui, quand même.
04:12 Ils avaient inventé, mais ça c'était plus du côté de mon adversaire.
04:18 Vous savez, elle fait des bourdes.
04:20 Dès que j'y sais quelque chose, elle fait des bourdes.
04:22 C'était malin en termes de communication,
04:24 parce qu'ils avaient conçu bourde qui rime avec gourde.
04:29 Donc c'était une attaque à mon intelligence, au fond.
04:33 Une femme est forcément idiote.
04:35 Mais ils voulaient vous faire perdre.
04:37 Elle dit que j'ai des bêtises.
04:38 Moi je pense que même dans votre camp, Ségolène Royal,
04:41 il y en avait beaucoup qui voulaient vous perdre.
04:43 Je vous le dis, moi je parlais avec beaucoup de gens à l'époque.
04:45 Et ça c'est souvent dans le propre camp aussi,
04:49 qu'on vous met le plus de difficultés, de peau de banane.
04:52 Les amis sont pires que les amis.
04:54 Exactement.
04:55 On lui a savonné la planche.
04:56 Oui, parce que j'étais une femme et que les hommes se disaient
04:59 "non, c'est pas sa place".
05:02 J'étais une intruse finalement.
05:04 J'ai osé transgresser un interdit du droit à accéder aux responsabilités.
05:10 Et finalement ça a aussi ouvert la voie à plein de femmes après.
05:13 Je pense que vous étiez la meilleure candidate en 2007.
05:16 Je vous le dis, dans votre camp, je pense que vous étiez la meilleure candidate.
05:21 En plus, je n'ai gagné à personne.
05:23 Il n'y avait même plus de débat.
05:26 Entre Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, il y avait un débat de ouïe.
05:31 Entre Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, je vous le dis.
05:34 Vous avez gagné au premier jour avec 60% des voix.
05:37 Les gens pouvaient venir voter en allant à 20 euros.
05:41 C'est important de le rappeler parce que ce n'était pas face à deux toccards.
05:45 Ce n'était pas volé.
05:47 Est-ce que vous pensez, parfois en la nuit, que vous rêvez que vous avez été élue ?
05:55 Non.
05:57 Ça reste un traumatisme ou ça reste un beau souvenir ?
05:59 Ça reste un beau souvenir pour vous ?
06:01 La campagne ?
06:02 Oui.
06:03 C'est magnifique parce que c'est un dialogue avec le peuple, avec les gens.
06:08 C'est extraordinaire une campagne présidentielle.
06:10 Vous le referiez ?
06:11 Une campagne présidentielle ?
06:12 Oui.
06:13 Bien sûr que je le referais.
06:14 Pourquoi vous ne vous présentez pas en 2027 ?
06:16 Vous voyez ça, je ne vais pas tomber dans ce piège.
06:18 Non, non.
06:19 Ce n'est pas ce qu'on va dire.
06:20 Vous voyez, parce que c'est tout le contraire de ce que je recommande d'ailleurs dans mon livre.
06:23 C'est ça, dans le livre.
06:24 En disant que les gens sont tellement fatigués des égos et des itinéraires personnels.
06:30 Je ne sais pas, c'est l'histoire qui décidera.
06:32 C'est le moment qui décidera.
06:34 Et moi, je ne demande rien.
06:36 J'ai mon expérience politique, j'ai ma passion pour le pays,
06:40 pour la démocratie participative, pour l'écologie, c'est tout.
06:44 Vous parlez de la brutalité dans la politique.
06:48 Vous dites la brutalité de ce monde politique avec un exemple assez fou, vous en parlez.
06:52 Vous avez vu votre domicile saccagé par deux fois.
06:54 J'ai subi ces saccages sans vol, juste pour faire peur et sans doute pour me décourager de la politique.
06:59 Car à ce moment-là, en 2008, je suis désigné comme la mieux placée pour gagner la présidentielle.
07:03 Quelques temps plus tard, le plan de mon domicile et de ses accès sera retrouvé dans le coffre de Bernard Squarsini,
07:08 ancien directeur du renseignement.
07:10 C'est fou ça.
07:11 C'est fou.
07:12 On vous a fait peur.
07:13 Les petites affaires de ma fille étaient alignées sur son lit, comme ça.
07:18 Comme la mafia.
07:21 Et pendant la campagne, tous les ordinateurs de toute mon équipe rapprochée ont été volés la même nuit.
07:28 Il y avait des barbouzes qui sont spécialistes des intrusions sans effraction
07:36 et qui font des méthodes de mafieux, d'intimidation.
07:42 C'est dur parfois la politique.
07:43 Et je n'ai rien dit parce que je me suis dit que je vais susciter des réactions de dingue
07:49 qui vont dire qu'on peut rentrer chez Ségolène Royal.
07:51 En plus, mon adresse avait été mise partout dans la presse.
07:53 Vous avez préféré ne rien dire.
07:54 Je suis obligée de me taire dans ces cas-là.
07:56 Vous le dévoilez dans le livre.
07:57 C'est vrai que c'est une histoire folle aussi.
07:59 [Musique]

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