Arnaud Rousseau, nouveau président de la FNSEA et président du conseil d'administration du groupe Avril qui commercialise en France les marques Lesieur, Puget ou Isio 4, était l’invité de la BFMTV pour réagir à l’inflation et à la hausse des prix de l’alimentaire
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00:00 Bonsoir Arnaud Rousseau.
00:01 Bonsoir.
00:02 Merci d'être avec nous.
00:03 Vous êtes le nouveau président de la FNSEA, le très puissant syndicat agricole.
00:06 Vous êtes agriculteur évidemment, céréalier en Seine-et-Marne et vous êtes aussi président
00:11 du groupe Avril.
00:12 Avril, ce sont par exemple les huiles Le Sueur, Puget, Isio 4, j'en oublie forcément, il
00:16 y en a beaucoup d'autres, mais ce sont les plus connues, marques hyper connues.
00:20 Avec toutes ces casquettes, vous êtes toutes désignées ce soir pour qu'on parle d'abord
00:23 évidemment du pouvoir d'achat, de notre pouvoir d'achat.
00:26 Il y a une question qui nous occupe depuis le début de la semaine.
00:28 Pourquoi est-ce que les prix d'alimentaire ne baissent pas alors que le coût des matières
00:32 premières baisse ? On a un exemple, l'huile, vous connaissez par cœur, l'huile de tournesol.
00:37 On nous dit que le cours a baissé de 55% en un an.
00:40 Pourquoi est-ce que ça ne baisse pas dans les rayons ?
00:42 Parce qu'entre le moment où l'agriculteur produit son tournesol et qu'il le transforme,
00:51 puis le vend au distributeur, il se passe une récolte par an et du délai.
00:57 Le tournesol en ce moment est en train de baisser.
01:00 Les prix qui sont appliqués à la grande distribution ont baissé en tournesol en tous
01:04 les cas chez Avril puisque vous en parliez, qui est une entreprise détenue par le monde
01:07 agricole de 20%.
01:08 Mais entre le moment où c'est fait dans les contrats et où ça s'applique dans les
01:12 magasins au profit des consommateurs, il y a toujours un peu de latence.
01:15 Donc je suppose qu'on verra une baisse du prix de la bouteille d'huile de tournesol
01:19 dans quelques semaines.
01:20 Donc vous vous dites que vous avez déjà accepté des baisses de tarifs auprès de
01:24 la grande distribution ?
01:25 On a dans nos contrats, encore une fois distinguons bien ce qui relève de l'exploitation agricole
01:29 où le tournesol est vendu, travaillé, trituré et ensuite vendu à la grande distribution
01:36 avec des prix dans les contrats qui prévoient des clauses de renégociation.
01:40 Donc en ce moment, il y a des discussions qui ont été faites chez nous en tous les
01:44 cas avec une baisse de l'ordre de 20% sur le tournesol.
01:47 Donc ça veut dire que pour l'instant, pour vous, et contrairement à ce que beaucoup
01:50 de patrons de la grande distribution disent, pour vous c'est la grande distribution qui
01:53 bloque un peu ?
01:54 La grande distribution a probablement des stocks qu'elle avait acquis et puis ensuite
01:57 elle a des politiques de prix qui ne sont pas les mêmes d'une marque à l'autre.
02:01 Il y a d'ailleurs des marques de distributeurs qui parfois ont augmenté plus que les marques
02:07 nationales.
02:08 Donc en tous les cas, on verra je pense dans les prochaines semaines ou les prochains
02:12 mois un début de baisse.
02:13 Mais il faut aussi savoir que dans nos exploitations agricoles, les prix ont continué à augmenter
02:18 puisque c'est l'ordre de 10% de charge en plus sur un an et que dans l'industrie
02:23 agroalimentaire, il y a aussi un certain nombre de charges qui vont demeurer, je pense
02:25 notamment au coût du travail ou à un certain nombre de sujets autour de l'énergie.
02:30 Alors avant de laisser la parole à mes camarades, je reste sur l'exemple de l'huile,
02:33 puisque encore une fois vous êtes le patron d'un groupe, comment on dit d'ailleurs ?
02:36 Oléagineux.
02:37 Oléagineux, oui, mais on peut dire groupe oléagineux, c'est bizarre quand même.
02:39 Oui absolument, le cœur de notre métier c'est de triturer le colza, le tournesol,
02:44 pré-léprothéagineux des produits.
02:46 Alors on va triturer notamment les chiffres qui sont donnés par le spécialiste de la
02:48 grande distribution Olivier Dauvert.
02:50 Les prix au rayon des huiles ont augmenté en moyenne en un an de 22%.
02:54 Certaines de vos marques sont largement au-dessus de cette moyenne ou un peu au-dessus.
03:00 On va regarder par exemple Isio 4, c'est chez vous, Isio 4 plus 27% en un an.
03:05 Pourquoi cette différence ? Pourquoi est-ce que votre augmentation est plus forte que
03:09 la moyenne du marché ?
03:10 Il y a tout un tas de raisons encore une fois qui tiennent soit à la manière dont
03:15 les huiles ont été achetées, soit à la manière dont la répercussion s'est faite
03:20 tout au long de la chaîne.
03:21 Encore une fois, dans une bouteille d'huile, il peut y avoir l'huile à proprement parler,
03:25 mais il peut y avoir le marketing, il peut y avoir un certain nombre de choses.
03:28 Ce qui nous tient à cœur, nous, c'est de faire en sorte que les coûts de production
03:34 interprofessionnel reconnus auprès des agriculteurs ne baissent pas en ce moment, continuent à
03:39 monter et que la répercussion ne détrige pas de valeur.
03:41 Ce que je voudrais rappeler sur la grande distribution, puisque vous m'interrogez sur
03:44 les prix, c'est que pour le monde agricole, pendant dix ans, ça a été de la déflation.
03:47 Je voudrais le rappeler, puisque je trouve que les grands distributeurs sont très pronds
03:50 en ce moment à nous expliquer que les prix ne baissent pas, que c'est un scandale.
03:53 La vérité, c'est que sur les dix dernières années, les prix ont été en déflation
03:57 permanente et que si nous ne nous étions pas battus, nous, pour avoir ces fameuses
04:00 lois EGalim qui protègent la matière première agricole, nous n'aurions pas eu les hausses
04:06 que nous avons enregistrées.
04:07 Ce qui est important pour nous en tant qu'agriculteurs, c'est de faire en sorte qu'on trouve un
04:09 équilibre entre le prix des produits dans nos fermes et la capacité pour les consommateurs
04:13 à les acheter.
04:14 Est-ce que vous trouvez l'équilibre entre consommateurs et producteurs quand par exemple
04:18 votre bénéfice l'an dernier augmente de 45% ?
04:21 C'est-à-dire que vous profitez de l'inflation d'une certaine manière.
04:24 Le BIT aussi, comme on appelle la vente des huiles, chez Avril, ça représente 2% de
04:29 notre chiffre d'affaires.
04:30 Ce que vous ne savez pas, c'est qu'on fait beaucoup d'huile pour les carburants, on
04:35 a des activités dans la nutrition animale, on a des activités dans la transformation.
04:39 La partie du lien entre Avril et le consommateur, c'est 2%.
04:43 L'essentiel de la hausse des prix et du résultat que vous décrivez s'est fait à travers
04:49 l'énergie puisque l'huile carburant qui va dans l'énergie a été très valorisée
04:53 avec la hausse de l'énergie.
04:55 Vous avez de fait, quels que soient les produits, vous avez profité de l'inflation, quels
04:59 que soient les produits que vous vendez.
05:00 On s'est surtout aligné sur le marché parce qu'en même temps qu'on avait ces hausses
05:05 d'énergie, on avait aussi un certain nombre d'investissements majeurs à faire.
05:09 Vous savez qu'on travaille d'arrache-pied sur la décarbonation.
05:12 Cette décarbonation nécessite des investissements importants.
05:15 Puis je veux vous le dire un mot parce que c'est important pour le monde agricole, c'est
05:18 qu'Avril ne verse pas de dividendes à ses actionnaires agriculteurs, il réinvestit
05:22 la totalité de ses bénéfices.
05:24 Or vous savez que pour être au rendez-vous de la décarbonation, le monde agricole va
05:27 devoir investir massivement.
05:29 Et donc cette hausse importante des résultats est une bonne nouvelle pour nous parce qu'elle
05:33 est la garante dans les cinq ou dix prochaines années qu'on va avoir les moyens d'accompagner
05:37 cette décarbonation.
05:38 Pauline.
05:39 Oui, c'est quand même important de réexpliquer aux téléspectateurs, aux consommateurs, parce
05:42 que ce que vous nous dites, c'est que finalement, ça va prendre un peu plus de temps que prévu,
05:46 mais ça finira par baisser parce que le cours des matières premières baisse.
05:49 Mais il y a tout de même une grosse interrogation.
05:51 Les consommateurs, ils ont du mal à acheter leurs produits.
05:54 Certains doivent sauter un repas et on voit que vous avez profité.
05:58 C'est l'impression que ça donne.
05:59 En tout cas, on a ça pour l'huile, on a ça pour le café.
06:01 On a eu ça également pour les biscuits, que les marques nationales ont augmenté encore
06:05 plus pendant l'inflation.
06:06 Pourtant, tout le monde a été touché par les coûts d'énergie, par le fret, par le
06:10 transport, mais tout ça a baissé maintenant.
06:11 Comment expliquer que les marques nationales, finalement, aient augmenté encore plus et
06:15 bien plus que les autres marques ?
06:17 Là aussi, je voudrais vous répondre en regardant ce qu'est l'histoire du groupe Avril.
06:21 En 2015, 16 et 17, on a perdu énormément d'argent.
06:24 On n'a pas fermé les outils parce que le monde industriel est inscrit agricole dans
06:29 le temps long.
06:30 Aujourd'hui, on profite de l'embellie.
06:31 Je vous ai expliqué que le rapport au consommateur chez nous, c'était tout petit, 2% du chiffre
06:36 d'affaires chez le Sueur.
06:37 Et qu'en fait, le gros de ce qui a été le résultat de cette année s'est fait plutôt
06:41 dans le milieu de l'énergie, les huiles carburants.
06:44 Et donc, vous me parlez des marques nationales.
06:46 Je vais vous parler de Puget.
06:48 Vous m'avez parlé beaucoup d'huile de tournesol.
06:50 Chez Puget, l'huile d'olive en France, en Espagne, au Maroc a vu ses prix s'envoler
06:56 de à peu près 2 500 euros la tonne à plus de 5 000 euros la tonne.
07:00 Je comprends que le consommateur ait du mal à acheter.
07:02 D'ailleurs, quand vous êtes agriculteur, voir un certain nombre de consommateurs ne
07:05 peuvent pas pouvoir se nourrir, ça pose un vrai problème.
07:07 Mais il y a des réalités d'augmentation de prix qu'on est obligé d'impacter.
07:11 Et après, il y a des politiques commerciales d'un distributeur à l'autre qui peuvent être
07:15 très différentes.
07:16 La bonne nouvelle, c'est que probablement dans un certain nombre de métiers, de produits,
07:20 ça va baisser dans les semaines et les mois qui viennent.
07:21 Pas partout.
07:22 Ça ne baissera pas en huile d'olive.
07:24 Pour la simple et bonne raison, c'est que c'est une récolte par an et que l'année
07:28 dernière, elle n'a pas été bonne et qu'il n'y a pas de produits et que donc le marché
07:30 n'a pas profité.
07:31 Quand les prix ont augmenté de parfois 35 40 %, alors que la moyenne, c'était 22
07:35 %, aucun industriel n'a profité de ça.
07:38 Les revenus des agriculteurs ont augmenté quand même.
07:40 C'est à dire qu'il y a une partie du cours.
07:42 La hausse du cours des matières premières a aussi bénéficié aux revenus des revenus
07:46 des agriculteurs.
07:47 D'ailleurs, on peut s'en féliciter pour une partie d'entre eux parce qu'il y a des
07:48 grandes inégalités.
07:49 On imagine que les grands céréaliers se sont gavés davantage.
07:53 Mais d'une certaine façon, il y a quand même eu un bénéfice dans cette hausse des
07:57 cours, qui est que les agriculteurs ont eu des revenus qui ont augmenté.
08:00 Oui, c'est vrai et c'est une bonne nouvelle.
08:02 Je m'en réjouis.
08:03 Et d'ailleurs, les céréaliers qui se sont gavés pour reprendre vos propos ont eu aussi
08:07 des hausses de charges très importantes parce que le coût de l'énergie, ce qu'on
08:10 appelle l'azote.
08:11 On l'a tous, les distributeurs aussi.
08:13 En fait, toutes choses égales par ailleurs.
08:15 Vous avez une source de profit beaucoup plus importante que d'autres.
08:19 Nous, on travaille pour gagner notre vie.
08:21 Et donc, si on fait une bonne année, on s'en réjouit.
08:24 Et je peux vous dire que je n'ai pas de problème à regarder ce que sont les revenus
08:27 de l'agriculture sur les dix dernières années.
08:28 Ils sont bien loin ceux de la grande distribution pour reprendre le sujet précédent.
08:31 Ce que je veux vous dire, c'est que la déflation qu'il y avait dans la négociation de nos
08:36 produits était un vrai crève-cœur, a détruit près de 25% de l'élevage français et 100
08:40 000 agriculteurs.
08:41 C'est le passé.
08:42 C'est le passé.
08:43 Attendez, c'est tout neuf.
08:44 La loi EGalim, elle a un an et c'est la première année d'application pleine.
08:47 Donc, je me réjouis de voir qu'elle a des résultats.
08:49 On voit l'inflation.
08:50 D'ailleurs, on ne vit pas en dehors de la société.
08:52 On la subit aussi.
08:53 On pense qu'on va être capable de stabiliser les choses et c'est ce qu'on souhaite faire.
08:57 Nous, on a besoin de continuer à produire parce que cette inflation, elle a aussi une
09:00 conséquence.
09:01 C'est une augmentation forte des importations de produits qui ne viennent pas de France.
09:04 On va en parler de ça.
09:05 Mais il faut quand même que vous répondiez à la question de Pauline.
09:07 Vous n'avez pas répondu sur pourquoi est-ce qu'il y a une différence dans les hausses
09:09 entre les marques de distributeurs et les marques nationales qui ont augmenté plus
09:13 fortement que les marques de distributeurs.
09:15 Alors, pardonnez-moi, ce n'est pas tout à fait exact pour un certain nombre de produits
09:19 concernant l'huile.
09:20 Il y a des prix d'huile et même des non-em qui ont été cherchés de l'huile ailleurs
09:24 et puis qui ensuite ont permis aux marques de distributeurs de remonter.
09:27 Je ne sais pas quel exemple vous prenez, mais en tous les cas, chez nous, en permanence,
09:31 on n'a pas répercuté la totalité des coûts parce qu'on avait plutôt bien acheté.
09:34 Mais sur les aspects purement techniques, parce que je voudrais redire aussi que moi,
09:39 chez Avril, je suis président du conseil d'administration.
09:41 Ce n'est pas moi qui suis en négociation en permanence avec les distributeurs, mais
09:46 en tous les cas, l'état d'esprit n'était pas du tout celui-là.
09:48 L'état d'esprit était de permettre les débouchés, la création de valeur et le
09:52 retour de valeur ajoutée.
09:53 Parce que je le redis, le modèle Avril, c'est le retour de valeur ajoutée aux agriculteurs.
09:57 Il faut qu'on parle de l'autre casquette, évidemment, celle de la FNSEA, Géraldine
10:01 Vosner.
10:02 Non, j'avais une dernière question pour comprendre parce qu'on est encore là en
10:04 train de se renvoyer la balle.
10:06 Ce n'est pas nous, c'est la grande distribution.
10:07 La transparence sur la formation des prix, est-ce que ce n'était pas quelque chose
10:14 qui devait justement arriver ?
10:15 Nous, on était très demandeurs de cette transparence.
10:18 Et d'ailleurs, dans le cadre des états généraux de l'alimentation, au niveau
10:21 agricole, c'est la non-négociabilité de la matière première agricole à partir
10:25 des coûts de production par filière.
10:27 Et ces coûts de production sont faits dans un cadre interprofessionnel.
10:30 Ce n'est pas parfaitement transparent au niveau du monde agricole.
10:33 En gros, le but, c'est qu'on ne vous achète pas de l'huile ou un autre produit
10:36 agricole moins cher que ce qui vous coûte.
10:38 C'est exactement le but.
10:40 Et puis, c'est assez simple.
10:41 Je vais essayer de résumer.
10:42 C'est très simple.
10:44 Un producteur qui vend en dessous de ses coûts de production, ça ne dure pas très
10:47 longtemps.
10:48 C'est pour ça qu'on a détruit de la valeur et des exploitations agricoles qui
10:51 ont fermé.
10:52 On s'est battu pour ça.
10:53 On l'a obtenu.
10:54 Et je veux le redire ici.
10:55 Pour les producteurs, c'est très transparent par filière à partir de négociations
10:58 interprofessionnelles.
10:59 En revanche, ensuite, ce qui se passe dans les négociations, pour ce qui est d'avril,
11:05 je vais vous dire comment on fait, on fournit à la grande distribution ce qui est l'option
11:08 C de Egalim, c'est-à-dire que nos commissaires au compte fournissent la transparence sur
11:13 la réalité des coûts d'achat de la matière première agricole.
11:16 Vous réclamez toujours un chèque d'alimentation ?
11:18 Oui, pour une raison simple, c'est qu'est revenu dans le débat le panier anti-inflation.
11:23 Et là, je vais être précis.
11:25 L'idée, ce n'est pas du tout d'écarter le fait qu'un certain nombre de concitoyens
11:29 ne mangent pas leur faim ou n'ont pas les repas ou ne sont pas en capacité d'acheter
11:33 l'alimentation.
11:34 Et pour un agriculteur, ce n'est jamais très agréable de demander ce sujet.
11:36 Mais nous, on pense que le panier anti-inflation, c'est à nouveau une manière de contourner
11:41 les lois Egalim.
11:42 Pourquoi ? C'est quoi les différences ?
11:43 C'est-à-dire de faire pression à nouveau sur les prix qui sont versés aux agriculteurs.
11:48 Bien sûr.
11:49 La différence, c'est que dans le chèque anti-inflation, dans tous les cas qu'on réclame,
11:51 c'est la possibilité d'accompagner les gens qui sont sous condition de ressources,
11:56 pas en capacité d'acheter leur alimentation, de leur octroyer un soutien pour acheter des
12:00 produits français dans un panier à définir, mais de le faire en sorte que ça n'appuie
12:06 pas à nouveau sur les prix des matières premières et que ça ne contourne pas les
12:09 loyers.
12:10 Il serait de combien ce chèque ?
12:11 Écoutez, la discussion qu'on avait eue à l'époque avec le gouvernement, c'était
12:16 de 1 à 3 euros par jour.
12:18 Et donc, c'était un coût de l'ordre de 2 à 5 milliards d'euros, ce qui est beaucoup
12:22 d'argent, mais d'autres pays le font.
12:24 Et c'est aussi peut-être le prix de notre modèle social.
12:28 Dans tous les cas, pour nous, c'est important qu'on ne rouvre pas à côté ce qu'on a
12:32 obtenu de Haute Lutte, c'est-à-dire la loi Egalum.
12:34 On a vu des fraises espagnoles dans des paniers anti-inflation, ça vous a fait bondir ?
12:39 Évidemment.
12:40 Je voulais expliquer, si le modèle demain, c'est de dire que ce qui est déjà le cas
12:47 aujourd'hui, de moins en moins d'aliments se trouvent dans l'assiette des Français,
12:52 d'origine française, la part de l'alimentation française dans l'assiette des Français
12:55 est de moins en moins importante, et que le bas coût, c'est de l'importation, ça n'est
13:00 pas le respect de nos normes de production, ça n'est pas les standards de qualité, ça
13:03 n'est pas la proximité, ça n'est pas la naturalité que les consommateurs nous demandent,
13:07 et ça, oui, on lutte contre ça absolument.
13:08 Pardon Pablo, mais sur le chèque alimentaire que vous appelez, Bruno Le Maire, pas plus
13:16 tard qu'aujourd'hui, a dit "les chèques exceptionnels, c'est terminé, on ne peut
13:18 plus, on n'y arrive plus, on ne financera plus".
13:21 Déclaration très générale, qui concerne pas uniquement le chèque alimentaire, mais
13:24 le ministre de l'économie dit "il faut qu'on se désendette, on n'y arrive pas".
13:27 Très bien, moi j'entends ce que dit le ministre de l'économie, en revanche, nous, ce sera
13:30 pas le panier anti-inflation, je crois qu'il faut être clair.
13:33 Si c'est de la fraise espagnole à bas coût, si c'est de la tomate marocaine, si c'est…
13:39 voilà, ça arrive déjà, par quantité astronomique.
13:41 Moi ce qui m'intéresse c'est la souveraineté alimentaire française, ce qui m'intéresse
13:44 demain c'est la compétitivité des exploitations agricoles, ce qui m'intéresse demain c'est
13:47 que des agriculteurs continuent à avoir du revenu pour fournir de la qualité, reconnue
13:51 comme ce qui se fait de mieux dans le monde.
13:53 Je redonne les chiffres, pardon pour appuyer ce que vous dites, 60% des fruits que l'on
13:56 consomme en France sont importés, 60% des fruits, 50% du poulet, 40% des légumes, je
14:02 crois qu'on est dans ces volumes là aujourd'hui.
14:03 25% de la viande bovine et le mouton, et puis je peux vous en servir comme ça.
14:07 Oui mais en même temps, j'imagine, la plupart des gens rêveraient tous d'acheter des œufs
14:10 bio produits en France, du poulet bio produit, mais malheureusement pour beaucoup c'est juste
14:15 trop cher, c'est impossible de se l'offrir, qu'est-ce qu'on peut faire ?
14:18 On peut fournir de l'alimentation française de qualité dans une segmentation de marché
14:22 qui va des prix d'entrée de gamme jusqu'au premium, on sait le faire, pour peu qu'on
14:27 n'ouvre pas nos frontières à des produits qui encore une fois n'ont pas nos qualités
14:32 et nos normes.
14:33 L'idée c'est pas de se refermer sur soi, on peut continuer à commercer.
14:35 Les avocats bio qui viennent d'Amérique du Sud par exemple, c'est du bio mais qui
14:39 vient d'Amérique du Sud et qui a un mélange carbone désastreux.
14:41 Oui, trois balles l'avocat.
14:43 Ou l'utilisation de produits phytosanitaires qui sont interdits en Europe et qu'on importe
14:50 sans aucun problème à tour de bras.
14:52 Donc l'idée c'est pas encore une fois, notre idée de souveraineté n'est pas l'autonomie,
14:56 le repli sur soi, une forme de recroquevillement.
14:59 Notre vision c'est de dire, si on veut durablement dans les 30 prochaines années garder une
15:04 agriculture ancrée dans les territoires avec encore une fois les standards les plus élevés,
15:08 on doit pouvoir faire l'entrée de gamme pour ceux qui ont du mal à se nourrir, mais
15:11 si la seule opportunité c'est d'acheter des produits d'importation avec une alimentation
15:16 sans valeur et sans saveur, ça n'est pas notre modèle.
15:18 Donc vous dites, il faut stopper un certain nombre d'importations que l'on fait aujourd'hui.
15:21 Non, nous on dit juste, pas de naïveté.
15:23 Si on interdit aux producteurs européens et français d'utiliser un certain nombre
15:27 de matières actives pour des sujets de santé publique, que l'on comprend très bien.
15:30 Si l'on dit qu'on est attaché à notre modèle social, c'est le cas.
15:33 Si on dit que demain on veut attirer des jeunes et on aura un challenge, le renouvellement
15:37 des générations, extrêmement important, alors il faut donner des conditions à l'entreprise
15:40 agricole française, à la ferme qui est souvent une TPE, de pouvoir exister dans un marché
15:45 ouvert.
15:46 Et ça, ça nécessite un peu de cohérence.
15:48 À Bruxelles d'abord, en France ensuite, si on ne le fait pas, on sera dans le cadre
15:52 de l'industrie dans 30 ans, on dira on n'a pas été bon, on a décidé à ne socialiser
15:56 et puis on n'aura plus que nos yeux pour pleurer.
15:58 Nous on se bat pour garder une agriculture ancrée dans les territoires, respectueuse
16:02 des modes de production, avec des produits attendus par le consommateur, mais pour ça
16:06 il faut y mettre les moyens et la cohérence.
16:08 J'avoue que c'est un peu un jeu de poker menteur entre vous et la grande distribution,
16:13 on a un peu de mal à comprendre.
16:15 Aujourd'hui, vous dites tous que vous êtes au maximum de ce que vous pouvez faire et
16:19 que c'est la faute des autres.
16:21 Je comprends aussi l'enjeu de souveraineté nationale, que je partage d'ailleurs.
16:25 Maintenant, sur votre autre casquette, qui est la casquette FNSEA, c'est quoi le modèle
16:33 agricole tel qu'il existe aujourd'hui en France ? Est-ce qu'il vous satisfait ? Est-ce
16:36 que vous pensez qu'on peut continuer comme ça avec des grosses exploitations ? Je rappelle
16:42 que vous êtes à la tête d'une plutôt grosse exploitation, c'est 700 hectares.
16:47 On a eu plusieurs chiffres d'ailleurs, 700 hectares moins.
16:50 Je vais vous le préciser.
16:51 Vous le préciserez après.
16:53 Mais est-ce que ce modèle de très grosses exploitations, avec énormément d'intrants,
16:57 avec énormément de pesticides, on va dire les mots qui fâchent, énormément de consommation
17:03 d'eau, etc. est-ce que ce modèle-là, vous pensez qu'il est viable ? Vous avez dit tout
17:08 à l'heure, le groupe Avril a fait des gros bénéfices.
17:10 Vous avez dit on va investir, ça va retourner aux agriculteurs.
17:14 Est-ce que le retour, ce que vous allez donner aux agriculteurs, les acquisitions que vous
17:19 allez faire, etc.
17:20 Est-ce que ça va aller dans le sens toujours d'une agriculture plus industrielle ?
17:22 Alors, je vais, non, non, mais c'est bien.
17:27 Ça donne l'occasion d'être précis.
17:30 Un tout petit mot sur la distribution, comme ça vous allez comprendre.
17:33 425 000 exploitations agricoles, 17 000 entreprises agroalimentaires, 4 entreprises de distribution.
17:39 Qui est le plus puissant à votre avis ?
17:41 Je viens maintenant sur les questions que vous m'avez posées.
17:44 Le modèle agricole français, c'est un modèle essentiellement familial, d'exploitation à
17:51 taille humaine, auquel on est très…
17:52 - Auchan aussi c'est familial.
17:53 - Non, non, mais…
17:54 - Pardon, pardon.
17:55 - Je pense que le capital social d'une exploitation agricole française et d'Auchan n'est pas
18:00 exactement le même, mais on pourra comparer si vous le souhaitez.
18:02 La France, elle est très diversifiée dans ses modèles de production, dans le type de
18:08 ferme et de production.
18:09 Et il y a des exploitations qui vont plutôt être sur le circuit court, d'autres plutôt
18:14 tournées vers l'export, d'autres plutôt vers le régional.
18:17 Mon exploitation fait 339 hectares et ma femme est aussi agricultrice.
18:21 Les 700 hectares, c'est la somme, mais ma femme tient à son statut d'agricultrice et
18:26 au fait qu'on puisse reconnaître le travail des femmes en agriculture.
18:29 Près de 25% des chefs d'exploitation sont des femmes en agriculture.
18:32 Et le modèle que vous décrivez, pardonnez-moi, mais de manière caricaturale, c'est le
18:39 modèle le plus vertueux qui existe en production agricole dans le monde.
18:42 Je vous demande de l'entendre.
18:43 Ce n'est pas moi qui le dis, c'est un certain nombre de…
18:45 - Parce qu'il y a un vrai débat aujourd'hui sur est-ce qu'il faut aller vers des exploitations
18:48 toujours plus grandes ou est-ce qu'il faut justement avoir des…
18:51 Par exemple, on n'a pas de méga-fermes avec des…
18:53 Ça, en France, on ne le fait pas.
18:55 Il n'y a pas des…
18:56 - Des exploitations qui sont éteintes, réaliser que c'est ridicule par rapport à ce qu'on
18:59 importe justement par rapport à l'Allemagne, l'Ukraine, la Pologne, c'est peu de chose.
19:02 - C'est vraiment le débat.
19:03 C'est-à-dire est-ce qu'il faut toujours plus grand, des exploitations toujours plus
19:05 grandes, mais…
19:06 - Pour être plus compétitif.
19:07 - Voilà.
19:08 Ou est-ce qu'il faut avoir soit une diversité, soit des exploitations de taille moyenne qui
19:12 respectent un certain nombre de normes aussi et de modes de production.
19:16 - C'est les mêmes normes pour les grandes et pour les petites.
19:18 - Oui.
19:19 - À l'échelle de nos compétiteurs, les fermes françaises sont de petite taille.
19:21 La plus grande ferme ukrainienne, puisqu'on parle beaucoup de l'Ukraine en ce moment,
19:25 c'est 700 000 hectares.
19:26 En Chine, aux États-Unis, au Brésil, en Argentine, nos fermes européennes et nos
19:34 fermes françaises, et en Europe, en Allemagne de l'Est, en Roumanie, en Grande-Bretagne,
19:38 les fermes françaises sont plutôt des fermes moyennes, sur lesquelles on a beaucoup investi
19:42 sur la valeur ajoutée et sur le territoire et la transformation.
19:45 Et je le redis, on est une des agricultures les plus durables au monde.
19:50 Il y a un certain nombre d'organismes indépendants qui le disent.
19:53 Est-ce qu'on est tout en haut ou sur le podium ? Peu importe, on est quand même dans ce qui
19:56 se fait de mieux, avec essentiellement des capitaux familiers.
19:58 On va avoir un enjeu formidable de renouvellement des exploitations.
20:02 Il y a près de la moitié des agriculteurs qui vont partir en retraite dans les 10 ans.
20:06 Il faudra qu'on attire des talents, il faudra qu'on attire des jeunes.
20:08 Nous, à l'FNSA, on a fait un rapport d'orientation sur « Entreprendre en agriculture, mon avenir,
20:13 mon futur » pour dire qu'il y aura tous les modèles d'exploitation et on aura des profils
20:17 très différents et on pense que trois quarts des nouveaux agriculteurs seront non-issus
20:20 du milieu agricole.
20:21 Et donc ça, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que notre enjeu, c'est de continuer
20:25 à produire pour faire vivre les entreprises sur les territoires, le tissu de PME qui entoure
20:30 les entreprises, la qualité avec tous les segments de production tels que vous le décriviez.
20:35 Et donc le sujet pour le faire, c'est qu'est-ce qu'on a comme moyen de production ? On aura
20:38 besoin d'eau parce qu'on ne produit pas d'agriculture sans eau.
20:41 Et vous voyez l'hystérisation des débats qu'on a en ce moment.
20:44 Hystérisation ?
20:45 Ah oui, le débat sur l'eau en ce moment, en fait, quand vous êtes sur une chaîne d'info,
20:50 on vous dit « Vous êtes pour ou contre Saint-Sauline ? » En dehors de ça, point de débat.
20:54 Alors que le sujet est beaucoup plus profond et le…
20:58 Mais vous, vous êtes pour Saint-Sauline ?
20:59 Est-ce que je peux mettre un peu de nuance, Maxime Fouitek ?
21:02 Oui, vous pouvez, mais je peux vous poser la question aussi.
21:04 Mais je vais vous répondre.
21:05 Très précisément sur Saint-Sauline.
21:06 Très précisément, on a besoin de stocker l'eau.
21:08 On sait que le changement climatique va être un impact majeur pour l'agriculture et
21:13 qu'on aura dans un certain nombre de territoires autant d'eau, voire un peu plus d'eau,
21:17 mais d'une manière plus erratique.
21:18 Donc, on aura besoin de la stocker quand elle est en quantité suffisante.
21:20 Et donc, le modèle de Saint-Sauline n'est pas un modèle réplicable partout.
21:25 En revanche, dans le Marais-Poitvin, où c'est très plat, ce modèle a du sens.
21:29 Et donc, le faire là, ça a du sens.
21:31 Le faire ailleurs, ça n'a pas forcément de sens.
21:33 Mais a du sens pour le long terme ?
21:34 Du sens pour le long terme, puisque c'est ancré dans des mesures.
21:38 Si vous êtes capable de me dire ce qu'il va pleuvoir, par exemple, dans le Marais-Poitvin
21:42 sur les 10 prochaines années, je pourrais répondre à votre question.
21:44 L'année dernière, c'était compliqué.
21:45 Cette année, ils ont eu des précipitations importantes et ça n'est pas compliqué de
21:49 remplir les bassins de Saint-Sauline.
21:51 Cela peut être à l'avenir.
21:52 Donc, ça explique que c'est le modèle agricole qu'il faut changer pour ne précisément
21:55 pas avoir besoin de cette eau-là.
21:57 On aura toujours besoin d'eau en agriculture.
21:59 On en aura toujours besoin, mais peut-être pas dans des quantités aussi importantes.
22:02 Alors, c'est une bonne remarque.
22:05 J'ai déjà eu l'occasion de le dire sur ma propre exploitation.
22:07 Je fais depuis deux ans du tournesol, qui est une espèce qui a besoin de beaucoup moins
22:12 d'eau pour faire son cycle de végétation.
22:14 Et donc, les agriculteurs s'adaptent.
22:16 Ils s'adaptent avec leurs asseulements.
22:18 Ils s'adaptent avec leur méthode culturelle.
22:19 Ils s'adaptent avec l'innovation, la recherche et la technique.
22:22 On est, par exemple, capable d'avoir des sondes qui mesurent l'humidité du sol.
22:25 Il y aura un vecteur de moyens qui nous permettront, y compris avec la recherche et l'innovation,
22:30 d'avoir des semences plus résistantes à l'eau, moins consommatrices de pesticides.
22:34 Donc, on est sur une trajectoire de progrès.
22:36 Et dans cette trajectoire de progrès, nous, on pense qu'on a les solutions durables pour
22:40 continuer à alimenter, en dehors de toutes les polémiques un peu qu'on entend toute
22:45 la journée.
22:46 Vous redoutez l'agribashing.
22:47 Vous diriez qu'on vit dans une époque d'agribashing.
22:49 Non.
22:50 Moi, j'ai écrit à l'ensemble des adhérents de la FNSA pour leur dire qu'il fallait qu'on
22:52 sorte de la citadelle assiégée et qu'on aille à l'offensive pour expliquer que si
22:57 on ne défend pas le modèle d'agriculture beaucoup plus équilibré que certains veulent
23:02 le décrire, on a besoin d'expliquer mieux aux Français qui sont plus loin de l'agriculture
23:07 aujourd'hui ce qu'est la réalité de nos métiers.
23:09 Il y aura une bataille culturelle à conduire.
23:14 On le voit même ce soir sur le plateau.
23:15 Le Gros est fatalement très consommateur d'intrants, plus consommateur de pesticides
23:23 que les autres.
23:24 Il y a tout un travail à reprendre.
23:26 Et est-ce que c'est possible ?
23:28 En tous les cas, c'est le combat qu'on souhaite mener à la FNSA en expliquant qu'il y a tous
23:32 les modèles d'entreprise et que si on reste dans la caricature, chacun se mûrera dans
23:36 des espèces de préjugés et de principes.
23:38 Nous, on explique qu'on pense que dans le monde dans lequel on est, l'agriculture, c'est
23:42 une solution pour le changement climatique, pour la restauration de la biodiversité,
23:46 pour une alimentation durable, pour le stockage de l'eau, pour l'utilisation le moins possible
23:52 de pesticides.
23:53 Mais on a besoin de parler d'une trajectoire de progrès.
23:54 On a besoin d'investissement et d'innovation.
23:56 C'est ce qu'on demandera à la première ministre dans les jours qui viennent.
23:58 On ne peut pas rester simplement dans des clichés.
24:01 Le tout dans un monde ouvert.
24:02 On a besoin de règles harmonisées en Europe.
24:04 On ne peut pas expliquer qu'en France, on va laver plus blanc que blanc et ne pas donner
24:08 les mêmes règles alors que nos voisins et nos concurrents sont principalement européens.
24:11 Merci Arnaud Rousseau d'avoir été avec nous ce soir en direct sur BFMTV.