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Une proposition de loi pour interdire aux influenceurs la publicité pour la chirurgie esthétique sur les réseaux sociaux, sera présentée prochainement au Sénat. Les jeunes sont particulièrement exposés à ces pratiques qui peuvent comporter des risques pour la santé. 

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Transcription
00:00 On en parle avec Nathanaël Hedry, chirurgien plasticien à Paris.
00:03 Bonjour et merci d'être avec nous.
00:04 Et Ariane Rioux, vous êtes journaliste au Parisien et co-auteur avec Elsa Marie du livre
00:09 "Génération Bistouri, enquête sur les ravages de la chirurgie esthétique chez les jeunes",
00:13 paru aux éditions La Tess.
00:14 On en parle ce matin parce qu'il y a une proposition de loi qui vient d'être votée à l'unanimité
00:18 par les députés, qui va être au programme du Sénat le 9 mai prochain,
00:21 qui veut réguler l'activité des influenceurs sur les réseaux sociaux.
00:24 On en a beaucoup parlé.
00:25 On a moins parlé du volet chirurgie esthétique de cette proposition de loi, qui veut interdire
00:30 notamment la pub pour la chirurgie, mais aussi pour la simple médecine esthétique, les injections.
00:36 Vous, vous avez longuement enquêté sur ces pratiques pour votre livre.
00:39 Est-ce qu'à l'issue de votre enquête, vous vous êtes dit qu'il y a vraiment urgence à réguler ?
00:43 Oui, c'était nécessaire parce que ça faisait des années, depuis 2017 à peu près,
00:48 qu'il y avait de la publicité constante, un matraquage de la part notamment de certains influenceurs.
00:53 Et oui, cette proposition de loi était nécessaire.
00:57 Un matraquage et une demande de plus en plus forte chez des gens de plus en plus jeunes.
01:01 Tout à fait. C'est vrai que dans nos consultations,
01:03 on a remarqué que les patients étaient de plus en plus jeunes.
01:05 Quel âge ?
01:06 Entre 18 et 25 ans, tout souvent.
01:08 Et des demandes qui paraissent souvent bien impulsives.
01:11 Par exemple ? Racontez-nous des histoires.
01:13 J'en discutais avec Ariane juste avant d'entrer dans le plateau.
01:16 J'ai une patiente qui est venue à ma consultation la semaine dernière
01:18 pour me dire qu'elle souhaitait affiner sa taille alors qu'elle avait déjà une taille très fine,
01:23 qu'elle avait une silhouette très, très, très jolie.
01:25 Ça, c'est très intéressant Ariane, et c'est ce qu'on lit dans votre livre.
01:27 C'est qu'on est de plus en plus dans la chirurgie d'anticipation.
01:30 Pas de réparation, il n'y a aucun problème. On anticipe.
01:33 C'est ça. En fait, oui, le gros basculement, c'est qu'aujourd'hui,
01:37 il y a plus de jeunes que des patients qui étaient patientels historiques
01:39 des cabinets de chirurgie esthétique qui vont dans les cabinets.
01:42 On ne pousse plus la porte d'un cabinet de chirurgie esthétique
01:44 pour gommer des signes de vieillesse, mais pour les anticiper.
01:47 Donc, on a rencontré des jeunes filles qui vont, par exemple, faire du Botox préventif.
01:51 Donc, elles vont se faire injecter du Botox qui va figer le muscle
01:54 avant même que les rides arrivent pour éviter qu'elle se développe trop vite.
01:57 Filles ou garçons d'ailleurs ?
01:58 Plus de filles, mais c'est vrai que la demande masculine commence à se ressentir aussi en consommateur.
02:02 Qu'est-ce qu'ils demandent ?
02:03 Souvent des injections, ça peut être du Botox pour paraître également un petit peu moins fatigué
02:08 ou retardé à l'apparition du vieillissement et beaucoup de graves capillaires.
02:11 Parce qu'on se dit, quand on voit les ravages de la chirurgie esthétique chez les plus jeunes,
02:15 on plaint ces personnes, mais on se dit que derrière, il y a un chirurgien qui a accepté de faire le geste.
02:20 Vous vous dites non ?
02:21 Oui, ça m'arrive fréquemment de dire non.
02:23 On a un principe phare en chirurgie qui est d'abord de ne pas nuire et en médecine également.
02:27 Donc, nous, avant d'envisager un geste de médecine ou de chirurgie,
02:29 il faut toujours envisager la balance entre les bénéfices et les risques.
02:32 Et qu'est-ce que vous dites alors ? Vous dites "attendez, c'est trop risqué".
02:35 Soit j'explique avec des pincettes et en essayant d'être le plus pédagogique possible
02:40 que la demande n'est pas forcément justifiée et que le résultat risque d'être moins bon
02:45 que l'attente de la patiente, voire même d'altérer un petit peu le physique actuel.
02:49 On va regarder une photo parce qu'en fait, toutes les filles veulent ressembler à celle que l'on connaît tous,
02:53 à Kim Kardashian.
02:54 Évidemment, c'est entre guillemets le modèle.
02:59 Et donc, en termes d'actes, c'est quoi l'acte le plus demandé Ariane ?
03:02 Pour les jeunes, il y en a trois.
03:03 Il y a la rhinoplastie, l'opération du nez, la liposuction et l'augmentation mammaire.
03:08 Et donc oui, le corps de Kim Kardashian est un corps très codifié qui ne peut être atteint qu'avec,
03:12 qu'en passant sous le bistouri parce que c'est un corps avec une taille très fine,
03:18 mais un fessier volumineux et une poitrine aussi bombée.
03:20 Il y a des mineurs ?
03:22 Oui, il y a aussi des mineurs qui poussent la porte des cabinets.
03:25 Alors certains refusent d'euthnon, mais oui, de plus en plus.
03:27 Parce qu'il faut l'autorisation des parents quand même, non, à un moment ?
03:29 Oui, il faut l'autorisation des parents avant.
03:31 Vous avez vu, vous, dans votre cabinet, débarquer des ados avec leur mère ou leur père ?
03:36 Alors c'est rare, heureusement.
03:38 On en voit, mais pour des chirurgies qui sont quand même plutôt raisonnables
03:42 et on discute toujours avec plusieurs consultations, les parents, la patiente en question.
03:47 Effectivement, c'est une décision qu'il faut réfléchir.
03:49 Tu as le bac, je t'offre des seins.
03:50 C'est ce qu'on lit dans votre livre.
03:51 C'est ça, oui.
03:52 De la part des parents.
03:52 Oui, c'est devenu un cadeau.
03:54 Le corps est devenu un produit.
03:55 C'est un vrai problème de santé publique et les jeunes ont parfois envie de le modifier à l'envie,
04:00 sans trop de retenue.
04:02 Donc, oui, vas-y Lisa.
04:03 Il y a des patients qui viennent vous voir avec un modèle, une photo ?
04:06 C'est ultra fréquent, effectivement.
04:08 Elles viennent souvent avec des photos d'influenceuses ou d'influenceurs
04:11 pour essayer d'avoir le même rendu, sachant que leurs photos sont souvent retouchées,
04:15 elles utilisent des filtres, donc il y a une déformation complète de la réalité.
04:18 Et en fait, les standards de beauté sont complètement redéfinis
04:21 pour tendre vers des standards qui sont irréalisables, en fait.
04:23 Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe ?
04:24 Parce que c'est une génération qui dit qu'il faut être body positive, très inclusif,
04:28 accepter son corps et en même temps, ils veulent tous ressembler à un modèle.
04:31 Effectivement, vous avez raison.
04:32 Et il y a des modes en plus, c'est-à-dire qu'à un moment, c'était la mode
04:36 de faire des injections dans les fesses, c'est comme ça qu'on disait.
04:39 Là, la dernière mode, c'est quoi, celle qui vous a surprise ?
04:42 C'est vrai que ce que vous appelez les injections dans les fesses,
04:45 le lifting brésilien, ça a été popularisé justement par Kim Kardashian.
04:49 Là, ce qu'on voit, et c'est une chirurgie qui est en constante augmentation,
04:52 c'est l'augmentation de la marge par prothèse
04:54 qui est réclamée par des patients qui sont de plus en plus jeunes.
04:57 Moi, j'ai une question, docteur, parce que des patients de plus en plus jeunes,
05:01 on n'a pas de recul sur ce que vont devenir ces chirurgies.
05:05 Est-ce qu'on est enfermé du coup dans un spirale,
05:08 j'allais dire, de reconstruction permanent ?
05:11 On ne peut plus arrêter une fois qu'on a commencé ?
05:14 Ou est-ce qu'on peut arrêter ?
05:16 Et revenir en arrière ?
05:18 Les chirurgies qu'on pratique, ce sont des chirurgies qu'on pratique
05:20 depuis des dizaines d'années et on a un recul suffisamment long
05:23 sur même les implants qu'on va mettre, qui sont des implants de bonne qualité
05:26 et qui durent de nombreuses années.
05:27 Mais effectivement, lorsqu'on pose des prothèses mammaires,
05:29 on le sait qu'une patiente de 20 ans, elle devra forcément les changer,
05:32 se faire réopérer une à deux fois durant sa vie.
05:34 Mais je pense à la bouche, par exemple.
05:35 Alors la bouche, on injecte de l'acide hyaluronique, effectivement.
05:37 On a parfois des demandes assez extravagantes
05:39 pour ressembler justement aux personnes vues sur les réseaux sociaux.
05:42 Et lorsque vous tombez sur un médecin qui n'est pas forcément scrupuleux
05:45 ou qui décide quand même de l'injecter, effectivement,
05:48 pendant six mois, neuf mois, le temps que l'injection dure,
05:50 ça peut être effectivement terrible.
05:52 Vous parliez d'un médecin un peu scrupuleux.
05:53 Les dérives, elles sont aussi dans le fait qu'on a découvert
05:57 que beaucoup s'improvisaient médecins esthétiques sur les réseaux sociaux
06:01 avec des injections, pas forcément des opérations lourdes,
06:04 mais des injections faites par n'importe qui.
06:06 C'est ça. On les appelle les injectrices illégales.
06:08 Et ça fait maintenant quasiment deux ans que le phénomène explose.
06:12 Donc c'est des femmes, des femmes quasiment,
06:14 qui n'ont aucun diplôme de médecine et qui ont des comptes Instagram
06:18 sur lesquels elles montrent une carte postale avec des photos d'avant-après.
06:21 Et on a essayé avec ma collègue de voir un peu à quoi ça ressemblait.
06:24 On a poussé la porte de sa cabine éco-landestin
06:26 et on s'est retrouvés dans des appartements complètement lugubres.
06:29 Et on était censés se faire opérer là.
06:30 La table était au pied du lit, entre la cuisine et la salle à manger,
06:34 et dans des conditions évidemment sanitaires déplorables.
06:36 Mais j'ai découvert en lisant votre livre que par exemple,
06:38 l'acide hyaluronique, c'est en vente libre à la pharmacie.
06:40 Tout le monde peut aller en acheter.
06:41 Est-ce qu'il y a ça aussi qu'il faut réguler ?
06:43 C'est ce que là, on a publié dans Le Parisien, une tribune.
06:46 Il y a 200 praticiens qui l'ont signé et qui demandent, oui,
06:50 que l'acide hyaluronique ne soit plus vendu en libre-service.
06:54 Mais les influenceurs, on ne peut pas beaucoup les réguler.
06:56 Là, en tout cas, c'est ce qu'ils espèrent à l'Assemblée nationale.
06:58 Ils essayent et nous verrons.
07:00 Bon, il faut dire aux enfants et à nos adolescentes de ne pas se laisser influencer.
07:04 Mais ce n'est pas tous les jours facile, vous le savez bien.
07:05 On va s'y prendre assez aimé aussi.
07:06 Pas facile, pas facile.
07:08 Merci beaucoup.
07:09 Merci à vous les deux.

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